4 CHRISTIAN AEBI
Remarque 1.Le critère ci-dessus ne permet pas de juger de l’irréductibililté de tous les
polynômes. En effet, reconsidérons l’exemple de la section précédente D(x) = x4−2x2+4,
et effectuons le changement de variable D(x+n) = x4+ 4nx3+ (6n2−2)x2+ (4n3−
4n)x+ (n4−2n2+ 4). Si p= 2, pour que le dernier terme soit pair, ndoit être pair, mais
alors ce dernier serait divisible par 22. Sinon, si pest un premier impair, alors p|4n, le
pénultième terme, implique p|n. Ceci est impossible car alors pdiviserait n4−2n2+ 4.
Donc, quel que soit le changement de variable n, il n’existe pas de ppermettant de prouver
l’irréductibilité de D.
Stratégie de factorisation élémentaire
Définition 1. Soit P∈Q[x]. On dit que Padmet une décomposition non triviale sous
la forme d’une différence de deux carrés s’il existe Aet B∈Q[x]tels que P=A2−B2
et que A±B6∈ Q.
Lemme 3 (Critére de réductibilité).Un polynôme P∈Q[x]est réductible ⇔Padmet
une écriture non triviale sous la forme d’une différence de deux carrés.
Démonstration. Supposons que P=M·Noù Met Nappartiennent à Q[x]et sont de
degré ≥1. Si M±N6=uoù u∈Qalors poser A=M−N
2et B=M+N
2et P=A2−B2est
une décomposition non triviale de P. Sinon, si M−N= 2ualors P=M·N=N2+2Nu =
(N+u)2−u2et si M+N= 2ualors P=M·N= (−1)(N2−2Nu) = (u2−(N−u)2)
qui sont toutes les deux des décompositions non triviales.
La réciproque est évidente.
Le lemme ci-dessus est à la base de la factorisation de Fermat pour les entiers naturels,
méthode particulièrement efficace, d’où son importance en arithmétique. S’interroger sur
la possibilité de pouvoir écrire sous la forme d’une différence de deux carrés permet très
souvent d’arriver à une solution, dans le cas où le polynôme est réductible.
Applications
a) Utilisation scolaire standard :
P(x) = x2−6x−7 = (x−3)2−42= (x−7)(x+ 1) que l’on dénomme généralement
par la complétion du carré.
b) Utilisations moins standard :
1) n4+ 4 = (n2+ 2)2−(2n)2= (n2−2n+ 2)(n2+ 2n+ 2).
2) n4+ 2n3+ 2n2+ 2n+ 1 = (n2+n+ 1)2−n2= (n2+ 1)(n+ 1)2
3) n4+n2+ 1 = (n2+ 1)2−n2= (n2−n+ 1)(n2+n+ 1)
La dernière identité permet d’obtenir relativement facilement une factorisation de
810901 sachant que 810901 = 304+ 302+ 1.
c) Selon Euler, Rafael Bombelli [1526-1572] prend appui sur cette approche pour ré-
soudre une équation du quatrième degré [3, Elémens d’Algèbre, §766 p.655-658] il
pose : 0 = x4+ax3+bx2+cx +d= (x2+1
2ax +p)2−(qx +r)2dont il déduit un
système de 3 équations et 3 inconnues (p, q et r). Après suppression des inconnues q
et r, il obtient l’équation de degré trois : 8p3+ 4bp2+ (2ac −8)p−a2d+ 4bd −c2= 0
qu’il lui faut encore résoudre pour conclure.
d) Dans un article publié en 1934 [8], Louis Weisner illustre un critère d’irréductibilité
sur P(x) = x6−2x4+x3+x2−x−3. Or, avec un avec un regard un peu attentif, l’on voit