Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4-5 - vol. VII - juillet-octobre 2004
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l’asthme. Ils ont pour objectif de bloquer
la cascade des réactions, soit en diminuant
l’infiltration éosinophilique, soit en blo-
quant l’activation des éosinophiles, soit
enfin en bloquant l’action des médiateurs
libérés par l’activation des éosinophiles.
Chez l’enfant, l’éviction des allergènes
alimentaires s’est montrée efficace sur
les symptômes à condition de recourir
à des diètes élémentaires difficiles à
suivre sur des périodes prolongées (14,
15, 16). L’éviction des allergènes iden-
tifiés sur les tests allergiques ne semble
pas suffisante (16). Dans une étude chez
51 enfants, le délai moyen nécessaire
pour obtenir une amélioration des symp-
tômes était de 8,5 jours. Après un mois
de diète, l’infiltration éosinophilique
avait pratiquement disparue (14). Les
symptômes récidivaient après l’arrêt du
régime. L’intérêt de ces évictions n’est
pas démontré chez l’adulte et certains
ne les recommandent pas pour ces rai-
sons d’observance (6).
Les corticoïdes oraux ont été utilisés avec
succès chez les enfants intolérants au
régime d’exclusion ou ceux chez lesquels
une allergie n’était pas retrouvée (16),
mais leurs effets indésirables (et l’évo-
lution chronique récidivante des œsopha-
gites à éosinophiles) incitent à ne pas
les recommander.
L’administration topique de corticoïdes
utilisés dans l’asthme en inhalation, fait
maintenant partie intégrante du traite-
ment. Arora et al. ont obtenu la dispari-
tion prolongée (4 mois) de la dysphagie
chez 21 adultes traités par fluticasone
propionate (FP) 220 µg, 2 fois par jour
en sprays avalés et non inhalés pendant
six semaines, et ont ainsi confirmé les
résultats des essais pédiatriques (5, 16).
Sur le plan histologique, le fluticasone
propionate diminue de façon significa-
tive le nombre des éosinophiles intra-
muqueux et réduit l’inflammation
associée. Les récidives à l’arrêt sont fré-
quentes ; les modalités du traitement à
long terme restent à définir.
L’efficacité du montélukast, (Singu-
lair®) un antagoniste des récepteurs D4
des leukotriènes situés sur la membrane
des éosinophiles, déjà utilisés dans
l’asthme, a été également testée (4). Dans
une étude pilote, (dose initiale : 10 mg/j,
augmentation progressive jusqu’à un
maximum de 100 mg/j pour contrôler
les symptômes, puis décroissance pro-
gressive jusqu’à une dose minimale effi-
cace, située entre 20 et 40 mg/j), le mon-
télukast améliorait la dysphagie de sept
malades sur huit mais celle-ci récidi-
vait quasiment dès l’arrêt du traitement
chez six patients (4).
Les inhibiteurs de la pompe à protons
(IPP) sont recommandés lorsqu’il existe
un RGO associé. Ils doivent être arrêtés
dès lors qu’ils n’entraînent aucune amé-
lioration symptomatique (1, 6).
En cas de sténose, la conduite à tenir
thérapeutique dépend du degré et de la
longueur de la sténose et de la réponse
au traitement médical. En cas de sté-
nose serrée, les dilatations sont néces-
saires dans un tiers des cas.
Les dilatations doivent être prudentes
compte tenu de la fragilité de la muqueuse.
On effectue une dilatation à la bougie
sous scopie, les diamètres maximum
utilisés variaient de 30F à 45F (en
moyenne 39F). On recommande de tou-
jours vérifier l’état de l’œsophage avant
de décider de passer à une bougie de
diamètre supérieur et de ne pas dépasser
6F de progression dans la même séance.
La dilatation se complique fréquemment
d’une déchirure étendue de la paroi œso-
phagienne. Des douleurs thoraciques
postdilatations sont rapportées (1-6),
mais aucun cas de perforation n’a été
décrit dans cette situation. Dans l’étude
de Potter et al., les dilatations étaient
bien tolérées. La durée de leur effet
bénéfique est en moyenne de 8,6 mois
(extrêmes:1à 24mois) (3, 4).
Évolution et pronostic
L’évolution à long terme est encore tota-
lement inconnue. On ne sait pas si les
formes sténosantes constituent une forme
particulière d’œsophagite ou si elles repré-
sentent les conséquences à long terme
d’une infiltration chronique par les éosi-
nophiles non traités. La dysphagie est
chronique bien que variable d’une période
à l’autre. Au bout de 11 ans du suivi de
l’étude de Strauman et al., cette dyspha-
gie chronique persistait dans 96 % des
cas chez 30 patients, elle s’aggravait dans
23 %, était stable dans 37 %, s’amélio-
rait dans 37 %. Seuls 3,4 % n’étaient plus
dysphagiques (un patient) (3). Dans cette
même étude, la quasi-normalité de
l’endoscopie et l’absence d’hyper-éosino-
philie étaient des facteurs d’évolution
plutôt favorables de la dysphagie lors du
suivi (3). La possibilité de dégénéres-
cence ou d’évolution vers un syndrome
hyper-éosinophilique reste hypothétique.
Conclusions
L’incidence des œsophagites à éosino-
philes est en augmentation chez l’adulte :
toute dysphagie à œsophage d’aspect
endoscopique normal doit être biopsiée
(d’autant plus qu’il s’agit d’un sujet
jeune porteur d’un terrain atopique).
Le traitement de cette entité d’évolution
chronique repose essentiellement sur
les corticoïdes locaux. Leur efficacité
et les modalités à long terme restent à
définir. ■
Références
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Question d’actualité
Question d’actualité