R
É U N I O N S
294
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIII - n° 6 - juin 1998
Deux ans après le début de l’utilisation des tri t h é rap i e s
i n cluant un inhibiteur de protéase et suite au congs de
Chicago (1er-5 février 1998), cette journée a permis de faire
une synthèse sur les connaissances immu n o l ogiques au
c o u rs de l’infection par le VIH et d’ab o rde r les nouvelles pers-
pectives thérapeutiques.
C. Katlama (Pitié-Salpêtrière, Paris) a rappelé, lors de l’ou-
verture de ce symposium, que depuis maintenant deux ans, on
o b s e rvait une diminution de la morbidité et de la létalité au
cours de l’infection par le VIH. Sur un ton très “guerrier”, elle
précisait que la lutte contre le VIH est “un combat où l’erreur
est peu rat t rap abl e, le premier tir devant être le bon”. À l’heure
a c t u e l l e , les traitements antirétrov i raux restent cep e n d a n t
l o u rd s , avec beaucoup de contraintes hora i re s ; l’allége m e n t
thérapeutique ne semble pas encore possible (essai Trilège), ce
qui nécessite de s’intéresser à d’autres stratégies.
À la re ch e r che de thérapeutiques nouve l l e s , J.L. Vi relizier
(Institut Pasteur, Paris) a fait le point sur les corécepteurs du
VIH. En effet, des études ont montré que l’entrée du VIH dans
les ly m p h o c ytes T dépend de l’interaction de la protéine
d’enveloppe virale avec le récepteur CD4, mais aussi avec un
c o r é c ep t e u r. Deux types de corécep t e u rs ont été jusqu’alors
i d e n t i fiés : C C R 5 , bl o c a ble par les chimiokines Rantes, e t
MIP1αet βet CXCR4, blocable par SDF-1. Le VIH pénètre
dans les ly m p h o cytes par un mécanisme de fusion : le viru s
s ’ a n c re à la membrane plasmatique par le CD4 et par les
corécepteurs puis fusionne et pénètre dans la cellule.Ainsi, ces
corécepteurs pourraient être une cible intéressante dans le trai-
tement de l’infe c t i o n , car ils perm e t t raient d’agir avant la péné-
tration du virus dans la cellule.
H. Agut (Pitié-Salpêtri è re, Pa ri s ) et L. Weiss (Bro u s s a i s ,
Paris) ont chercà répondre à la question de l’existence de
moyens d’évaluation et de prédiction de l’impact sur l’immu-
nité des thérapeutiques antirétrovirales. H. Agut a insisté sur le
fait qu’il n’existe pas, à l’heure actuelle,de données permet-
tant d’affirmer l’existence de “sanctuaires du VIH”. Les traite-
ments antirétrov i r aux actuels ne sont pas efficaces à 100 % ,
laissant penser qu’il existe une multiplication résiduelle dans
le tissu lymphoïde. Cette multiplication pourrait correspondre
à l’éch appement viral observé au lab o rat o i re. A i n s i , l ’ a u t e u r
préfère parler de multiplication résiduelle plutôt que de sanc-
t u a i re, et de contrôle insuffisant de la réplication plutôt que
d’échec thérapeutique. Dans les tissus lymphoïdes, les cibles
du VIH sont les lymphocytes CD4+ activés et quiescents, les
monocytes-macrophages, les cellules dendritiques et peut-être
les lymphocytes CD8+ infectés par HHV6. Pour un meilleur
contrôle de la réplication virale, il faut avoir probablement un
meilleur contrôle immunitaire.
L. Weiss (Broussais, Paris) a rapporté les résultats de diverses
études présentées à Chicago sur la restauration immunitaire au
c o u r s des traitements antirétrov i raux efficaces. Diff é re n t s
auteurs ont montré que l’administration d’une trithérapie com-
prenant un inhibiteur de protéase permet de modifier certaines
anomalies immunologiques rencontrées au cours de l’infection
par le VIH. Ainsi, on observe une augmentation biphasique des
ly m p h o cytes CD4 : une phase précoce (8 semaines) pendant
laquelle les cellules CD4 mémoires, correspondant à une redis-
tribution à partir des ganglions, s’accroissent et une phase plus
tardive, liée à une augmentation des cellules CD4 naïves, dont
l’origine serait thymique ou associée à une expansion périphé-
rique. Un traitement antirétroviral efficace permet également
une diminution des marqueurs d’activation des lymphocytes T
CD4+ (CD25, CD69 et HLA-DR), des lymphocytes T CD8+
(CD38) et de l’activation des lymphocytes B. Dans certaines
études, on observe une augmentation de l’expression du mar-
queur de fonctionnalité CD28 sur les ly m p h o cytes CD4 qui
p o u rra it être un marqueur prédictif de re s t a u ration immu n i t a i re.
Par ailleurs , on observe une re s t a u ration de la pro l i f é ration ly m-
phocytaire T aux antigènes de rappel et, dans certaines études,
aux antigènes du VIH. Il n’a pas été observé, dans la plupart
des études, de modifi c a tions du répert o i r e du récepteur des ly m-
phocytes T sous traitement antirétroviral. La restauration dans
la production de cy t o k i n e s , notamment Th 1 , s e m ble très incom-
p l è t e . Au cours de la pri m o - i n fe c t i o n , l ’ a u g m e n t a tion du
n o m b re de ly m p h o cytes CD4 naïfs serait plus précoce et la pro-
lifération aux antigènes microbiens restaurée. Ainsi, toutes ces
études vont dans le même sens :la restauration immunitaire est
effective mais partielle. Plusieurs questions restent cependant
en suspens : les signes de restauration immunitaire existent-ils
au-delà de 12 mois de traitement ? Quelle est la fonctionnalité
des ly m p h o cytes CD4 des patients ayant une réponse immu -
n o l ogique sans baisse de l’ARN VIH plasmatique ? Quand peut-
on arrêter les traitements prophylactiques ?
Toutes ces données sur la restauration immunitaire suggèrent
une place pour l’immu n o t h é rapie dans le traitement de l’in-
fection par le VIH.
Thérapeutique et immunité :
l’autre combat contre le VIH*
* Journée du 5 mars 1998, Institut Pasteur, Paris.
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIII - 6 - juin 1998
295
J. F. Delfraissy (Bicêtre, Le Kre m l i n - B i c ê t re ) a rappelé la
place de l’immunothérapie dans le traitement de l’infection par
le VIH et surtout celle de l’interleukine 2 (IL2). En effet, dif-
férentes études ont montré que l’IL2 permet une augmentation
progressive et durable des lymphocytes CD4 se poursuivant à
l’arrêt de l’IL2. L’IL2 ne s’accompagne pas d’augmentation de
la ch a rge virale VIH. En reva n ch e, il n’y a pas, à l’heure actuelle,
de données pour dire s’il y a un bénéfice clinique sous IL2.
L’ e fficacité de ce traitement est surtout observée chez des
p a tients ayant un déficit immu n i t a i re modéré (CD4 > 2 0 0 / m m
3
) .
Plusieurs questions demeurent : quel est le bénéfice clinique de
ce traitement ? Quelle est la tolérance à long terme ? Quel est
le mécanisme d’action ? Quel est le rapport coût/bénéfice d’un
t r aitement s’accompagnant fréquemment d’effets secondaire s ?
Quelle est l’efficacité de l’IL2 si les ly m p h o c ytes CD4 sont infé -
rieurs à 200/mm
3
?
Plusieurs protocoles sont en cours, cherchant à répondre à ces
questions (ANRS 079, ILSTIM).
La deuxième partie de cette journée était consacrée aux
t e chniques viro l ogi ques et aux strat é gies thérap e u t i q u e s .
Les concepts de la dynamique virale et les schémas thérapeu-
tiques actuels ont conduit à l’amélioration des perfo rm a n c e s
des tests de mesure de la ch a rge virale plasmat i q u e,avec notam-
ment un abaissement des seuils de détection.
J. Izopet (To u l o u s e ) a présenté une étude réalisée dans le
s e r vice de viro l ogie de Toulouse et montrant l’intérêt de l’ab a i s-
sement des seuils de charge virale plasmatique : 349 patients
traités par trithérapie antirétrovirale ont été suivis. À trois mois
du début du traitement, 129 patients (37 % ) avaient un ARN-
VIH plasmatique inférieur à 200 copies/ml et 36 d ’ e n t r e eux
avaient une valeur inférieure à 20 copies/ml. Ces patients ont
été suivis pendant 15 mois. Parmi les patients ayant moins de
2 0 0 copies après 15 mois de tri t h é rap i e , un éch app ement
virologique a été moins fréquemment observé chez les patients
qui avaient moins de 20 copies/ml à trois mois que chez ceux
ayant entre 20 et 200 copies (7,1 versus 34,1 %).
En revanche, la mesure de l’ADN proviral reflétant le pool de
cellules infectées dans l’organisme et la mesure de l’ARN intra -
cellulaire restent du domaine de la recherche.
B. Masquelier (Bord e a u x ) a fait une mise au point sur les tests
phénotypiques et génotypiques de résistance du VIH aux anti-
rétroviraux. Le phénotype de sensibilité d’un isolat de VIH vis-
à-vis d’une molécule antirétrov i rale peut être évalué in vitro
dans un système de culture cellulaire grâce à la détermination
des concentrations inhibitrices (CI
5 0
et CI
9 0
) des molécules
considérées. Cependant, cette technique est longue et difficile
à mettre en œuvre, et reste actuellement du domaine de la
recherche. Les variants résistants possèdent une ou plusieurs
mutations du gène codant pour la protéine cible de l’antiviral
d é t e rminant leur génotype de sensibilité. Diff é rentes tech n i q u e s
de biologie moléculaire peuvent permettre de définir le géno-
type de sensibilité. Les études s’accumu l e n t , ch e rch ant à mettre
en évidence une association entre résistance aux antirétrov i-
raux et réponse clinique ou virologique ; les résultats restent
c o n t ra d i c t o i res . Ces tests phénotypiques et génotypiques ne
sont pas actuellement utilisés en routine et pourraient se dis-
cuter au cours de la pri m o - i n f ection V I H , chez la fe m m e
enceinte et le nouveau-né infecté par le VIH.
J.L. Pellegrin (Bordeaux) et J. Reynes (Montpellier), à par-
tir d’études présentées à Chicago , ont ch e r ché à répondre à
quelques questions afin d’orienter la strat é gie thérap e u t i q u e
pour l’année 1998 :
Quelle est la place des bithérapies ? Deux études présentées
à Chicago ont montré que la bithérapie d’antirétroviraux était
i n f é r i e u r e, en termes de baisse de la ch a rge virale et
de performance neurologique, à la trithérapie (N. Clumeck et
M. O’Shaugnessy).
Quelle est la “meilleure” association d’analogues nucléo -
sidiques à utiliser en première intention en association avec un
inhibiteur de la protéase ? Il semble y avoir une équivalence
des associations :AZT + 3TC + IDV versus d4T + 3TC + IDV
et d4T + ddI + IDV versus AZT + 3TC + IDV.
Qu’en est-il des nouvelles molécules antirétrov i r ales ? L’ ab a-
cavir, nouvel analogue nucléosidique,permet une baisse de la
ch a rge virale de 2 log à S16 avec un inhibiteur de pro t é a s e,m a i s
a des mutations croisées avec d’autres NRTI, surtout sur des
s o u c hes multirésistantes. Par ailleurs , il existe des réactions
d’hypersensibilité sévères (risque de décès) dans 3 % des cas.
Pa rmi les analogues non nu cl é o s i d i q u e s , l ’ e fav i renz (DMP 2 6 6 )
s e m ble être une molécule intéressante permettant une baisse
s i g n i f i c a t ive de la ch a rge virale en association avec d’autre s
NRTI ou une AP (moins 2 log).
Pa rmi les nouveaux inhibiteurs de pro t é a s e s , l ’ a m p r e n av i r
s e m ble pro m e t t e u r, avec 60 % de ch a rge virale inféri e u r e à
500 Eq copies/ml à la 12
e
semaine en association avec l’AZT
et la 3TC.
Quelles nouvelles stratégies thérapeutiques ? Faut-il com -
mencer d’emblée une association incluant un inhibiteur de pro -
téase ? L’existence de résistances croisées entre de nombreux
inhibiteurs de protéases et l’apparition de toxicité à long terme,
dont des lipody s t ro p h i e s , incitent à développer de nouve l l e s
stratégies thérapeutiques n’incluant pas un inhibiteur de pro-
téase en première intention. Peut-être faut-il proposer en pre-
mière intention des associations d’analogues nucléosidiques et
de non nucléosidiques ?
CONCLUSION
Cette journée a permis de faire le point sur les limites des trai-
tements antirétroviraux, la place de l’immunothérapie dans le
traitement de l’infection par le VIH et les nouvelles techniques
v i ro l ogiques (mesure de l’ARNm intra c e l l u l a i re, de l’ADN pro-
viral, génotypage et phénotypage), qui restent encore surtout
du domaine de la recherche.
D. Batisse, Paris
R
É U N I O N S
296
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIII - n° 6 - juin 1998
1 / 3 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !