Avant la psychose, ou le génie des origines D

publicité
O
S
S
I
E
R
T
H
É
M
A
T
I
Q
U
E
Mi s e
a u
p o i nt
D
Avant la psychose, ou le génie des origines
Prodromes, vulnérabilité à la psychose
Before psychosis, a search for the origin. Prodromes, vulnerability: definitions and concepts
● P. Nuss*, C. Tessier**, F. Ferreri***
R
R
É
É
S
S
U
U
M
M
La reconnaissance des prodromes de la psychose constitue
aujourd’hui un important champ de réflexion et de publications. L’identification très précoce des sujets à risque psychotique interroge cliniciens et politiques. Elle pose la question de l’intérêt de son éventuelle mise en application en santé
publique. Au-delà des effets de mode, le concept de prodromes de psychose propose un véritable modèle de réflexion
sur la nature, les déterminants et la prise en charge de ce
trouble. Néanmoins, la complexité des perspectives, dans la
mesure où il s’agit d’identifier, selon des registres très différents, les prémices d’une pathologie non encore déclarée,
nécessite que les différents points de vue soient explicités
avec précision. Tel est le propos de cet article. Il décrit la
notion de prodromes à deux niveaux. Il s’attache d’une part à
définir les “prodromes” proprement dits, c’est-à-dire les
manifestations psychopathologiques identifiables a posteriori
chez les sujets psychotiques ayant déjà présenté leur premier
épisode. Dans ce contexte, il est possible de déterminer des
modalités évolutives de symptômes ainsi que des caractéristiques épidémiologiques distinguant ces sujets de la population générale. Cet article décrit d’autre part les caractéristiques des “états mentaux à risque”, manifestations décelables
a priori, avant que le trouble psychotique ne se soit déclaré.
Les auteurs étudient alors les caractéristiques psychopathologiques des “populations à haut risque” afin de déterminer
les facteurs significativement associés à une transition de ces
états mentaux vers la psychose. Ces deux approches ayant des
présupposés et des finalités différents sont plus complémentaires qu’opposées. Les conclusions de ces travaux seront
nuancées afin d’éviter que les résultats, encore épars, ne
soient énoncés en dehors de leur contexte et ne conduisent à
des conclusions erronées. Quel que soit le modèle choisi,
l’approche thérapeutique minimale sur cette population de
sujets jeunes comportera un abord psychothérapeutique.
Mots-clés : Prodromes – Psychoses – État mental à risque –
Psychothérapie.
É
É
SUMMARY
SUMMARY
The recognition of prodromes of psychosis is today an
important field of debate and publications. The very early
identification of subjects at risk for psychosis questions
clinicians and Mental Health Authorities. It raises the
question of the interest of its possible application in
Public Health Policy. More than a trendy topic, the
concept of prodromes of psychosis proposes an interesting
model in order to better understand the nature, the determinants and the treatment of this disorder. Nevertheless,
the complexity of the topic, insofar as it is a question of
identifying the early signs of a not yet occurred pathology
according to very different registers, requires a carefully
clarification. Such is the purpose of this article. The
concept of prodromes is described on a two levels
approach. On the one hand the “prodromes” themselves
are described as identifiable psychopathological signs,
recognized a posteriori on patients having already started their first episode. In this context, specific evolutionary patterns of symptoms as well as epidemiologic characteristics are distinguishing these subjects from the
general population. On the other hand, the concept of “at
risk mental states” is proposed as a complementary
approach for prodromal states. This concept refers to a
priori detectable signs appeared before the disorder psychotic declares. In order to identify factors significantly
associated with a transition from these at risk mental
states, the authors focused their interest on psychopathological, behavioural and neural changes seen on at
“high-risk populations” before the full development of
psychosis. In all cases, the results of these approaches
have to be taken with circumspection. Conclusions drawn
from these results are to be referred to the context in
which they have been found. Whatever the chosen model,
a minimal therapeutic approach on this population of
young subjects will include psychotherapy.
Keywords : Prodromes – Psychosis – At risk mental state –
Psychotherapy.
* Service de psychiatrie, CHU Saint-Antoine, Paris.
** INSERM U538, CHU Saint-Antoine, Reims.
*** Unité de recherche, CHU Saint-Antoine, Paris.
6
La Lettre du Psychiatre - vol. I - n° 1 - mars-avril 2005
p o i nt
Pour nous résumer, ces travaux montrent que certaines des
manifestations qui précèdent l’apparition de la psychose ne
sont pas de nature psychotique. Par ailleurs, certains “prodromes psychotiques” n’évoluent pas inéluctablement vers un
état psychotique déclaré et peuvent, dans une proportion
certes faible mais non négligeable, être retrouvés normalement dans la population générale. La notion de prodromes
pour la psychose nécessitait donc d’être révisée.
a u
S
Mi s e
i les premières descriptions de la démence précoce par
Emil Kraepelin et Eugène Bleuler indiquent déjà le
fait que certains tableaux de schizophrénie débutent
de façon progressive par des manifestations cliniques insidieuses, le concept actuel de prodromes de schizophrénie s’inscrit dans une perspective radicalement différente. En effet, ni
l’analyse des manifestations qui précèdent l’éclosion des
troubles psychotiques, ni le devenir du trouble ne procèdent
du registre référentiel sur lequel les auteurs s’appuyaient à
l’époque.
Définition classique des prodromes
Critiques de la nouvelle acception du concept de prodome
Dans leur perception et dans celle de la plupart de leurs successeurs, prodromes et pathologie se succèdent sans changement de
nature. Les prodromes, formes atténuées, débutantes et silencieuses de psychose, en expriment déjà la nature. L’évolution
naturelle de ces prodromes est immanquablement l’état psychotique, dont l’histoire naturelle se déroule elle-même implacablement jusqu’à une évolution déficitaire. Cette conception “classique” distingue ainsi trois invariants. Tout d’abord, les prodromes
sont des manifestations cliniques de nature psychotique ; ils
évoluent inéluctablement vers un état psychotique ; enfin, le
trouble, une fois déclaré, évolue selon une modalité déficitaire.
Depuis quelques années, on assiste à une redéfinition de la notion
de prodromes pour la psychose.
Des critiques concernant cette nouvelle acception du concept de
prodromes ont été exprimées par certains cliniciens en réponse à
ce changement de perspective. Ces derniers s’inquiétaient, à juste
titre, du risque de confusion entre mouvements affectifs et cognitifs propres à l’adolescence et symptômes non spécifiques de psychose débutante. Conscients de ce danger, de nombreux auteurs,
s’appuyant sur des études prospectives effectuées auprès de différentes populations d’adolescents, ont tenté d’apprécier les
changements subjectifs et comportementaux chez ces derniers,
afin de faire la part entre ce qui reviendrait au processus de maturation normale et ce qui pourrait s’apparenter aux prodromes.
Cette distinction tente de s’établir non pas tant en termes de quantité (par exemple, de nombre de symptômes du registre “psychotique”), mais plutôt en termes de qualité (caractère égodystonique
de l’éprouvé, alternance de périodes de blocage et de précipitation de la pensée ou du langage, modification de la perception
subjective du monde et de soi) (4, 5). De telles nuances s’imposent, car il serait préjudiciable à l’adolescent de vouloir étiqueter
de prépsychotiques la plupart de ses manifestations psychologiques. En revanche, ne pas identifier, donc ne pas prendre en
charge, une telle symptomatologie constitue, dans certains cas,
une perte de chance pour l’adolescent qui la présenterait. Il
convient aussi de se rappeler que certains symptômes sont communs aux prodromes de psychose et à ceux d’autres troubles non
psychotiques débutants, eux aussi fréquents à cet âge, comme les
troubles affectifs (troubles anxieux et troubles de l’humeur).
Révision récente du concept de prodrome
La notion “classique” de prodrome telle que nous venons de la
décrire a dû être révisée en raison de données scientifiques
récentes issues de travaux concordants.
✓ C’est ainsi que des études longitudinales rétrospectives, puis
prospectives, ont pu mettre en évidence l’existence, plusieurs
années (jusqu’à cinq ans) avant l’apparition de l’état psychotique
manifeste, de manifestations cliniques non spécifiques, c’est-àdire dont la nature n’est pas obligatoirement psychotique. Une
revue de la littérature publiée en 1996 recensait, pour la première
fois, les travaux effectués sur les prodromes de schizophrénie (1).
Elle identifiait sept catégories de symptômes prodromaux. On
constate ainsi d’emblée qu’une partie de ces manifestations n’est
pas de nature psychotique. Il s’agit de symptômes “névrotiques”,
thymiques, de ceux témoignant de modifications de la volition,
de troubles cognitifs ou de symptômes physiques, ainsi que de
modifications du comportement, ou d’autres mal définis.
✓ En outre, des analyses prospectives phénoménologiques effectuées sur des populations d’enfants, d’adolescents et d’adultes en
population générale ont pu mettre en évidence l’existence de
manifestations psychotiques atténuées, ponctuelles ou durables
mais isolées, telles que des hallucinations, chez des sujets sains,
cela sans évolution vers une psychose (2, 3).
✓ Enfin, certaines manifestations prodromales de nature psychotique retrouvées dans les populations à haut risque n’évoluent
pas vers le développement d’un état psychotique, mais régressent
spontanément.
La Lettre du Psychiatre - vol. I - n° 1 - mars-avril 2005
Retour sur la notion de prodrome et d’état mental à risque
Dans ce qui précède, nous avons considéré que le concept de prodrome, dans sa nouvelle acception, était parfaitement établi. En réalité, il recouvre des réalités différentes selon la perspective choisie.
L’acception la plus communément utilisée dans les études est celle
qui fait référence à un ensemble de symptômes analysés rétrospectivement, une fois que l’épisode psychotique index s’est déclaré.
Ces “prodromes” correspondent en réalité soit à une symptomatologie non spécifique, parfois appelée état “prémorbide”, soit à une
séméiologie psychotique “sous le seuil de significativité” mais
aboutissent, dans les deux cas, à un état psychotique constitué.
Si cette symptomatologie peut nous apporter de précieuses informations concernant une clinique du risque évolutif vers la psychose, elle ne recouvre pas complètement le concept prospectif
actuellement préféré d’“état mental à risque”. Ce terme fait réfé7
Mi s e
a u
p o i nt
D
O
S
S
I
E
R
T
rence à des manifestations cliniques repérées lors des études
prospectives. Il s’inscrit lui-même dans une perspective théorique
qui comprend la psychose dans un modèle de vulnérabilité. Nous
choisirons donc, pour la clarté de l’exposé, de distinguer les “prodromes” issus d’une analyse rétrospective portant sur des patients
ayant développé un trouble psychotique manifeste des “états
mentaux à risque” (malheureusement très fréquemment aussi
appelés prodromes). Ces derniers nécessitent un suivi prospectif
afin de déterminer si leur association à un ou plusieurs facteurs
précipitants s’accompagne ou non d’un risque accru d’évolution
vers un trouble psychotique.
De telles nuances sont importantes à établir dès lors que l’on s’appuie sur une analyse des “prodromes” pour mettre en place une
politique de prévention secondaire de la schizophrénie. En effet, le
curseur identifiant des symptômes ou des manifestations “à risque”
se situera de façon différente selon que l’on tentera de rechercher,
en population générale (comme à l’école), des marqueurs sentinelles de risque évolutif, ou que l’on recherchera des signes prodromaux sur une population d’adolescents en demande de soins, ou
bien que l’on étudiera rétrospectivement les signes précoces de
début chez un adolescent dont la maladie s’est déclarée (notamment
afin d’identifier chez ce dernier des marqueurs précoces de rechute).
Ces variations concernant l’interprétation donnée au terme de
prodrome sont sous-tendues par des modèles référentiels différents concernant la psychose. C’est ainsi que, pour un clinicien
qui fait référence au modèle de “structure psychotique”, c’est-àdire à une constitution intrinsèque de l’individu le conduisant inéluctablement, en situation de demande psychique excessive, au
développement d’une psychose, le terme de prodrome s’entendra
comme le témoignage atténué de la présence de cette “structure”.
En revanche, pour un clinicien comprenant l’apparition de la psychose comme résultant de la conjonction d’un processus neurodéveloppemental, de facteurs de risques endogènes et exogènes
et de facteurs précipitants, le concept de prodrome fera davantage
référence à celui d’état mental à risque. La perspective thérapeutique pourra ainsi différer selon le modèle théorique dont s’inspire le thérapeute.
Intérêt et limites du concept de prodrome
pour la prévention de la schizophrénie
Ces distinctions subtiles ont-elles un intérêt clinique et thérapeutique, voire préventif ? Dans la perspective classique, puisque le
génie propre de la maladie est son évolution spontanée et obligatoire vers une forme aboutie psychotique, puis déficitaire, l’identification précoce des prodromes n’est pas prioritaire en termes de
pronostic et de santé publique. Les auteurs contemporains, au
contraire, non seulement affirment l’importance d’une prise en
charge précoce de ces prodromes dans l’intention d’éviter l’éclosion éventuelle du trouble, mais considèrent aussi, dans l’hypothèse
où ce dernier se déclarerait, qu’une telle prise en charge pourrait
atténuer la gravité du trouble ou ses conséquences.
Cette conception, pour optimiste qu’elle soit, n’est pas sans poser
de nombreux problèmes.
✓ Le premier d’entre eux concerne l’utilisation clinique ou thérapeutique qui pourrait résulter de cette analyse des prodromes. Par
8
H
É
M
A
T
I
Q
U
E
exemple, si la clinique des prodromes était indicative d’une simple
vulnérabilité à la schizophrénie, conviendrait-il de mettre en œuvre
une thérapeutique préventive, notamment médicamenteuse ; ne
serait-il pas plus judicieux, comme le préconise la perspective classique, d’attendre que l’état psychotique complet se soit déclaré
avant de commencer une médication antipsychotique ?
✓ Par ailleurs, la mise en œuvre de la détection d’une telle symptomatologie, par définition de faible intensité ou très éloignée du
diagnostic de psychose, nécessiterait des efforts humains et financiers importants. Le bénéfice, en termes de santé publique, serait-il
alors à la hauteur des efforts consentis par la société ?
✓ En outre, des travaux récents (6) ont pu mettre en évidence l’intérêt préventif des traitements psychothérapeutiques et médicamenteux des manifestations prodromales non spécifiques à la psychose. En d’autres termes, le traitement symptomatique des
manifestations psychopathologiques non psychotiques (comme
l’anxiété ou la dépression) présentes chez les adolescents participe,
en soi, au traitement préventif de l’évolution vers la psychose.
Y a-t-il donc légitimité à mettre en œuvre un dépistage précoce spécifique de la psychose ?
Afin d’aider le clinicien à établir son opinion éclairée, les pages qui
vont suivre tentent de désintriquer ces concepts pour les rendre plus
accessibles. C’est pourquoi nous distinguerons, à l’aide de chapitres
différents, les notions que nous venons de développer. Nous nous attacherons d’abord à décrire les données issues des travaux qui identifient de façon rétrospective les prodromes de la psychose. Puis, en
demeurant dans cette perspective d’une analyse rétrospective, nous
décrirons les facteurs identifiés de risque évolutif vers la psychose.
Nous nous attacherons alors particulièrement aux facteurs périnataux
et aux acquisitions de la petite enfance, puis à ceux plus tardifs,
comme l’abus de substances ou les facteurs de stress psychosociaux.
Nous évoquerons ensuite les données des études prospectives, particulièrement celles issues de l’analyse du devenir des populations dites
à haut risque. Elles sont aujourd’hui considérées comme essentielles
à la mise en œuvre d’une prévention secondaire à grande échelle.
PRODROMES PRÉCÉDANT L’ÉVOLUTION
D’UN ÉTAT PSYCHOTIQUE AIGU
Le concept de prodrome appliqué à la schizophrénie
Afin de mieux décrire la nébuleuse que constitue le concept de
prodrome de psychose, nous proposons, dans un premier temps,
de nous appuyer sur son acception commune dans le modèle
médical habituel. Bien qu’ayant ses limites, cette approche nous
permettra de positionner assez justement un grand nombre de
notions faisant référence aux formes débutantes des maladies.
Dans un deuxième temps, confronté aux insuffisances de ce seul
modèle à décrire la complexité du concept de prodrome de psychose, nous proposerons d’autres approches conceptuelles.
Ainsi, comme le fait remarquer avec justesse Alison Yung (7), qui
travaille depuis des années à Melbourne avec Patrick MacGorry
au projet de prévention secondaire de la schizophrénie PACE
(Personal Assessment and Crisis Evaluation), le concept de prodrome peut se concevoir en psychiatrie comme similaire dans son
principe à celui rencontré en médecine pour l’hépatite A. En
La Lettre du Psychiatre - vol. I - n° 1 - mars-avril 2005
Définir le premier épisode
Le concept de prodrome, dans la mesure où il est rétrospectif,
nécessite tout d’abord la définition précise de l’épisode initial.
Cette détermination est complexe. On a pu, en première intention, établir le début d’un trouble psychotique en se fondant sur
la date de la première hospitalisation pour psychose du patient.
Ce repère, commode d’un point de vue objectif, n’est toutefois
pas opératoire, dans la mesure où il dépend en grande partie du
système de santé du pays dans lequel vit le patient. La plupart
des auteurs considèrent, par ailleurs, que le patient a présenté
par le passé d’autres épisodes psychotiques sans qu’une hospitalisation n’ait été nécessaire. L’hospitalisation ne correspond
donc pas au premier épisode stricto sensu. Ces auteurs proposent
de retenir comme date de début du trouble celle où le patient a
réuni pour la première fois un nombre suffisant de symptômes
(définition critériale CIM ou DSM) présents conjointement
pour parvenir à la catégorie diagnostique de schizophrénie. Les
tenants de cette acception défendent néanmoins des points de vue
différents. Pour certains auteurs, la présence de manifestations
comme le délire ou les hallucinations est nécessaire à l’établissement du diagnostic ; d’autres vont avoir un niveau d’exigence
moins élevé et inclure aussi les patients présentant des troubles
du cours du discours ou du comportement ; d’autres, enfin, font
remarquer que l’expérience psychotique a débuté bien avant
que l’observateur ne la perçoive sous la forme de l’installation
d’une modalité cognitive et sensorielle, certes subjective, mais
spécifique à la psychose (8-10). Quoi qu’il en soit, les modalités
d’accès et de recueil de ces informations restent problématiques.
Épidémiologie et nature des prodromes
Dans ce cadre, et comme nous l’expliquions plus haut, les symptômes prodromaux sont définis soit comme étant le témoignage
de manifestations subsyndromiques (sous le seuil) de la forme
psychotique complète, soit comme des manifestations perçues a
posteriori. Kraepelin et Claude avaient décrit, dès le début du
XXe siècle, des manifestations prodromales. Ils les avaient nommées “schizomanies” rêveuses et négatives. La diversité de ces
manifestations prodromales a ensuite été organisée autour de
La Lettre du Psychiatre - vol. I - n° 1 - mars-avril 2005
Les auteurs plus récents décrivent aussi une telle symptomatologie. Häfner, par exemple, souligne sa fréquence, puisqu’elle
serait présente chez près de 73 % des patients ayant développé la
forme complète du trouble (11). Ces manifestations surviennent
habituellement entre l’âge de quinze et vingt-cinq ans. Elles comportent des préoccupations intellectuelles inhabituelles, souvent
ésotériques, un désintérêt progressif vis-à-vis des centres d’intérêt habituels, des symptômes d’allure thymique et des manifestations pseudo-névrotiques (crises d’angoisse, manifestations obsessionnelles, symptômes hystériques). Les troubles cognitifs sont
eux aussi fréquents bien qu’intermittents : difficultés de concentration, troubles de l’attention, barrages idéiques, difficultés d’abstraction, troubles du langage, méfiance, et modification de la
conscience de soi, des autres et du monde. Des manifestations
encore plus précoces sont décrites dans l’étude ABC (11). Cette
étude retrouve, plusieurs années avant l’éclosion du trouble, dans
le groupe de patients ayant développé une psychose, des manifestations telles qu’une nervosité, une humeur dépressive, de
l’anxiété, des troubles de la pensée et de la concentration, des soucis, une diminution de la confiance en soi, une perte d’énergie
avec ralentissement psychomoteur, une baisse du rendement scolaire ou professionnel, un repli social, de la méfiance et une
diminution de la communication. Ainsi, dans sa cohorte de
232 patients admis pour un premier épisode, Häfner met en évidence une humeur dépressive, des tentatives de suicide, une perte
de confiance en soi et un sentiment de culpabilité. Les odds-ratios
de ces symptômes sont de trois à cinq dans les trois à cinq années
qui précèdent l’admission de ces patients. Au cours des deux à
quatre années avant cette dernière, il constate l’apparition des
symptômes négatifs ; les symptômes positifs n’étant identifiables
qu’au cours de l’année précédant le premier épisode (figure 1).
De nombreux arguments cliniques et biologiques indiquent que
les symptômes négatifs qui constituent le socle de la symptomatologie primaire de la schizophrénie résultent de mécanismes
physiopathologiques différents de ceux des symptômes positifs.
On postule, en revanche, l’existence de processus neurobiologiques communs entre les symptômes négatifs et les symptômes
neurocognitifs. Les études de corrélation ont en effet mis en évidence une significativité faible à moyenne entre les symptômes
négatifs et les symptômes cognitifs (12, 13), mais une absence de
significativité entre les symptômes positifs et les symptômes
cognitifs. On devrait donc, en toute logique, retrouver des modalités prodromales différentes selon qu’il s’agit de symptômes
positifs, négatifs ou cognitifs.
✓ De façon cohérente avec cette hypothèse, les symptômes négatifs et cognitifs débutent plus précocement que les symptômes
positifs. Par ailleurs, les symptômes négatifs sont, plus fréquemment que les symptômes positifs, associés à un risque familial
pour la schizophrénie (14).
9
p o i nt
a u
quatre formes cliniques intitulées débutantes non typiques. On a
ainsi identifié autour de la forme canonique centrale caractérisée
par la bouffée délirante aiguë, classiquement sans prodromes
(“coup de tonnerre dans un ciel serein”), des formes prodromales
atypiques telles que les formes hypocondriaques, pseudo-névrotiques, pseudo-thymiques et caractérielles.
Mi s e
effet, cette pathologie virale commence le plus souvent par des
signes non spécifiques tels que de la fièvre, des douleurs, de
l’anorexie, ainsi que la perte du goût pour la nourriture. Le diagnostic d’hépatite est établi à l’apparition de l’ictère et à la positivité des tests sérologiques. Entre ces deux types de symptômes,
non spécifiques pour les premiers et pathognomoniques pour les
derniers, un clinicien avisé aurait pu identifier, pendant un court
laps de temps, des manifestations mineures comme la modification de couleur de l’urine, des selles ainsi que des conjonctives.
Ces manifestations appartiennent au deuxième type, pathognomonique, mais leur intensité peut être considérée comme étant
“sous le seuil”. Voici donc définies simplement les notions de
symptômes prémorbides et de symptômes sous le seuil. Ils ne
sont habituellement pas différenciés dans la littérature, et tous
deux sont appelés “prodromes”.
O
S
S
I
E
R
T
H
É
M
A
T
I
Q
U
E
a u
p o i nt
D
Symptômes positifs
Mi s e
Symptômes négatifs
Inconfort
Âge
24,2
5,0 ans
Premier signe
(négatif ou non spécifique)
d'un trouble psychique
Symptômes
non spécifiques
29
1er
épisode
1,1 an
Premier
symptôme
positif
Phase
d'état
30,1
Phase
d'état
0,2 an 30,3
Maximum
Admission
de la symptomatologie
positive
Häfner et al. 1992 et 1995, Beiser et al., 1993.
Figure 1. Chronologie de l’apparition des symptômes chez les patients ayant développé une psychose (étude ABC).
✓ Pour les auteurs, les signes négatifs précèdent l’apparition des
signes positifs dans 50 % à 70 % des cas. Ils sont décelables
jusqu’à cinq ans avant l’apparition du trouble psychotique et semblent relativement indépendants des facteurs environnementaux.
Caractérisés par un repli affectif, un déficit psychomoteur, une
indifférence et une baisse de motivation, ces symptômes passent
souvent inaperçus. Les équipes de Manheim, avec Häfner, de
Bethesda, avec Fenton, et de Yale, avec McGlashan, ont identifié
le fait que les patients qui expriment à la phase d’état un taux
élevé de symptômes négatifs (émoussement affectif, alogie, avolition, anhédonie, trouble de l’attention) ont plus fréquemment
présenté un début insidieux. Les auteurs insistent néanmoins sur
la faible spécificité des symptômes négatifs à prédire l’évolution
psychotique, dans la mesure où ils peuvent tout autant témoigner
d’un état dépressif. C’est ainsi que l’anhédonie, syndrome le plus
stable, ne persiste depuis la phase prépsychotique jusqu’à l’état
psychotique avéré que dans 30 % des cas (8).
✓ En revanche, les symptômes positifs ne se développeraient à
bas bruit que dans 25 % des cas avant l’efflorescence du premier
épisode. Il s’agit essentiellement d’idées délirantes de référence
et de persécution. Ces dernières précéderaient dans 30 % des cas
les hallucinations, le plus souvent auditives. On retrouve aussi
des idées délirantes d’influence, de contrôle et de grandeur.
D’une manière générale, les symptômes prodromaux de
psychose sont non spécifiques. Ils comportent des troubles
du sommeil, de l’anxiété, une diminution de l’intérêt, de
l’énergie et de la concentration, de même qu’une détérioration
de la capacité à s’inscrire dans un rôle social. Peu spécifiques,
ils ne permettent habituellement pas à ce stade, de mettre
en place une action thérapeutique ciblée. En revanche, la
présence concomitante à ces manifestations non spécifiques
d’atteintes cognitives, d’anomalies motrices et de la perception est significativement associée à un risque plus élevé de
transition vers la psychose (5).
10
Latence diagnostique et devenir du trouble
Certains auteurs ont suggéré l’existence d’une corrélation entre la
durée de la psychose non traitée (DUP, pour Duration of Untreated
Psychosis) et le pronostic fonctionnel de cette dernière. Ils s’appuient
sur le modèle proposé par McGlashan et Johannessen (15), qui signale
l’existence d’une période cérébrale critique au cours de l’adolescence
durant laquelle se déroulent des modifications neuronales (apoptoses,
synaptogenèse, remaniement des neurones et de la glie). La présence
prolongée du processus psychotique durant cette période de remaniement neuronal – témoignant de la neuroplasticité cérébrale – serait
susceptible d’entraîner des dommages cérébraux importants.
Ce constat justifie pour ces auteurs l’importance d’un diagnostic
précoce du trouble. Il permettrait qu’un traitement médicamenteux ainsi qu’une stimulation sociale soient mis en place de telle
sorte que soit protégé le système nerveux central dans cette
période de changement. Leur proposition est convaincante. Toutefois, les données des nombreuses études cliniques sur ce sujet
ne permettent pas aujourd’hui de conclure définitivement quant
à la pertinence d’une telle démarche (16).
✓ Tout d’abord, les traitements antipsychotiques qui pourraient
être proposés dans ces situations, s’ils améliorent les symptômes
des états constitués, ne traitent pas le soubassement neurobiologique du trouble. Ils ont, de ce fait, peu d’impact sur la neuroplasticité.
✓ Par ailleurs, en raison de l’hétérogénéité de la schizophrénie,
il est possible d’envisager que les formes de cette dernière dont
le pronostic fonctionnel est le moins bon soient justement celles
où dominent les symptômes négatifs, notamment pendant la
phase prodromale (17). On sait que ces symptômes sont plus difficiles à identifier pendant cette période et qu’ils sont aussi ceux
pour lesquels les patients sont peu enclins à demander de l’aide.
Une durée importante de DUP serait donc possiblement le fait
des formes à moins bon pronostic et non pas obligatoirement une
conséquence de la prolongation de cette dernière.
✓ En outre, l’association initialement décrite entre un pronostic
La Lettre du Psychiatre - vol. I - n° 1 - mars-avril 2005
Marqueurs de risque dans l’enfance et à l’adolescence
Une autre manière d’évaluer de façon rétrospective le risque évolutif vers la schizophrénie est de considérer ce trouble comme
une pathologie du neurodéveloppement, c’est-à-dire un trouble
dont on pourrait trouver des prémices, voire comprendre partiellement l’origine, en étudiant la période périnatale et l’enfance des
patients. Cette approche comporte, bien entendu, les mêmes biais
que toutes les études rétrospectives.
L’enfance de ces patients a ainsi été à l’origine de nombreux travaux. Des caractéristiques ont été identifiées comme étant significativement associées au développement ultérieur d’une psychose.
La plupart d’entre elles ne sont pas spécifiques à la schizophrénie
mais sont communes à l’ensemble des psychopathologies.
Anomalies du développement psychomoteur
Des anomalies neuromotrices ont été identifiées chez les futurs
schizophrènes (22, 23). Très médiatisées – certaines étaient
visibles sur les films familiaux de l’enfance des sujets ayant ultérieurement développé une schizophrénie –, elles ont servi à
étayer l’hypothèse neurodéveloppementale de ce trouble. Il s’agit
essentiellement d’anomalies de posture et de coordination des
membres supérieurs, particulièrement à gauche. Une étude
anglaise de suivi de cohorte a pu mettre en évidence rétrospectivement (23, 24) le fait que les sujets qui avaient développé une
schizophrénie étaient 4,8 fois plus susceptibles d’avoir un retard
des acquisitions (particulièrement un retard à l’acquisition de la
marche de 1,2 ans). Néanmoins, le fait d’avoir un retard à la
marche ne prédisait l’apparition de la schizophrénie que dans 3 %
des cas. L’étude d’une cohorte finlandaise d’enfants (24) a pu
mettre en évidence l’existence d’un plus grand nombre de retards
dans l’acquisition de la coordination motrice chez les enfants qui
développaient une schizophrénie. Des atteintes neurocognitives,
particulièrement des atteintes psychomotrices ou langagières, ont
été décrites (25, 26). Les compétences neurocognitives étant très
tributaires du contexte éducatif et de l’environnement affectif de
l’enfant, ces résultats doivent être interprétés avec de grandes précautions. Par ailleurs, l’existence de traits de personnalité schizoïdes (isolement social, difficultés à l’empathie, incapacité à
comprendre les règles sociales [27]) a été retrouvée chez un quart
des futurs schizophrènes. Enfin, l’anxiété dans les situations
La Lettre du Psychiatre - vol. I - n° 1 - mars-avril 2005
Facteurs environnementaux
◗ Certains facteurs environnementaux présents dans l’enfance des
futurs schizophrènes ont été identifiés comme facteurs de risque.
Ces travaux sont issus des études d’adoption. Des travaux ont en
effet pu mettre en évidence le fait que les enfants adoptés nés de
mères schizophrènes exprimaient moins la maladie si leur environnement familial d’accueil était affectivement stable et que les
conditions éducatives y étaient cohérentes (29).
✓ La première donnée classique concerne l’augmentation du
risque lié au fait de naître et de vivre dans une ville (par comparaison avec la campagne). L’étude de Mortensen (30) qui signale
cette caractéristique indique que le risque pour la schizophrénie
attribuable à l’“urbanicité” dans la population générale serait de
34,6 % contre 9 % pour celui correspondant au fait d’avoir une
mère schizophrène. Ce phénomène, montrant en apparence l’impact supérieur de l’environnement sur la génétique, est étonnant.
Il doit être pondéré par le fait que la population des villes étant
beaucoup plus importante que celle de la campagne, un risque
majoré de faible valeur peut entraîner une différence numérique
significative. En outre, les difficultés adaptatives en ville étant
plus importantes pour un schizophrène, elles seront plus rapidement démasquées sachant, de surcroît, que les capacités de dépistage y sont plus importantes. Les mêmes auteurs (31) proposent
aussi l’hypothèse selon laquelle les enfants élevés en zone
urbaine déménagent plus souvent et sont soumis de ce fait à de
fréquentes ruptures dans l’établissement de leurs liens affectifs
amicaux, situation favorisant la solitude. En affinant ces données,
on constate que le risque urbain ne concerne que les sujets qui
ont passé leur enfance dans une ville, indépendamment de leur
lieu de résidence à l’adolescence.
✓ Ces données font écho aux travaux établissant un risque plus
élevé de schizophrénie dans les populations émigrées (32-34).
L’isolement social, les difficultés d’adaptation culturelle et l’exposition à davantage de facteurs altérant le neurodéveloppement
sont quelques-unes des explications proposées à ce phénomène.
✓ Ces caractéristiques s’entrelacent avec celles soulignant un
nombre plus élevé de naissances durant la fin de la période
hivernale ou du printemps (35). Ce surplus concerne la population des deux hémisphères, avec toutefois une prépondérance de
ce déséquilibre dans l’hémisphère Nord (36). L’exposition du
futur schizophrène à des agents infectieux ou toxiques ou à des
carences nutritionnelles (possiblement en vitamine D) (37) durant
la grossesse a été proposée comme une explication de ce déséquilibre saisonnier. L’hypothèse d’une contamination virale
maternelle durant le deuxième trimestre de la grossesse, difficile
à évaluer en population générale, s’est précisée récemment à
partir du devenir d’enfants de mères dont l’infection au virus de
la rubéole pendant cette période était parfaitement documentée.
Dans la cohorte étudiée, le risque de développer un trouble
psychotique non thymique était très supérieur (15,7 %) dans le
groupe rubéole par rapport à la population témoin (3 %), avec un
risque relatif de 5,2 (38).
11
p o i nt
a u
sociales, la rêverie, la tendance à la solitude semblent plus
fréquentes chez les futurs schizophrènes que chez les autres
enfants de leur âge (28).
Mi s e
péjoratif et une durée importante de DUP est moins manifeste dès
lors que l’on fait cette analyse en l’appliquant au pronostic à
moyen terme (18).
✓ En revanche, le déficit d’interactions sociales pendant la
période prodromale semble avoir un impact défavorable sur le
devenir du trouble. Des études prospectives suédoises (19) et
israéliennes (20, 21) ont pu, en effet, mettre en évidence un effet
modeste mais significatif entre une faible socialisation et un
risque évolutif vers la psychose. La mise en œuvre d’une prise en
charge précoce des prodromes favorisant les interactions sociales
serait, dans l’état actuel de nos connaissances, la recommandation à proposer dans le cadre d’une prévention secondaire de la
psychose chez un jeune présentant des symptômes prodromaux
de psychose.
Mi s e
a u
p o i nt
D
O
S
S
I
E
R
T
✓ Les études cas-témoins, de même que les suivis de cohorte, ont
mis en évidence l’existence d’un lien statistique entre l’existence
de complications obstétricales et la survenue d’une schizophrénie (39). Un poids de naissance plus faible (40), la prématurité
(41, 42), la prééclampsie (43) et la souffrance fœtale lors du
travail (44) sont les facteurs de risque les plus souvent signalés.
L’hypothèse la plus fréquemment proposée suggère que ces
complications obstétricales conduisent, par différents mécanismes,
à des lésions cérébrales hémorragiques et ischémiques. Il faut
toutefois signaler le fait que la très grande majorité des fœtus
ayant présenté une souffrance néonatale ne vont pas développer
de schizophrénie et que la plupart des schizophrènes n’ont pas ce
type d’antécédents. On rappellera que, d’une manière générale,
la souffrance périnatale est associée à des atteintes cognitives et
neurologiques dans la population générale (45). De ce fait, elle
semble davantage associée à des formes sévères de schizophrénie
plus qu’à la schizophrénie elle-même (46).
◗ Les facteurs de risque au cours de l’adolescence – deuxième
période à risque après la période périnatale – ont eux aussi fait
l’objet de nombreux travaux.
✓ L’exposition à des substances psychotropes, et notamment au
cannabis, comme facteur de risque est une donnée maintenant
bien établie. Cette substance favorise indubitablement l’émergence d’une psychose de façon non dépendante d’autres facteurs
de risque qui y sont associés. L’étude suédoise princeps mettant
en évidence cette relation causale dose-dépendante (47), réanalysée par Zammit (48), a été confortée par des études prospectives aux Pays-Bas (49), en Nouvelle-Zélande (50) et en Israël
(51). Un autre élément important, et intéressant d’un point de vue
étiopathogénique, résulte de la mise en évidence de l’effet particulièrement délétère du cannabis au début du suivi des cohortes,
indépendamment de l’éventuelle poursuite ultérieure de la
consommation. Cela suggère l’existence d’une période à haut
niveau de risque (début de l’adolescence) au cours de laquelle le
cannabis semble présenter une action négative sur le neurodéveloppement. Enfin, les adolescents présentant un risque génétique
pour la schizophrénie sont plus enclins que les autres à exprimer
des symptômes psychotiques en phase d’intoxication aiguë (52)
et à développer une psychose (49).
Hypothèse neurodéveloppementale
et facteurs de risque
L’existence de signes précoces, de facteurs de risque et de facteurs précipitants tels que nous venons de les décrire suggère
l’existence au niveau cérébral de processus évolutifs sur lesquels
ces facteurs vont interagir. On suppose donc implicitement l’existence d’un processus neurodéveloppemental à l’œuvre. L’état
psychotique pourrait alors être la résultante visible, à l’issue d’un
développement neurobiologique progressivement altéré, de la
combinaison d’anomalies du développement et de facteurs de
risque. Cette perspective fonde l’hypothèse neurodéveloppementale de la schizophrénie. Cette hypothèse s’oppose, en apparence, à la perception classique d’un trouble à évolution dégénérative que l’on qualifiait de “démence précoce”.
Afin d’ordonner, au sein de l’hypothèse neurodéveloppementale,
12
H
É
M
A
T
I
Q
U
E
les données prodromales que nous venons de décrire, nous ditinguerons deux niveaux neurodéveloppementaux. Le premier, dit
“précoce”, correspond au développement du système nerveux et
de ses compétences à la période périnatale (53, 54). Le deuxième,
appelé “tardif”, correspond aux remaniements neurobiologiques
et neurocognitifs s’établissant à l’adolescence (55, 56). Deux
arguments soutiennent l’hypothèse précoce. Il s’agit de l’absence
de gliose dans le cerveau des schizophrènes (analyses post mortem) – considérée comme un témoignage neurodéveloppemental
et non neurodégénératif – et de l’existence de facteurs de risque
précoces périnataux et de l’enfance. Cette hypothèse présente
néanmoins de nombreuses faiblesses et ne peut, à elle seule,
expliquer le développement de la schizophrénie. L’hypothèse
neurodéveloppementale tardive s’appuie sur l’existence à l’adolescence de différents phénomènes de maturation cérébrale (myélinisation des circuits cortico-limbiques, élagage et remodelage
synaptiques). Ces phénomènes seraient excessifs (élagage synaptique excessif, apoptoses trop nombreuses) et erronés (atteinte de
la néosynaptogenèse). Le premier modèle, qualifié de “statique”,
serait peu accessible à la prévention. En revanche, le deuxième
permettrait une prévention secondaire de la schizophrénie via une
diminution de l’exposition aux facteurs de risque ou aux facteurs
précipitants, de même qu’un traitement des formes précoces afin
de diminuer le risque évolutif.
ÉTATS MENTAUX À RISQUE
ET ÉVOLUTION VERS LA SCHIZOPHRÉNIE
La plupart des manifestations que nous venons de décrire ont été
identifiées a posteriori, une fois que le diagnostic de schizophrénie a été établi. Or, comme nous l’avons indiqué plus haut, de
nombreux sujets expriment des prodromes psychotiques et/ou
sont exposés à ces facteurs de risque mais ne vont pas pour autant
développer cette pathologie. Certains autres vont présenter des
manifestations psychotiques évidentes, parfois durables, mais
vont voir leurs symptômes complètement régresser. Ces modalités évolutives cliniques ont incité des chercheurs à identifier de
façon prospective des marqueurs cliniques et biologiques associés à la transition vers la maladie. En raison de la faible incidence de la schizophrénie, du grand nombre et de l’hétérogénéité
des facteurs de risque potentiels, ces auteurs ont recherché ces
marqueurs de transition sur des populations “à risque”, c’est-àdire dont le risque d’exprimer la maladie est plus important que
celui de la population générale. Leurs études ont porté essentiellement sur des sujets présentant des antécédents familiaux de
psychose ou sur ceux présentant une symptomatologie psychotique “sous le seuil”. Une telle méthodologie induit bien entendu
des biais. Il devient ainsi quasi impossible d’identifier des facteurs de transition rares ou de faible intensité ou ceux dont l’association avec d’autres serait déterminante quant au développement du trouble. La justification d’une telle méthodologie est de
guider les politiques de prévention secondaire en les focalisant
sur les sujets les plus à risque, avec un coût financier supportable
par la collectivité. Les principales données prospectives dont
nous disposons dans cette perspective sont celles publiées par
La Lettre du Psychiatre - vol. I - n° 1 - mars-avril 2005
La Lettre du Psychiatre - vol. I - n° 1 - mars-avril 2005
CONCLUSION
À l’issue de cette revue, on mesure à la fois les efforts, les
limites et les enjeux de l’identification de marqueurs précoces
de développement de la schizophrénie. La notion de prodrome,
même si elle nécessite de nombreuses précisions quant à son
champ, nous semble intéressante dans la mesure où elle oblige
à revisiter un ensemble des données implicites qui sont rarement débattues. Il en va ainsi des questions concernant la nature
même du trouble psychotique, à propos duquel certains font
référence à la notion de structure ou soulignent les aspects
neurodégénératifs, alors que d’autres indiquent sa nature
neurodéveloppementale. Les facteurs de risque innés et acquis,
qui sont indépendants des facteurs précipitants, doivent-ils être
compris comme déterminants ou plutôt comme susceptibles, avec
d’autres, de favoriser une évolution plus qu’une autre ? Il est
actuellement difficile de trancher. L’existence de tels facteurs
témoigne néanmoins d’un phénomène inverse, à savoir le rôle
éventuellement protecteur d’autres facteurs environnementaux et
affectifs. Dans l’état actuel des choses, il est prématuré de penser fonder une politique de prévention secondaire de la schizophrénie à partir des résultats acquis. En revanche, les ignorer
semble tout aussi condamnable que de les considérer comme
définitifs. L’expérience montre que la mise en place dans les
équipes soignantes d’une prise en charge des populations fragilisées, prise en charge s’intéressant notamment à leur souffrance
(particulièrement pour les populations adolescentes), permet souvent d’éviter que le premier contact de ces populations avec le
système de santé ne s’établisse au moment de la crise psychotique et fonde un traumatisme qu’une vie entière de soins ne parvient parfois pas à dissiper. De nombreuses données restent à
acquérir et de nombreuses questions sont à poser. Continuer à
être optimistes et inventifs vis-à-vis d’une pathologie de fixité
apparente constitue à nos yeux un des intérêts supplémentaires
du concept de prodrome.
■
13
p o i nt
a u
L’usage de cannabis a été dans cette étude significativement corrélé à un passage en S+. Ce résultat n’a pas été reproduit dans une
étude ultérieure.
Dans une extension de cette étude ayant inclus 55 patients supplémentaires, il apparaît que le taux de transition de ce type de
patients à très haut risque est d’environ deux tiers dans les
deux ans qui suivent l’inclusion (59). Les caractéristiques associées au passage de S- à S+ sont :
✓ les antécédents familiaux de psychose ou de symptômes psychotiques atténués ;
✓ la durée supérieure à cinq ans de n’importe quel symptôme
minimum nécessaire à l’inclusion dans l’étude ;
✓ un score de la GAF inférieur à 40 à l’entrée ;
✓ un score de l’item attention supérieur à 2 à la SANS.
L’étape suivante consistera à reproduire ces données et, surtout,
à identifier la nature et l’impact éventuel d’un traitement visant,
soit à empêcher le passage de la situation à haut risque vers une
psychose constituée, soit à retarder son apparition ou à diminuer
son intensité symptomatique ou fonctionnelle.
Mi s e
McGorry et son équipe à Melbourne. Elles sont issues du suivi
attentif au sein de son unité d’aide aux adolescents (PACE Clinic) des sujets à risque adressés par différents acteurs de santé de
la région. Son travail porte sur des adolescents ou des adultes
jeunes présentant divers niveaux de risque, depuis ceux présentant des symptômes atténués de psychose jusqu’à ceux présentant de façon brève des signes psychotiques avérés. Les sujets
de l’étude bénéficiaient d’une évaluation psychopathologique
(BPRS ; SANS ; Hamilton dépression ; qualité de vie : QLS ;
fonctionnement global : GAF ; SCID IV ; abus de substances),
en neuro-imagerie (IRM), neuro-cognitive ainsi que d’une analyse de leur histoire familiale, obstétricale et de leur ajustement
psychosocial. L’évaluation était mensuelle. L’idée générale était
de comparer ces paramètres afin d’identifier ceux associés au
développement de la schizophrénie par rapport à ceux qui ne
l’étaient pas.
Deux types de modifications cérébrales étaient visibles à l’IRM
chez les sujets ayant développé une schizophrénie au sein de cette
population à haut risque :
✓ Les sujets ayant développé un tableau psychotique avéré (S+)
avaient un volume hippocampique gauche, ainsi qu’un rapport
hippocampe gauche/cerveau total plus important que ceux qui
n’avaient pas développé de trouble pendant la période de l’étude
(S-) (57). Ce marqueur de risque doit être analysé avec attention.
En effet, comparativement à des sujets témoins sains (c’est-à-dire
sans aucun marqueur de risque clinique ou génétique pour
la schizophrénie), les sujets S- présentent une diminution du
volume de l’hippocampe. On ne doit pas ainsi hâtivement
conclure que les sujets qui présentent un volume hippocampique
gauche élevé sont plus à risque de déclencher la maladie. On peut
simplement suggérer que le fait, lorsque l’on est à risque, de posséder un hippocampe gauche de volume diminué par rapport à la
norme, protège relativement de la transition vers la schizophrénie,
✓ Le deuxième type de modification retrouvé comme significativement associé à la transition vers la schizophrénie concerne des modifications de la substance grise au niveau du lobe temporal médian (58).
Il est intéressant de noter que cette étude n’a pu identifier aucun
marqueur cognitif spécifique de transition dans le groupe S+ versus
le groupe S-. De même, les antécédents personnels périnataux et
génétiques n’ont pas pu départager les deux groupes. Seul l’âge
de la mère au moment de l’accouchement (significativement plus
élevé dans le groupe S+) différenciait un groupe de l’autre.
Au plan clinique :
✓ les sujets les plus à risque de transition étaient ceux ayant un
score BPRS plus élevé (notamment quand il était supérieur à 15),
particulièrement quand il existait un sous-score psychotique élevé ;
✓ les sujets ayant un sous-score élevé de la SANS attention
étaient plus à risque de transition. Le délai entre l’apparition des
premiers symptômes et la rencontre avec l’équipe de la PACE clinique était significativement (p = 0,035) plus long dans le groupe
S+ (915 jours ± 1 134) que dans le groupe S- (324 jours ± 347) ;
✓ le score à la GAF était significativement (p = 0,029) plus faible
dans le groupe S+ (52,7 ± 14,2), comparativement au groupe S(61,8 ± 13,5) ;
✓ un score plus élevé à la Hamilton dépression était aussi significativement (p < 0,001) plus important dans le groupe S+.
Mi s e
a u
p o i nt
D
R
O
S
É F É R E N C E S
S
B
I
E
R
T
I B L I O G R A P H I Q U E S
1. Yung AR, McGorry PD. The prodromal phase of first-episode psychosis: past
and current conceptualizations. Schizophr Bull 1996;22(2):353-70.
2. Peters E et al. Delusional ideation in religious and psychotic populations. Br
J Clin Psychol 1999;38(Pt 1):83-96.
3. Van Os J. Is there a continuum of psychotic experiences in the general population? Epidemiol Psychiatr Soc 2003;12(4):242-52.
4. Klosterkotter J et al. Diagnostic validity of basic symptoms. Eur Arch
Psychiatry Clin Neurosci 1996;246(3):147-54.
5. Klosterkotter J et al. Early self-experienced neuropsychological deficits and
subsequent schizophrenic diseases: an 8-year average follow-up prospective
study. Acta Psychiatr Scand 1997;95(5):396-404.
6. Cornblatt B, Lencz T, Obuchowski M. The schizophrenia prodrome: treatment
and high-risk perspectives. Schizophr Res 2002;54(1-2):177-86.
7. Yung A, Phillips L, MacGorry P. Treating schizophrenia in the prodromal
phase. London: Taylor & Francis Group, 2004.
8. Häfner H et al. The influence of age and sex on the onset and early course of
schizophrenia. Br J Psychiatry 1993;162:80-6.
9. Norman RM, Townsend L, Malla AK. Duration of untreated psychosis and
cognitive functioning in first-episode patients. Br J Psychiatry 2001;179:340-5.
10. Yung AR, McGorry PD. The initial prodrome in psychosis: descriptive and
qualitative aspects. Aust N Z J Psychiatry 1996;30(5):587-99.
11. Häfner H et al. Depression, negative symptoms, social stagnation and social
decline in the early course of schizophrenia. Acta Psychiatr Scand 1999;100(2):105-18.
12. Bilder RM et al. Symptomatic and neuropsychological components of defect
states. Schizophr Bull 1985;11(3):409-19.
13. Weickert TW et al. Cognitive impairments in patients with schizophrenia
displaying preserved and compromised intellect. Arch Gen Psychiatry 2000;57
(9):907-13.
14. Hollis C. Adolescent schizophrenia. Advances in Psychiatric Treatment
2000;6:83-92.
15. McGlashan TH and Johannessen JO. Early detection and intervention with
schizophrenia: rationale. Schizophr Bull 1996;22(2):201-22.
16. Norman RM, Malla AK. Duration of untreated psychosis: a critical examination of the concept and its importance. Psychol Med 2001;31(3):381-400.
17. Ciompi L, Muller C. Lifestyle and age of schizophrenics. A catamnestic long-term
study into old age. Monogr Gesamtgeb Psychiatr Psychiatry Ser 1976;12(0):1-242.
18. Craig TJ et al. Is there an association between duration of untreated
psychosis and 24-month clinical outcome in a first-admission series? Am J
Psychiatry 2000;157(1):60-6.
19. Malmberg A et al. Premorbid adjustment and personality in people with
schizophrenia. Br J Psychiatry 1998;172:308-13;314-5(discussion).
20. Davidson M et al. Behavioral and intellectual markers for schizophrenia in
apparently healthy male adolescents. Am J Psychiatry 1999;156(9):1328-35.
21. Rabinowitz J et al. Cognitive and behavioural functioning in men with schizophrenia both before and shortly after first admission to hospital. Cross-sectional analysis. Br J Psychiatry 2000;177:26-32.
22. Walker E, Lewine RJ. Prediction of adult-onset schizophrenia from childhood
home movies of the patients. Am J Psychiatry 1990;147(8):1052-6.
23. Jones P et al. Child development risk factors for adult schizophrenia in the
British 1946 birth cohort. Lancet 1994;344(8934):1398-402.
24. Cannon M et al. School performance in Finnish children and later development of schizophrenia: a population-based longitudinal study. Arch Gen
Psychiatry 1999;56(5):457-63.
25. Bearden CE et al. A prospective cohort study of childhood behavioral
deviance and language abnormalities as predictors of adult schizophrenia.
Schizophr Bull 2000;26(2):395-410.
26. Done D et al. Childhood antecedents of schizophrenia and affective illness:
social adjustment at ages 7 and 11. Br Med J 1994(309):699-703.
27. Nagy J, Szatmari P. A chart review of schizotypal personality disorders in
children. J Autism Dev Disord 1986;16(3):351-67.
28. Rascle C et al. What do we know about the infancy and childhood of individuals
who become schizophrenic? In: Schizophrénies débutantes. Diagnostic et modalités thérapeutiques. Paris: John Libbey Editor, John Libbey Eurotext, 101-109.
29. Tienari P. Interaction between genetic vulnerability and family environment: the
Finnish adoptive family study of schizophrenia. Acta Psychiatr Scand 1991(84):460-5.
14
H
É
M
A
T
I
Q
U
E
30. Mortensen PB et al. Effects of family history and place and season of birth
on the risk of schizophrenia. N Engl J Med 1999;340(8):603-8.
31. Pedersen CB, Mortensen PB. Evidence of a dose-response relationship
between urbanicity during upbringing and schizophrenia risk. Arch Gen
Psychiatry 2001;58(11):1039-46.
32. Ødegaard. Emigration and insanity. Acta Psychiatr Neurol Scand 1932;
suppl.4:1-206.
33. Harrison G et al. A prospective study of severe mental disorder in AfroCaribbean patients. Psychol Med 1988;18(3):643-57.
34. Hutchinson G et al. Morbid risk of schizophrenia in first-degree relatives
of white and African-Caribbean patients with psychosis. Br J Psychiatry
1996;169(6):776-80.
35. Torrey EF et al. Seasonality of births in schizophrenia and bipolar disorder:
a review of the literature. Schizophr Res 1997;28(1):1-38.
36. McGrath JJ, Welham JL. Season of birth and schizophrenia: a systematic
review and meta-analysis of data from the Southern Hemisphere. Schizophr Res
1999;35(3):237-42.
37. McGrath J. Hypothesis: is low prenatal vitamin D a risk-modifying factor for
schizophrenia? Schizophr Res 1999;40(3):173-7.
38. Brown AS et al. Nonaffective psychosis after prenatal exposure to rubella. Am
J Psychiatry 2000;157(3):438-43.
39. Geddes JR, Lawrie SM. Obstetric complications and schizophrenia: a metaanalysis. Br J Psychiatry 1995;167(6):786-93.
40. Rifkin L et al. Low birth weight and schizophrenia. Br J Psychiatry
1994;165(3):357-62.
41. Jones PB et al. Schizophrenia as a long-term outcome of pregnancy, delivery,
and perinatal complications: a 28-year follow-up of the 1966 north Finland general population birth cohort. Am J Psychiatry 1998;155(3):355-64.
42. Ichiki M et al. Intra-uterine physical growth in schizophrenia: evidence
confirming excess of premature birth. Psychol Med 2000;30(3):597-604.
43. Dalman C et al. Obstetric complications and the risk of schizophrenia: a longitudinal study of a national birth cohort. Arch Gen Psychiatry 1999;56(3):234-40.
44. Zornberg GL, Buka SL, Tsuang MT. Hypoxic-ischemia-related fetal/neonatal
complications and risk of schizophrenia and other nonaffective psychoses: a 19year longitudinal study. Am J Psychiatry 2000;157(2):196-202.
45. Seidman LJ et al. The relationship of prenatal and perinatal complications
to cognitive functioning at age 7 in the New England Cohorts of the National
Collaborative Perinatal Project. Schizophr Bull 2000;26(2):309-21.
46. O’Callaghan E et al. Schizophrenia after prenatal exposure to 1957 A2
influenza epidemic. Lancet 1991;337(8752):1248-50.
47. Allebeck P et al. Cannabis and schizophrenia: a longitudinal study of cases
treated in Stockholm County. Acta Psychiatr Scand 1993;88(1):21-4.
48. Zammit S et al. Self reported cannabis use as a risk factor for schizophrenia
in Swedish conscripts of 1969: historical cohort study. Br Med J 2002;325
(7374):1199.
49. Van Os J et al. Cannabis use and psychosis: a longitudinal population-based
study. Am J Epidemiol 2002;156(4):319-27.
50. Arseneault L et al. Cannabis use in adolescence and risk for adult psychosis:
longitudinal prospective study. Br Med J 2002;325(7374):1212-3.
51. Weiser M et al. Self-reported drug abuse in male adolescents with behavioral disturbances, and follow-up for future schizophrenia. Biol Psychiatry
2003;54(6):655-60.
52. Verdoux H et al. Cannabis use and dimensions of psychosis in a nonclinical
population of female subjects. Schizophr Res 2003;59(1):77-84.
53. Murray RM, Lewis SW. Is schizophrenia a neurodevelopmental disorder? Br
Med J (Clin Res Ed) 1987;295(6600):681-2.
54. Weinberger DR. Implications of normal brain development for the pathogenesis of schizophrenia. Arch Gen Psychiatry 1987;44(7):660-9.
55. Woods BT. Is schizophrenia a progressive neurodevelopmental disorder?
Toward a unitary pathogenetic mechanism. Am J Psychiatry 1998;155(12):1661-70.
56. McGlashan TH, Hoffman RE. Schizophrenia as a disorder of developmentally reduced synaptic connectivity. Arch Gen Psychiatry 2000;57(7):637-48.
57. Phillips LJ et al. Non-reduction in hippocampal volume is associated with
higher risk of psychosis. Schizophr Res 2002;58(2-3):145-58.
58. Pantelis C et al. Neuroanatomical abnormalities before and after onset
of psychosis: a cross-sectional and longitudinal MRI comparison. Lancet
2003;361(9354):281-8.
59. Yung AR et al. Risk factors for psychosis in an ultra high-risk group: psychopathology and clinical features. Schizophr Res 2004;67(2-3):131-42.
La Lettre du Psychiatre - vol. I - n° 1 - mars-avril 2005
Téléchargement