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La Lettre du Cancérologue - volume VIII - n° 6 - décembre 1999
lors que l’année 1998 avait été marquée par un
consensus sur le bénéfice du traitement adju-
vant, même dans les formes de très bon pronos-
tic (1), l’année 1999 a plutôt révélé les limites de l’intensifica-
tion thérapeutique dans les formes les plus péjoratives de la
maladie. Ainsi, les indications de la chimiothérapie adjuvante
standard ont été encore augmentées, tandis que celles des chi-
miothérapies lourdes avec autogreffe risquent de marquer un
net ralentissement, particulièrement outre-Atlantique, où l’on
assistait à une inflation de cette pratique en dehors de tout
essai thérapeutique.
L’intérêt thérapeutique de stratégies innovantes, comme l’utili-
sation des anticorps monoclonaux, a été confirmé par l’aug-
mentation de la survie de patientes métastatiques traitées par le
trastuzumab. Cependant, l’intérêt de ce traitement semble
limité à la faible fraction de patientes surexprimant c-erb B-2.
Cette restriction s’accompagne donc d’un débat sur les
meilleures techniques de détermination de ce statut c-erb B-2.
De même, la valeur pronostique et surtout prédictive de la
réponse à une chimiothérapie ou une hormonothérapie de ce
facteur reste controversée.
La valeur pronostique de la réponse à une chimiothérapie
néoadjuvante a donné le rationnel pour l’évaluation des
taxanes dans plusieurs études de phase II en traitement préopé-
ratoire. L’augmentation des taux de réponses histologiques
observée doit être toutefois confirmée par de larges essais de
phase III. Au stade métastatique, l’association docétaxel-doxo-
rubicine a montré son efficacité en première ligne de chimio-
thérapie.
ÉPIDÉMIOLOGIE
Le traitement hormonal substitutif de la ménopause, en cours
au moment du diagnostic de cancer du sein aux stades I et II,
ne semble pas avoir d’effet délétère sur le pronostic de la
maladie (2). Pour certains, ces cancers présenteraient des
caractéristiques biologiques moins agressives que ceux surve-
nant chez des femmes ne prenant pas de traitement hormonal
substitutif, et le pronostic en serait même plus favorable (3).
Une conférence de synthèse des données cliniques sur l’hor-
monothérapie substitutive (HS) de la ménopause s’est tenue en
juin 1999 à Milan (4). Concernant la cancérologie, ses conclu-
sions sont que l’HS entraîne une légère augmentation du risque
de cancer du sein chez les patientes en cours de traitement,
croissant avec la durée du traitement. Cet effet disparaît après
5 ans d’arrêt de l’HS. Sur 1 000 femmes utilisant l’HS sur 10
ans, en commençant à l’âge de 50 ans, l’incidence des cancers
du sein serait de 51 cas, soit 6 de plus que les 45 normalement
attendus dans cette population. Les progestatifs ne semblent
pas diminuer le risque lié aux estrogènes alors que leur utilisa-
tion 12 jours par mois diminue de façon substantielle le risque
de cancer de l’endomètre. L’utilisation pendant quelques
années de l’HS ne semble pas entraîner une augmentation
significative des cas de cancers.
PRÉVENTION/DÉPISTAGE
L’intérêt du dépistage sur la survie du cancer du sein est de
nouveau validé. Une étude écossaise (5) confirme les résultats
des essais randomisés suédois et américains : le dépistage
diminue la mortalité due au cancer du sein avec une différence
de 13 % par rapport au groupe contrôle. Des résultats simi-
laires ont été obtenus par un essai anglais (6). Il n’existe pas de
différence en faveur d’un bénéfice moindre pour les patientes
de 45-46 ans. Les controverses sur le dépistage du cancer du
sein des femmes de 40 ans sont évoquées par Berry (7). Des
recommandations pour le dépistage des patientes de 40 ans ont
été publiées en se basant sur les risques (8).
Chez les femmes présentant un risque élevé de cancer du sein,
fondé sur l’histoire familiale, la mastectomie prophylactique
peut réduire de façon significative l’incidence du cancer du
sein (9). À la Mayo Clinic, 639 femmes ont eu une mastecto-
mie prophylactique : 214 ont été considérées à haut risque et
425 à risque modéré. Chez les patientes à haut risque (un can-
cer du sein ou plus dans la famille proche, âge jeune au dia-
gnostic, histoire familiale de cancer de l’ovaire, cancer du sein
chez l’homme), la réduction d’incidence de cancer du sein est
estimée à au moins 90 %. Chez les femmes porteuses de la
mutation BRCA1, l’ovariectomie bilatérale prophylactique est
associée à un risque moindre de cancer du sein, probablement
par réduction de l’imprégnation hormonale (10).
L’essai P1 du NSABP, qui étudie l’impact de la prise prophy-
lactique de tamoxifène sur l’incidence du cancer du sein chez
13 388 femmes à risque, a fait l’objet d’une publication sur la
qualité de vie des patientes. Les bouffées de chaleur sont nette-
ment augmentées ainsi que les troubles dans la sexualité des
femmes traitées comparées au groupe contrôle. En revanche,
les troubles dépressifs ou les prises de poids ne sont pas accrus
(11). Une analyse focalisée sur les 15 % environ de la popula-
tion qui avaient des antécédents d’hyperplasie atypique (HA)
* Institut Curie, Paris.
Actualités dans le cancer du sein en 1999
V. Diéras*, J.Y. Pierga*
A
CANCER DU SEIN
(9 %) ou de cancer lobulaire in situ (CLIS) (6 %) a été présen-
tée par Wickerham, à l’ASCO (12). Une réduction des taux de
cancers invasifs a été obtenue, mais sans différence pour les
non invasifs. Au total, le risque de développer un cancer avec
le recul actuel de l’étude est réduit de 66 % chez les femmes
avec des antécédents de CLIS et de 86 % pour celles avec des
antécédents d’HA.
Le traitement hormonal substitutif est de plus en plus discuté
après cancer du sein. L’équipe du MD Anderson a suivi une
cohorte de 319 patientes dont 39 ont reçu un traitement estro-
génique deux ans après le diagnostic (13). Le traitement hor-
monal substitutif ne semble pas augmenter le risque d’événe-
ments. Les auteurs concluent à la nécessité d’attendre les
résultats d’essais randomisés avant de recommander cette
approche. Ces essais randomisés sont difficiles à instituer en
France et un essai prospectif au sein de la Fédération Nationale
des Centres de Lutte contre le Cancer va débuter prochaine-
ment.
FACTEURS PRONOSTIQUES ET PRÉDICTIFS
Plusieurs publications soulignent l’intérêt d’un diagnostic pré-
coce du cancer du sein (14, 15). Dans une publication du
St Thomas Hospital, concernant 2 964 patientes, celles présen-
tant un symptôme depuis plus de trois mois avant la première
visite ont un cancer du sein à un stade plus avancé (32 % ver-
sus 10 %) et une moins bonne survie (survie à 10 ans : 52 %
versus 47 %, p = 0,003). Cependant, à stade égal, la survie
semble identique (16). Une autre publication apporte des résul-
tats contradictoires : un délai de trois mois n’est pas associé à
une diminution de la survie, mais il faut souligner que, dans
cette étude anglaise, ce délai était estimé entre la première
consultation de médecine générale et la consultation dans un
centre spécialisé (17).
La valeur pronostique des taux de protéases varie selon les
études. Ainsi, sur 1 245 cancers non métastatiques, un taux
élevé d’urokinase plasminogen activator (uPA), déterminé par
une technique biochimique quantitative, a une valeur péjora-
tive sur la survie en analyse multivariée (18). Un taux élevé
d’uPA ou de son inhibiteur de type 1 (PAI-1) dans le cytosol
de 892 tumeurs a également une valeur pronostique sur la sur-
vie selon un modèle de Cox (19). La cathepsine D a également
une valeur péjorative dans une étude sur 2 810 patientes (20).
En revanche, uPA, PAI-1 et cathepsine D n’interviennent pas
dans la prédiction de la survie après récidive locale chez
1 630 patientes ayant eu un traitement conservateur (21).
Dans une étude randomisée de chimiothérapie de cancers du
sein métastatiques (173 patientes), en analyse univariée, la
phase S, le grade et la protéine BAX sont les seuls facteurs
corrélés à la réponse. En analyse multivariée, la phase S pré-
sente la corrélation la plus forte, suivie par le grade et BAX.
Le temps jusqu’à progression et la survie peuvent être en par-
tie prédits par ces facteurs, mais la corrélation est plus faible
(22). La variation des marqueurs moléculaires a été étudiée
lors d’une chimiothérapie néoadjuvante chez 31 patientes (23).
Les patientes présentant une réponse à la chimiothérapie pré-
sentent une réduction de la prolifération plus importante que
celles ne répondant pas. Les tumeurs présentant une augmenta-
tion des récepteurs à la progestérone ont toutes répondu. Les
facteurs prédictifs de la réponse décrits par Colleoni sont une
p53 positive, un c-erb B-2 positif, un marqueur de la proliféra-
tion (Mib 1) élevé et des récepteurs à la progestérone négatifs
(24). Ceux décrits par Chang sont l’expression des récepteurs
aux estrogènes, l’absence de c-erb B-2 et une diminution du
Ki67 (Mib 1) à J10 ou J21 du premier cycle (25).
La détection de l’activité télomérase dans les ponctions cytolo-
giques de lésions mammaires serait un marqueur extrêmement
sensible et spécifique de malignité (26).
Une étude a montré la présence du génome EBV dans un cer-
tain nombre de cancers du sein. Le virus était présent unique-
ment dans les cellules tumorales et plus fréquemment associé
aux tumeurs les plus agressives. L’EBV peut être un cofacteur
dans le développement de certains cancers du sein (27).
L’association entre les altérations du gène p53 et le pronostic
des cancers du sein a été souvent étudiée, la plupart des inves-
tigateurs rapportant un pronostic plus sévère en cas de muta-
tions somatiques, avec, cependant, des résultats différents sui-
vant les études. Une méta-analyse fait le point des publications
(28) et la conclusion n’est pas définitive : l’étude de p53 doit
être poursuivie dans les grands essais.
De nombreuses interrogations persistent sur l’intérêt clinique
de la détermination du statut c-erb B-2 d’une tumeur mam-
maire. Plusieurs publications soulignent l’importance d’une
méthode fiable pour la détection de l’amplification et de la sur-
expression de c-erb B-2 (29, 30). Au niveau génique, la
méthode FISH et la RT-PCR semblent fiables et reproductibles
(29, 31, 32). Au niveau protéique, l’immunohistochimie est la
méthode la plus utilisée, et probablement la moins chère.
Cependant, il existe une variabilité dans les résultats entre les
différents anticorps utilisés et avec un même anticorps, et une
variabilité dans l’interprétation des résultats. Notamment, le
manque de spécificité du DAKO test, approuvé par la FDA,
entraîne une augmentation du taux des faux positifs (33).
Pour certains, la surexpression de c-erb B-2 serait un marqueur
indépendant de résistance à l’hormonothérapie dans les can-
cers du sein. Dans une publication de l’ICRF, 241 patientes
porteuses de tumeurs avancées ont été traitées lors de la pre-
mière rechute par TAM ; le taux de réponse objective et le
temps jusqu’à progression sont significativement moins bons
chez les patientes dont les tumeurs surexpriment c-erb B-2 par
rapport à celles dont les tumeurs ne surexpriment pas c-erb B-2
(38 % versus 56 %, p = 0,02 ; 4,1 mois versus 8,7 mois,
p < 0,001) (34). Une autre étude présentée à l’ASCO suggère
que le tamoxifène adjuvant bénéficie aux patientes dont les
tumeurs ne le surexpriment pas (risque relatif de récidive de
0,65) et non aux patientes c-erb B-2 positives (RR : 1,9) (35).
En revanche, l’étude de Muss, portant sur 741 patientes de
l’essai 8 541 du CALGB ne montre pas d’interaction entre
l’expression de c-erb B-2 et l’action du tamoxifène (36).
Un effet favorable des anthracyclines chez les patientes c-erb
B-2+ a été décrit. En revanche, l’étude de Ménard (37) montre
un bénéfice du CMF adjuvant, même chez les patientes c-erb
B-2+, sur 481 patientes dans une analyse rétrospective. C-erb
B-2 semble un bon facteur de prédiction de la réponse aux
anthracyclines si une dose d’au moins 50 mg/m2est donnée, ce
CANCER DU SEIN
210
La Lettre du Cancérologue - volume VIII - n° 6 - décembre 1999
qui est retrouvé dans plusieurs posters comparant un CMF à
une chimiothérapie.
La détection de micrométastases dans la moelle de
350 patientes porteuses d’un cancer mammaire localisé, préle-
vées lors de l’intervention initiale, a une valeur pronostique sur
la survie globale en analyse univariée dans une étude avec
12 ans de suivi médian. Cependant, la valeur pronostique dis-
paraît lors de l’analyse multivariée au profit de facteurs clas-
siques comme le statut ganglionnaire ou le grade SBR. L’inté-
rêt de ce facteur reste à étudier dans le suivi des patientes et
doit être amélioré en augmentant la spécificité des méthodes
de détection (38). Une revue de synthèse a été publiée par
Braun spécifiquement pour le cancer du sein (39). La valeur
pronostique de la détection par immunohistochimie de micro-
métastases dans les ganglions axillaires a été montrée par
Cote : chez 20 % des patientes, les ganglions jugés négatifs par
les techniques standards devenaient positifs avec cette
méthode (40).
CHIRURGIE
De larges études ont été publiées concernant le ganglion senti-
nelle, utilisant une technique avec un colloïde marqué au tech-
nétium 99. L’étude de Krag a porté sur 443 patientes (41), le
ganglion sentinelle a été identifié dans 93 % des cas et la spé-
cificité était de 100 %. En revanche, la sensibilité n’est que de
89 %, c’est-à-dire qu’il y a eu 13 cas de faux négatifs sur les
114 cas ayant un envahissement ganglionnaire mis en évidence
par un curage classique. L’étude de Veronesi incluait
376 patientes, l’identification du ganglion sentinelle a été pos-
sible dans 98,7 % des cas et 12 cas de faux positifs ont été
observés, soit 6,7 % des 180 patientes avec un envahissement
ganglionnaire (42). Dans l’étude de Reynolds portant sur
222 patientes, la recherche de micrométastases a été réalisée
dans le ganglion sentinelle. Aucune des 18 patientes avec une
tumeur de moins de 2 cm et une atteinte micrométastatique du
ganglion sentinelle n’avait d’atteinte d’un autre ganglion (43).
La technique du ganglion sentinelle est séduisante car elle per-
mettrait de limiter la morbidité liée à un curage ganglionnaire
extensif. Elle est cependant très dépendante de l’opérateur et
nécessite l’acquisition d’une grande expérience par le chirur-
gien (44).
Chez 469 patientes ayant bénéficié d’une chirurgie conserva-
trice ±irradiation pour un carcinome in situ, une marge saine
de plus de 10 mm est associée à un risque de récidive locale de
4 %. L’irradiation ne semble avoir aucun rôle chez ces
patientes. En revanche, elle paraît indiquée pour les tumeurs
avec une marge de moins de 1 mm (45).
RADIOTHÉRAPIE
L’essai danois DBCG 82c publié par M. Overgaard a comparé
chez 1 460 patientes l’hormonothérapie adjuvante seule à
l’association d’une hormonothérapie et d’une radiothérapie.
L’irradiation de la paroi thoracique ainsi que des aires gan-
glionnaires après mastectomie chez des patientes ménopausées
aux stades II et III permet de réduire les récidives locales mais
augmente aussi la survie globale (46). Les facteurs de risque
de rechute locale, après mastectomie, chez des patientes pré-
sentant un cancer du sein avec envahissement ganglionnaire
traité par chimiothérapie plus ou moins tamoxifène sans irra-
diation, sont représentés par la taille de la tumeur, l’importance
de l’envahissement ganglionnaire, l’absence de récepteurs hor-
monaux et le nombre de ganglions prélevés (47). Ces patientes
devraient recevoir une radiothérapie postopératoire. La ques-
tion de l’irradiation postmastectomie chez les patientes ayant
un à trois ganglions envahis reste sans réponse (48).
Les cas de 96 patientes présentant une rechute locale isolée ont
été analysés rétrospectivement (49). L’absence d’envahisse-
ment ganglionnaire au moment de la rechute et un traitement
systémique sont associés à une meilleure survie sans récidive
et globale. Deux études, l’une québécoise sur 2 030 patientes
(50) et l’autre française sur 528 patientes (51), montrent
l’impact péjoratif de la récidive locale sur la survie globale.
Une modélisation mathématique menée à l’Institut Gustave-
Roussy sur une étude rétrospective (4 000 patientes n’ayant
pas reçu de traitement adjuvant de 1954 à 1975) étayerait
l’hypothèse d’un effet direct de la récidive locale sur l’appari-
tion de métastases plutôt que celle considérant qu’elle n’est
qu’un marqueur d’une plus grande agressivité de la maladie
(52). La récidive locale constituerait bien une nouvelle source
de dissémination métastatique.
TRAITEMENT NÉOADJUVANT ET ADJUVANT
Traitement néoadjuvant
La valeur pronostique de la réponse histologique complète
après chimiothérapie néoadjuvante a été confirmée dans une
série publiée par Kuerer (53) dans des tumeurs localement
avancées. La survie était de 90 % à cinq ans chez les patientes
répondeuses contre 60 % chez les répondeuses incomplètes.
La place des taxanes dans la chimiothérapie néoadjuvante sus-
cite beaucoup d’intérêt et fait l’objet de plusieurs essais coopé-
ratifs. Ainsi, un essai multicentrique français de phase II ran-
domisée a testé une association d’adriamycine et de paclitaxel
(AT) dans des tumeurs opérables (54). Le bras de référence
était constitué par une association d’adriamycine et de cyclo-
phosphamide (AC) et 242 patientes ont été incluses. Le taux de
réponse clinique complète était de 14 % dans le bras AT contre
9 % dans l’AC, le taux de pCR de 16 % dans l’AT contre 10 %
dans l’AC. Les taux de réponse clinique et de traitement
conservateur étaient respectivement de 85 % et 58 % dans le
bras AT contre 66 % et 45 % dans le bras AC. Au total, l’asso-
ciation de l’adriamycine au paclitaxel semble supérieure au
schéma de référence de type AC sans qu’une conclusion défi-
nitive puisse être tirée en l’absence d’un essai de phase III.
Le docétaxel fait également l’objet de nombreux essais comme
le NSABP B27, qui évalue son adjonction à l’association AC.
L’association docétaxel-adriamycine entraîne un taux de
réponse objective de 93 %, dont 33 % de réponses complètes,
permettant la conservation mammaire chez 59 % des patientes
(55). Chez 40 patientes, une association combinée ou séquen-
tielle de docétaxel-adriamycine a donné également 87 % de
réponse, dont 20 % de réponses cliniques complètes (56). Le
rôle du docétaxel en néoadjuvant a fait l’objet d’une revue par
211
La Lettre du Cancérologue - volume VIII - n° 6 - décembre 1999
Costa (57). Les taux de réponse objective sont donc importants
mais demandent à être validés dans des essais de phase III.
L’absence d’impact sur la survie globale de la chimiothérapie
néoadjuvante par rapport à la chimiothérapie adjuvante, mon-
trée dans l’essai du NSABP B18 en 1998, est confirmée par les
résultats de deux autres essais randomisés. Les résultats avec
10 ans de suivi médian de l’essai bordelais comparant la chi-
miothérapie néoadjuvante à la chimiothérapie adjuvante après
mastectomie dans les tumeurs opérables de plus de 3 cm ont
été publiés par Mauriac et coll. (58). Le taux de conservation
mammaire à long terme est de 45 % avec le traitement néoad-
juvant et il n’existe aucune différence en survie entre les deux
groupes. La survie est également équivalente entre les deux
bras d’un essai britannique avec un recul de quatre ans chez
309 patientes ; le taux de mastectomie est significativement
réduit dans le groupe néoadjuvant (59).
Traitement adjuvant
L’essai B24 du NSABP a montré l’intérêt de l’adjonction du
tamoxifène en adjuvant après un traitement par tumorectomie
et radiothérapie pour les carcinomes intracanalaires. Avec un
recul de 6 ans, cette étude sur 1 804 patientes montre une
réduction par le tamoxifène de l’apparition de carcinomes
invasifs dans le sein homo- ou controlatéral par rapport au
groupe placebo (60).
Chez les patientes postménopausées avec un envahissement
ganglionnaire, l’addition d’épirubicine au tamoxifène entraîne
une amélioration de la survie sans récidive par comparaison au
tamoxifène seul (61). L’équipe de L. Norton a montré la faisa-
bilité d’une chimiothérapie adjuvante séquentielle intensive
avec quatre cycles d’adriamycine à 75 mg/m2seule toutes les
trois semaines suivie de trois cycles de cyclophosphamide à
3 g/m2 tous les 15 jours avec du G-CSF (62).
INTENSIFICATION THÉRAPEUTIQUE
Le congrès de l’ASCO 1999 a été marqué par les présentations
consacrées aux essais d’intensification thérapeutique avec
autogreffe dans le cancer du sein. En dehors d’une étude sud-
africaine qui montrerait un bénéfice avec cette procédure, les
autres essais paraissent actuellement négatifs.
Ainsi, dans le cancer du sein métastatique, l’essai PBT 1 com-
parait la chimiothérapie haute dose à un CMF d’entretien après
l’obtention d’une réponse à un traitement d’induction par CAF
ou CMF (63). Cet essai randomisé n’a montré aucun bénéfice
en termes de survie sans progression (9,6 mois contre 9 mois)
et de survie globale (24 mois contre 25 mois) de l’autogreffe
avec réinjection de cellules souches périphériques dans le can-
cer du sein métastatique ayant répondu à une première chimio-
thérapie conventionnelle “d’induction”. Pour les patientes en
réponse complète, cet essai ne permet pas de conclure définiti-
vement à l’absence de bénéfice en raison du faible effectif de
ce sous-groupe.
L’étude française PÉGASE 4 comparait la chimiothérapie
haute dose avec réinjection de cellules souches chez
61 patientes de moins de 60 ans ayant un cancer du sein méta-
statique, en réponse complète ou partielle après 4 à 6 cycles de
chimiothérapie conventionnelle de première ligne métastatique
(64). Les médianes de survie sans progression étaient en
faveur du bras intensification (20 mois versus 35,3 mois ;
p = 0,01 à 3 ans et 0,06 à 5 ans). La différence en survie glo-
bale n’était pas significative. L’intensification pourrait per-
mettre d’augmenter la durée de la survie sans traitement.
L’intérêt de l’intensification d’emblée reste donc à explorer,
permettant peut-être de réduire le temps sous traitement, même
si la survie globale est inchangée.
Enfin, une étude rétrospective a comparé les données sur la
chimiothérapie conventionnelle aux données sur la chimiothé-
rapie haute dose dans le cancer du sein métastatique par l’ana-
lyse des registres des patientes du CALGB (Cancer And Leu-
kemia Group B) et de l’ABMTR (American Bone Marrow
Transplant Registry) sans montrer de différence significative
(65).
En situation adjuvante chez les patientes de mauvais pronostic
(envahissement axillaire majeur), une étude hollandaise rando-
misée chez 97 patientes est la seule publiée. Elle a comparé
7 cures de FEC 120 contre 3 cures de FEC 120 suivies d’une
autogreffe avec cellules souches périphériques. Avec un recul
médian de 49 mois, il n’y avait aucune différence entre les
deux bras en survie sans récidive ou survie globale (66). Les
autres études ont été présentées à l’ASCO. Une étude randomi-
sée prospective comparait deux combinaisons d’alkylants
(CPB), soit à dose intermédiaire, soit à forte dose (HD) en
consolidation après un CAF chez 785 patientes ayant un can-
cer du sein de stade II ou IIIA avec plus de 10 ganglions enva-
his (67). Le suivi médian était de 42 mois. Aucune différence
en survie globale ou en survie sans récidive n’a été observée.
On observe une diminution des rechutes dans le bras haute
dose : 21,6 % contre 32,2 % sans répercussion sur la mortalité
globale, peut-être en rapport avec la forte mortalité toxique
dans le bras haute dose (41 récidives évitées ou retardées
contre 31 morts toxiques). Un recul supplémentaire d’encore
deux ans est indispensable avant de pouvoir conclure définiti-
vement.
Une étude randomisée sur 525 patientes du Scandinavian
Breast Group (SBG 9401) comparait une chimiothérapie adju-
vante haute dose avec réinjection de cellules souches à un FEC
avec escalade et adaptation de doses (68). Dans le bras sans
intensification, les doses de chimiothérapie étaient adaptées.
Le bras de référence était un bras de chimiothérapie “intensi-
fié”. L’étude comparait un cycle de haute dose contre 6 cycles
à dose élevée. Le recul est faible (environ 2 ans). Si l’équiva-
lence est démontrée, une chimiothérapie haute dose pourrait
être plus indiquée en raison du raccourcissement de la durée de
traitement avec un bénéfice éventuel en qualité de vie.
Enfin, un troisième essai a comparé une chimiothérapie haute
dose (CNVp) en adjuvant au CAF dans les cancers du sein à
haut risque (69). Le suivi médian était de 5,4 ans. Un bénéfice
significatif en survie sans récidive et en survie globale était
observé en faveur du bras avec chimiothérapie haute dose avec
réinjection des cellules souches. Cette intensification était réa-
lisée d’emblée, sans chimiothérapie d’induction, en tandem à
un mois d’intervalle. Cet essai montrait une différence signifi-
CANCER DU SEIN
212
La Lettre du Cancérologue - volume VIII - n° 6 - décembre 1999
cative en faveur de l’intensification d’emblée. Le bras de réfé-
rence était une véritable chimiothérapie standard (FAC 50 ou
FEC 70), dont on sait maintenant qu’elle est insuffisante pour
les patientes avec plus de trois ganglions envahis.
En conclusion, les chimiothérapies intensifiées avec autogreffe
ne peuvent être actuellement recommandées en dehors d’essais
thérapeutiques.
TRAITEMENT DES CANCERS MÉTASTATIQUES
Hormonothérapie
Les inhibiteurs de l’aromatase non stéroïdiens ont clairement
leur place en seconde ligne d’hormonothérapie dans les can-
cers du sein métastatiques (70). Les inhibiteurs stéroïdiens de
l’aromatase ont également démontré leur efficacité. Leur place
respective dans la stratégie et leur éventuel passage en pre-
mière ligne ou en situation adjuvante font l’objet d’essais ran-
domisés actuellement en cours. Une bonne revue générale a
été publiée par Osborne sur le tamoxifène (71).
Chimiothérapie
Une méta-analyse sur la chimiothérapie dans le cancer du sein
métastatique a été réalisée sur les données de 31 500 patientes
incluses dans différents essais randomisés (72). Les résultats
de l’étude sont modestes : en termes de survie, une polychi-
miothérapie est plus efficace qu’une monochimiothérapie, et
une chimiothérapie sous-dosée est moins efficace qu’un
schéma standard.
Taxanes
De nombreux essais de phase II en monothérapie ou en asso-
ciation ont été publiés. Ils sont résumés dans les tableaux I et
II. Les administrations hebdomadaires des taxanes sont testées
dans la perspective d’un traitement associé au trastuzumab.
Parmi les essais de phase III, l’essai comparant docétaxel à
mitomycine-vinblastine a été publié après sa présentation à
l’ASCO l’an dernier (73). Le docétaxel est supérieur à l’asso-
ciation en termes de réponse, de temps jusqu’à progression et
de survie.
Une étude de phase III multicentrique de 429 patientes compa-
rant doxorubicine et docétaxel (AT) à doxorubicine et cyclo-
phosphamide (AC) en première ligne de chimiothérapie dans
le cancer du sein métastatique a été présentée à l’ASCO, par
Nabholtz (74). Cette étude montrait la supériorité de l’associa-
tion doxorubicine-docétaxel en termes de temps jusqu’à pro-
gression (29 % sans progression à un an contre 19 % ;
p = 0,015), de réponse objective (p = 0,012), y compris dans
les formes à pronostic plus défavorable comme les atteintes
viscérales ou les patientes ayant reçu une chimiothérapie adju-
vante.
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La Lettre du Cancérologue - volume VIII - n° 6 - décembre 1999
Essai N Schéma/dose (mg/m2) Ligne RO Durée (mois) TTP Survie
Docétaxel (TXT) (81) 377 TXT 100 (75 si haut risque) médiane 2 (1-7) 46 % ND ND 6,4
tous les 21 jours 91 % anthra C 100 mg/m2: 55 %
75 mg/m2: 33 %
AnthraC R 35 %
Docétaxel après paclitaxel (82) 44/46 TXT 100 18,1 (IC 95 % : 6,7-29,5) 7,2 2,5 10,5
tous les 21 jours 25 % si paclitaxel 1 ou 3 h
Paclitaxel (TXL) hebdomadaire 30 TXL 100/sem. 57 % 2eligne 53 % 7,5 mois ND ND
(83) (IC 95 % : 34-72) 7,6 (2-11+)
Docétaxel hebdomadaire (84) TXT 40 mg/m2/sem. 1re ligne 41 % ND ND ND
Essai N Schéma/dose (mg/m2) Ligne RO Durée (mois) TTP Survie
Tableau I. Taxanes : essais en monothérapie.
Essai N Schéma/dose (mg/m2) Ligne RO Durée TTP Survie
Docétaxel (TXT)- 42 Phase I-II 1re ligne 74 % 71 sem. (15-137) 62 sem. (6+-142) 66 % à 2 ans
adriamycine (85) TXT 50-85 (anthra C adjuvant 52 %)
DOX 40-60
Docétaxel- 42 E 75-120 1re ligne 60 %
épirubicine (E) (86) TXT 75-85 (pas anthracycline adjuvant) (IC 95 % 43-65) 7 mois (3-19+) 5 mois ND
Docétaxel- 41 Phase I-II 1re ligne 78 % 12,5 mois 14,5 mois
mitoxantrone (87) TXT 75-100
Mitox 8-22
Docétaxel- 52/52 GEM 900 J1-J8 2eet 3eligne 54 % 3,6 (1-16) mois 8 (2-18,5) mois
gemcitabine (GEM) (88) TXT 100 + G-CSF
Paclitaxel- 45 Paclitaxel 3h 60 % 7 mois 17 mois
vinorelbine (VNR) (89) VNR hebdo
Paclitaxel- 32 Paclitaxel 96 h 50 % 6,1 mois 14,1 mois
vinorelbine (90) VNR sem. + G-CSF
Essai N Schéma/dose (mg/m2) Ligne RO Durée TTP Survie
Tableau II. Taxanes : essais en associations.
ND : non disponible
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