La mdecine progresse, les traitements et les chirurgie proposs dans

SPECIFICITE DE LA PRISE EN CHARGE PSYCHOLOGIQUE DU PATIENT
ONCOLOGIQUE
M. César, Ch. Etienne, V. Laloux, M. Liesenberg
Equipe mobile de soutien oncologique et de SP – UCL Mont-Godinne
La médecine progresse, les traitements et les chirurgies proposés dans le domaine de la
cancérologie sont toujours plus performants. Cependant, nous ne disposons pas des moyens
techniques pour épargner au patient les stigmates du vécu du cancer. Ces stigmates sont, pour
J-M. Longneaux, les conséquences des pertes auxquelles le patient va être confronté : la perte
d’identité en tant qu’homme ou femme invulnérable et en bonne santé, la perte de la nature
des relations telles qu’il les vivait ainsi que le renoncement, l’abandon ou le report de certains
projets, comme perspectives dans sa vie. Si ces pertes sont si difficiles à assumer, c’est
qu’elles viennent mettre à mal trois aspects fondamentaux de notre condition humaine : le
désir de toute puissance, le désir de ne pas être seul, de se sentir proche et entendu de l’autre
et enfin, le désir que la vie nous est due. Chaque patient tentera, avec un chemin qui lui sera
singulier de composer avec cette maladie et les pertes qui y sont liées. Ce sera aux soignants
de prendre la mesure de ce parcours et de pouvoir repérer les mécanismes de défenses que le
patient déploiera et ce, afin de contrer l’angoisse que génère le cancer et son corrélat de
traitements.
La maladie, les traitements et la stomie vont venir perturber l’image du corps, construction
mentale, éminemment subjective et individuelle, que chacun élabore depuis son enfance. En
effet, la stomie met au grand jour ce qui fait partie de l’intime, du caché et rend visible ce qui
est considéré comme sale, voire dégoutant, malodorant (selles, viscère). Elle peut être vécue
comme une mutilation venant rappeler la pathologie et perturber l’équilibre psychique de
l’individu. Elle peut également provoquer une incontinence fécale suscitant honte et anxiété.
Cette perte de contrôle de la fonction d’exonération peut ramener la personne stomisée à
réactiver des expériences infantiles essentielles. Le patient stomisé ayant perdu cette capacité
de maîtrise (contrôle des sphincters acquis lors du stade anal) aura peut-être tendance à se
focaliser sur la zone rectale, parfois même à l’excès (risque de comportement obsessionnel).
Surgira alors un sentiment de honte et de culpabilité par rapport à cette régression considérée
comme socialement inacceptable. Le paradoxe de la stomie est ici qu’elle vient mettre à mal
le contrôle et la maîtrise dans le domaine même où ils ont pu s’élaborer.
Le cancer colo-rectal vient également réactiver le stade oral et le plaisir qui y est associé
puisque les dimensions alimentaires vont être altérées soit par les traitements
chimiothérapeutiques soit par les restrictions alimentaires en cas d’iléostomie.
Les difficultés sexuelles et conjugales des patients cancéreux ont souvent été ignorées ou
négligées. Pourtant, 40% des patients présentent des problèmes dans le domaine de la
sexualité. La chirurgie mais aussi les facteurs psychologiques et relationnels sont
principalement mis en cause. L’altération de l’image de soi en provoquant une baisse de
l’estime de soi va amener des conduites de fuites, d’isolement et des difficultés de
communication au niveau du couple. Certains couples trouveront les moyens de s’adapter à
ces difficultés. On souligne ici l’importance de la qualité de la communication et des relations
sexuelles antérieures chez ces couples mais aussi la « juste place » du conjoint, ni exclusif, ni
hyperprotecteur. D’autres éprouveront de grandes difficultés à traverser les conséquences
intimes et sexuelles du cancer et de ses traitements. Le silence, le ressentiment et la frustration
seront alors de mise. Il convient, pour les soignants, de prendre en compte les aspects liés à la
sexualité dans la prise en charge du patient que ce soit dans la sélection des options
thérapeutiques mais également dans le post-opératoire, en évaluant de manière précise le
trouble sexuel et en favorisant la communication au sein du couple. Par ailleurs, une attention
doit aussi être apportée au conjoint puisqu’il a été largement montré que d’une part, il
rencontrait une série de difficultés qui lui étaient propres et que d’autre part, il avait une
incidence non négligeable sur la manière dont le patient va pouvoir traverser l’épreuve
cancéreuse.
De nombreuses études se sont penchées sur la qualité de vie des patients ayant un cancer
colorectal. La plupart d’entre-elles ont comparé la qualité de vie des patients ayant une stomie
à celle des patients ayant une fonction sphinctérienne préservée. Celles-ci ont obtenu des
résultats divers, parfois surprenants par rapport aux a priori, qui présupposent une meilleure
qualité de vie avec un sphincter préservé. Elles montrent que, malgré une détérioration de
l’image corporelle et des troubles physiques importants, les patients stomisés rapportent, sur
certains critères, une bonne qualité de vie, équivalente voire meilleure que les patients non
stomisés. Les hypothèses que nous formulons et qui permettraient de comprendre ces résultats
sont que le patient stomisé a bénéficié d’une préparation préopératoire ainsi qu’un d’un suivi
post opératoire plus soutenu. Retenons également le soutien que peuvent apporter des
associations de patients stomisés. Ces études sur la qualité de vie sont intéressantes dans la
mesure où ils permettent d’anticiper les difficultés liées à un type d’intervention, de
sélectionner une option thérapeutique en connaissance de cause et donc d’améliorer la
communication médecin-patient.
Il semble judicieux de laisser un temps d’adaptation et d’élaboration entre l’annonce de la
maladie et l’intervention chirurgicale et la stomie afin que le patient puisse envisager le futur ;
le fait de se représenter ce qui va se passer permettant d’anticiper et d’atténuer le traumatisme
psychique. De cette façon, chaque intervenant va pouvoir jouer un rôle important. Dans un
premier temps, le gastro-entérologue, le chirurgien et l’oncologue, qui établiront une relation
de confiance et d’humanité ainsi qu’un climat d’ouverture, permettront que se discutent les
options thérapeutiques et leurs implications ; le nursing qui prodiguera les soins nécessaires
dans les premiers temps du post-opératoire dans un climat soutenant et attentionné ; la
stomathérapeute qui pourra « éduquer » le patient, l’informer, le conseiller et dissiper
certaines craintes et appréhensions ; le médecin généraliste qui pourra entendre les craintes et
difficultés parfois plus intimes du patient et de son conjoint, le conseiller, le rassurer et le
réorienter vers d’autres soignants mais aussi les associations qui dispenseront un support
social via le partage d’expériences souvent similaires. Enfin, le psychologue qui, au sein d’un
travail multidisciplinaire, permettra l’expression des émotions en envisageant les différents
aspects altérés et blessés chez le patient et/ou le conjoint, le soutien des ressources
personnelles et l’élaboration de pistes pour un « mieux vivre » du patient.
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