Faut-il encore prescrire des
alpha-bloquants chez les
patients à risque ?
Lapublication anticipée des résul-
tats d’une partie de l’étude ALLHAT
constitue l’un des scoop du printemps 2000.
L’étude ALLHAT est un essai débuté en
Amérique du Nord depuis 1994 dont l’ob-
revue de presse
Revue de presse
Xavier Girerd
Faut-il encore prescrire des
alpha-bloquants chez les
patients à risque ?
Lapublication anticipée des résul-
tats d’une partie de l’étude ALLHAT
constitue l’un des scoops du printemps
2000. L’étude ALLHAT est un essai qui a
débuté en Amérique du Nord en 1994, dont
l’objectif est de comparer l’efficacité sur la
prévention des maladies cardiovasculaires
de l’amlodipine, du lisinopril et de la doxa-
zosine, par comparaison avec la chlortalidone.
Cette étude a inclus 42 448 hypertendus et a
pour objectif de les suivre en double
aveugle jusqu’en 2002. Pour permettre d’at-
teindre un nombre d’événements cardiovas-
culaires suffisamment important, les inves-
tigateurs ont décidé d’inclure des patients à
“haut risque”. Ainsi, l’âge moyen est de
67 ans ; ont été inclus 53 % d’hommes,
32 % de noirs, 36 % de diabétiques de type 2,
22 % de fumeurs et 45 % de sujets ayant un
antécédent de maladie cardiovasculaire.
Paradoxalement, le niveau de la pression
artérielle à l’inclusion n’était que de
145/83 mmHg, alors que 90 % des sujets
inclus étaient déjà traités pour une hyper-
tension artérielle. Pour atteindre l’objectif
tensionnel d’une pression artérielle
<140/90 mmHg, la combinaison à l’aténo-
lol, à la clonidine, à l’hydralazine ou à la
réserpine était conseillée.
Le résultat principal de l’étude ALLHAT
est l’observation d’une augmentation signi-
ficative du nombre des événements cardio-
vasculaires dans le groupe des patients trai-
tés par la doxazosine, par comparaison avec
ceux traités par la chlortalidone. Ce “malé-
fice” est observé en particulier pour la
survenue des épisodes de décompensation
cardiaque avec un doublement du risque,
mais aussi pour le nombre des AVC, qui est
augmenté de 19 %. Ce résultat a conduit à
l’arrêt de l’essai pour les patients traités par
la doxazosine et à la recherche d’explica-
tions de ce résultat. L’observation d’une
baisse de la PAS moins importante chez les
patients traités par l’alpha-bloquant ne peut
pas à elle seule expliquer ce résultat.
L’utilisation combinée de thérapeutiques qui
favorisent la rétention hydrosodée (alpha-
bloquants, hydralazine chez 10 % des sujets)
joue sans doute un rôle dans la survenue
d’épisodes d’insuffisance cardiaques.
Surtout, le “bénéfice” d’un traitement diuré-
tique pour la prévention des accidents d’in-
suffisance cardiaque et vasculaires céré-
braux est particulièrement bien démontré
par cette analyse de l’étude ALLHAT.
Pour le clinicien, la question posée par cette
publication est bien : faut-il encore prescrire
des alpha-bloquants chez des hypertendus à
risque ? La réponse formelle de l’étude
ALLHAT est que la prescription de la doxa-
zosine en monothérapie ou en association
avec l’aténolol, la réserpine, l’hydralazine ou
la clonidine doit conduire à une surveillance
particulièrement vigilante de l’état car-
diaque. Certains, pour nous rassurer, vont
faire remarquer que la doxazosine n’est pas
commercialisée en France pour le traitement
de l’hypertension artérielle. En fait, ce médi-
cament est disponible dans notre pays pour
une prescription dans le traitement de l’hy-
pertrophie bénigne de la prostate ! Faut-il ne
pas prescrire la doxazosine chez les prosta-
tiques hypertendus ? Faut-il appliquer à tous
les médicaments de la famille des alpha-blo-
quants cette précaution ? L’étude ALLHAT
pose beaucoup de questions qui restent
encore sans réponses.
– ALLHAT collaborative research group.
Major cardiovascular events in hypertensive
patients randomized to doxazosin vs chlortali-
done. The antihypertensive and lipid-lowering
treatment to prevent heart attack trial(ALL-
HAT). JAMA 2000 ; 283 : 1967-75.
Comment les patients perçoi-
vent les bénéfices des traite-
ments antihypertenseurs
Les nouveaux critères de la décision
thérapeutique, fondés sur l’évaluation du
risque individuel du patient et sur les béné-
fices apportés par les thérapeutiques, condui-
sent à parler de critères comme le risque car-
diovasculaire absolu ou le nombre de
patients à traiter. Fixer le seuil à partir duquel
la décision de traiter doit être prise est diffi-
cile, car il dépend en grande partie de la per-
ception que chaque individu possède du
risque. Une étude menée en Grande-
Bretagne a comparé les réponses à la ques-
tion “à partir de quel risque pensez-vous
nécessaire de prendre un médicament antihy-
pertenseur ?” Le risque était quantifié par le
nombre de patients à traiter pendant cinq
années pour éviter un accident. Cinq niveaux
de risque étaient proposés : 12, 33, 50, 100 et
250. Cette question était posée au grand
public (sujets tirés au sort sur une liste de
caisse d’assurance maladie), à des infir-
mières, à des médecins généralistes et à des
médecins spécialistes. Les résultats de cette
étude indiquent que le public et les infir-
mières situent l’intérêt du traitement pour un
bénéfice comparable (trente-trois patients à
traiter pour éviter un accident), alors que ce
bénéfice doit être moins important pour les
médecins généralistes (cinquante patients à
traiter pour éviter un accident) et que les
médecins spécialistes sont prêts à traiter les
patients pour un bénéfice encore plus faible
du traitement (cent patients à traiter pour évi-
ter un accident). Cette étude indique que la
perception des bénéfices des traitements dif-
fère largement entre les différents acteurs du
système de santé. Si les médecins sont pro-
bablement plus au fait de la réalité des béné-
fices des thérapeutiques qu’ils prescrivent,
cette information est à l’évidence loin d’être
partagée avec les consommateurs de leurs
prescriptions.
– Steel N. Thresholds for taking antihypertensive
drugs in dufferent professional and lay groups :
questionnaire survey. BMJ 2000 ; 320 : 1446-7.
Comment améliorer l’obser-
vance de l’hypertendu
Si les moyens proposés pour amélio-
rer l’observance chez l’hypertendu sont
théoriquement nombreux, ceux ayant fait la
démonstration scientifique de leur efficacité
se comptent sur les doigts d’une main. Une
publication récente indique qu’un traitement
en une prise quotidienne améliore l’obser-
vance du traitement après une prescription
sur six mois. L’autre montre que la pratique
de l’automesure tensionnelle (une mesure
la matin et une mesure le soir), réalisée
dans la première semaine de la prise d’un
nouveau médicament, puis à nouveau sur
une semaine après huit semaines de traite-
ment améliore l’observance en particulier
chez la femme. Il existe donc des moyens
pour améliorer l’observance des hyperten-
dus. Il ne faut pas oublier de chercher à
dépister des problèmes d’observance chez
tous les hypertendus, car personne n’est à
l’abri d’un oubli.
– Andrejak M et al. electronic pill-boxes in the eva-
luation of antihypertensive treatment compliance :
comparison of once daily versus twice daily regi-
men. Am J Hypertens 2000 ; 13 : 184-90.
–Vetter W et al. Influence of self-measurement
of blood pressure on the responder rate in
hypertensive patient treated with losartan :
results of the SVATCH study. J Hum Hypertens
2000 ; 14 : 235-41.
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