La Lettre du Rhumatologue - n° 284 - septembre 2002
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NOUVEAUX BISPHOSPHONATES, NOUVELLES INDICATIONS
stasées ou non à l’os, sont responsables d’un peu moins de la
moitié des hypercalcémies. L’incidence des épisodes hyper-
calcémiques au cours de l’évolution des cancers est relative-
ment importante, estimée entre 10 et 20 %. Les cancers les
plus fréquemment associés à une hypercalcémie sont le can-
cer du sein et le cancer du poumon (3). Les données expéri-
mentales récentes ont permis de mieux élucider les méca-
nismes de cette hypercalcémie maligne : ostéolyse focale liée
au processus métastatique, augmentation diffuse de la résorp-
tion osseuse secondaire à la libération de facteurs humoraux
par la tumeur (PTH-rP, cytokines, protéases...) et augmenta-
tion de la réabsorption tubulaire du calcium.
Le pronostic des hypercalcémies malignes est sombre. Par
exemple, la médiane de survie est de trois mois environ pour
les cancers mammaires compliqués d’une hypercalcémie (3).
Lorsque l’hypercalcémie est sévère, supérieure à 3,5 mmol/l,
le pronostic vital à court terme est à redouter, surtout si l’hy-
percalcémie s’est installée rapidement. Les hypercalcémies
symptomatiques et/ou sévères restent une urgence thérapeu-
tique. Dans ce contexte, les traitements symptomatiques doi-
vent être associés au traitement spécifique de la tumeur pri-
mitive (hormonothérapie et chimiothérapie).
La réhydratation hydrosodée par voie intraveineuse est la pre-
mière thérapeutique à mettre en œuvre en urgence, en utili-
sant de préférence du sérum salé isotonique. Il est également
nécessaire d’interrompre toutes les drogues susceptibles
d’augmenter la calcémie.
Les bisphosphonates ont révolutionné le traitement
des hypercalcémies
Les bisphosphonates, puissants inhibiteurs de la résorption
osseuse, sont devenus le traitement de référence des hyper-
calcémies néoplasiques. Les données in vitro permettent de
les classer en fonction de leur puissance antirésorptive. La
mesure de la puissance d’inhibition de la résorption osseuse
est de 1 pour l’étidronate, 10 pour le clodronate et 100 pour
le pamidronate. En phase aiguë, le traitement d’attaque est réa-
lisé par voie intraveineuse. Jusqu’alors, on utilisait soit du clo-
dronate(Clastoban®300 mg/jour pendant cinq jours, selon le
schéma initialement proposé, ou encore 900 à 1 500 mg en
une perfusion intraveineuse), soit du pamidronate (Arédia®,
dont la dose conseillée varie entre 30 et 90 mg), en une per-
fusion unique, en fonction de la calcémie. Dans l’étude de
Body, l’efficacité du pamidronate est remarquable et entraîne
une normocalcémie dans 90 % des cas, en trois à quatre jours
en moyenne, avec un effet rémanent d’environ trois semaines
(4). Deux études randomisées récentes ont comparé l’effica-
cité relative du pamidronate et du clodronate en perfusion intra-
veineuse et à doses biologiques équivalentes (90 mg de pami-
dronate et 1 500 mg de clodronate). Les deux molécules sont
efficaces dans le traitement de l’hypercalcémie néoplasique.
En revanche, aux doses étudiées, le pamidronate a une durée
d’action plus importante (normocalcémie maintenue pendant
28 jours avec le pamidronate versus 14 jours avec le clodro-
nate,p<0,01) (5, 6).
Dans l’indication de l’hypercalcémie maligne, les études qui
ont évalué l’efficacité de l’ibandronate restent peu nom-
breuses. Dans une première étude randomisée de phase II réa-
lisée chez 174 patients hypercalcémiques (calcémie corrigée
>2,70 mmol/l), une perfusion unique d’ibandronate à doses
croissantes (0,6, 1,1 et 2,0 mg) permet de normaliser la calcé-
mie chez 44, 52 et 67 % des patients respectivement (7). Dans
une seconde étude regroupant 147 patients hypercalcémiques
(calcémie corrigée > 3,0 mmol/l), l’ibandronate a été admi-
nistré aux doses de 2,0, 4,0 et 6,0 mg par voie intraveineuse.
Le taux de réponse thérapeutique était de 50 % dans le groupe
2mg, nettement inférieur à celui obtenu dans les groupes 4 et
6 mg (76 et 77 % de taux de réponse respectivement) (8). La
tolérance de l’ibandronate était bonne, avec comme seul effet
indésirable notable l’induction d’une fièvre transitoire chez
13 % des patients. Les facteurs prédictifs de la réponse théra-
peutique étaient la valeur initiale de la calcémie et le type his-
tologique tumoral, le taux de réponse étant plus élevé dans le
groupe de cancers du sein et myélome multiple que dans les
autres types de cancers. Globalement, la réponse thérapeutique
induite par l’ibandronate semble inférieure à celle du pami-
dronate, mais cette dernière étude ne comportait que des
patients avec une hypercalcémie modérée ou sévère. Ainsi, une
étude comparative directe évaluant ces deux molécules au sein
d’un essai unique est nécessaire avant de conclure définitive-
ment à la supériorité d’une molécule sur l’autre.
Récemment, il a été développé un nouveau bisphosphonate de
troisième génération, le zolédronate (Zometa®), dont l’action
antirésorptive in vitro est plus de dix mille fois supérieure à
celle de l’étidronate. Une étude de phase I dans les hypercal-
cémies malignes a montré que le zolédronate, à la dose de
0,04 mg/kg en perfusion unique, entraîne une normocalcémie
chez 93 % des patients (9).Dans cet essai, la tolérance du zolé-
dronate est restée excellente, avec une fièvre transitoire dans
30 % des cas, et une hypophosphatémie ou une hypocalcémie
transitoire dans 21 et 12 % des cas respectivement.
Par ailleurs, deux études comparatives directes entre le pami-
dronate et le zolédronate ont été menées au plan international :
une étude nord-américaine, et une autre conduite en Australie
et en Europe. Ces deux études parallèles ont permis de regrou-
per 287 patients, réalisant la plus large étude publiée sur les
hypercalcémies tumorales. Ces deux essais de phase II-III ran-
domisés, identiques mais séparés, ont donné lieu à une ana-
lyse finale “poolée”, rapportée récemment par Major et al.
(10). L’objectif de ces études était de comparer, en double
aveugle et contre placebo, l’efficacité et la tolérance de l’ad-
ministration de 4 mg de zolédronate (en perfusion de
5minutes) à celles de 90 mg de pamidronate (en perfusion de
2 heures) dans le traitement des hypercalcémies d’origine
maligne, supérieures ou égales à 3 mmol/l. La calcémie cor-
rigée médiane était de 3,5 mmol/l et la moitié des patients
avaient des métastases osseuses. Les cancers les plus fréquents
étaient le carcinome pulmonaire (23 % des cas) et le carci-
nome du sein (18 % des cas). En résumé, le zolédronate à la