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Thérapeutique et immunité :
l’autre combat contre le VIH*
Deux ans après le début de l’utilisation des tri t h é rapies
i n cluant un inhibiteur de protéase et suite au congrès de
Chicago (1er-5 février 1998), cette journée a permis de faire
une synthèse sur les connaissances immu n o l ogiques au
c o u rsde l’infection par le VIH et d’ab o rder les nouvelles perspectives thérapeutiques.
C. Katlama (Pitié-Salpêtrière, Paris) a rappelé, lors de l’ouverture de ce symposium, que depuis maintenant deux ans, on
o b s e rvait une diminution de la morbidité et de la létalité au
cours de l’infection par le VIH. Sur un ton très “guerrier”, elle
précisait que la lutte contre le VIH est “un combat où l’erreur
est peu rat t rap abl e, le premier tir devant être le bon”. À l’heure
actuelle, les traitements antirétrov i raux restent cep e n d a n t
lourds, avec beaucoup de contraintes hora i res ; l’allége m e n t
thérapeutique ne semble pas encore possible (essai Trilège), ce
qui nécessite de s’intéresser à d’autres stratégies.
À la re ch e rche de thérapeutiques nouve l l e s , J.L. Vi relizier
(Institut Pasteur, Paris) a fait le point sur les corécepteurs du
VIH. En effet, des études ont montré que l’entrée du VIH dans
les lymphocytes T dépend de l’interaction de la protéine
d’enveloppe virale avec le récepteur CD4, mais aussi avec un
corécepteur. Deux types de corécep t e u rs ont été jusqu’alors
identifiés : CCR5, bl o c able par les chimiokines Rantes, et
MIP1α et β et CXCR4, blocable par SDF-1. Le VIH pénètre
dans les ly m p h o cytes par un mécanisme de fusion : le virus
s ’ a n c re à la membrane plasmatique par le CD4 et par les
corécepteurs puis fusionne et pénètre dans la cellule. Ainsi, ces
corécepteurs pourraient être une cible intéressante dans le traitement de l’infe c t i o n , car ils perm e t t raient d’agir avant la pénétration du virus dans la cellule.
H. Agut (Pitié-Salpêtri è re, Pa ri s ) et L. Weiss (Bro u s s a i s ,
Paris) ont cherché à répondre à la question de l’existence de
moyens d’évaluation et de prédiction de l’impact sur l’immunité des thérapeutiques antirétrovirales. H. Agut a insisté sur le
fait qu’il n’existe pas, à l’heure actuelle, de données permettant d’affirmer l’existence de “sanctuaires du VIH”. Les traitements antirétroviraux actuels ne sont pas efficaces à 100 %,
laissant penser qu’il existe une multiplication résiduelle dans
le tissu lymphoïde. Cette multiplication pourrait correspondre
à l’éch appement viral observé au lab o rat o i re. Ainsi, l’auteur
* Journée du 5 mars 1998, Institut Pasteur, Paris.
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préfère parler de multiplication résiduelle plutôt que de sanct u a i re, et de contrôle insuffisant de la réplication plutôt que
d’échec thérapeutique. Dans les tissus lymphoïdes, les cibles
du VIH sont les lymphocytes CD4+ activés et quiescents, les
monocytes-macrophages, les cellules dendritiques et peut-être
les lymphocytes CD8+ infectés par HHV6. Pour un meilleur
contrôle de la réplication virale, il faut avoir probablement un
meilleur contrôle immunitaire.
L. Weiss (Broussais, Paris) a rapporté les résultats de diverses
études présentées à Chicago sur la restauration immunitaire au
cours des traitements antirétrov i raux efficaces. Diff é rents
auteurs ont montré que l’administration d’une trithérapie comprenant un inhibiteur de protéase permet de modifier certaines
anomalies immunologiques rencontrées au cours de l’infection
par le VIH. Ainsi, on observe une augmentation biphasique des
ly m p h o cytes CD4 : une phase précoce (8 semaines) pendant
laquelle les cellules CD4 mémoires, correspondant à une redistribution à partir des ganglions, s’accroissent et une phase plus
tardive, liée à une augmentation des cellules CD4 naïves, dont
l’origine serait thymique ou associée à une expansion périphérique. Un traitement antirétroviral efficace permet également
une diminution des marqueurs d’activation des lymphocytes T
CD4+ (CD25, CD69 et HLA-DR), des lymphocytes T CD8+
(CD38) et de l’activation des lymphocytes B. Dans certaines
études, on observe une augmentation de l’expression du marqueur de fonctionnalité CD28 sur les lymphocytes CD4 qui
p o u rrait être un marqueur prédictif de re s t a u ration immu n i t a i re.
Par ailleurs , on observe une re s t a u ration de la pro l i f é ration ly mphocytaire T aux antigènes de rappel et, dans certaines études,
aux antigènes du VIH. Il n’a pas été observé, dans la plupart
des études, de modifications du répertoire du récepteur des ly mphocytes T sous traitement antirétroviral. La restauration dans
la production de cytokines, notamment Th 1 , s e m ble très incomplète. Au cours de la primo-infection, l’augmentation du
n o m b rede lymphocytes CD4 naïfs serait plus précoce et la prolifération aux antigènes microbiens restaurée. Ainsi, toutes ces
études vont dans le même sens : la restauration immunitaire est
effective mais partielle. Plusieurs questions restent cependant
en suspens : les signes de restauration immunitaire existent-ils
au-delà de 12 mois de traitement ? Quelle est la fonctionnalité
des ly m p h o cytes CD4 des patients ayant une réponse immu n o l ogique sans baisse de l’ARN VIH plasmatique ? Quand peuton arrêter les traitements prophylactiques ?
Toutes ces données sur la restauration immunitaire suggèrent
une place pour l’immu n o t h é rapie dans le traitement de l’infection par le VIH.
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIII - n° 6 - juin 1998
J.F. Delfraissy (Bicêtre, Le Kre m l i n - B i c ê t re ) a rappelé la
place de l’immunothérapie dans le traitement de l’infection par
le VIH et surtout celle de l’interleukine 2 (IL2). En effet, différentes études ont montré que l’IL2 permet une augmentation
progressive et durable des lymphocytes CD4 se poursuivant à
l’arrêt de l’IL2. L’IL2 ne s’accompagne pas d’augmentation de
la charge virale VIH. En revanche, il n’y a pas, à l’heure actuelle,
de données pour dire s’il y a un bénéfice clinique sous IL2.
L’ e fficacité de ce traitement est surtout observée chez des
patients ayant un déficit immu n i t a i remodéré (CD4 > 200/mm3).
Plusieurs questions demeurent : quel est le bénéfice clinique de
ce traitement ? Quelle est la tolérance à long terme ? Quel est
le mécanisme d’action ? Quel est le rapport coût/bénéfice d’un
traitement s’accompagnant fréquemment d’effets secondaires ?
Quelle est l’efficacité de l’IL2 si les lymphocytes CD4 sont infé rieurs à 200/mm3 ?
Plusieurs protocoles sont en cours, cherchant à répondre à ces
questions (ANRS 079, ILSTIM).
La deuxième partie de cette journée était consacrée aux
t e chniques viro l ogiques et aux strat é gies thérap e u t i q u e s .
Les concepts de la dynamique virale et les schémas thérapeutiques actuels ont conduit à l’amélioration des perfo rm a n c e s
des tests de mesure de la ch a rge virale plasmat i q u e,avec notamment un abaissement des seuils de détection.
J. Izopet (Toulouse) a présenté une étude réalisée dans le
service de viro l ogie de Toulouse et montrant l’intérêt de l’ab a i ssement des seuils de charge virale plasmatique : 349 patients
traités par trithérapie antirétrovirale ont été suivis. À trois mois
du début du traitement, 129 patients (37 % ) avaient un ARNVIH plasmatique inférieur à 200 copies/ml et 36 d’entre eux
avaient une valeur inférieure à 20 copies/ml. Ces patients ont
été suivis pendant 15 mois. Parmi les patients ayant moins de
200 copies après 15 mois de tri t h é rapie, un éch appement
virologique a été moins fréquemment observé chez les patients
qui avaient moins de 20 copies/ml à trois mois que chez ceux
ayant entre 20 et 200 copies (7,1 versus 34,1 %).
En revanche, la mesure de l’ADN proviral reflétant le pool de
cellules infectées dans l’organisme et la mesure de l’ARN intra cellulaire restent du domaine de la recherche.
B. Masquelier (Bordeaux) a fait une mise au point sur les tests
phénotypiques et génotypiques de résistance du VIH aux antirétroviraux. Le phénotype de sensibilité d’un isolat de VIH visà-vis d’une molécule antirétrov i rale peut être évalué in vitro
dans un système de culture cellulaire grâce à la détermination
des concentrations inhibitrices (CI50 et CI90) des molécules
considérées. Cependant, cette technique est longue et difficile
à mettre en œuvre, et reste actuellement du domaine de la
recherche. Les variants résistants possèdent une ou plusieurs
mutations du gène codant pour la protéine cible de l’antiviral
d é t e rminant leur génotype de sensibilité. Diff é rentes techniques
de biologie moléculaire peuvent permettre de définir le génotype de sensibilité. Les études s’accumulent, ch e rchant à mettre
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIII - n° 6 - juin 1998
en évidence une association entre résistance aux antirétrov iraux et réponse clinique ou virologique ; les résultats restent
c o n t ra d i c t o i res. Ces tests phénotypiques et génotypiques ne
sont pas actuellement utilisés en routine et pourraient se discuter au cours de la primo-infection VIH, chez la femme
enceinte et le nouveau-né infecté par le VIH.
J.L. Pellegrin (Bordeaux) et J. Reynes (Montpellier), à partir d’études présentées à Chicago , ont ch e rché à répondre à
quelques questions afin d’orienter la strat é gie thérap e u t i q u e
pour l’année 1998 :
Quelle est la place des bithérapies ? Deux études présentées
à Chicago ont montré que la bithérapie d’antirétroviraux était
inférieure, en termes de baisse de la ch a rge virale et
de performance neurologique, à la trithérapie (N. Clumeck et
M. O’Shaugnessy).
Quelle est la “meilleure” association d’analogues nucléo sidiques à utiliser en première intention en association avec un
inhibiteur de la protéase ? Il semble y avoir une équivalence
des associations : AZT + 3TC + IDV versus d4T + 3TC + IDV
et d4T + ddI + IDV versus AZT + 3TC + IDV.
Qu’en est-il des nouvelles molécules antirétrovirales ? L’ ab acavir, nouvel analogue nucléosidique, permet une baisse de la
ch a rge virale de 2 log à S16 avec un inhibiteur de pro t é a s e, mais
a des mutations croisées avec d’autres NRTI, surtout sur des
souches multirésistantes. Par ailleurs, il existe des réactions
d’hypersensibilité sévères (risque de décès) dans 3 % des cas.
Pa rmi les analogues non nucléosidiques, l’efav i renz (DMP 266)
s e m ble être une molécule intéressante permettant une baisse
significative de la ch a rge virale en association avec d’autre s
NRTI ou une AP (moins 2 log).
Pa rmi les nouveaux inhibiteurs de protéases, l’ampre n av i r
s e m ble prometteur, avec 60 % de ch a rge virale inféri e u re à
500 Eq copies/ml à la 12e semaine en association avec l’AZT
et la 3TC.
Quelles nouvelles stratégies thérapeutiques ? Faut-il com mencer d’emblée une association incluant un inhibiteur de pro téase ? L’existence de résistances croisées entre de nombreux
inhibiteurs de protéases et l’apparition de toxicité à long terme,
dont des lipody s t ro p h i e s , incitent à développer de nouvelles
stratégies thérapeutiques n’incluant pas un inhibiteur de protéase en première intention. Peut-être faut-il proposer en première intention des associations d’analogues nucléosidiques et
de non nucléosidiques ?
CONCLUSION
Cette journée a permis de faire le point sur les limites des traitements antirétroviraux, la place de l’immunothérapie dans le
traitement de l’infection par le VIH et les nouvelles techniques
v i ro l ogiques (mesure de l’ARNm intra c e l l u l a i re, de l’ADN proviral, génotypage et phénotypage), qui restent encore surtout
du domaine de la recherche.
D. Batisse, Paris
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