La Lettre du Neurologue - n° 1 - vol. VIII - janvier 2004 19
de son entourage est l’un des éléments les
plus déterminants d’une consultation d’épi-
leptologie. Cette étude montre à quel point ce
premier temps est crucial et permet le plus
souvent de poser un diagnostic adéquat (tout
à la fois de l’épilepsie et de sa localisation).
Néanmoins, les épileptologues ont parfois
tendance à “surdiagnostiquer” l’épilepsie.
L’EEG-vidéo représente alors l’élément clé
pour authentifier le caractère comitial des
malaises décrits par les patients.
S. Dupont, unité d’épileptologie,
GH Pitié-Salpêtrière, Paris.
La gabapentine
(Neurontin®) dans le trai-
tement
des céphalées chroniques
quotidiennes (CCQ)
■
Un groupe australien a étudié la gaba-
pentine dans le traitement des CCQ via
un essai multicentrique en double-insu contre
placebo avec cross-over. Le critère principal
d’efficacité était le pourcentage de jours sans
mal de tête sur chacune des périodes étudiées.
Il s’agissait de 133 patients (41 hommes,
92 femmes) âgés en moyenne de 43 ans et
souffrant tous depuis au moins 6 mois, et plus
de 15 jours par mois, durant plus de 4 heures
à chaque fois (migraine 25 %, céphalée de
tension 21 %, combinaison des 2 : 65 %). Un
des critères importants d’exclusion était l’abus
de dérivés de l’ergot ou de triptans. Chaque
période (gabapentine jusque 2 400 mg ou
placebo séparés par une période de 7 jours
de washout) comportait 2 semaines de titra-
tion et 6 semaines de prise régulière. Sur les
95 patients évaluables, la proportion de jour-
nées sans mal de tête était de 10 % avant
randomisation, de 17,5 % sous placebo et de
26,6 % sous gabapentine (p = 0,0005). La
gabapentine se révélait également efficace
sur le nombre de jours sans mal de tête, la
sévérité, les symptômes associés (nausées),
le handicap en général et la qualité de vie.
Commentaire. Cet essai a le mérite d’attester
de l’efficacité de la gabapentine à 2 400 mg
dans cette situation si courante des céphalées
chroniques, et de justifier son utilisation –
certes hors AMM – dans cette indication.
Soulignons néanmoins le coût (120 €/mois),
l’efficacité relative (– 9 % de journées sans
mal de tête), qui doit rendre modeste dans les
espoirs thérapeutiques, et la fréquence des
effets secondaires de la gabapentine (vertiges
21 % versus 5 %, somnolence 18 % versus
5 %), conforme à ce qui est observé habi-
tuellement avec cette molécule. Voici donc
un traitement de plus dans notre arsenal théra-
peutique, lequel, fort disparate, contient à la
fois plusieurs molécules (amitryptiline, clona-
zépam, valproate, IRS, etc.), une bonne dose
d’empathie, de patience et d’accompagne-
ment psychologique, et les diverses méthodes
de relaxation corporelle.
J. d’Anglejan-Chatillon, Versailles.
Stimulation sous-thala-
mique dans la maladie de
Parkinson.
Résultats à distance
■
Il s’agit de l’expérience grenobloise
en matière de stimulation bilatérale à
haute fréquence du noyau subthalamique
chez 49 patients atteints de maladie de Par-
kinson dopa-sensible, tous choisis, opérés et
suivis dans le même centre. Les évaluations
cliniques ont été réalisées chez tous les
patients avec et sans médicaments à inter-
valles réguliers en utilisant des échelles
validées et standardisées permettant une
comparaison au fil du temps. Seuls sept
patients ont été perdus de vue, dont trois sont
décédés (un suicide). Les résultats montrent
qu’à cinq ans, la stimulation sans médica-
ments supprime les dyskinésies, améliore
de 54 % les scores moteurs et de 49 % les
échelles de qualité de vie. Cependant, les
signes axiaux (troubles de la voix et postu-
raux) s’aggravent progressivement à un an
et à cinq ans, ce qui plaide pour l’aggrava-
tion de la maladie. Le traitement médica-
menteux n’est pas plus actif sur ces symp-
tômes. En ce qui concerne le déclin cognitif,
qui est présent pour un petit nombre de
patients (trois), la stimulation, comme les
médicaments, ne le prévient pas et il est
probable qu’il s’agisse de patients atteints
d’une maladie un peu différente. Sur le plan
psychiatrique, les scores de dépression sont
stables. En conclusion, l’amélioration des
symptômes parkinsoniens secondaires à
la stimulation subthalamique bilatérale se
maintient cinq ans après l’intervention.
Cependant, la maladie continue d’évoluer.
Commentaire. Il s’agit de la première
grande série publiée, évaluée pendant 5 ans
sérieusement, mais sans groupe contrôle.
Cet article confirme l’impression que la
stimulation du noyau subthalamique est
aussi efficace que la L-dopathérapie, mais
dépourvue de ses complications motrices.
Cependant, elle n’empêche pas l’évolution
de la maladie, avec l’installation de signes
témoignant d’une atteinte des systèmes non
dopaminergiques.
C. Karachi, service de neurochirurgie,
GH de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
L’encéphalite léthargique :
une maladie auto-immune
des ganglions de la base ?
■
En 1917, von Economo a décrit l’en-
céphalite léthargique (EL), touchant
le mésencéphale et les ganglions de la base,
s’installant de façon subaiguë après une
pharyngite. L’épidémie dévastatrice euro-
péenne d’EL (1916-1927) a été contempo-
raine de la pandémie de grippe du virus
influenza en 1918, et les deux maladies ont
été rapprochées. Cependant, on n’a pas pu
retrouver, dans le cerveau de malades atteints
de l’EL historique, de traces de l’ARN du
virus d’influenza de la pandémie de 1918.
En revanche, une réponse immunitaire sous
forme de bandes oligoclonales intrathécales
a été rapportée dans des formes sporadiques,
et certains malades ont été améliorés sous
traitement par corticoïdes, ce qui a suscité
l’hypothèse d’une maladie auto-immune.
Récemment, une équipe anglaise a examiné,
en trois ans, 20 malades de 2 à 69 ans, la
majorité étant des enfants ou de jeunes
adultes présentant un syndrome d’encé-
phalite léthargique, précédé d’une pharyn-
gite pour 55 % d’entre eux. Le phénotype
était similaire à celui de l’EL historique :
troubles du sommeil (somnolence, inversion
du rythme du sommeil, insomnie), léthargie,
syndrome parkinsonien, dyskinésies et symp-
tômes neuropsychiatriques. Un malade est
décédé et quatre ont dû être ventilés (et
seraient probablement décédés à l’époque
de l’épidémie historique, qui avait une mor-
talité de 20 à 40 %). Cinq malades ont bien
récupéré ; les autres ont gardé des séquelles.
L’analyse du LCR révélait des bandes oligo-
clonales chez 70 % des malades. Une encé-
phalite virale et les autres causes de syn-
drome parkinsonien d’installation aiguë ont
été exclues. L’IRM cérébrale montrait des
signes inflammatoires au niveau des gan-
glions de la base dans 40 % des cas. Les
titres antistreptolysine O étaient élevés chez
65 % des malades. Quatre-vingt-quinze pour
cent des malades avaient des anticorps contre
des antigènes des ganglions de la base contre
2 à 4 % dans une population contrôle.
Les auteurs concluent que l’EL doit tou-
jours faire partie du diagnostic différentiel
en neurologie, et suggèrent qu’il s’agit
✔
Deacon C, Wiebe S, Blume WT et al. Seizure
identification by clinical description in temporal
lobe epilepsy : how accurate are we ? Neurology
2003 ; 61 (12) : 1686-9.
✔
Spira PJ et al. Neurology 2003 ; 61 : 1753-9.
✔
Krack P et al. Five-year follow-up of bilateral sti-
mulation of the subthalamic nucleus in advanced
Parkinson’s disease. N Engl J Med 2003 ; 349 (20) :
1925-34.