21 septembre - 13 H 25 - Fondation pour le droit continental

TABLE RONDE 4
« Présentation générale des sûretés en droit français »
M. Michel GRIMALDI
Professeur à l’Université Panthéon-Assas Paris II
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«La réforme des sûretés immobilières en France »
Me Jean-Paul DECORPS
Président Honoraire du Conseil Supérieur du Notariat Français, Président du Conseil
d’Administration du Centre sino-français de Formation et d’Échanges notariaux et
juridiques à Shanghai
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« Approche des sûretés mobilières en Chine au regard du système français »
Me Guillaume ROUGIER-BRIERRE
Avocat, Associé du Cabinet Gide Loyrette Nouel à Pékin
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« Présentation générale des sûretés en droit français »
M. Michel GRIMALDI
Professeur à l’Université Panthéon-Assas Paris II
1. Les sûretés - que l’on peut définir comme les garanties de paiement des créances à
terme - ont fait l’objet, en France, d’une importante réforme, avec une Ordonnance du 23
mars 2006. Celle-ci a créé dans le Code civil un Livre IV qui leur est tout entier dédié.
On présentera, brièvement, cette réforme en deux temps : d’abord en dressant la
nouvelle panoplie des sûretés (A) ; ensuite en indiquant l’esprit du nouveau droit des retés
(B).
A. La nouvelle panoplie des sûretés
2. L’ordonnance du 23 mars 2006 maintient la distinction traditionnelle du droit
français entre les sûretés réelles et les sûretés personnelles :
- Les sûretés personnelles (qui font l’objet du premier titre du livre IV) consistent en ce
qu’une personne garantit la dette d’une autre : un premier droit de créance est ainsi
renforcé par un second droit de créance, qui, comme le premier, est un droit personnel
(c’est-à-dire un droit portant sur tous les biens, présents et à venir, du débiteur). D’où la
dénomination de sûreté personnelle.
- Les sûretés réelles (qui font l’objet du second titre du livre IV) consistent en un droit
accordé au créancier sur un ou plusieurs biens de son débiteur, donc en un droit réel. D’où la
dénomination de sûreté réelle. Mais, à la différence du droit de propriété traditionnel ou du
droit d’usufruit, ce droit réel ne porte pas sur les utilités de la chose : il ne confère pas le
pouvoir d’user ou de jouir de cette chose. Il porte simplement sur la valeur de la chose : le
créancier en tire comme avantage l’affectation de cette valeur au paiement prioritaire de
sa créance ; il a sur cette chose un droit de préférence.
On donnera un bref aperçu d’abord des sûretés personnelles, ensuite des sûretés
réelles.
1°. Les sûretés personnelles
3. Les sûretés personnelles prévues par le Code Civil sont le cautionnement, la
garantie autonome et la lettre d’intention. Le cautionnement est longtemps resté la seule
sûreté personnelle. La garantie autonome et la lettre d’intention sont apparues durant ces
dernières décennies : la première est un engagement plus rigoureux que le cautionnement,
la seconde est un engagement moins rigoureux que le cautionnement.
Le cautionnement se définit comme l’engagement pris par une
personne - la caution - de payer la dette d’une autre si celle-ci défaille. Il présente pour
caractère principal d’être une reté accessoire en ce sens que l’obligation de la caution a
pour objet l’obligation du débiteur principal : la caution s’engage très précisément à payer
ce que doit le débiteur. Aussi l’existence et l’étendue de son obligation de la caution
dépendent-elles cessairement de celles de l’obligation principale : la caution peut
opposer au créancier toutes les exceptions que pourrait lui opposer le débiteur principal (par
exemple, la nullité de l’obligation principale, ou encore son extinction).
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La garantie autonome est, depuis l’ordonnance du 23 mars 2006, prévue par
l’article 2321 du Code civil, qui la définit comme « l’engagement par lequel le garant
s’oblige, en considération d’une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à
première demande, soit suivant des modalités convenues ». Comme le cautionnement, elle
est bien une sûreté personnelle puisqu’elle ajoute à un premier débiteur (le « tiers » visé par le
texte) un second biteur : le « garant ». Mais, à la différence du cautionnement, elle n’est
pas une sûre accessoire, car le garant ne s’engage pas à payer la dette garantie : il
s’engage simplement « en considération » de cette dette ; son engagement a pour objet
une somme d’argent dont le montant est indépendant de celui de la dette garantie. D’où la
règle de l’inopposabilité des exceptions : parce que son engagement est autonome,
indépendant, le garant ne peut opposer au créancier qui le poursuit les exceptions titrées de
l’obligation garantie.
On sait quelle l’utilité de la garantie autonome. Ce n’est pas de permettre au
créancier d’obtenir du garant ce que le débiteur ne lui doit pas : ce serait absurde. Il s’agit
de lui permettre d’obtenir immédiatement du garant ce que le débiteur, et donc sa caution,
pourrait contester lui devoir. L’utili des garanties autonomes est d’épargner au créancier
des incertitudes, les délais et donc les coûts financiers auxquels l’exposerait une sûreté
accessoire comme le cautionnement. Elle réside dans l’automaticité du règlement. Elle
s’exprime dans la formule : Payez d’abord, on discutera ensuite.
La lettre d’intention, qui est née dans la pratique anglo-américaine des affaires,
est, depuis l’ordonnance du 23 mars 2006, prévue par l’article 2322 du Code Civil. Elle y est
définie comme « l’engagement de faire ou de ne pas faire ayant pour objet le soutien
apporté à un débiteur dans l’exécution de son obligation envers son créancier ».
Cette définition montre que l’obligation qu’elle fait naître n’est pas une obligation de
payer en cas de défaillance du débiteur : c’est une simple obligation de soutenir le débiteur
dans l’exécution de son obligation ; c’est une obligation comportementale. Souvent, elle
émane d’une société mère qui entend soutenir sa filiale, notamment lorsque celle-ci est en
période de démarrage. Ce soutien peut consister en une prestation (souscription à une
augmentation de capital, apport en compte courant, aide et assistance dans la conquête
de marchés), comme en une abstention (promesse, de la part de l’associé majoritaire de la
société débitrice, de ne pas distribuer de dividendes).
2°. Les sûretés réelles
4. Depuis l’ordonnance du 23 mars 2006, le Code Civil classe les sûretés réelles, non
plus selon leur technique, mais selon leur objet : non plus selon qu’elles impliquent ou non la
dépossession du débiteur, mais selon qu’elles portent sur un meuble ou sur un immeuble. Ce
qui conduit à distinguer les sûretés mobilières des sûretés immobilières.
a. Les sûretés mobilières
5. Le code civil distingue quatre catégories de sûretés mobilières.
Les privilèges sont des sûretés accordées par la loi. Ils sont généraux ou spéciaux,
selon qu’il grèvent tous les immeubles du débiteur ou certains seulement d’entre eux : ainsi, la
loi accorde au Trésor Public, pour le recouvrement des impôts, un privilège général qui grève
tous les meubles du contribuable ; mais elle confère au vendeur de meuble, pour le
paiement du prix de vente, un privilège spécial qui ne grève que l’immeuble vendu.
Le gage se définit comme une sûre conventionnelle qui porte sur un meuble
corporel. Depuis l’ordonnance du 23 mars 2006, il n’exige plus la dépossession du débiteur,
c’est-à-dire la remise de la chose au créancier. Il se forme par le seul établissement d’un
écrit, qui est requis à peine de nullité. Simplement, pour qu’il devienne opposable au tiers, la
loi prévoit deux possibilités : ou bien, la remise de la chose au créancier, c’est-à-dire la
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dépossession du débiteur ; ou bien la publication de la sûresur un registre tenu à la fois à
l’échelon national et à l’échelon régional.
Le nantissement se définit comme une sûreté conventionnelle portant sur un
meuble incorporel, par exemple sur une créance ou sur un compte d’instruments financiers
(c’est-à-dire sur un portefeuille de valeurs mobilières). On relèvera que, lorsqu’il porte sur une
créance, le nantissement se forme par la seule rédaction d’un écrit, sans qu’il soit nécessaire
de le signifier au débiteur de la créance nantie, et que le créancier nanti peut se payer
directement auprès du débiteur de la créance nantie. Et lorsqu’il porte sur un compte
d’instruments financiers, le débiteur peut conserver la faculté de vendre les valeurs mobilières
en vue d’en acquérir de nouvelles qui, par l’effet de la subrogation réelle, entreront dans
l’assiette de la sûreté.
Les sûretés-propriétés comprennent la réserve de propriété, la propriété est
retenue par le créancier à titre de garantie (notamment par un vendeur jusqu’au complet
paiement du prix de la vente), et la fiducie-sûreté, la propriété est dée au créancier à
titre de garantie. On observera que la fiducie-sûreté a été consacrée et introduite dans le
Code civil, non par l’Ordonnance du 23 mars 2006, mais par une loi ultérieure du 19 février
2007.
b. Les sûretés immobilières.
6. L’ordonnance du 23 mars 2006 prévoit quatre sûretés immobilières :
Les privilèges qui sont des sûretés accordées par la loi, et qui, comme les privilèges
mobiliers, grèvent tantôt la totalité des immeubles, tantôt des immeubles particuliers. Ainsi la
loi accorde au Trésor Public un privilège qui grève tous les immeubles du contribuable. Et elle
confère au vendeur d’immeuble, pour le paiement du prix de vente, au prêteur de
deniers, pour le remboursement de la somme prêtée pour payer le prix, un privilège sur
l’immeuble vendu.
L’antichrèse se définit comme une sûreté conventionnelle avec dépossession. Le
débiteur remet au créancier l’immeuble qui forme l’objet de la garantie. Mais l’ordonnance
du 23 mars 2006 consacre une jurisprudence suivant laquelle le créancier qui a obtenu la
possession de l’immeuble peut ensuite le donner à bail au débiteur qui en reste ainsi
détenteur.
L’hypothèque se définit comme la sûre immobilière sans dépossession.
L’ordonnance du 23 mars 2006 lui a conservé ses traits essentiels : l’hypothèque doit être
constituée par un acte notarié à peine de nullité, elle grève un ou plusieurs immeubles
déterminés, et sa publicité conditionne son opposabilité. Deux innovations méritent toutefois
d’être signalées, dont le Président Jean-Paul Decorps vous vous parlera tout à l’heure dans le
détail : l’hypothèque rechargeable et le prêt viager hypothécaire.
Les sûretés-propriétés sont simplement évoquées par le Code Civil, qui se borne à
énoncer que la propriété d’un immeuble peut être retenue à titre de garantie. Si la loi n’en
dit pas plus, c’est parce que la réserve de proprié semble, pour l’instant, inusitée en
matière immobilière. Mais il faut ici rappeler que la fiducie-sûreté, qui peut porter sur un
immeuble, a été consacrée par la loi du 19 février 2007.
B. L’esprit du nouveau droit des sûretés.
7. Le nouveau droit des sûretés est inspiré par une double préoccupation : assurer
l’efficacité de la sûreté (1°), mais respecter l’équilibre entre les intérêts du créancier et ceux
du débiteur (2°).
1° L’efficacité de la sûreté
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8. Deux innovations, qui traduisent un assouplissement du régime traditionnel des
sûretés réelles, illustrent ce souci d’efficacité.
En premier lieu, les nouvelles règles relatives au gage permettent le gage sur stocks,
évidemment nécessaire au développement du crédit commercial. Désormais, le gage est
défini comme pouvant porter sur un bien mobilier ou sur un ensemble de biens mobiliers,
actuels ou futurs. Et si le bien gagé est fongible, ce qui est le cas de marchandises (produits
agricoles ou matières premières), la convention peut autoriser le débiteur à l’aliéner, sous
l’obligation de le remplacer par un bien équivalent sur lequel les droits du créancier sont
reportés. Ces deux dispositions permettent au débiteur de poursuivre son activité
commerciale et d’en tirer les bénéfices nécessaires au remboursement du crédit garanti.
En second lieu, l’ordonnance a consacré une nouvelle forme d’hypothèque, déjà
évoquée, qui vise à faciliter le crédit aux particuliers : l’hypothèque rechargeable. De cette
hypothèque, dont le Président Decorps vous parlera tout à l’heure, on dira ici simplement
qu’il s’agit d’une hypothèque qui, une fois constituée pour la garantie d’une première
créance, peut être réutilisée par le constituant en garantie de nouvelles créances : ainsi,
l’hypothèque qui a été consentie pour garantir l’emprunt contracté pour acquérir un
immeuble peut être ensuite affectée à la garantie d’un emprunt contracté pour financer des
travaux ou l’acquisition d’un bien de consommation. Elle permet ainsi d’éviter le coût de la
constitution d’une nouvelle hypothèque.
2° L’équilibre entre les intérêts du créancier et ceux du débiteur
9. L’un des traits majeurs de la tradition juridique française, et plus largement de la
tradition juridique latine, est de ne pas tout sacrifier à l’efficacité économique mais de faire
sa part à l’impératif de protection sociale. La réforme des sûretés est restée fidèle à ce souci
d’équilibre sans lequel l’harmonie sociale serait compromise.
En voici trois illustrations, le première relative aux sûretés personnelles, les deux autres
aux sûretés réelles.
La première concerne la garantie autonome. Parce qu’elle est très rigoureuse pour le
garant (supra, 3), cette sûreté a été interdite en droit de la consommation. Un emprunt
contracté par un particulier pour acquérir un bien de consommation ne peut pas être
conforté par une garantie autonome.
La deuxième concerne l’hypothèque garantissant des créances futures : par
exemple, l’hypothèque que se fait consentir une banque en garantie de toutes les créances
qu’elle pourrait avoir contre son client, au titre d’un prêt, d’une ouverture de crédit ou d’une
autorisation de découvert. Si l’hypothèque est à durée indéterminée, le débiteur peut s’en
libérer : il dispose d’un droit de résiliation unilatérale moyennant un préavis de trois mois ; les
créances qui naîtront après l’expiration de ce délai ne seront plus garanties par
l’hypothèque.
La troisième concerne l’exécution des sûretés réelles . La réforme prévoit trois modes
d’exécution de la sûreté : - 1°/ Le créancier impayé peut faire vendre le bien en justice afin
d’exercer son droit de préférence sur le prix. C’est le mode traditionnel d’exécution. - 2°/ Le
créancier impayé peut aussi demander au juge de lui attribuer la propriété du bien. Cette
attribution judiciaire n’était naguère prévue par la loi qu’en matière mobilière, elle l’est
désormais égelement en matière immobilière. - 3°/ Le créancier impayé peut enfin acquérir
la proprié du bien sans intervention judiciaire, si l’acte constitutif de la sûre le prévoit par
une clause dite pacte commissoire. Ces deux derniers modes de réalisation de la sûreté, qui
sont des modes simplifiés, sont évidemment de l’intérêt du créancier. Mais la protection du
débiteur et des autres créanciers n’est pas pour autant négligée. D’une part, ils supposent
toujours, sauf s’il s’agit de biens faisant l’objet d’une cote officielle, une expertise judiciaire
permettant de connaître leur véritable valeur, afin d’éviter que la sûreté ne soit une source
d’enrichissement du créancier ou ne préjudicie aux autres créanciers. D’autre part, ces
mêmes modes simplifiés sont exclus lorsque la sûre est une hypothèque qui grève la
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