Nouveaux bisphosphonates et nouvelles indications dans les ostéolyses malignes N

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O U V E A U X
B I S P H O S P H O N A T E S ,
N O U V E L L E S
I N D I C A T I O N S
Nouveaux bisphosphonates
et nouvelles indications
dans les ostéolyses malignes
! M. Rousière, P. Orcel*
.../...
P o i n t s
f o r t s
" Les bisphosphonates intraveineux de dernière
génération (zolédronate) sont aujourd’hui le
traitement de référence des hypercalcémies
d’origine maligne.
" Les bisphosphonates réduisent la fréquence
d’apparition de nouvelles lésions osseuses dans
le cancer du sein avec métastases osseuses et
dans le myélome multiple.
" L’utilisation du pamidronate intraveineux à
visée antalgique est actuellement recommandée chez les femmes souffrant de douleurs en
rapport avec des localisations osseuses lytiques
de cancer du sein, en association avec une chimiothérapie ou une hormonothérapie.
" Le zolédronate, bisphosphonate intraveineux
de dernière génération, a montré une efficacité
comparable à celle du pamidronate dans le cancer du sein métastasé à l’os et le myélome. Il a
comme avantage de pouvoir être administré en
perfusion de quinze minutes.
" Le zolédronate est le premier bisphosphonate
à avoir montré une efficacité dans la prévention de l’apparition de nouveaux événements
osseux chez les patients souffrant de métastases osseuses de cancers de la prostate, ainsi
que chez des patients souffrant de métastases
osseuses de cancers primitifs variés, le plus souvent pulmonaires.
.../...
" Certains bisphosphonates intraveineux de
dernière génération pourraient avoir in vitro
une action antitumorale sur certaines lignées
tumorales, une action potentialisatrice de la
chimiothérapie et une action anti-angiogenèse.
Mots-clés : Hypercalcémie maligne - Ostéolyse
maligne - Bisphosphonates - Zolédronate.
L
es bisphosphonates sont des analogues structuraux synthétiques du pyrophosphate inorganique endogène dans
lesquels un atome de carbone remplace l’atome central
d’oxygène. De par leur structure, ils possèdent une très forte
affinité pour l’os minéralisé. Les études expérimentales et cliniques ont montré que ces molécules inhibent fortement la
résorption osseuse, sans effet défavorable sur la formation
osseuse, la minéralisation ou les propriétés mécaniques de l’os,
au moins pour les bisphosphonates de dernière génération (1).
Durant les deux dernières décennies, l’utilisation des bisphosphonates a constitué une des avancées thérapeutiques
majeures dans la prise en charge systémique des métastases
osseuses des cancers ostéophiles, et notamment du sein (2).
Les bisphosphonates ont deux indications dans la prise en
charge médicale des cancers solides métastasés à l’os : le traitement de l’hypercalcémie maligne et le traitement palliatif
des ostéolyses d’origine maligne avec ou sans hypercalcémie,
en complément du traitement spécifique de la tumeur.
BISPHOSPHONATES ET HYPERCALCÉMIE
MALIGNE
L’hypercalcémie maligne
* Service de rhumatologie, hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré,
75010 Paris.
La Lettre du Rhumatologue - n° 284 - septembre 2002
Il s’agit d’une complication fréquente et grave des pathologies cancéreuses. Les pathologies tumorales malignes, méta21
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stasées ou non à l’os, sont responsables d’un peu moins de la
moitié des hypercalcémies. L’incidence des épisodes hypercalcémiques au cours de l’évolution des cancers est relativement importante, estimée entre 10 et 20 %. Les cancers les
plus fréquemment associés à une hypercalcémie sont le cancer du sein et le cancer du poumon (3). Les données expérimentales récentes ont permis de mieux élucider les mécanismes de cette hypercalcémie maligne : ostéolyse focale liée
au processus métastatique, augmentation diffuse de la résorption osseuse secondaire à la libération de facteurs humoraux
par la tumeur (PTH-rP, cytokines, protéases...) et augmentation de la réabsorption tubulaire du calcium.
Le pronostic des hypercalcémies malignes est sombre. Par
exemple, la médiane de survie est de trois mois environ pour
les cancers mammaires compliqués d’une hypercalcémie (3).
Lorsque l’hypercalcémie est sévère, supérieure à 3,5 mmol/l,
le pronostic vital à court terme est à redouter, surtout si l’hypercalcémie s’est installée rapidement. Les hypercalcémies
symptomatiques et/ou sévères restent une urgence thérapeutique. Dans ce contexte, les traitements symptomatiques doivent être associés au traitement spécifique de la tumeur primitive (hormonothérapie et chimiothérapie).
La réhydratation hydrosodée par voie intraveineuse est la première thérapeutique à mettre en œuvre en urgence, en utilisant de préférence du sérum salé isotonique. Il est également
nécessaire d’interrompre toutes les drogues susceptibles
d’augmenter la calcémie.
Les bisphosphonates ont révolutionné le traitement
des hypercalcémies
Les bisphosphonates, puissants inhibiteurs de la résorption
osseuse, sont devenus le traitement de référence des hypercalcémies néoplasiques. Les données in vitro permettent de
les classer en fonction de leur puissance antirésorptive. La
mesure de la puissance d’inhibition de la résorption osseuse
est de 1 pour l’étidronate, 10 pour le clodronate et 100 pour
le pamidronate. En phase aiguë, le traitement d’attaque est réalisé par voie intraveineuse. Jusqu’alors, on utilisait soit du clodronate (Clastoban® 300 mg/jour pendant cinq jours, selon le
schéma initialement proposé, ou encore 900 à 1 500 mg en
une perfusion intraveineuse), soit du pamidronate (Arédia®,
dont la dose conseillée varie entre 30 et 90 mg), en une perfusion unique, en fonction de la calcémie. Dans l’étude de
Body, l’efficacité du pamidronate est remarquable et entraîne
une normocalcémie dans 90 % des cas, en trois à quatre jours
en moyenne, avec un effet rémanent d’environ trois semaines
(4). Deux études randomisées récentes ont comparé l’efficacité relative du pamidronate et du clodronate en perfusion intraveineuse et à doses biologiques équivalentes (90 mg de pamidronate et 1 500 mg de clodronate). Les deux molécules sont
efficaces dans le traitement de l’hypercalcémie néoplasique.
En revanche, aux doses étudiées, le pamidronate a une durée
d’action plus importante (normocalcémie maintenue pendant
28 jours avec le pamidronate versus 14 jours avec le clodronate, p < 0,01) (5, 6).
22
Dans l’indication de l’hypercalcémie maligne, les études qui
ont évalué l’efficacité de l’ibandronate restent peu nombreuses. Dans une première étude randomisée de phase II réalisée chez 174 patients hypercalcémiques (calcémie corrigée
> 2,70 mmol/l), une perfusion unique d’ibandronate à doses
croissantes (0,6, 1,1 et 2,0 mg) permet de normaliser la calcémie chez 44, 52 et 67 % des patients respectivement (7). Dans
une seconde étude regroupant 147 patients hypercalcémiques
(calcémie corrigée > 3,0 mmol/l), l’ibandronate a été administré aux doses de 2,0, 4,0 et 6,0 mg par voie intraveineuse.
Le taux de réponse thérapeutique était de 50 % dans le groupe
2 mg, nettement inférieur à celui obtenu dans les groupes 4 et
6 mg (76 et 77 % de taux de réponse respectivement) (8). La
tolérance de l’ibandronate était bonne, avec comme seul effet
indésirable notable l’induction d’une fièvre transitoire chez
13 % des patients. Les facteurs prédictifs de la réponse thérapeutique étaient la valeur initiale de la calcémie et le type histologique tumoral, le taux de réponse étant plus élevé dans le
groupe de cancers du sein et myélome multiple que dans les
autres types de cancers. Globalement, la réponse thérapeutique
induite par l’ibandronate semble inférieure à celle du pamidronate, mais cette dernière étude ne comportait que des
patients avec une hypercalcémie modérée ou sévère. Ainsi, une
étude comparative directe évaluant ces deux molécules au sein
d’un essai unique est nécessaire avant de conclure définitivement à la supériorité d’une molécule sur l’autre.
Récemment, il a été développé un nouveau bisphosphonate de
troisième génération, le zolédronate (Zometa®), dont l’action
antirésorptive in vitro est plus de dix mille fois supérieure à
celle de l’étidronate. Une étude de phase I dans les hypercalcémies malignes a montré que le zolédronate, à la dose de
0,04 mg/kg en perfusion unique, entraîne une normocalcémie
chez 93 % des patients (9). Dans cet essai, la tolérance du zolédronate est restée excellente, avec une fièvre transitoire dans
30 % des cas, et une hypophosphatémie ou une hypocalcémie
transitoire dans 21 et 12 % des cas respectivement.
Par ailleurs, deux études comparatives directes entre le pamidronate et le zolédronate ont été menées au plan international :
une étude nord-américaine, et une autre conduite en Australie
et en Europe. Ces deux études parallèles ont permis de regrouper 287 patients, réalisant la plus large étude publiée sur les
hypercalcémies tumorales. Ces deux essais de phase II-III randomisés, identiques mais séparés, ont donné lieu à une analyse finale “poolée”, rapportée récemment par Major et al.
(10). L’objectif de ces études était de comparer, en double
aveugle et contre placebo, l’efficacité et la tolérance de l’administration de 4 mg de zolédronate (en perfusion de
5 minutes) à celles de 90 mg de pamidronate (en perfusion de
2 heures) dans le traitement des hypercalcémies d’origine
maligne, supérieures ou égales à 3 mmol/l. La calcémie corrigée médiane était de 3,5 mmol/l et la moitié des patients
avaient des métastases osseuses. Les cancers les plus fréquents
étaient le carcinome pulmonaire (23 % des cas) et le carcinome du sein (18 % des cas). En résumé, le zolédronate à la
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dose de 4 mg a démontré, par rapport au pamidronate 90 mg,
dans le traitement de l’hypercalcémie d’origine maligne :
# une normalisation de la calcémie corrigée au dixième jour
(objectif principal de l’étude) plus fréquente (88 % dans le
groupe zolédronate versus 70 % dans le groupe pamidronate,
p < 0,015) ;
# un taux de réponse complète supérieur, dès le septième jour
(p < 0,005) ;
# une baisse de la calcémie corrigée moyenne plus importante, apparaissant dès le quatrième jour (p < 0,005) ;
# une durée médiane avant rechute prolongée (30 jours versus 17 jours, p = 0,001).
Par ailleurs, chez les patients réfractaires ou en rechute de leur
hypercalcémie, le zolédronate à la dose de 8 mg a permis d’obtenir 52 % de normocalcémie. Ainsi, cette nouvelle molécule a
obtenu très récemment en France son autorisation de mise sur
le marché dans le traitement des hypercalcémies malignes.
Enfin, le traitement spécifique du cancer reste essentiel pour
prévenir la récidive des épisodes d’hypercalcémie. À visée
palliative, il est possible de poursuivre le traitement par bisphosphonates par voie orale (clodronate 1 600 à 3 200 mg/jour)
ou intraveineuse (pamidronate en perfusion mensuelle), avec
un risque possible d’échappement dans le temps.
BISPHOSPHONATES ET OSTÉOLYSE
MÉTASTATIQUE
Effets du clodronate et du pamidronate
En France, on dénombre actuellement huit bisphosphonates
commercialisés avec des indications différentes. Parmi ceuxci, et pour l’instant, seules deux molécules sont utilisées dans
la prise en charge de l’ostéolyse métastatique des cancers
solides : le clodronate et le pamidronate. Ces deux bisphosphonates ont été largement évalués dans le traitement ou la prévention des événements osseux dans le cancer du sein ou le
myélome multiple (11). Au cours des dernières années, de nombreuses études méthodologiquement irréprochables (études
contrôlées, randomisées, multicentriques, en double aveugle et
contre placebo) ont confirmé l’intérêt de ces bisphosphonates
dans cette indication (11). Les résultats publiés sont concordants : l’administration de bisphosphonates améliore significativement les douleurs osseuses et la qualité de vie des
patients. De plus, ils réduisent de manière significative la
consommation d’antalgiques et la fréquence des événements
osseux (épisodes d’hypercalcémie, nouvelles localisations
osseuses lytiques, compression médullaire, fractures pathologiques, tassements vertébraux, recours à la chirurgie ou à la
radiothérapie) (12). Globalement, on note dans ces études une
diminution de l’ordre de 35 à 50 % des complications osseuses.
Par contre, il n’existe aucun facteur prédictif de cette diminution des événements osseux ; le dosage des marqueurs biochimiques du remodelage osseux, notamment, n’a pas de place
dans cette indication. Enfin, l’adjonction de bisphosphonates
n’a modifié la médiane de survie dans aucune étude.
La Lettre du Rhumatologue - n° 284 - septembre 2002
En 2000, Lipton et al. ont publié les résultats à deux ans de
suivi de deux études contrôlées et randomisées qui ont comparé le pamidronate (90 mg par voie intraveineuse toutes les
trois à quatre semaines) et un placebo chez 754 femmes avec
un cancer du sein stade IV et des métastases osseuses (13). Le
taux de morbidité osseuse (nombre de complications osseuses
par an) est significativement diminué sous pamidronate (2,4
versus 3,7, p < 0,01). De même, le délai moyen d’apparition
de nouveaux événements osseux est plus long dans le groupe
pamidronate (12,7 versus 7 mois, p < 0,01). Bien qu’il existe
une augmentation des scores de la douleur et de la consommation d’antalgiques dans les deux groupes, cette augmentation est significativement supérieure dans le groupe contrôle
(p < 0,01). À l’instar des autres études, les auteurs n’ont pas
pu démontrer de différence concernant le taux de survie globale entre les deux groupes (19,8 versus 17,8 mois, p = 0,976).
Recommandations sur l’utilisation des bisphosphonates dans les ostéolyses métastatiques
Cette preuve d’efficacité très forte du pamidronate intraveineux a abouti à une recommandation récente de la Société américaine d’oncologie clinique (ASCO) pour son utilisation dans
la prise en charge des patientes atteintes d’un cancer du sein
métastatique, avec des lésions osseuses symptomatiques (14) :
1. Les bisphosphonates actuels n’ont démontré aucune efficacité sur la survie des patientes.
2. L’intérêt des bisphosphonates est démontré sur la réduction des événements osseux et des épisodes hypercalcémiques.
3. Le bisphosphonate recommandé est le pamidronate (90 mg)
administré par voie intraveineuse, en cures mensuelles chez
les patientes ayant des localisations osseuses lytiques radiologiques, en association avec un traitement spécifique (chimiothérapie, hormonothérapie).
4. L’utilisation des bisphosphonates n’est pas recommandée
chez les patientes présentant des douleurs osseuses sans image
radiologique ostéolytique et chez celles sans localisation secondaire osseuse, même en présence de métastases viscérales.
5. L’utilisation du pamidronate à visée antalgique est recommandée chez les femmes souffrant de douleurs osseuses en rapport avec des localisations osseuses lytiques, en association avec
un traitement spécifique (chimiothérapie, hormonothérapie).
6. En l’absence de métastases osseuses, l’utilisation d’un bisphosphonate par voie orale peut se justifier afin de prévenir
l’ostéoporose induite par les agents anticancéreux.
7. Une fois commencé, le traitement par bisphosphonate sera
poursuivi sans interruption jusqu’en phase terminale.
8. La prescription des bisphosphonates ne doit pas dispenser
du recours aux autres thérapeutiques : antalgiques et radiothérapie localisée.
23
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Effets du zolédronate sur l’ostéolyse métastatique
# Enfin, outre son efficacité dans le traitement des hypercalcémies malignes, des études récentes de phase II (1999
et 2001) ont évalué l’intérêt du zolédronate dans la prise
en charge des métastases osseuses lytiques de cancer du
sein et de myélome. En 2001, Berenson et al. ont publié les
résultats d’une étude de phase II, multicentrique, randomisée, en double aveugle et contrôlée, qui a comparé le zolédronate au pamidronate chez 280 patients avec un cancer du
sein et des métastases osseuses ou un myélome multiple (15).
Les patients ont reçu soit le zolédronate par voie intraveineuse (en cinq minutes) à la dose de 0,4, 2,0 ou 4,0 mg, soit
le pamidronate par voie intraveineuse (en deux heures) à la
dose de 90 mg. Les perfusions étaient répétées tous les mois
pendant neuf mois. À un mois suivant la dernière perfusion,
le pourcentage de patients ayant présenté un événement
osseux ou une hypercalcémie était identique sous zolédronate 4,0 mg et pamidronate 90 mg : 33 % et 30 % respectivement. La réduction de la douleur était plus importante dans
le groupe zolédronate (2 et 4 mg) que dans le groupe pamidronate. De même, les patients recevant le zolédronate à la
dose de 4 mg avaient une réduction plus importante des marqueurs biochimiques de résorption osseuse que ceux recevant le pamidronate ou les doses inférieures de zolédronate.
Enfin, la tolérance des molécules était comparable dans
tous les groupes. Un grand essai de phase III incluant
1 648 patients atteints de cancers du sein avec métastases
osseuses ou de myélomes a été publié récemment et confirme
l’équivalence en termes de nouveaux événements osseux
entre une perfusion mensuelle de zolédronate 4,0 mg en
15 minutes et une perfusion de pamidronate 90 mg en deux
heures : 45 % et 47 % respectivement (16).
# En ce qui concerne l’utilisation du zolédronate dans le
traitement des ostéolyses malignes liées aux tumeurs autres
que mammaires ou myélomateuses, il n’y a pas encore de
données cliniques publiées. Concernant le cancer de la prostate, il existe des preuves expérimentales confirmant que certains bisphosphonates (pamidronate et zolédronate) inhibent
in vitro la croissance de lignées cellulaires de cancers prostatiques non hormonodépendants, ainsi que l’invasion et
l’adhésion tumorales de ces lignées tumorales (17). En 2001,
lors du dernier congrès international d’oncologie, Lipton et
al. ont rapporté le premier essai clinique randomisé et en
double aveugle sur l’utilisation du zolédronate chez
643 patients souffrant d’un cancer de la prostate (18). Près
de la moitié (45 %) avaient des métastases osseuses à l’inclusion. Les patients étaient randomisés pour recevoir soit le
placebo, soit le zolédronate, à la dose de 4 ou 8 mg administrée par voie intraveineuse toutes les trois semaines. À la
fin de l’étude, on notait une réduction significative du nombre
d’événements osseux dans le groupe traité (33 versus 44 %,
p = 0,021). Il existe actuellement une grande étude internationale de phase III dans cette indication pour confirmer ces
résultats préliminaires. De même, des résultats similaires ont
24
été rapportés, mais non encore publiés, sur la prévention
secondaire de la survenue d’événements osseux chez des
patients ayant un cancer pulmonaire.
Ainsi, ces études confirment l’action préventive des bisphosphonates sur le développement de nouvelles localisations osseuses. Cependant, le mécanisme d’action de ces
molécules reste en partie non élucidé. Il est encore difficile
de savoir si cette action traduit seulement un effet indirect via
l’inhibition de la résorption osseuse, ou s’il existe aussi un
effet direct antitumoral. Les données, cliniques et expérimentales, évaluant cette dernière hypothèse apparaissent contradictoires dans la littérature, et ne permettent pas de conclure
définitivement sur un effet antitumoral des bisphosphonates
in vivo chez l’homme. Pour l’instant, il a été montré in vitro
que certains bisphosphonates pouvaient inhiber l’adhésion cellulaire tumorale sur la matrice osseuse et l’angiogenèse tumorale, bloquer l’activité de certaines protéases tumorales
(MMP2 et 9 en particulier) et induire l’apoptose de plasmocytes tumoraux et de certaines lignées cellulaires tumorales
d’origine mammaire et prostatique (2).
En particulier, Jagdev et al. ont montré que, in vitro, le zolédronate pouvait agir par un effet direct antitumoral sur l’apoptose de certaines lignées cancéreuses mammaires avec une
action dose- et temps-dépendante (19). Ce mécanisme apoptotique serait médié par l’inhibition de la voie du mévalonate.
Plus intéressant : ces auteurs ont également montré que l’adjonction concomitante de paclitaxel multipliait l’apoptose
tumorale par un facteur de 4 à 5. Ces données expérimentales
suggèrent donc un effet synergique sur l’apoptose tumorale
d’un traitement combiné associant bisphosphonates (zolédronate) et chimiothérapie (paclitaxel).
NOUVELLE INDICATION
DES BISPHOSPHONATES
Au vu des résultats obtenus avec les bisphosphonates dans la
prise en charge des métastases osseuses des cancers solides,
il semblait naturel d’étudier leur effet préventif potentiel sur
l’apparition des métastases osseuses. Dans ce sens, des études
récentes ont évalué l’intérêt des bisphosphonates dans la prévention primaire des métastases osseuses des carcinomes
mammaires. Dans cette indication, trois études ont été publiées
avec le clodronate, donnant des résultats contradictoires.
# Dans l’étude randomisée, en double aveugle et contre placebo de Powles et al., l’apparition de métastases osseuses est
moindre dans le groupe traité (p = 0,054) (20).
# L’étude randomisée contre placebo de Diel et al., réalisée
chez 302 patientes présentant un cancer primitif mammaire
T1-4, N0-2, M0 (mais avec la présence de micrométastases
médullaires), semble encore plus démonstrative : après un suivi
médian de 36 mois, le traitement par clodronate réduit de
manière significative (50 %) l’incidence des métastases
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osseuses et viscérales (p = 0,003) (21). La survie sans rechute
et la survie globale des patientes traitées au clodronate étaient
également significativement améliorées (p = 0,01).
# En revanche, l’étude de Saarto et al. apporte des résultats
contradictoires. Les résultats de cette étude ont porté sur
299 patientes non métastatiques randomisées entre clodronate
(1 600 mg/jour per os) et placebo pendant trois ans (22). Après
un suivi médian de cinq ans, l’incidence des métastases
osseuses et non osseuses était supérieure dans le groupe clodronate. De même, on notait une diminution de la survie dans
le groupe traité par rapport au groupe contrôle.
Ainsi, il est nécessaire de recourir à de nouvelles études
pour déterminer si les bisphosphonates ont leur place parmi
les traitements adjuvants du cancer du sein.
Certains essais cliniques soulignent par ailleurs l’intérêt potentiel des bisphosphonates dans la prévention primaire des métastases osseuses du cancer du sein.
Cependant, des études contradictoires sur ce sujet apparaissent dans la littérature, et il est encore difficile pour le moment
d’en expliquer les raisons.
Enfin, le développement des nouveaux bisphosphonates, et
notamment du zolédronate, semble prometteur. Il reste donc
du chemin à parcourir, et les études ultérieures devront :
1. identifier les sous-groupes de patients susceptibles d’être
plus sensibles à l’action des bisphosphonates ;
2. définir le moment où le traitement par bisphosphonates doit
être mis en route pour obtenir le bénéfice clinique maximal ;
3. établir un schéma optimal de prescription (dose, fréquence
d’administration et durée de traitement).
"
CONCLUSION
De nombreux essais cliniques ont confirmé l’efficacité des bisphosphonates dans le traitement des complications liées à l’ostéolyse maligne. Ces essais ont permis de poser les modalités
d’administration des bisphosphonates, ainsi que leurs indications indiscutables : hypercalcémie maligne, prévention des
complications osseuses du cancer du sein métastatique et du
myélome multiple. Les études dans les métastases osseuses
d’autres cancers sont en cours.
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La Lettre du Rhumatologue - n° 284 - septembre 2002
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