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La révolution permanente ou le progrès continu ?
Réflexions d’un chirurgien au retour de l’ASCO 2004
Surgical thoughts after ASCO 2004:
is progress an uncreasing revolution?
D. Grunenwald*
e spécialiste du cancer du poumon n’a pas perdu son
temps cette année au congrès de l’ASCO. L’impression
générale est celle d’un tournant majeur dans les habitudes
thérapeutiques, aussi important à mes yeux que celui d’il y a dix
ans, quand deux petits essais de chimiothérapie d’induction des cancers non à petites cellules au stade IIIa, portant à eux deux sur 120
patients, sont venus bouleverser le traitement de ces cancers dans
le monde entier (1, 2). Aujourd’hui, ce sont près de 6 000 patients
qui ont été inclus dans des essais randomisés de chimiothérapie
adjuvante postopératoire des cancers réséqués, sur les cinq continents, et qui apportent irréfutablement la preuve, attendue et prévisible, de l’intérêt pronostique de cette stratégie (3, 7).
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ROTH ET ROSELL
De quoi s’agit-il précisément ? Alors que les premiers essais randomisés de chimiothérapie d’induction, interrompus prématurément, sont rendus publics en 1994, une méta-analyse réalisée
conjointement par l’Institut Gustave-Roussy et le Medical
Research Council est publiée au même moment, suggérant qu’une
chimiothérapie postopératoire comportant du cisplatine pourrait
améliorer la survie globale des patients opérés d’un cancer non
à petites cellules (8).
Rappelons les pratiques de l’époque. Un cancer bronchique opérable était opéré, et souvent irradié en postopératoire. Les cancers bronchiques non opérables faisaient la joie des investigateurs,
dotés récemment de “nouvelles” drogues (vinorelbine, taxanes,
gemcitabine) qu’ils pouvaient ainsi tester. En France, avant même
que les essais de Roth et Rosell aient été publiés, des essais randomisés de chimiothérapie d’induction se mettaient en place. Ils
s’appuyaient, d’une part, sur les principes de Goldie, et sur les
phases II, en particulier celle de Martini, qui avait évoqué son
intérêt chez les patients clinical N2, qu’il venait d’identifier
(9-11). Ainsi naissaient le “MIP 91”, le “VIP” et d’autres phases
III concurrentes, toutes orientées sur les stades III, sauf le MIP 91,
qui incluait également des stades plus précoces, ce qui, à l’époque,
avait fait l’objet de nombreuses critiques. Comment peut-on,
* Institut mutualiste Montsouris, université Paris-V.
156
disait-on à l’époque, retarder la chirurgie d’un cancer opérable
et “guérissable” (sic !) avec une chimiothérapie au bénéfice
imprévisible, et sûrement toxique ? Quel scandale ! “Vous verrez,
il y aura des morts !”. Ces affirmations péremptoires s’inscrivaient
dans un climat difficile, marqué par la mise en place de la loi sur
la protection des personnes participant à la recherche médicale,
dite “loi Huriet”, avec son cortège de contraintes : consentement
éclairé et signé, assurance obligatoire, comité de protection des
personnes, déclaration obligatoire des événements indésirables,
etc. Les “nouvelles drogues” étaient évidemment trop récentes
pour être testées dans des phases III, et surtout pas chez des
patients opérables, en induction. En outre, les chirurgiens, en
majorité libéraux dans notre pays, voyaient d’un assez mauvais
œil qu’on leur retire le pain de la bouche, et n’avaient aucun
intérêt à dévier leur clientèle potentielle vers des “chimiâtres”,
auxquels ils ne faisaient guère confiance, sauf pour rendre leur
chirurgie plus difficile et plus dangereuse (la fameuse “fibrose” !).
Il y a la recherche clinique et, à côté de celle-ci, la pratique oncologique quotidienne. Alors que les quatre essais concurrents de
chimiothérapie d’induction essayaient de survivre (un seul y parviendra), un certain nombre d’oncologues, anticipant les résultats,
et suivant les conclusions de l’essai avorté de Roth, s’orientaient
de principe dans une stratégie d’induction, choisissant par convenance personnelle un des deux bras des essais en cours pour en
faire leur “standard”. Cette déviance n’est pas spécifique à notre
pays, et peut être observée partout dans le monde, stimulée, il est
vrai, par les efforts louables de l’industrie pharmaceutique, pour
compenser, car c’est souvent possible, le déficit institutionnel de
la formation médicale continue.
LES CONSÉQUENCES D’UNE MÉTA-ANALYSE
Donc, la mode est à l’induction lorsque la méta-analyse sus-citée
est publiée dans le British Medical Journal (8). En Italie, de façon
probablement un peu précipitée, en France, au Royaume-Uni, au
Canada, au Japon, quelques groupes, animés par un courage contradictoire – car personne d’autre n’y croit –, se lancent dans des projets faramineux, “irréalisables”, d’essais randomisés de chimiothérapie dite adjuvante, où les cohortes de malades s’expriment par
La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - n° 4 - juillet-août 2004
milliers. Ces “inconscients”, presque tous indépendants de la pression de l’industrie pharmaceutique, ont l’ambition de démontrer
un modeste bénéfice en survie à ce prix, au risque de voir des résultats négatifs anéantir des années d’efforts. Les investigateurs, principalement italiens, de l’essai ALPI-EORTC, premiers sur la ligne
de départ, seront aussi les premiers à jeter l’éponge et à ne pas poursuivre jusqu’au terme prévu les inclusions. Partis avant les autres,
leur chimiothérapie s’est trouvée démodée avec le développement
des nouvelles drogues, et la cohorte des patients inclus dans le bras
expérimental a payé le prix de la toxicité de la mitomycine, qui a
obéré le bénéfice probable de la chimiothérapie adjuvante, chez
ces patients dont le cancer bronchique non à petites cellules avait
été complètement réséqué. Les résultats rapportés à l’ASCO 2002
ont été considérés par tous, en particulier par leurs auteurs, comme
“négatifs” ( 3 ). Nous reviendrons plus loin sur cette interprétation
discutable. Partout dans le monde se répand la rumeur que “c’est
la mort de l’adjuvant”. Parallèlement, alors que l’essai MIP 91 de
chimiothérapie d’induction (de la même catégorie de patients) a
été entre-temps publié, avec des résultats également considérés
comme “négatifs”, des essais ont été mis en place, cette fois sur
des stades précoces, sur la foi d’analyses parcellaires, dont on peut
discuter la valeur méthodologique (12, 13). Mais on utilise ici les
“nouvelles drogues”, tellement plus efficaces, tellement moins
toxiques, et il faut bien reconnaître qu’entre-temps les mentalités
ont beaucoup changé. La plupart des communautés chirurgicales,
enfin informées elles aussi avec l’aide de l’industrie pharmaceutique, qui a enfin découvert leur existence, ont pris conscience de
la modestie des résultats de leur exercice solitaire, et les chirurgiens thoraciques collaborent désormais avec leurs collègues oncologues afin d’améliorer les résultats globaux par des stratégies
multimodales.
ASCO 2003
Le congrès de l’ASCO 2003 a amorcé un tournant essentiel. Trois
études capitales ont été rapportées. Les investigateurs du IALT
(International Adjuvant Lung Cancer Trial) dévoilent des courbes
de survie qui confirment l’hypothèse émise par la méta-analyse de
1995, selon laquelle la chimiothérapie à base de cisplatine améliore la survie des cancers bronchiques non à petites cellules complètement réséqués (p < 0,03) (4). Une étude japonaise apporte des
résultats identiques sur une population ciblée, avec une chimiothérapie adjuvante ne comportant pas de sels de platine ( 5 ). Enfin,
l’intergroupe nord-américain, qui rassemble les investigateurs les
mieux structurés au monde et a eu le courage de poser de façon
claire, pour la première fois, la question de la chirurgie des stades
localement avancés, amorce une réponse, un peu prématurée, car
non encore significative, en faveur de la contribution de la chirurgie à la survie globale (p = 0,51) (14). Mais surtout, effet collatéral de cette grande étude, un concept discrètement évoqué préalablement, en particulier par des travaux français, est confirmé de
façon indiscutable, concept selon lequel la réponse ganglionnaire
à un traitement d’induction des cancers localement avancés est le
facteur décisionnel primordial de la décision chirurgicale. Autrement dit, l’absence de réponse ganglionnaire médiastinale après
induction est un facteur prédictif défavorable en termes de survie
La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - n° 4 - juillet-août 2004
chez les patients réséqués ( 1 5 , 1 6 ). Les conclusions, comme toujours hâtives, des commentateurs de cet ASCO 2003 seront :
match nul entre les essais adjuvants ALPI-EORTC et IALT,
le premier “négatif”, le second positif ;
l’étude japonaise n’est pas transposable ;
l’essai de l’intergroupe nord-américain est négatif, et donc en
défaveur de la chirurgie.
Une analyse approfondie des résultats présentés, et désormais
publiés, des essais adjuvants ne peut que tempérer ces commentaires. L’essai ALPI, qui ne parvient pas à démontrer une différence significative en faveur de la chimiothérapie adjuvante, est
grevé de plusieurs handicaps ( 3 ). La chimiothérapie choisie, triplet comportant de la mitomycine, n’est certainement pas optimale
sur le plan de la tolérance, ni sur celui de la compliance. Des difficultés méthodologiques ont amené à éliminer un nombre non
négligeable de patients inclus. Enfin, la taille de la population étudiée, 1 200 patients, est bien inférieure à l’objectif initial du IALT,
par exemple, où les statisticiens avaient exigé un échantillon de
3 300 inclusions pour parvenir à démontrer un bénéfice significatif en faveur du bras expérimental. Bien qu’ils ne soient pas parvenus, eux non plus, à atteindre cet objectif, les investigateurs du
IALT ont pu démontrer ce bénéfice avec 1 900 patients, ce qui
représente quand même 60 % de patients de plus que l’essai ALPI !
Les courbes publiées du IALT, qui ressemblent à s’y méprendre
à celles de la méta-analyse de 1995, à l’origine de l’hypothèse,
montrent bien l’absence d’effet délétère lié à la toxicité de la chimiothérapie adjuvante utilisée, un doublet où le cisplatine est
associé à l’étoposide dans 60 % des cas, ou à la vinorelbine dans
30 % des cas ( 4 ). Ces résultats, malgré l’interruption prématurée
de l’essai, démontrent un bénéfice en faveur de la chimiothérapie
postopératoire, similaire à ce qui avait été observé dans le cancer
du sein en 1995. Il est intéressant de noter que la survie sans récidive est également nettement améliorée, et une étude détaillée des
résultats montre que la diminution des rechutes s’observe autant,
si ce n’est plus, au niveau local que métastatique.
L’objectif de survie globale est louable, certes, mais c’est malheureusement un lieu commun que de répéter que l’oncologue,
qu’il soit chirurgien, radiothérapeute ou oncologue médical, seul
ou associé dans un groupe multidisciplinaire, ne sait pas encore
guérir le cancer. La rémission, en fait la survie sans récidive, est
un objectif tout aussi respectable, surtout si l’on y associe une étude
de la qualité de vie. À cet égard, les résultats de l’Intergroupe nordaméricain, qui, faute de recul encore, ne parvient pas à démontrer
la supériorité en survie globale d’une stratégie comportant la
chirurgie d’exérèse des cancers localement avancés (IIIAN2) sur
une approche non chirurgicale, montrent néanmoins une très nette
amélioration de la survie sans récidive dans le bras chirurgical
(p = 0,02), probablement liée à un meilleur contrôle local ( 1 4 ).
ASCO 2004
Que nous apporte l’ASCO 2004 ? L’ASCO est un événement
majeur pour deux raisons. D’une part, ce congrès annuel est le lieu
incontournable où les résultats des grands esssais sont dévoilés. Ces
résultats y sont en général très attendus, car une savante stratégie
de préparation et d’“allèchement” du public oncologique, par des
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informations préalablement distillées sous forme de données “préliminaires”, puis “intermédiaires”, sait mettre l’eau à la bouche des
spécialistes les plus informés, qui, d’ailleurs croient habituellement
connaître les résultats avant tout le monde… Les données brutes
présentées par les investigateurs sont commentées par des experts,
dont le rôle est de les mettre en perspective. Mais, surtout, les sessions dites “éducatives” permettent à des “leaders d’opinion” de
faire régulièrement l’état des lieux des connaissances et de leur
évolution, après qu’elles aient été “digérées” par la communauté,
et de ces sessions naissent en général les recommandations et les
standards thérapeutiques. En 2004, deux essais de chimiothérapie
adjuvante viennent conforter le concept (6, 7), une méta-analyse des
essais comportant de l’UFT en adjuvant précise l’intérêt de la stratégie japonaise (17), et un débat au sommet focalisé sur la chimiothérapie adjuvante à base de sels de platine des cancers bronchiques opérés vient consacrer celle-ci, égratignant au passage
l’utilisation des triplets, pour en faire un standard (18, 1 9 ). Les
opposants, tout comme les apôtres défenseurs des stratégies d’induction des mêmes patients, ont du mal à faire entendre leur musique,
parmi les trompettes et saxophones de La Nouvelle-Orléans (20).
Les stades localement avancés sont toujours une énigme thérapeutique, où les cartes restent brouillées par l’inhomogénéité de cette
classe pronostique, qui souffre de l’absence d’implication thérapeutique de l’actuelle classification ( 2 1 ). L’observateur a eu le plaisir de voir apparaître pour la première fois, sur un écran de l’ASCO,
la classification française en trois couleurs, qui tente timidement de
clarifier les classes thérapeutiques des cancers bronchiques non à
petites cellules au stade III (22,23). Rappelons que cette classification avait été proposée pour évaluation à l’Intergroupe francophone
de cancérologie thoracique (IFCT) lors de sa fondation, proposition écartée poliment, car “elle n’avait pas été publiée” (sic).
Mais revenons sur les essais de chimiothérapie adjuvante. Le NCIC
rapporte un essai qui randomise les patients dont le cancer bronchique a été complètement réséqué entre une chimiothérapie adjuvante associant cisplatine et vinorelbine, et une simple surveillance
( 6 ). Le CALGB donne les résultats d’une stratégie similaire, où la
chimiothérapie testée en adjuvant associe carboplatine et paclitaxel
( 7 ). La différence dans les deux essais est hautement significative
en faveur du bras chimiothérapie, et nettement plus élevée que celle
qui pu être rapportée sur un nombre beaucoup plus élevé de patients
par les investigateurs du IALT ! Est-ce l’effet des “nouvelles”
drogues ? Rappelons que, parmi les essais adjuvants qui ont fleuri
à la sortie de la méta-analyse, deux restent à rapporter, les essais
A N ITA 1 et 2, le premier ayant le même “design” que l’essai canadien du NCIC. Il n’y a pas le moindre doute que celui-ci apportera
des résultats similaires lors de sa publication. ANITA 2 est plus
original, puisqu’il a proposé une monothérapie sans platine, utilisant la vinorelbine seule sur une population sélectionnée.
QUESTIONS
Bien que, fondamentalement, la question de l’opportunité de proposer une chimiothérapie systématique aux cancers bronchiques
non à petites cellules complètement réséqués semble maintenant
tranchée, deux interrogations subsistent : quelle chimiothérapie
en adjuvant, et pour quels patients ?
158
La première question n’est pas si simple. S’il semble, à l’analyse
du IALT, que l’association cisplatine-étoposide ait été la plus performante, cette impression est balayée par les essais du CALGB et
du NCIC, qui ont utilisé des molécules plus modernes en association avec le cisplatine pour l’un d’entre eux, et même le carboplatine pour l’autre, réduisant ainsi encore la toxicité potentielle, et la
compliance, sans toutefois, apparemment, altérer l’efficacité (4, 6,
7 ). Rappelons le profil des courbes de l’essai ALPI, dont le croisement initial témoigne d’un effet délétère de la toxicité de la chimiothérapie, qui défavorise l’ensemble de l’étude (3). La recherche
de la chimiothérapie la mieux tolérée est indispensable en adjuvant.
Et la méta-analyse japonaise, qui confirme les essais de phase III,
menés sur des populations très ciblées, vient renforcer l’idée que,
peut-être, le cisplatine n’est pas indispensable à l’amélioration de
la survie que l’on peut attendre d’une thérapeutique adjuvante postopératoire ( 1 7 ). Mais, si le doublet à base de platine demeure difficile à contourner en dehors du Japon, la question du choix du sel
de platine (cisplatine, carboplatine ou autre) reste à étudier, ainsi
que celle de la meilleure molécule à lui associer. À ce titre, la seule
drogue “nouvelle” qui a maintenant été testée sur près de
1 000 patients traités en adjuvant est la vinorelbine, si l’on inclut
les essais ANITA encore non publiés (4, 6). Il est urgent de regrouper dans une méta-analyse tous les patients qui ont reçu cette molécule dans des essais randomisés de chimiothérapie adjuvante postopératoire pour savoir si elle pourrait devenir la drogue de référence
en association avec un sel de platine dans cette indication.
La deuxième question est celle du choix des patients à qui proposer une stratégie adjuvante systématique. Tous les opérés en résection complète ? L’inclusion des stades IA, T1N0, dans une telle
stratégie reste controversée. L’essai randomisé japonais d’UFT
adjuvant proposé uniquement à des adénocarcinomes au stade I,
rapporté à l’ASCO 2003, a démontré clairement que seuls les
stades IB, soit T2N0, bénéficiaient de la chimiothérapie adjuvante,
alors qu’ils ne représentent que 25 % des patients inclus (5). En
outre, s’il semble démontré que la chimiothérapie adjuvante améliore la survie calculée à 5 ans de 5 à 15 %, il est facile d’argumenter que ce bénéfice apparaît bien faible, eu égard aux inconvénients de la chimiothérapie en termes de toxicité et de qualité de
vie. L’étape suivante de la recherche clinique dans ce domaine
devra être focalisée sur la sélection des patients qui bénéficient
effectivement de cette thérapeutique adjuvante. L’analyse des
stades pathologiques des patients inclus, aussi bien dans l’essai
japonais que dans la population du IALT, tend à suggérer que les
stades les plus précoces de la maladie sont ceux qui profitent le
moins de cette stratégie (4, 5). La sélection des candidats à une chimiothérapie adjuvante pourrait être faite par l’étude des réponses
à la même chimiothérapie proposée en induction, telle qu’elle a été
présentée sous forme de poster à l’ASCO 2004, dans un essai associant la vinorelbine, le cisplatine et l’ifosfamide (24). Cet essai, malheureusement interrompu en raison de la raréfaction des inclusions,
posait une question fondamentale dans le sillage des essais publiés
de chimiothérapie adjuvante. Il est vrai qu’il utilisait un triplet dont
la toxicité potentielle en induction a pu décourager un peu les
investigateurs. Malgré cela, 69 % des patients inclus, répondeurs
ou stables, ont pu être opérés, sans délai, après trois cycles, avec
un taux de résécabilité de 74 %, et plus de la moitié des patients
La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - n° 4 - juillet-août 2004
inclus ont pu être randomisés pour la chimiothérapie adjuvante. Les
meilleurs candidats à une stratégie adjuvante seront probablement
sélectionnés dans l’avenir sur des critères biologiques, et les investigateurs du IALT, comme ceux de l’IFCT pour l’essai français
d’induction et bien d’autres dans la communauté internationale ont
eu la sagesse de prévoir un regroupement en tumorothèques pour
étudier dans le détail les facteurs pronostiques biologiques, génomiques, voire protéomiques, qui seront corrélés à la stratification
par groupes de traitement.
Le chirurgien observateur pourrait encore disserter de longues
pages sur les progrès fantastiques de la biologie moléculaire, sur
le regain d’intérêt apporté à des pathologies passionnantes comme
le carcinome bronchiolo-alvéolaire par l’observation récente des
hyperexpressions des récepteurs à l’EGF et des voies d’activation des différents facteurs de croissance, conduisant aux essais
de traitements ciblés, sur la remise à la mode du désespérant
mésothéliome malin de la plèvre par la mise sur le marché nordaméricain du pemetrexed, qui permet, en association avec le cisplatine, d’observer un taux de réponse encourageant ( 2 5 ), ouvrant
des perspectives, y compris en induction avant la chirurgie, et bien
d’autres choses encore. Il reste que, dans la plupart des grandes
questions oncologiques thoraciques, voire oncologiques en général, le chirurgien, malgré sa gestion pour le moins macroscopique
de la maladie, est encore, et pour de nombreuses années, au cœur
de la thérapeutique, et qu’il se doit de participer au progrès.
Les courbes présentées respectivement par les investigateurs des
essais randomisés ALPI-EORTC, essai adjuvant italien, MIP 91,
essai d’induction français, et INT0139, essai nord-américain testant la chirurgie en position adjuvante, tous considérés comme
“négatifs”, présentent une étrange similitude (3, 12, 14). On peut
observer leur croisement initial, qui témoigne de l’hyperlétalité
des stratégies multimodales, qu’il s’agisse de compliquer un acte
opératoire par une chimiothérapie qui le précède ou le suit, ou de
compliquer une radiochimiothérapie par une intervention chirurgicale. Ces courbes incitent à la modestie, et aussi, mais surtout
au progrès, car l’évidence saute aux yeux qu’une réduction de la
toxicité rendrait tous ces essais positifs. Il faut donc, encore et toujours, rendre les drogues moins toxiques, améliorer les techniques
de radiothérapie, augmenter la qualité de la chirurgie et de tout ce
qui l’entoure, stadification, anesthésie, soins péri-opératoires,
réanimation. Il faut aussi garder une grande patience, en prenant
exemple sur nos collègues japonais de l’essai adjuvant UFT, qui
ont attendu quatre années pour voir enfin les courbes se séparer
( 5 ), et comprendre que c’est sur le long terme que les progrès se
font, et que les révolutions brutales sont rares en oncologie.
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B I B L I O G R A P H I Q U E S
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