La Lettre du Neurologue - vol. IX - n° 6 - juin 2005
188
MISE AU POINT
matiques et les autres pathologies qui peuvent motiver la pres-
cription d’antiépileptiques. Le numérateur n’est qu’une estima-
tion de la mortalité des épileptiques au sein d’une population,
puisque les certificats de décès, souvent, ne mentionnent pas
l’épilepsie. La troisième méthode est représentée par le suivi
d’une cohorte de patients épileptiques pendant un temps suffi-
sant. Le biais est qu’il s’agit souvent de patients suivis par des
spécialistes et dont l’épilepsie est plus sévère. En revanche, les
données concernant la maladie et les circonstances de la mort
seront plus fiables. Enfin, certaines études s’intéressent à des
sous-groupes (patients institutionnalisés ou opérés). Par ailleurs,
il existe souvent des difficultés de codage sur les actes de décès
posant problème pour des comparaisons entre pays lorsque les
habitudes de déclaration diffèrent.
CHIFFRES DE MORTALITÉ EN GÉNÉRAL
Shackleton et al. (1) présentent une revue quantitative de la litté-
rature des cent dernières années, avec une méta-analyse de
23 articles. Le TMS varie de 1,3 à 9,3. Dans 13 études, il varie de
2 à 4. Le déterminant le plus important est “la population
source”, qui explique pour moitié la variance des estimations.
Dans la population générale, le TMS varie de 1,3 à 3,1, et, dans
les populations institutionnalisées ou suivies dans des unités
d’épileptologie, de 1,9 à 5,1. Aucun facteur de risque de décès
n’a été clairement identifié. Les études les plus intéressantes sont
les études de cohorte. Hauser et al. ont mené la première sur
618 patients dont l’épilepsie a été diagnostiquée entre 1935 et
1974 à Rochester, et suivis pendant 0 à 29 ans. Le TMS est de
3,3 ; il est de 3,8 dans les deux premières années. La mortalité est
ensuite celle de la population générale, mais, après plus de 20 ans
de suivi, le TMS est à nouveau significativement plus élevé que
celui de la population générale. L’évolution à long terme du TMS
des épilepsies idiopathiques est similaire, surtout si les crises
généralisées persistent (TMS entre 3,5 et 3,9). Cependant, cer-
taines études ont tout de même montré que le TMS avait tendance
à être globalement plus bas pour les épilepsies idiopathiques que
pour les autres formes d’épilepsie. Cela peut s’expliquer par le
fait que les épilepsies idiopathiques ne sont pas, par définition,
associées à une affection potentiellement évolutive, et qu’elles
sont en général plus pharmacosensibles que les autres formes
d’épilepsie. Dans l’épilepsie-absences, le taux de mortalité ne
paraît pas différent de celui de la population générale.
Ainsi, les décès survenant pendant les premières années de suivi
sont sans doute surtout liés à la maladie causale de l’épilepsie,
plus qu’à l’épilepsie elle-même. Lhatoo et al. (2) présentent
notamment le suivi d’une cohorte de 792 épileptiques dont l’épi-
lepsie a été diagnostiquée entre 1984 et 1987, suivi d’une durée
médiane de 11 ans ; chez les 70 % de patients qui ne font pas de
crises, le TMS est de 2,1. Il est de 3 pour les épilepsies aiguës
symptomatiques, de 3,7 pour les épilepsies chroniques sympto-
matiques et de 25 pour les épilepsies dues à un déficit neurolo-
gique congénital. La mortalité initiale dans la cohorte augmente
significativement à cause de la maladie sous-jacente responsable
des crises, mais elle diminue après la première année, pour aug-
menter à nouveau après 9 ans. Cinq décès sont liées à l’épilep-
sie : une SUDEP, un état de mal chez un patient ayant une tumeur
et trois accidents liés aux crises (brûlure, fracture cervicale,
noyade). Récemment, Morgan et al. (3) ont conduit une étude
combinant un registre de suivi d’épileptiques et un registre de
décès incluant toutes les morts de 1993 à 1996. Le TMS est de
2,14. Le cancer rend compte de
18,8 % des décès des patients épi-
leptiques ; un seul cas de SUDEP
a été relevé. Il y a une sur-
représentation des décès par affections cardiovasculaires et tumo-
rales, mais il est probable qu’un certain nombre d’épilepsies
soient des épilepsies vasculaires ou liées à une tumeur cérébrale.
Or, les auteurs ne peuvent pas distinguer les différents types
d’épilepsie. Dans ces études de cohorte, il faut donc un temps très
long pour ne plus prendre en compte les morts liées à la maladie
causale de l’épilepsie.
La fréquence des crises joue un rôle dans les chiffres de la mor-
talité : une étude a clairement montré que le TMS est plus élevé
lorsque l’épilepsie n’est pas bien contrôlée que lorsque celle-ci
est stabilisée (TMS 2,13 versus 3,77). Deux études menées à long
terme chez des patients opérés de leur épilepsie ont montré que
le taux de mortalité est plus élevé chez ceux dont les crises per-
sistent après la chirurgie que chez ceux qui n’ont plus de crises.
Les états de mal épileptique sont une des causes de décès. Les
risques sont plus importants au cours des crises symptomatiques
aiguës, en cas de crises myocloniques et chez le sujet de plus de
65 ans (4). On peut comprendre que, dans ce cadre, les causes
sont particulièrement à prendre en considération pour expliquer
la haute mortalité : l’étiologie est finalement le plus souvent la
cause première du décès (anoxies, accidents vasculaires céré-
braux, infections). En revanche, il n’y a pas d’excès de mortalité
à long terme si l’état de mal survient dans le cadre d’une épilep-
sie idiopathique ou cryptogénique.
QUELQUES CAUSES LIÉES À L’ÉPILEPSIE
Accidents
Spitz (5) a réalisé une revue de la littérature sur les morts par
accident dans les épilepsies. La noyade est la cause la plus fré-
quente. Dans une étude menée chez des enfants, il apparaît que
ceux de 5 à 19 ans présentent un risque relatif de noyade dans une
baignoire de 1 303 par rapport aux enfants non épileptiques. Dans
la piscine, le risque relatif est de 54. Le risque de noyade des
enfants de moins de 5 ans est le même chez les épileptiques que
chez les non-épileptiques, sans doute parce que, jusqu’à cet âge,
on laisse rarement les enfants sans surveillance. Toutes les études
insistent sur l’importance d’une surveillance des enfants épilep-
tiques lors du bain ; dans ces cas-là, les noyades peuvent être
récupérées sans séquelles. Les traumatismes crâniens, accidents
les plus fréquents lors des crises, sont rarement mortels. Les
études publiées concernent surtout des patients souffrant d’épi-
lepsies sévères institutionnalisées. Les brûlures constituent un
accident fréquent, surtout chez les femmes, car il s’agit le plus