NOIR BLEU ROUGE JAUNE
La Lettre du Rhumatologue - n
o
248 - janvier 1999
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A
RTHRITES ET INFECTIONS
L’INTEREòT PRATIQUE DES SERODIAGNOSTICS EST DISCUTE
Goldbach-Mansky et coll. (692), dans leur e´tude de´ja`
mentionne´e plus haut, n’ont retrouve´ aucune corre´lation
entre la se´rologie (IgM et IgG) pour C. trachomatis et la persis-
tance articulaire de la bacte´rie atteste´e par les re´sultats de la
PCR sur le liquide synovial. Aucune diffe´rence significative
n’a e´te´ observe´e dans la se´ropre´valence pour C. trachomatis
entre les trois groupes de PR (n = 60), spondylarthropathies
(n = 19) et arthrites inclasse´es (n = 41).
En comple´mentdecetravail,lesmeˆmes auteurs (693) ont
recherche´ une corre´lation entre les se´rologies des bacte´ries
habituellement incrimine´es dans les arthrites re´actionnelles et
les symptoˆmes cliniques relate´s par les patients, sur une
cohorte de 203 patients, dont 85 PR, 37 spondylarthropathies
et 81 arthrites inclasse´es. Des symptoˆmes digestifs a` type de
diarrhe´e fe´brile e´taient significativement plus fre´quents dans
le groupe spondylarthropathies que dans les groupes PR ou
arthrites inclasse´es (respectivement 64 %, 47 % et 30 %, p =
0,002). La se´ropre´valence pour les germes intestinaux (salmo-
nelles, Shigella, Yersinia et Campylobacter) e´tait significative-
ment plus e´leve´e dans le groupe des arthrites inclasse´es que
dans les groupes PR et spondylarthropathies (41 %, 26 % et
32 %, p <0,01), et n’e´tait positive que chez 42 % des patients
ayant signale´ une diarrhe´e fe´brile. Alors que les symptoˆmes
uro-ge´nitaux e´taient plus fre´quemment observe´s dans le
groupe spondylarthropathies que dans les groupes PR et
arthrites inclasse´es (32 %, 15 % et 4 %, p <0,01), il n’y avait
aucune diffe´rence dans la se´ropre´valence pour C. trachomatis
entre les trois groupes (27 %, 35 % et 32 %), et, chez les patients
relatant des symptoˆmes uro-ge´nitaux, la se´rologie pour C.
trachomatis e´tait plus souvent positive dans le groupe PR que
dans les groupes spondylarthropathies et arthrites inclasse´es
(56 %, 12 %, 0 %, p <0,01). Aucune corre´lation n’a e´te´ trouve´e
entre l’un des se´rodiagnostics et le taux de re´mission a`unan.
COLONISATION DES CELLULES SYNOVIALES PAR LES ENTERO-
BACTERIES
Dans une magnifique e´tude en microscopie e´lectronique,
Meyer-Bahlburg et coll. (706) montrent comment, in vitro tout
au moins, Yersinia et Salmonella adhe`rent a`lamembranedela
cellule synoviale, puis induisent une invagination de cette
membrane qui leur permet de gagner le cytosol au sein d’une
ve´sicule d’endocytose. En une heure de culture, une forte
proportion des bacte´ries a ainsi pe´ne´tre´ dans les synoviocytes.
Peu de temps apre`s la pe´ne´tration intracellulaire, une phase de
re´plication bacte´rienne commence, aboutissant a` des agglo-
me´rats bacte´riens au sein de phagosomes. Cependant, de`s le
deuxie`me jour de culture, on observe des signes de de´grada-
tion des bacte´ries, dont l’ADN s’agre`ge et dont la paroi forme
des bulles aboutissant a` la formation de fantoˆmes bacte´riens
(paroi et membrane bacte´rienne ne contenant pas d’ADN) qui
sont libe´re´s dans le cytosol. Des bacte´ries viables sont
toujours pre´sentes apre`s une semaine de culture. Ce travail
illustre parfaitement les hypothe`ses commune´ment admises
concernant la physiopathologie des arthrites re´actionnelles :
persistance d’un faible contingent de bacte´ries vivantes, sous
une forme quiescente, et dispersion de mate´riel antige´nique
bacte´rien susceptible d’entretenir la re´action inflammatoire.
SYNTHESE
Ainsi, il ressort de ces travaux que la synoviale n’est pas le
milieu ste´rile que l’on croyait. Les puissants outils de de´tec-
tion mole´culaire dont nous disposons permettent de de´tecter
la pre´sence de constituants bacte´riens dans des pre´le`vements
synoviaux de patients atteints de divers rhumatismes inflam-
matoires, mais e´galement au cours d’arthroses ou chez des
volontaires sains. Les discussions avec les auteurs de ces diffe´-
rentes communications faisaient ressortir que, dans l’avenir, il
ne serait plus possible de se satisfaire de de´tecter la pre´sence
de se´quences nucle´otidiques bacte´riennes sans coupler ces
recherches a`l’e´tude de la re´ponse immune vis-a`-vis des micro-
organismes identifie´s.
L’hypothe`se qui pre´vaut actuellement est la suivante : des
germes seraient re´gulie`rement ve´hicule´s jusqu’a` l’articulation
par des cellules de la ligne´e monocytaire, et pourraient y
demeurer sous une forme quiescente. Chez des sujets ge´ne´ti-
quement pre´dispose´s, et probablement sous l’influence de
diffe´rents autres facteurs, ces germes peuvent induire et entre-
tenir localement une re´action immunitaire complexe qui
conduit a` l’arthrite. Le masque clinique que prend cette arth-
rite peut varier en fonction de l’addition de ces diffe´rents
facteurs, certains lie´s au germe, d’autres, apparemment plus
importants, lie´s a`lage´ne´tique de l’hoˆte. y