La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIII - n° 6 - juin 1998
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J. F. Delfraissy (Bicêtre, Le Kre m l i n - B i c ê t re ) a rappelé la
place de l’immunothérapie dans le traitement de l’infection par
le VIH et surtout celle de l’interleukine 2 (IL2). En effet, dif-
férentes études ont montré que l’IL2 permet une augmentation
progressive et durable des lymphocytes CD4 se poursuivant à
l’arrêt de l’IL2. L’IL2 ne s’accompagne pas d’augmentation de
la ch a rge virale VIH. En reva n ch e, il n’y a pas, à l’heure actuelle,
de données pour dire s’il y a un bénéfice clinique sous IL2.
L’ e fficacité de ce traitement est surtout observée chez des
p a tients ayant un déficit immu n i t a i re modéré (CD4 > 2 0 0 / m m
3
) .
Plusieurs questions demeurent : quel est le bénéfice clinique de
ce traitement ? Quelle est la tolérance à long terme ? Quel est
le mécanisme d’action ? Quel est le rapport coût/bénéfice d’un
t r aitement s’accompagnant fréquemment d’effets secondaire s ?
Quelle est l’efficacité de l’IL2 si les ly m p h o c ytes CD4 sont infé -
rieurs à 200/mm
3
?
Plusieurs protocoles sont en cours, cherchant à répondre à ces
questions (ANRS 079, ILSTIM).
La deuxième partie de cette journée était consacrée aux
t e chniques viro l ogi ques et aux strat é gies thérap e u t i q u e s .
Les concepts de la dynamique virale et les schémas thérapeu-
tiques actuels ont conduit à l’amélioration des perfo rm a n c e s
des tests de mesure de la ch a rge virale plasmat i q u e,avec notam-
ment un abaissement des seuils de détection.
J. Izopet (To u l o u s e ) a présenté une étude réalisée dans le
s e r vice de viro l ogie de Toulouse et montrant l’intérêt de l’ab a i s-
sement des seuils de charge virale plasmatique : 349 patients
traités par trithérapie antirétrovirale ont été suivis. À trois mois
du début du traitement, 129 patients (37 % ) avaient un ARN-
VIH plasmatique inférieur à 200 copies/ml et 36 d ’ e n t r e eux
avaient une valeur inférieure à 20 copies/ml. Ces patients ont
été suivis pendant 15 mois. Parmi les patients ayant moins de
2 0 0 copies après 15 mois de tri t h é rap i e , un éch app ement
virologique a été moins fréquemment observé chez les patients
qui avaient moins de 20 copies/ml à trois mois que chez ceux
ayant entre 20 et 200 copies (7,1 versus 34,1 %).
En revanche, la mesure de l’ADN proviral reflétant le pool de
cellules infectées dans l’organisme et la mesure de l’ARN intra -
cellulaire restent du domaine de la recherche.
B. Masquelier (Bord e a u x ) a fait une mise au point sur les tests
phénotypiques et génotypiques de résistance du VIH aux anti-
rétroviraux. Le phénotype de sensibilité d’un isolat de VIH vis-
à-vis d’une molécule antirétrov i rale peut être évalué in vitro
dans un système de culture cellulaire grâce à la détermination
des concentrations inhibitrices (CI
5 0
et CI
9 0
) des molécules
considérées. Cependant, cette technique est longue et difficile
à mettre en œuvre, et reste actuellement du domaine de la
recherche. Les variants résistants possèdent une ou plusieurs
mutations du gène codant pour la protéine cible de l’antiviral
d é t e rminant leur génotype de sensibilité. Diff é rentes tech n i q u e s
de biologie moléculaire peuvent permettre de définir le géno-
type de sensibilité. Les études s’accumu l e n t , ch e rch ant à mettre
en évidence une association entre résistance aux antirétrov i-
raux et réponse clinique ou virologique ; les résultats restent
c o n t ra d i c t o i res . Ces tests phénotypiques et génotypiques ne
sont pas actuellement utilisés en routine et pourraient se dis-
cuter au cours de la pri m o - i n f ection V I H , chez la fe m m e
enceinte et le nouveau-né infecté par le VIH.
J.L. Pellegrin (Bordeaux) et J. Reynes (Montpellier), à par-
tir d’études présentées à Chicago , ont ch e r ché à répondre à
quelques questions afin d’orienter la strat é gie thérap e u t i q u e
pour l’année 1998 :
Quelle est la place des bithérapies ? Deux études présentées
à Chicago ont montré que la bithérapie d’antirétroviraux était
i n f é r i e u r e, en termes de baisse de la ch a rge virale et
de performance neurologique, à la trithérapie (N. Clumeck et
M. O’Shaugnessy).
Quelle est la “meilleure” association d’analogues nucléo -
sidiques à utiliser en première intention en association avec un
inhibiteur de la protéase ? Il semble y avoir une équivalence
des associations :AZT + 3TC + IDV versus d4T + 3TC + IDV
et d4T + ddI + IDV versus AZT + 3TC + IDV.
Qu’en est-il des nouvelles molécules antirétrov i r ales ? L’ ab a-
cavir, nouvel analogue nucléosidique,permet une baisse de la
ch a rge virale de 2 log à S16 avec un inhibiteur de pro t é a s e,m a i s
a des mutations croisées avec d’autres NRTI, surtout sur des
s o u c hes multirésistantes. Par ailleurs , il existe des réactions
d’hypersensibilité sévères (risque de décès) dans 3 % des cas.
Pa rmi les analogues non nu cl é o s i d i q u e s , l ’ e fav i renz (DMP 2 6 6 )
s e m ble être une molécule intéressante permettant une baisse
s i g n i f i c a t ive de la ch a rge virale en association avec d’autre s
NRTI ou une AP (moins 2 log).
Pa rmi les nouveaux inhibiteurs de pro t é a s e s , l ’ a m p r e n av i r
s e m ble pro m e t t e u r, avec 60 % de ch a rge virale inféri e u r e à
500 Eq copies/ml à la 12
e
semaine en association avec l’AZT
et la 3TC.
Quelles nouvelles stratégies thérapeutiques ? Faut-il com -
mencer d’emblée une association incluant un inhibiteur de pro -
téase ? L’existence de résistances croisées entre de nombreux
inhibiteurs de protéases et l’apparition de toxicité à long terme,
dont des lipody s t ro p h i e s , incitent à développer de nouve l l e s
stratégies thérapeutiques n’incluant pas un inhibiteur de pro-
téase en première intention. Peut-être faut-il proposer en pre-
mière intention des associations d’analogues nucléosidiques et
de non nucléosidiques ?
CONCLUSION
Cette journée a permis de faire le point sur les limites des trai-
tements antirétroviraux, la place de l’immunothérapie dans le
traitement de l’infection par le VIH et les nouvelles techniques
v i ro l ogiques (mesure de l’ARNm intra c e l l u l a i re, de l’ADN pro-
viral, génotypage et phénotypage), qui restent encore surtout
du domaine de la recherche.
D. Batisse, Paris