RETOUR A DOMICILE APRES... Après la confection chirurgicale d’une stomie ■ S. Doherty* Une stomie est l’abouchement chirurgical d’un organe creux à la peau. On distingue les entérostomies des urostomies. En 1960, une stomisée, Normal N. Gill, opérée par le Pr Turnbull, aux Étas-Unis, a décidé de former des infirmières stomathérapeutes. Leur fonction est de permettre aux patients stomisés de retrouver leur autonomie rapidement après l’intervention par une prise en charge technique et psychologique adaptée. Cette notion d’autonomie est capitale à trois niveaux : physique, psychologique, financier. DIFFÉRENTES STOMIES La localisation idéale de la stomie se situe sur une surface plane de 10 cm2 à distance de tout relief cutané, osseux cicatriciel ou autre, qui gênerait l’appareillage ; au travers des grands droits pour prévenir éventrations et prolapsus, et visible par le patient. • Colostomies : le plus souvent planes, à gauche et terminales (technique de Hartmann ou amputation abdomino-périnéale). Les selles seront à distance du postopératoire, moulées, voire pâteuses selon les cas, mais posent moins de problèmes d’appareillage. • Iléostomies : le plus souvent en relief, à droite et plus fréquemment transitoires, donc latérales (notamment dans les protections d’anastomose. L’iléostomie latérale présente deux orifices, car l’incision sur le grêle n’est que partielle, permettant par la suite la remise en continuité. SOINS Avant tout, on doit retenir qu’un soin de stomie est un soin d’hygiène qu’il convient de démystifier et non un pansement. * Stomathérapeuthe dans le service du Pr Ruszniewski à l’hôpital Beaujon. • Matériel : eau du robinet et savon de Marseille non glycériné, non parfumé. Les antiseptiques et pommades diverses sont proscrits. Ils sont souvent source d’irritation cutanée. • Technique : lavage à l’eau (comme un anus naturel) et au savon. Rinçage puis séchage soigneux par tamponnement. Application de la poche découpée au diamètre exact de la stomie, majoré de 2 mm, afin d’éviter le contact de la peau avec les selles. Dans les iléostomies, selon le type de poche choisi, il convient le plus souvent d’appliquer un joint de protection par une pâte péristomiale. Celle-ci se pose au contact de la stomie sous le support de la poche et garantit une étanchéité qui empêche les effluents de passer dessous et de brûler gravement la peau. MATÉRIEL Figure 1. Sténose consécutive à une nécrose. Figure 2. Stomie mal située car dans un pli. Difficultés d’étanchéité de l’appareillage. Actuellement, toutes les poches et les pâtes de protection péristomiale sont remboursées à 100 % par la Sécurité sociale selon le TIPS. Il existe sur le marché, de nombreux types de poches opaques, transparentes, de formes et de tailles différentes. C’est à l’usage que le patient trouvera celle qui lui convient le mieux. S’il a l’im- Correspondances en médecine - n° 1, vol. IV - janvier/février/mars 2003 33 RETOUR A DOMICILE APRES... Figure 3. Éventration. pression de pouvoir choisir, il aura la sensation de garder une part active dans les décisions. Il existe des systèmes deux pièces : – un support qu’on laisse en place plusieurs jours (4 à 5 jours dans la colostomie ; 2 à 3 dans l’iléostomie) sur lequel on fixe une poche renouvelable selon les besoins. – des systèmes une pièce que l’on change deux à trois fois par jour, pour une colostomie ; tous les 1 à 2 jours pour une iléostomie. À ce jour, toutes les poches sont munies de filtre permettant de laisser échapper les gaz responsables du gonflement de la poche (ces filtres sont composés de charbon désodorisants). Le choix du modèle se fait le plus souvent en fonction de la nature des selles. Pour les iléostomies, il est d'usage d'utiliser des poches vidables permettant leur vidange dans les WC sans les décoller. Pour les colostomies, on utilise des poches fermées que l’on change à chaque fois que nécessaire. Les supports des poches (qu’ils soient en une ou deux pièces) sont le plus souvent en carboxyméthylcellulose très peu allergisant, protecteur et même cicatrisant de la peau. Il est important de choisir le système également en fonction de la conformation physique du patient et de sa dextérité (certains systèmes sont plus ou moins rigides et peuvent gêner dans certaines activités. Tous ces systèmes sont étanches à l’eau et permettent les bains et les douches. Sur le marché, on trouve maintenant des accessoires supplémentaires non remboursés mais pouvant aider dans certaines situations : • des gélules désodorisantes que l’on rajoute dans les poches ; • des solutions qui gélifient les effluents ; • des ceintures permettant une meilleure fixation au corps. Ne pas prescrire de compresses ➩ des papiers absorbants sont suffisants et moins coûteux. PROBLÈMES PSYCHOLOGIQUES – Le premier tient à l’agent causal ayant nécessité l’intervention chirurgicale : cancer, agression, accident, sigmoïdite, polypose et les implications qu’il entraîne et qu’il ne faut pas négliger. – Le second tient à la modification de l’image corporelle. – La peur des odeurs (certaines gélules mises dans la poche absorbent ces odeurs et renfor- 34 cent les filtres plus ou moins efficacement. Elles ne sont pas remboursées). – La peur que la poche se voie. Conseiller au patient de la vider fréquemment en fonction de son transit et de ses habitudes. – La peur d’être rejeté par l’entourage. – L’angoisse d’avoir à faire ses soins seul ou, au contraire, de devenir dépendant. C’est pourquoi, même pour une courte période, l’apprentissage est nécessaire. – Des problèmes sexuels pouvant être induits par l’intervention chirurgicale elle-même ou par le psychisme seul. – Des problèmes d’incontinence urinaire. – Des problèmes financiers si dépassements du TIPS ou utilisation de moult adjuvants que le patient pense nécessaires. COMPLICATIONS Problèmes cutanés Complications les plus fréquentes. Il s’agit de déterminer la cause et de la supprimer. • Fuites : poche inadaptée, trop rigide ; stomie dans un pli ; pommades grasses qui empêchent l’adhésivité. • Irritations : trou découpé trop grand mettant en contact les selles avec la peau ; usage de produits agressifs (par peur de sentir mauvais ou autre, certains utilisent des antiseptiques, des savons parfumés). • Allergie : la rougeur a la taille du protecteur cutané de la poche (Il suffit alors de changer de marque) ; vérifier si le patient a changé ses habitudes ; Rechercher des problèmes psychologiques : “Je ne supporte plus ma poche”. Éviter les produits. On résout beaucoup de choses avec un simple lavage à l’eau, une écoute. Dans les cas les plus graves : antihistaminiques ; lait corticoïde local (pas de pommade qui empêchera l’adhésivité de la poche). • Éventration : peut se compliquer d’engouement ou d’étranglement. Si modérée, il existe des ceintures de contention adaptée aux stomisés. Dans ce cas, on utilise un système deux pièces, sinon chirurgie. • Prolapsus : cylindrique sur les stomies, terminales en T sur les stomies latérales. Peut être cause de gros problèmes psychologiques et d’irritation cutanée. Traitement ➩ si important, reprise chirurgicale. Si minime ➩ réduction à la main. • Sténose : à suspecter s’il y a eu nécrose en Correspondances en médecine - n° 1, vol. IV - janvier/février/mars 2003 postopératoire immédiat. Chez le colostomisé ➩ selles en ruban/état subocclusif. Chez l’iléostomisé ➩ ballonnement, coliques/ douleurs ; hyperdébit de selles nauséabondes. Traitement ➩ dilatation quotidienne au doigt ➩ par bougies en centre spécialisé ➩ par reprise chirurgicale. • Abcès péristomial : problème de résorption de fils. Traitement ➩ pâte péristomiale (alcoolisée, elle fera mûrir l’abcès et permettra le drainage par la suite. • Folliculite : due à des rasages intempestifs ➩ couper les poils aux ciseaux. • Bourgeons : à ne pas confondre avec des polypes. Ils sont la conséquence d’irritations successives. Traitement ➩ nitrate d’argent. • Saignements : dus à des soins trop agressifs ou une petite veine qui saigne (application de compresses hémostatiques). • Perforations : dues à un traumatisme notamment avec une sonde rectale rigide (la paroi intestinale est indolore, la sonde peut la perforer sans douleur immédiate) • Occlusion : engagement ou incarcération d’une anse grêle dans une gouttière colopariétale. • Fistules. • Diarrhée : erreur alimentaire, gastroentérite. Une iléostomie qui augmente de débit peut être la conséquence d’une souffrance du grêle (appareillage trop serré, occlusion, torsion). Dans les iléostomies, il est important que le patient boive une certaine quantité d’eau bicarbonatée pour compenser les déperditions. • Constipation : erreur alimentaire. Régime sans résidu non élargi, hydratation insuffisante (certains patients ont l’impression qu’ils auront moins de selles en buvant ou mangeant moins). Éviter l’huile de paraffine trop abondante Les Actualités Médicales Internationales car elle peut gêner l’adhésivité de la poche. Attention aux lavements : à faire avec du matériel adapté. IRRIGATION Le colostomisé gauche peut, s’il le désire, pratiquer la technique de l’irrigation colique lavement par la stomie à l’aide d’un matériel adapté. Il introduit trois quarts de litre d’eau tiède en quelques minutes (± 5) qui vont déclencher un réflexe exonérateur de l’intestin et vider complètement celui-ci. L’irrigation, pour être efficace, doit être renouvelée régulièrement tous les deux jours. Le stomisé pourra mettre ensuite une poche simple fermée, une minipoche ou un tampon obturateur. CONTRE-INDICATIONS AIDES Laboratoires : Coloplast (01 49 74 17 99) Convatec (0800 35 84 80) Hollister (0800 47 92 67) Biotrol (0800 51 98 07) Associations : – FSF (Fédération des Stomisés de France) 76/78, rue Balard 75015 Paris (01 45 57 40 02). – Club de jeunes stomisés d’Îlede-France (01 47 89 51 38). – Il existe un club bébé à l’hôpital Necker dans le service du Pr Fekete. – Association des Entérostomathérapeutes : Siège social : Hôtel-Dieu, 69002 Lyon (04 72 41 34 25). – Selles molles ou liquides. – Chimiothérapie. – Radiothérapie. La Sécurite sociale rembourse 10 séances d’apprentissage avec une stomathérapeute. – Si l’eau ne ressort pas : manque d’hydration. DIÉTÉTIQUE Il est important que le patient boive au moins 2 litres d’eau par jour. Les iléostomisés perdent plus de bicarbonates. Ils veilleront à boire une eau de type Vichy Saint-Yorre. À distance de l’intervention, le régime alimentaire sera progressivement élargi pour arriver à une alimentation normale. Nos Nos actualités actualités n’ont n’ont pas pas de de frontières... frontières... Société du groupe de presse et d'édition santé Correspondances en médecine - n° 1, vol. IV - janvier/février/mars 2003 35