8. Deux innovations, qui traduisent un assouplissement du régime traditionnel des
sûretés réelles, illustrent ce souci d’efficacité.
En premier lieu, les nouvelles règles relatives au gage permettent le gage sur stocks,
évidemment nécessaire au développement du crédit commercial. Désormais, le gage est
défini comme pouvant porter sur un bien mobilier ou sur un ensemble de biens mobiliers,
actuels ou futurs. Et si le bien gagé est fongible, ce qui est le cas de marchandises (produits
agricoles ou matières premières), la convention peut autoriser le débiteur à l’aliéner, sous
l’obligation de le remplacer par un bien équivalent sur lequel les droits du créancier sont
reportés. Ces deux dispositions permettent au débiteur de poursuivre son activité
commerciale et d’en tirer les bénéfices nécessaires au remboursement du crédit garanti.
En second lieu, l’ordonnance a consacré une nouvelle forme d’hypothèque, déjà
évoquée, qui vise à faciliter le crédit aux particuliers : l’hypothèque rechargeable. De cette
hypothèque, dont le Président Decorps vous parlera tout à l’heure, on dira ici simplement
qu’il s’agit d’une hypothèque qui, une fois constituée pour la garantie d’une première
créance, peut être réutilisée par le constituant en garantie de nouvelles créances : ainsi,
l’hypothèque qui a été consentie pour garantir l’emprunt contracté pour acquérir un
immeuble peut être ensuite affectée à la garantie d’un emprunt contracté pour financer des
travaux ou l’acquisition d’un bien de consommation. Elle permet ainsi d’éviter le coût de la
constitution d’une nouvelle hypothèque.
2° L’équilibre entre les intérêts du créancier et ceux du débiteur
9. L’un des traits majeurs de la tradition juridique française, et plus largement de la
tradition juridique latine, est de ne pas tout sacrifier à l’efficacité économique mais de faire
sa part à l’impératif de protection sociale. La réforme des sûretés est restée fidèle à ce souci
d’équilibre sans lequel l’harmonie sociale serait compromise.
En voici trois illustrations, le première relative aux sûretés personnelles, les deux autres
aux sûretés réelles.
La première concerne la garantie autonome. Parce qu’elle est très rigoureuse pour le
garant (supra, n° 3), cette sûreté a été interdite en droit de la consommation. Un emprunt
contracté par un particulier pour acquérir un bien de consommation ne peut pas être
conforté par une garantie autonome.
La deuxième concerne l’hypothèque garantissant des créances futures : par
exemple, l’hypothèque que se fait consentir une banque en garantie de toutes les créances
qu’elle pourrait avoir contre son client, au titre d’un prêt, d’une ouverture de crédit ou d’une
autorisation de découvert. Si l’hypothèque est à durée indéterminée, le débiteur peut s’en
libérer : il dispose d’un droit de résiliation unilatérale moyennant un préavis de trois mois ; les
créances qui naîtront après l’expiration de ce délai ne seront plus garanties par
l’hypothèque.
La troisième concerne l’exécution des sûretés réelles . La réforme prévoit trois modes
d’exécution de la sûreté : - 1°/ Le créancier impayé peut faire vendre le bien en justice afin
d’exercer son droit de préférence sur le prix. C’est le mode traditionnel d’exécution. - 2°/ Le
créancier impayé peut aussi demander au juge de lui attribuer la propriété du bien. Cette
attribution judiciaire n’était naguère prévue par la loi qu’en matière mobilière, elle l’est
désormais égelement en matière immobilière. - 3°/ Le créancier impayé peut enfin acquérir
la propriété du bien sans intervention judiciaire, si l’acte constitutif de la sûreté le prévoit par
une clause dite pacte commissoire. Ces deux derniers modes de réalisation de la sûreté, qui
sont des modes simplifiés, sont évidemment de l’intérêt du créancier. Mais la protection du
débiteur et des autres créanciers n’est pas pour autant négligée. D’une part, ils supposent
toujours, sauf s’il s’agit de biens faisant l’objet d’une cote officielle, une expertise judiciaire
permettant de connaître leur véritable valeur, afin d’éviter que la sûreté ne soit une source
d’enrichissement du créancier ou ne préjudicie aux autres créanciers. D’autre part, ces
mêmes modes simplifiés sont exclus lorsque la sûreté est une hypothèque qui grève la