La Lettre du Cardiologue - n° 388 - octobre 2005
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MISE AU POINT
ces tranches d’âge est supérieure à l’espérance de vie des malades
puisqu’elles dépassent les 15 ans en moyenne, avec certaines
durabilités très au-delà, si, par hasard, votre malade devenait un
jour centenaire ! Le choix de la prothèse biologique s’impose
également étant donné le risque accru d’accidents vasculaires céré-
braux sous anticoagulants, joint à la grande probabilité que votre
malade a d’avoir besoin, compte tenu de son âge, d’autres inter-
ventions extracardiaques telles que prothèse de hanche, du genou,
chirurgie de la cataracte, prostatectomie, etc.
Parmi les bioprothèses, les prothèses classiques avec armature,
qu’elles soient porcines ou péricardiques, ont fait la preuve de leur
efficacité depuis de nombreuses années. Quant aux bioprothèses
dites “sans stent”, les moindres gradients obtenus avec ces valves
sont à contrebalancer avec l’augmentation du temps de clampage
aortique pour leur mise en place. Celui-ci demeure toujours un
facteur de risque opératoire majeur, ce d’autant que ces “petites
grand-mères” n’ont pas le désir de “courir le marathon” mais
celui, simplement, de pouvoir avoir une vie adaptée à leur âge.
Quant à elles, les nouvelles approches, dites “moins invasives”,
de pose d’une valve aortique par voie percutanée n’en sont, à
l’heure actuelle qu’aux balbutiements même si ceux-ci sont pro-
metteurs ! Elles ne s’adressent qu’aux malades dits “inopérables”
et ayant une pronostic vital menacé à très court terme. De nom-
breux points techniques ne sont pas encore résolus, comme l’abla-
tion de la valve native ; le devenir à moyen et encore plus à long
terme est inconnu même pour la poignée de malades traités ainsi.
Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une voie de recherche
pour le futur, peut-être pour nous ou nos enfants.
La grande fréquence de la fibrillation auriculaire en postopéra-
toire justifie, pour certains, l’utilisation de valves mécaniques,
compte tenu de la nécessité de maintenir pour eux, de ce fait, un
traitement anticoagulant à vie.
Le taux de complications postopératoires varie dans la littérature
entre 20 et 80 %. La fibrillation auriculaire est, de loin, la compli-
cation la plus fréquente, avec une incidence de 4 à 50 % selon
les séries (10-12),suivie par le bas débit cardiaque (15 à 20 %),
l’insuffisance rénale (5 à 8 %), les réopérations (5 à 7 %), les
complications respiratoires (10 %) et les accidents vasculaires
cérébraux (tableau IV).
La survie, une fois passé le cap de la période postopératoire, rejoint
celle du groupe contrôle, soit 70 à 80 % à cinq ans (13, 14). Ces
bons résultats contrastent avec ceux des patients qui n’ont pas été
opérés. Bouma et al. (15) rapportent une survie de 49 % à 3 ans,
dans le groupe de patients considérés comme ayant un risque
important pour la chirurgie et qui ont été traités médicalement.
VALVULOPATHIE MITRALE
La chirurgie de la valve mitrale représente 10 à 25 % de la chirur-
gie valvulaire chez les octogénaires, l’insuffisance mitrale étant la
cause la plus fréquente, qu’elle soit myxoïde ou ischémique. La
chirurgie ne sera envisagée que chez les patients symptomatiques.
Le choix entre remplacement et plastie mitrale repose sur les don-
nées échographiques et le bilan des lésions peropératoires.
La plupart des valves myxoïdes peuvent être réparées par les tech-
niques habituelles de résection quadrangulaire, plicature de l’an-
neau et annuloplastie. Et ce, d’autant qu’il s’agit dans 80 % des
cas d’une atteinte isolée de la petite valve, pour laquelle le geste
est simple, parfaitement codifié et reproductible par la main de
tous les chirurgiens, et dont les excellents résultats se maintien-
nent à long terme.
Dans les cas de lésions complexes touchant les deux feuillets, qui
nécessitent une réparation plus compliquée, avec une prolongation
importante du temps de clampage, et dont le risque de résultats
imparfaits tant immédiats qu’à moyen terme est important, il pourra
être légitime – compte tenu de l’âge, de la fragilité tissulaire, de
calcifications associées – de savoir “être modeste”, et d’opter pour
un remplacement valvulaire à l’aide d’une bioprothèse qui, comme
en position aortique, donne d’excellents résultats.
Un point particulier est à considérer dans la chirurgie de la valve
mitrale, chez le sujet octogénaire, c’est celui que représentent
les calcifications de l’anneau mitral. Celles-ci, quand elles sont
massives, peuvent s’étendre jusqu’à l’endocarde dans le sillon
auriculo-ventriculaire, débordant sur le muscle ventriculaire
gauche. Outre le fait que ces calcifications peuvent rendre le pas-
sage des points excessivement difficile, voire impossible, le risque
de survenue d’une rupture de l’anneau mitral – complication gra-
vissime se soldant toujours à l’heure actuelle par la mort du malade
sur la table d’opération ou en réanimation par hémorragie chirur-
gicale incontrôlable – incite à la plus grande prudence. Il est tota-
lement licite de récuser certains de ces malades en préopératoire,
en s’aidant de toutes les techniques récentes d’imagerie de façon
à préciser l’importance exacte de celle-ci, voire de rebrousser che-
min, si la découverte est faite opératoirement.
Ainsi, dans notre série, la chirurgie mitrale a représenté 11% des
patients (65 sur 575) entre 1990 et 2002. Les gestes effectués ont
été 30 fois une plastie et 35 fois un remplacement valvulaire.
Les complications postopératoires ne diffèrent guère de celles de
la chirurgie aortique.
La plastie mitrale présente de bons résultats chez les sujets âgés
et devrait être réalisée si possible. Sur une série de 100 patients ayant
une insuffisance mitrale ischémique, Bolling et al. (16)ont rapporté
une mortalité postopératoire de 4 % et une survie à un an de 90 %.
En revanche, en cas de remplacement mitral, les taux sont plus éle-
vés, entre 15 et 40 %, et la survie à 5 ans est de 41 % (12, 17).
Tableau IV. Complications postopératoires après RVA (hôpital de la
Pitié-Salpêtrière 1990-2002).
Complications Pourcentage
Bas débit cardiaque 31,2 %
AC/FA 23,5 %
Complications respiratoires 16,1 %
Complications infectieuses 9,6 %
Insuffisance rénale 8,8 %
Reprise chirurgicale 4,1 %
Complications de paroi 3,9 %
AVC 2,7 %
Hémorragie digestive 2,2 %