2. L’argent qui circule entre les patients, en dehors du contrôle soignant, est-il à proscrire
ou au contraire un marqueur de lien social ?
L’incohérence du monde extérieur est extrême chez le psychotique mais nous avons pu constater
quotidiennement un système d’échanges sociaux à l’intérieur des murs de l’hôpital de jour qui
ressemble étrangement à celui des gens dits normaux.
Ce système d’échanges sociaux se base en partie sur l’argent ; sur tout un système d’échanges
économiques, de transactions et d’attente de compensation. (vente/échanges d’objets en fraude
d’objets, dons de vêtements, revente de cigarettes, rackets à petite échelle, mendicité, prêt ou
avance…).
L’argent est un moyen d’échange qui a une valeur importante car, muni d’argent, le patient peut
prétendre à faire des achats que ce soit à l’hôpital de jour ou à l’extérieur.
Le patient sous curatelle ou tutelle a le droit à une certaine somme toutes les semaines, son « argent
de poche » ou « de vie » ou sa « paye », comme il le nomme parfois.
A défaut, et lorsqu’il vient à manquer, la cigarette peut remplacer l’argent et servir de monnaie
d’échange.
Ces sources de revenus, d’échanges rituels, de don et contre-don sont la base d’un système
d’échanges sociaux important et peuvent même être d’une qualité relationnelle intéressante.
Cependant, il nous faut être attentif et soucieux de préserver le patient quel qu’il soit.
Il semblerait que pour la majorité des patients, l’argent est comme un attribut de la vie normale. C’est
un moyen d’échanges rituels et pas simplement économiques. L’argent positionne la personne en tant
qu’individu et sujet dans les relations sociales. Il permet de s’inscrire et d’être au monde…
L’argent est-il un des tous premiers facteurs de réinsertion, resocialisation, réhabilitation ?
Donne-t-il une identité à celui qui en possède, même si ce n’est que deux euros ?
Argent, psychose et accompagnement social :
A l’hôpital de jour, la prise en charge dépend aussi de certaines problématiques liées à
l’argent. L’argent peut entrer en ligne de compte dans le suivi médical, soignant, social. Nous savons
tous que la prise en charge d’un patient désocialisé nécessite en premier lieu le retour à l’inscription
sociale et une régulation des ressources…même si nous ne devons pas oublier de créer du lien
relationnel ; avant tout.
Avec les patients, nous explorons leurs possibilités, leurs ressources qui vont, sur les lieux
d’achats, se trouver actualisées, réactualisées, mises en pratique. Ils intègrent ainsi des données où
ils prennent conscience de leurs capacités et/ou de leurs incapacités, et d’où peuvent émerger des
solutions d’avenir (prendre conscience qu’on ne peut pas vivre seul, qu’on ne sait pas gérer…ou, au
contraire qu’on se débrouille ; faire des choix en fonction de ses propres besoins ; se confronter à la
réalité).
Les ressources doivent servir à l’entretien, à réinscrire le patient socialement.
Nous nous rendons compte, par nos observations au quotidien, des dysfonctionnements, des
ruptures, des pertes mais aussi de ce qui a été préservé malgré la maladie. Nous sommes là, prêts à
recevoir ce quotidien si terrible, avec eux. Il nous faut, inlassablement, toujours aller vers une vision
positive respecter et valoriser les ressources du patient, susciter sa participation et surtout son désir
de se prendre en charge…