Un cocktail prometteur pour traiter la maladie de Creutzfeldt-Jakob Deux molécules connues depuis longtemps, un médicament contre le paludisme et un anti-psychotique, pourraient être efficaces dans le traitement du nouveau variant de la maladie de CreutzfeldtJakob (nv-MCJ), la forme humaine de la maladie de la vache-folle, et d'autres maladies neurodégénératives animales et humaines. Le Prix Nobel américain Stanley Prusiner et ses collègues de l'université de Californie (San Francisco) rapportent en effet, dans les comptes rendus de l'Académie des sciences américaines (PNAS) publiés mardi, comment ils sont parvenus grâce à ces deux médicaments à bloquer, sur des cellules de souris, la transformation des protéines prion normales en leur forme anormale, cause de cette maladie incurable. Cette recette thérapeutique prometteuse aurait amélioré de façon spectaculaire l'état de santé de Rachel, une anglaise de 20 ans atteinte de la forme humaine de la maladie de la vache folle, traitée par compassion par l'équipe du Pr Prusiner, prix Nobel en 1997 pour sa découverte sur les prions. La publication dans PNAS ne fait cependant pas allusion au cas de Rachel ni à aucun autre patient traité. Les chercheurs restent très prudents face à l'espoir suscité en Europe par ces annonces. "Nous ignorons si la réponse sera favorable chez l'homme", se bornait à commenter jeudi le Dr Carsten Korth, neurologue et co-auteur de l'article. Les maladies à prion humaines ou animales évoluent "sans rémission inéluctablement vers la mort", rappellent les chercheurs américains. Ils plaident pour des essais immédiats avec ces deux molécules bien connues. Ces deux molécules, qui ont une parenté chimique, franchissent aisément la barrière qui sépare le cerveau du sang et du reste du corps, la barrière "'hémato-encéphalique", précisent-ils Il s'agit de la chlropromazine (Largactil), le premier neuroleptique inventé, mis au point par le biologiste français Henri Laborit en 1952, pour traiter la schizophrénie et d'autres maladies psychotiques, et d'un médicament contre le paludisme datant des années 30, la quinacrine (noms de marque : Atadrine, Mepacrine). Ce substitut de la quinine, dérivé du bleu de méthylène, est encore utilisé contre une parasitose intestinale, la giardiase ou lambliase. En France, 77 personnes sont déjà mortes de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, après avoir reçu une hormone de croissance contaminée, administrée dans les années 80 à plus d'un millier d'enfants. L'association française des victimes de l'hormone de croissance "reste prudente", craignant que ces molécules, et le cas de Rachel, dont le diagnostic, le traitement et les progrès restent à confirmer, suscitent de "faux espoirs" au sein des familles. "Avant de parler de traitement miraculeux, il faut être extrêmement prudent", renchérit un spécialiste du prion, le Pr Jean-Philippe Deslys (Commissariat à l'Energie Atomique). Les experts français mettent en garde contre les "extrapolations à l'homme de tests faits dans des tubes à essais sur des cellules". Un des deux molécules a déjà été administrée, a rappelé le Pr Deslys sur Europe 1. Le cas d'une patiente traitée par la chlorpromazine à cause de troubles du comportement, et morte en 1998, a été rapporté aux autorités britanniques, rappelle d'ailleurs la presse britannique. Selon le meilleur scénario, les médicaments testés pourraient permettre de guérir ou d'améliorer l'état des patients, avancent les chercheurs américains. Autre possibilité, le traitement nettoie le cerveau des prions anormaux, mais sans réparation des cellules nerveuses trop endommagées. Il pourrait alors seulement prévenir la progression de la maladie. La Grande-Bretagne compte 106 cas de la forme humaine de la maladie de la vache folle, la France trois, l'Irlande un. Un cas a été signalé d'après des signes cliniques à Hongkong chez une femme ayant résidé en Grande-Bretagne.