FACTORISATIONS POLYNOMIALES ÉLÉMENTAIRES CHRISTIAN AEBI C’est en donnant un cours privé de math à une élève terminant sa scolarité obligatoire, que mon regard a croisé l’exercice de factorisation du polynôme x16 − 16 dans Z[x]. En feuilletant les anciens manuels de math [1] j’ai découvert qu’il figurait à l’exercice 202 du chapitre II, où l’on trouve également 4x4 + 16y 4 à l’ex. 217 qui est du même type. Etonnement, le corrigé manuscrit et complet de l’ouvrage indique comme factorisations respectivement, (x8 +4)(−4+x8 ) et 4(x4 +4y 4 ), chacune étant très incomplète. L’intention de cette note est d’offrir à la fois un éclairage historique et quelques outils théoriques pour la factorisation de polynômes que l’on peut rencontrer au collège et au gymnase. Un peu d’histoire Les erreurs commises ci-dessus ne sont pas totalement anodines, puisque même Leibniz [1646-1716] dans Specimem novum Analyseos pro Scientia infiniti circa Summas et Quadraturas (Acta Eruditorum de Leipzig 1702) prétendait que x4 +a4 ne peut être décomposé en un produit de polynômes à coefficients réels car, √ √ x4 + a4 = (x2 + a2 −1)(x2 − a2 −1) q q q q √ √ √ √ −1)(x − a −1)(x + a − −1)(x − a − −1) = (x + a et qu’aucune combinaison de ces quatre facteurs permet d’obtenir un produit de deux polynômes à coefficients réels. Erratum ! Quelques temps après dans les Acta Eruditorum de 1719, Nicolas Bernoulli [1687-1759] lui suggère d’additionner et de soustraire 2a2 x2 : √ x4 + a4 = (x4 + 2x2 a2 + a4 ) − 2x2 a2 = (x2 + a2 )2 − ( 2xa)2 √ √ = (x2 − 2xa + a2 )(x2 + 2xa + a2 ) Cependant, il est à relever que vers 1676, Isaac Newton avait déjà obtenu de tels résultats et même bien davantage [7] Une autre référence historique touchant à ce sujet figure dans l’échange épistolaire entre L. Euler [1707-1783] et C. Goldbach [1690-1764] où ce dernier observe que numerus 4x4 +1 in unico casu est primus, si x = 1. 1 La réponse d’Euler, lettre n0 54 d’août 1742 [5], ne se fait pas attendre : 1. Un nombre de la forme 4x4 + 1 est premier que si x = 1 1 2 CHRISTIAN AEBI Daß 4x4 + 1 niemals ein numerus primus sein könne, außer dem casu wenn x = 1, ist kein Wunder, weilen diese Formula generaliter in duos factores resolviert werden kann, denn es ist 4x4 + 1 = (2xx + 2x + 1)(2xx − 2x + 1) 2 Euler affectionne particulièrement cet exemple pour l’insérer dans le chapitre II de l’Introductio in analysin infinitorum [1748] afin d’illustrer la décomposition en éléments simples d’une fraction rationnelle dont le dénominateur sera justement 4x4 + 1. Un demi-siècle plus tard, Marie-Sophie Germain [1776-1831], connue pour ses travaux sur le théorème de Fermat et sa correspondance sous le pseudonyme de M. Le Blanc avec L. Lagrange et C. F. Gauss, note que x4 + 4y 4 admet comme facteurs x2 ± 2xy + 2y 2 . En mémoire de son travail, et plus spécifiquement de ses recherches en théorie des nombres, on dénomme aujourd’hui x4 + 4y 4 = (x2 + 2xy + 2x2 )(x2 − 2xy + 2x2 ) l’identité de Sophie Germain Rappel de quelques résultats classiques Théorème 1. Q[x] est un anneau euclidien. En d’autres termes, les polynômes à coefficients dans Q forment un groupe abélien additif, la multiplication y est bien définie est commutative et distributive sur l’addition. Les unités de l’anneau correspondent à Q∗ . À chaque polynôme (non nul) P (x) on associe un entier positif, son degré, noté deg(P (x)). La division euclidienne est bien définie : si A(x) et B(x) appartiennent à Q[x] alors il existe des polynômes Q(x) (quotient) et R(x) (reste) dans Q[x] tels que A(x) = Q(x)·B(x)+R(x) avec deg(A(x)) < deg(R(x)). Par convention deg(0) = −∞ (le degré du polynôme nul est −∞). Un polynôme est dit irréductible s’il ne peut s’écrire sous la forme d’un produit de polynômes de degré inférieur au sien. De cela l’on déduit que tout polynôme de degré > 0 se décompose de manière unique en un produit de polynômes irréductibles, évidemment à la mise en évidence d’une unité près et à l’ordre près. Un corollaire immédiat est celui qui établit en lien entre l’existence de racines et la réductibilité : Corollaire 1. Une valeur a ∈ Q est une racine de P (x) si et seulement si P (x) se factorise par x − a, en d’autres termes : P (a) = 0 ⇔ P (x) = (x − a) · Q(x) avec Q(x) ∈ Q[x] La négation de ce corollaire dit que s’il n’y pas de zéro rationnel alors il n’y pas de factorisation ’simple’ (par un facteur unitaire 3 ∈ Q[x] de deg = 1) et réciproquement. À ne pas confondre évidemment avec s’il n’y pas de racine alors il n’y a pas de factorisation ! Juger de la réductibilité de x6 + 8 est relativement facile, puisque x6 + 8 = (x2 )3 + 23 = (x + 2)(x4 − 2x2 + 4). Cependant, prouver que le deuxième facteur, D(x) := x4 − 2x2 + 4, 2 2. Que 4x4 + 1 ne puisse jamais être un nombre premier à l’exception du cas x = 1 n’est d’aucune surprise, puisque cette formule peut être résolue [factorisée] en deux facteurs, à savoir 4x4 + 1 = (2xx + 2x + 1)(2xx − 2x + 1). 3. Un polynôme de degré n est dit unitaire si son coefficient dominant, an = 1. FACTORISATIONS POLYNOMIALES ÉLÉMENTAIRES 3 est irréductible l’est un peu moins et sera abordé dans les sections suivantes. En revanche, il existe heureusement un critère élémentaire qui permet de repérer aisément les zéros entiers d’un polynôme, puis grâce au corollaire précédent, de le factoriser. Lemme 1. Si P (x) = xn + an−1 xn−1 + . . . + a1 x + a0 ∈ Z[x] et P (b) = 0 avec b ∈ Z alors b|a0 . En d’autres termes, si un polynôme admet des racines entières alors ces dernières sont forcément des diviseurs du coefficient constant du polynôme en question. Grâce à ce lemme, dont la démonstration est aisée, on voit que le polynôme P (x) = x4 − x3 − 2 ne peut avoir comme zéros entiers que ±1 et ±2. Comme -1 est l’unique racine entière on obtient par division polynomiale, P (x) = (x + 1)(x3 − 2x2 + 2x − 2). Par ailleurs si le deuxième facteur pouvait se factoriser alors il admettrait un zéro entier. Or ceci n’est pas le cas. Donc l’écriture précédente est la forme entièrement factorisée dans Z[x]. Ce dernier raisonnement n’est valable que pour des polynômes de degré 2 ou 3 est nullement généralisable à des degrés supérieurs. En bref, on a le Critère élémentaire Dans Z[x] un polynôme unitaire de degré 2 ou 3 est factorisable ⇔ il s’annule pour un diviseur de son terme constant. C.F. Gauss & F. Eisenstein Carl Friedrich Gauss [1777-1855] sera l’un des premiers à dégager une propriété spécifique de l’anneau polynômial Z[x] par rapport à Q[x], à savoir : Lemme 2 (de Gauss). Si P (x) ∈ Z[x] est irréductible alors il l’est aussi dans Q[x] La preuve de Gauss figure au §43 de son célèbre ouvrage, Disquisitiones Arithmeticae [6] de 1801 dont la traduction française paraîtra en 1807. L’approche classique aujourd’hui consiste à démontrer d’abord que le produit de deux polynômes primitifs (c’est-à-dire dont les coefficients sont premiers entre eux au sens large) est encore un polynôme primitif. De ce résultat il n’est pas difficile d’obtenir celui de Gauss. Enfin, une conséquence importante qui en découle est que Z[x] est factoriel. Le lemme de Gauss ne donne aucune information sur l’irréductibilité d’un polynôme. Il nous garantit simplement que l’on ne gagne rien en le plongeant dans Q[x]. En revanche en 1850, Ferdinand Eisenstein [1823-1852] découvre un véritable critère d’irréductibilité : Théorème 2 (Critère d’Eisenstein). Si P (x) = xn + an−1 xn−1 + . . . + a1 x + a0 ∈ Z[x] et p est un nombre premier qui divise tous les ai , et p2 ne divise pas a0 alors P (x) est irréductible sur Z[x]. La preuve, qui figure dans tous les ouvrages classiques d’Algèbre, se fait par l’absurde et exploite d’entrée le lemme de Gauss. L’application du critère permet de jusitifier parfois instantanément l’irréductibilité de certains polynômes. Par exemple en prenant p = 5 pour P (x) = x3 − 15x + 10 ou p = 2 pour P (x) = x4 − 2. D’autres fois un changement de variable s’impose comme pour P (x) = x4 + x3 + x2 + x + 1. Posons x = y + 1 pour obtenir P (y) = y 4 + 5y 3 + 10y 2 + 10y + 5 qui est irréductible selon Eisenstein en prenant p = 5, donc P (x) l’est aussi. Ce dernier exemple est un cas particulier de polynômes cyclotomiques pour lesquels la méthode précédente (changement de variable et critère d’Eisenstein) permet de prouver leur irréductibilité. 4 CHRISTIAN AEBI Remarque 1. Le critère ci-dessus ne permet pas de juger de l’irréductibililté de tous les polynômes. En effet, reconsidérons l’exemple de la section précédente D(x) = x4 −2x2 +4, et effectuons le changement de variable D(x + n) = x4 + 4nx3 + (6n2 − 2)x2 + (4n3 − 4n)x + (n4 − 2n2 + 4). Si p = 2, pour que le dernier terme soit pair, n doit être pair, mais alors ce dernier serait divisible par 22 . Sinon, si p est un premier impair, alors p|4n, le pénultième terme, implique p|n. Ceci est impossible car alors p diviserait n4 − 2n2 + 4. Donc, quel que soit le changement de variable n, il n’existe pas de p permettant de prouver l’irréductibilité de D. Stratégie de factorisation élémentaire Définition 1. Soit P ∈ Q[x]. On dit que P admet une décomposition non triviale sous la forme d’une différence de deux carrés s’il existe A et B ∈ Q[x] tels que P = A2 − B 2 et que A ± B 6∈ Q. Lemme 3 (Critére de réductibilité). Un polynôme P ∈ Q[x] est réductible ⇔ P admet une écriture non triviale sous la forme d’une différence de deux carrés. Démonstration. Supposons que P = M · N où M et N appartiennent à Q[x] et sont de degré ≥ 1. Si M ± N 6= u où u ∈ Q alors poser A = M −N et B = M +N et P = A2 − B 2 est 2 2 une décomposition non triviale de P . Sinon, si M −N = 2u alors P = M ·N = N 2 +2N u = (N + u)2 − u2 et si M + N = 2u alors P = M · N = (−1)(N 2 − 2N u) = (u2 − (N − u)2 ) qui sont toutes les deux des décompositions non triviales. La réciproque est évidente. Le lemme ci-dessus est à la base de la factorisation de Fermat pour les entiers naturels, méthode particulièrement efficace, d’où son importance en arithmétique. S’interroger sur la possibilité de pouvoir écrire sous la forme d’une différence de deux carrés permet très souvent d’arriver à une solution, dans le cas où le polynôme est réductible. Applications a) Utilisation scolaire standard : P (x) = x2 − 6x − 7 = (x − 3)2 − 42 = (x − 7)(x + 1) que l’on dénomme généralement par la complétion du carré. b) Utilisations moins standard : 1) n4 + 4 = (n2 + 2)2 − (2n)2 = (n2 − 2n + 2)(n2 + 2n + 2). 2) n4 + 2n3 + 2n2 + 2n + 1 = (n2 + n + 1)2 − n2 = (n2 + 1)(n + 1)2 3) n4 + n2 + 1 = (n2 + 1)2 − n2 = (n2 − n + 1)(n2 + n + 1) La dernière identité permet d’obtenir relativement facilement une factorisation de 810901 sachant que 810901 = 304 + 302 + 1. c) Selon Euler, Rafael Bombelli [1526-1572] prend appui sur cette approche pour résoudre une équation du quatrième degré [3, Elémens d’Algèbre, §766 p.655-658] il pose : 0 = x4 + ax3 + bx2 + cx + d = (x2 + 21 ax + p)2 − (qx + r)2 dont il déduit un système de 3 équations et 3 inconnues (p, q et r). Après suppression des inconnues q et r, il obtient l’équation de degré trois : 8p3 + 4bp2 + (2ac − 8)p − a2 d + 4bd − c2 = 0 qu’il lui faut encore résoudre pour conclure. d) Dans un article publié en 1934 [8], Louis Weisner illustre un critère d’irréductibilité sur P (x) = x6 −2x4 +x3 +x2 −x−3. Or, avec un avec un regard un peu attentif, l’on voit FACTORISATIONS POLYNOMIALES ÉLÉMENTAIRES 5 √ que P n’est autre que (x3 −x+1/2)2 −( 13/2)2 ∈ R[x] et donc en utilisant la formule de Cardano l’on pourrait identifier d’autres zéros et poursuivre la factorisation dans R[x], voire dans C[x]. Factorisations particulières Tout polynôme P du 4e degré de la forme x4 + a3 x3 + a2 x2 + a1 x + a0 ∈ Q[x] peut être transformé en x4 + b2 x2 + b1 x + b0 en substituant x par x − a43 . Par ailleurs, il existe un plus petit entier q pour lequel q 4 · P ( xq − a43 ), transforme P en un polynôme Q(x) = x4 + ax2 + bx + c ∈ Z[x]. P et Q vérifient les mêmes propriétés essentielles (réductibilité, écriture sous la forme de sommes de carrés, nombre et nature des racines,...). Si c est impair ou a ≡ b ≡ c ≡ 0 (mod 2) alors on appellera Q le polynôme standardisé de P . Sinon, on l’obtient en effectuant le changement de variable x 7→ x/2 puis en multipliant le tout par 24 . Proposition 1 (Factorisation très particulière). Tout polynôme réductible de la forme P (x) = x4 + ax2 + c ∈ Z[x] ne peut admettre que deux types de factorisations : cas 1. P (x) = (x2 − k)(x2 − l) où k et l appartiennent à Z soit cas 2. P (x) = (x2 − mx + n)(x2 + mx + n) où m et n ∈ Z Dans le premier cas, il suffit de "compléter le carré" (le dernier terme) pour obtenir la factorisation, et dans le deuxième c = n2 et donc m se déduit aisément (en complétant le 2e terme pour obtenir un carré) Démonstration. Deux cas : soit P admet un zéro k ∈ Z alors −k est aussi un zéro. D’où P (x) = (x2 − k 2 )Q(x) et Q doit forcément être de la forme (x2 − l) d’où le cas 1. Sinon, comme P est réductible, il s’écrit alors sous la forme (x2 −f x+g)(x2 +f x+h) = x4 +ax2 +c. D’où : g + h − f2 = a fg = fh gh =c Si f 6= 0 alors g = h et l’on se retrouve dans le cas 2. Si f = 0 alors P (x) = (x2 + g)(x2 + h) et on est dans le cas 1. Exemples d’utilisations. 1) Pour D(x) = x4 − 2x2 + 4 = (x2 − 1)2 + 3 = (x2 + 2)2 − 6x2 alors aucune des deux méthodes de complétion du carré permet la factorisation, d’où D est irréductible. 2) Autre exemple pris dans la correspondance Euler, Goldbach [5, lettre 57], si P (x) = x4 − 4x3 + 2x2 + 4x + 4, considérons sa forme standardisée Q(x) = x4 − 4x2 + 7 = (x2 −2)2 +3 pour en déduire son irréductibilité. En passant, l’on pouvait aussi regarder le polynôme de départ sous la forme (x2 − 2x − 1)2 + 3 pour conclure, sans autre. Remarque 2. La proposition précédente est aussi valable dans Fp [x], l’anneau des polynômes à coefficient dans un corps fini. Proposition 2 (Factorisation générale). Tout polynôme standardisé réductible de la forme P (x) = x4 + ax2 + bx + c, admettant soit aucun, soit plusieurs zéros entiers (comptés avec multiplicité), peut s’écrire sous la forme P (x) = (x2 + k)2 − (lx + m)2 . D’où a) k 2 − m2 = c ⇔ k 2 = c + m2 6 CHRISTIAN AEBI b) 2k − l2 = a ⇔ 2k − a = l2 c) −2lm = b Démonstration. De la même manière que précédemment, comme P est réductible et qu’il n’admet pas de facteur simple unique appartenant à Z[x] alors forcément P (x) = (x2 + f x+g)(x2 −f x+h). De plus, puisque P est standardisé un petit calcul permet de montrer que g ≡ h (mod 2). Donc si l’on pose k = (h + g)/2, m = (h − g)/2 et f = −l alors on a bien : x4 + ax2 + bx + c = (x2 + f x + g)(x2 − f x + h) = (x2 + k)2 − (lx + m)2 Implications De a) on déduit que si c ≡ 2 (mod 4) alors P est irréductible. Sinon, l’ensemble des décompositions sous la forme d’une somme de deux carrés s’obtient en écrivant c = pq où p ≡ q (mod 2), et en posant : k = ± p+q et m = ± p−q ou l’inverse. 2 2 Pour chaque décomposition l’on vérifie d’abord le point b) (si 2k − a est un carré). Si ce n’est pas le cas, on teste la décomposition suivante ; s’il n’y en a plus alors P est irréductible ; sinon on teste le point c) ; si c’est systématiquement faux l’on en déduit à nouveau que P est irréductible. Exemples extraits des Elémens d’algèbre [3] Il est amusant de constater que tous les polynômes du 4e degré étudiés par Euler dans [3] entre les §758 et §781 peuvent être factorisés soit directement, en les écrivant sous la forme d’une différence de deux carrés, soit en effectuant une étape intermédiaire, en les mettant sous forme standardisée, puis en appliquant la Proposition 2. Ci-dessous nous traîtons deux exemples l’un réductible, l’autre non. 1) [3, §781] si P (x) = x4 − 8x3 + 14x2 + 4x − 8, la forme standardisée est Q(x) = x4 − 10x2 − 4x + 8. De 8 = k 2 − m2 l’on obtient k = ±3 et m = ±1. D’où 2 · ±3 − (−10) = 22 ou 42 = l2 . Mais −2 · 4· 6= 4 D’où k = −3, l = 2 et m = 1 et Q(x) = (x2 − 3)2 − (2x − 1)2 se factorise aisément. 2) Et enfin, [3, §757] (qui en passant, contient une erreur concernant la règle des signes de Descartes) Si P (x) = x4 − 3x3 + 12x2 − 162x + 72, alors sous forme standardisée Q(x) = x4 + 138x2 − 9432x − 11187. Remarquons d’abord que Q n’admet aucun zéro dans Z7 et par conséquent Q n’admet pas de zéro simple dans Z. Par ailleurs, 9432 = 23 32 131. Regardons donc Q dans Z131 afin d’employer la Proposition 1 sur R(x) = x4 + 7x2 − 52 Commençons par écrire R sous forme ’standardisée : S(x) = x4 + 28x2 − 46 (dans Z131 [x]) Les seules factorisations possibles sont (x2 + 14)2 + 20 mais −20 n’est pas un carré dans Z131 . De même, −46 n’est pas un carré dans Z131 et donc P est forcément irréductible. Exercice 1. Factoriser les polynômes ci-dessous qui figurent dans [3] : §762 : x4 − 4x3 − 3x2 − 4x + 1 §764 : x4 − 6x3 − 24x + 16 §769 : x4 − 10x3 + 35x2 − 50x + 24 §771 : x4 − 16x − 12 §772 : x4 − 6x3 + 12x2 − 12x + 4 §778 : x4 − 25x2 − 60x − 36 Adaptation de E228 [4] aux polynômes Définition 2. Dans Q[x] si P = A2 +B 2 = C 2 +D2 avec deg A ≥ deg B et deg C ≥ deg D on dit que P s’écrit sous la forme d’une somme de deux carrés deux manières distinctes si FACTORISATIONS POLYNOMIALES ÉLÉMENTAIRES 7 (A2 − C 2 )(A2 − D2 ) 6= 0. En revanche, si P = (±A)2 + (±B)2 et qu’il n’y a pas d’autres écritures possibles, alors on dit qu’elle est unique. Proposition 3 (Critère de réductiblité). Dans Z[x], si un polynôme unitaire admet deux écritures distinctes sous forme de sommes de deux carrés alors il est réductible. Démonstration. Supposons que P = A2 + B 2 = C 2 + D2 où A, B, C et D appartiennent à Q[x]. Comme P est unitaire on peut supposer que deg(A) > deg(B), deg(C) > deg(D) et que les coefficients dominants sont tous > 0. Par hypothèse les produits (A − C)(A + C) = (D − B)(D + B) sont non nuls. D’autre part, si (A, B) 6= 1 ou (C, D) 6= 1 alors il est aisé de trouver une décomposition. Dans le cas contraire écrivons l’égalité précédente sous la forme : A−C D+B U = = où (U, V ) = 1 D−B A+C V et posons : A − C = U · M , D − B = V · M , D + B = U · N , A + C = V · N où M et N sont des polynômes dans Z[x]. Comme deg(A + C) > deg(D + B) alors deg(U 2 + V 2 ) ≥ 2. De même, comme deg(A + C) > deg(D − B) alors deg(M 2 + N 2 ) ≥ 2. L’on déduit alors que V N + UM V N − UM UN + V M UN − V M A= C= D= B= 2 2 2 2 D’où l’on obtient après substitution et quelques calculs : 8P = 4(A2 + B 2 + C 2 + D2 ) = V 2 N 2 + U 2 M 2 + U 2 N 2 + V 2 M 2 = (U 2 + V 2 )(M 2 + N 2 ) Ainsi P se décompose de manière non triviale dans Q[x] et donc par le lemme de Gauss, aussi dans Z[x]. Application. x4 + 4 = (x2 )2 + 22 = (x2 − 2)2 + (2x)2 est donc réductible. Bien d’autres résultats peuvent se généraliser de Z à Z[x] : Lemme 4. Dans Z[x] le produit de deux polynômes qui sont sommes de deux carrés est encore une somme de deux carrés, car si P = A2 + B 2 et Q = C 2 + D2 alors P · Q = (AC ∓ BD)2 + (AD ± BC)2 . Remarque 3. Par ailleurs, si ABCD 6= 0, A 6= ±C et A 6= ±D alors l’on peut montrer, comme avec les entiers naturels, que les deux écritures (sous forme de sommes de deux carrés) sont distinctes. Lemme 5. Dans Z[x] si un polynôme irréductible P qui s’écrit sous la forme d’une somme de deux carrés, P = A2 +B 2 , divise une somme de deux carrés, M 2 +N 2 , alors le quotient est encore une somme de deux carrés. Démonstration. En effet, P · (M 2 + N 2 ) = (A2 + B 2 )(M 2 + N 2 ) = (AM ∓ BN )2 + (AN ± BM )2 . Si AM + BN et AM − BN ne sont ni l’un ni l’autre divisible par P alors comme P est irréductible, leur produit ne l’est pas non plus. Or, il n’en est rien car : (AM + BN ) · (AM − BN ) = A2 M 2 − B 2 N 2 = A2 M 2 + A2 N 2 − (A2 N 2 + B 2 N 2 ) = A2 (M 2 + N 2 ) − (A2 + B 2 )N 2 8 CHRISTIAN AEBI Donc l’un des termes de la somme est divisible par P donc l’autre terme aussi (puisque P divise le membre de gauche). Par ailleurs, étant au carré ils sont donc divisibles par P 2. Théorème 3. Dans Z[x] si P = A2 + B 2 où (A, B) = 1 alors tout diviseur de P s’écrit aussi sous la forme d’une somme de deux carrés. Démonstration. Sinon, considérons le polynôme P = A2 + B 2 avec (A, B) = 1 de plus petit degré qui ne vérifierait pas la conclusion. Chaque facteur irréductible de P ne peut pas s’écrire sous la forme d’une somme de deux carrés, par minimalité de P et il doit en exister au moins deux, que nous appellerons S et T . Par division euclidienne on a : A = M S + C et B = N S + D où deg(C) < deg(S) et deg(D) < deg(S). En substituant on obtient : P = A2 + B 2 = (M S + C)2 + (N S + D)2 = S · (. . .) + C 2 + D2 Donc S|C 2 + D2 . Par minimalité de A2 + B 2 l’on en déduit que M = N = 0 et donc deg(A) < deg(S) de même deg(B) < deg(S). Le raisonnement précédent est aussi valable en remplaçant S par T . Mais alors deg(P ) = 2 · max (deg(A), deg(B)) < deg(S) + deg(T ) ce qui est absurde. Corollaire 2 (Critère d’irréductibilité). Si un polynôme P ∈ Z[x] s’écrit d’une manière unique sous la forme d’une somme de deux carrés premiers entre eux alors P est irréductible. Démonstration. Si P = M N avec (M, N ) = 1 alors par le théorème précédent chacun s’écrit sous la forme d’une somme de deux carrés et par la remarque du lemme 4, il y aurait au moins deux écritures non triviales. Application. Exemple pris chez Euler [2, E170] P (x) = x4 + 2x3 + 4x2 + 2x + 1 est irréductible puisque P (x) s’écrit (x2 + x + 1)2 + x2 et que cette écriture sous la forme d’une somme de deux carrés est unique. Une autre approche consiste à écrire P sous forme standardisée pour obtenir x4 + 10x2 − 8x + 13. Comme 13 ne peut s’écrire autrement que sous la forme (±2)2 + (±3)2 , au bout de quatre tentatives on obtient comme unique solution possible (x2 + 3)2 + (2x − 2)2 . Corollaire 3. Si P ∈ Z[x] admet une écriture sous la forme d’une somme de deux carrés de fractions rationnelles ∈ Z(x), c’est-à-dire si A2 B 2 + C 2 D2 où A, B, C et D sont dans Z[x] avec (A, B) = 1 alors P = M 2 + N 2 , où M et N ∈ Z[x]. (1) P = Démonstration. Posons E := C · D ÷ (C, D) un plus petit multiple commun de C et D. 2 2 D’où E 2 P = (AE) + (BE) est une somme de deux carrés premiers entre eux appartenant C2 D2 à Z[x]. Par le théorème 3, tout facteur du membre de gauche est alors la somme de deux carrés de Z[x] et en particulier concernant P . FACTORISATIONS POLYNOMIALES ÉLÉMENTAIRES 9 Si l’on considère (1) comme une égalité de fonctions rationnelles sur C alors les pôles de chacun des termes doivent être identiques. De surcroît, l’ordre de ces derniers doivent aussi être pareils. Ainsi donc C(z) et D(z) sont les mêmes à une constante multiplicative près. Le corollaire précédent est vrai même si C et D sont tous les deux de degré 0. En particulier nous avons alors montré : Corollaire 4. Si un polynôme P ∈ Z[x] admet une écriture sous la forme d’une somme de deux carrés ∈ Q[x] alors P peut s’écrire sous la forme d’une somme de deux carrés ∈ Z[x]. Références 1. Mathématiques 9 e S,L,M,GnA-NA, Département de l’instruction publique, Genève, 1995. 2. Leonhard Euler, Recherches sur les racines imaginaires des équations, Opera Omnia Serie I vol 6, E170, pp. 78 – 150. 3. 4. , Elémens d’Algèbre, I (1774), 1–704. , De numeris qui sunt aggregata duorum quadratorum, Opera Omnia Serie I vol II, E228 (1915), pp. 295 – 327. 5. Leonhard Euler und Christian Goldbach, Briefwechseln 1729-1764, Juskevic und Winter, AkademieVerlag, Berlin, 1965. 6. Carl Friedrich Gauss, Recherches arithmétiques, Editions Jacques Gabay, 1807, 1989. 7. Jean-Pierre Tignol, Galois’ theory of algebraic equations, Longman Scientific Technical, England, 1988. 8. Louis Weisner, Criteria for the irreducibility of polynomials, Bull. Amer. Math. Soc. Volume 40, Number 12 (1934), pp. 864 – 870.