Avril 2015
RSCA 5 : Cancer de vessie et annonce diagnostique.
I. Récit :
Je reçois pour la première fois au dispensaire Monsieur A. Il est âgé de 70 ans et
consulte car il a une récidive d’hématurie. Le médecin vu lors de la première
consultation lui avait prescrit un ECBU que je regarde et qui est négatif.
Monsieur A me dit alors « Docteur cela fait plusieurs fois que j’ai du sang dans mes
urines ».
L’ECN s’éloignant petit à petit même si je connais les grandes lignes je regarde le
collège de néphrologie qui me guide un peu dans l’interrogatoire et lui pose plusieurs
questions :
- Avez-vous des antécédents familiaux ?
- Fumez-vous ? Et si oui combien de cigarettes par jour et depuis combien de
temps ?
- Avec vous subi un traumatisme, des chirurgies (en particulier urologiques) ?
- Avez-vous déjà fait des coliques néphrétiques (avez-vous des douleurs
accompagnant votre hématurie ?)
- Avez-vous des brûlures mictionnelles ?
Il me répond alors, effectivement Docteur mon père est décédé d’un cancer de la
vessie, il était un grand fumeur comme moi (il a fumé 40 PA et continue…)
Il n’a jamais été opéré, ni eu de colique néphrétique et n’ a aucun signe
fonctionnel urinaire ( l’ECBU est je le rappelle négatif).
Son examen physique est sans particularité.
Je sens Monsieur A anxieux, je lui demande alors ce qu’il le travaille. Il me répond
ainsi : Docteur « j’ai un cancer c’est ça », je lui réponds que je ne peux pas savoir
avant d’avoir fait d’autres examens et qu’il y ‘ a de nombreuses causes de
saignements dans les urines et que maintenant nous allons régler ce problème
tranquillement en faisant tout ce qui est nécessaire.
Je lui prescris alors un bilan biologique (que je détaillerai dans mon premier axe)
ainsi que des examens urinaires et surtout une échographie rénale, vésicale et
prostatique).
Je lui touche tout de même un mot sur l’importance d’arrêter le tabac même si je
sais que mon message ne sera pas entendu, Monsieur A étant un peu angoissé.
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Il me dit qu’il le sait et qu’il va essayer dans un premier temps de diminuer mais
que cela est difficile car il fume depuis son adolescence. Je finis la consultation
en lui disant que nous reparlerons de cela une prochaine fois mais qu’il garde
cela en tête.
Je revois mon patient la semaine d’après, son bilan biologique est normal.
L’examen urinaire retrouve une hématurie importante comme attendue, l’ECBU
de contrôle est négatif, l’échographie retrouve cependant une masse tissulaire au
niveau de la vessie.
J’explique au patient que je vais l’adresser à un urologue pour explorer cette
masse car elle peut être aussi bien bégnine que maligne. Je lui dis également
que nous avons déjà trouvé la cause du saignement ce qui est un bon point et
que nous verrons les choses au fur et à mesure.
Je vois son visage changeait d’apparence, je lui explique que maintenant tout est
pris en charge et qu’il ne sert à rien pour lui de se rendre malade même si je
comprends parfaitement son inquiétude, d’ailleurs je lui réponds que la masse
est de petite taille ce qui est déjà plutôt bon signe. Cette consultation tout comme
la première a duré 45 minutes, j’ai préféré prendre mon temps et tout lui expliqué
pour que la suite de sa prise en charge avec l’urologue se passe au mieux et que
si le diagnostic de cancer de la vessie s’avéré être confirmé, Monsieur A soit le
mieux préparé pour y faire face.
Je reçois 2 semaines après un courrier de l’urologue du dispensaire pour me
confirmer la présence d’une tumeur maligne vésicale et le lancement du bilan
d’extension.
Un mois plus tard, j’aperçois Monsieur A qui allait consulter l’urologue, je le
prends à part et lui demande si je peux lui parler dans le cabinet il accepte. Il me
dit qu’il avait bien eu confirmation du diagnostic et que le bilan d’extension à ce
jour était négatif.
Il m’ a remercié pour tout, je lui ai dit que nous devrions de toute façon nous
revoir pour l’aide à l’arrêt du tabac, le bilan des comorbidités du tabac mais
également la prise en charge à 100%.
Je ne l’aurais pas revu et j’avoue que cela me donne un petit pincement au cœur.
En effet, la médecine générale a cette qualité de nous faire connaître nos patients
et de nous y attacher, la détresse de cet homme m’a profondément touché,
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j’aurais aimé pouvoir encore l’aidé dans les étapes postérieures au diagnostic. Je
me dis qu’au moins j’ai pu durant ce stage venir en aide à quelqu’un.
J’aimerais revenir sur plusieurs points qui m’ont posé problème, tout d’abord
revoir la conduite à tenir lors d’une hématurie, puis comment se comporter lors
d’une annonce difficile, et pour finir je traiterai des différents mécanismes de
défense du patient et comment le soignant doit y faire face.
II. LES AXES :
1. Conduite à tenir devant une hématurie :
Tout d’abord, Les hématuries peuvent être soit d’origine urologique soit
d’origine rénale.
Les principales étiologies sont regroupées dans le tableau ci-dessous :
Causes urologiques
Causes rénales
Causes fréquentes :
- Infections urinaires (cystite
hématurique),
- Tumeurs vésicales bénignes ou
malignes,
- Cancer du rein,
- Lithiase rénale (rarement vésical),
- Cancer prostatique,
- Prostatite aiguë
- Glomérulonéphrite à dépôts
mésangiaux d’IgA (maladie de
Berger),
- Glomérulonéphrite aiguë post-
infectieuse,
- Glomérulonéphrite
membranoproliférative
- Glomérulonéphrite extra-capillaire
- Syndrome d’Alport.
- Traumatisme du rein ou des voies
urinaires
Causes rares :
- Polykystose rénale,
- Nécrose papillaire secondaire
à une néphropathie aux
analgésiques, au diabète, à la
drépanocytose.
- Tumeurs bénignes du rein,
- Tuberculose rénale,
- Exercice physique très important
- Infarctus rénal,
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- Malformation vasculaire
- Bilharziose
- Traitement anticoagulant.
Les causes d’hématuries néphrologies sont le plus souvent d’origine glomérulaire,
parfois elles peuvent être causées par une néphrite interstitielle aiguë
médicamenteuse.
L’hématurie est définie par la présence de plus de 10 hématies/mm3 à l’examen
cytologique urinaire quantitatif.
En raison de la fréquence des faux positifs, une hématurie doit être confirmée par
un examen cytologique quantitatif des urines.
Cet examen permet en outre de préciser :
- La présence de cylindres hématiques, rarement mis en évidence, mais
spécifiques de l’origine glomérulaire.
- La présence de déformations des hématies qui oriente vers une hématurie
glomérulaire.
- Les fausses hématuries. En effet, une coloration rouge des urines peut être
la conséquence d’une hémoglobinurie, d’une myoglobinurie, d’une porphyrie,
d’une prise médicamenteuse (Métronidazole, Rifampicine), ou d’une
consommation de betteraves, mais il n’y a pas, dans ces cas de globules
rouges dans les urines.
Quelles sont les éléments en faveur d’une origine parenchymateuse
(rénale) ?
- L’hématurie macroscopique est isolée, émise sans caillots, sans fièvre, sans
douleurs lombaires. Mais cette présentation peut tout de même être retrouvée
dans les hématuries d’origine urologique.
- On retrouve en outre la présence de cylindres ou d’hématies déformées.
- L’existence d’une protéinurie > 0,5 g/24 h qui doit être mesurée après
l’épisode d’hématurie car elle fausse les résultats.
- L’élévation de la créatininémie.
- L’absence d’anomalie échographique.
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Quelle est la conduite à tenir devant cette hématurie, quelles sont les
questions à poser systématiquement, quels sont les examens
complémentaires à prescrire dans un premier temps ?
- La recherche d’antécédents, personnels ou familiaux, d’affections
urologiques.
- Un examen clinique complet, comportant une mesure de la pression artérielle,
- Une analyse qualitative du sédiment urinaire.
- Le dosage de la protéinurie des 24 heures ou la mesure du rapport protéine/
créatinine urinaires. (La recommandation retenue (NICE) préconise de
détecter l’excrétion urinaire de protéine par les rapports P/C ou A/C dans les
unités du système international (mg/mmol) sur échantillon d’urine plutôt que le
recueil des urines des 24 heures).
Si le ratio albuminurie/créatininurie > 30 mg/mmol ou si le ratio
protéinurie/créatininurie > 50 mg/mmol, on parle de protéinurie clinique.
Si le ratio albuminurie/créatininurie est compris entre 3 et 30 mg/mmol on
parle de microalbuminurie.
- Le dosage de la créatininémie permettant l’estimation du DFG.
- La réalisation d’une échographie rénale (avec un temps vésical après 50 ans
ou facteurs de risque, c’est-à-dire un temps ou la vessie est pleine pour bien
apprécier ses contours ainsi que son contenu).
- Nous avons vu ci-dessus les arguments qui orienté vers une cause
néphrologique (protéinurie > 0,5/ 24 h, un DFG diminué…), une biopsie rénale
pourra être demandée ( maladie de Berger, valeur pronostique, mais là ceci
est déjà d’affaire du spécialiste).
- La situation la plus fréquente au terme de l’enquête initiale est celle d’une
hématurie microscopique strictement isolée. Elle doit faire rechercher une
tumeur de l’urothélium (c’est le cas de mon patient). L’enquête étiologique
comporte :
Un examen cytopathologique du sédiment urinaire,
Une fibroscopie vésicale, avec éventuellement une ou des biopsies.
Le spécialiste pourra demander s’il a besoin d’autres investigations : une urographie
intraveineuse voire un scanner rénal avec opacification des voies urinaires.
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