Valve de Starr mitrale sténosante sans dysfonction apparente C OBSERVATION

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CAS CLINIQUE
OBSERVATION
Mme T., 42 ans, est hospitalisée pour une dyspnée d’effort stade II
de la NYHA d’installation récente. Dans ses antécédents car-
diovasculaires, on note un rhumatisme articulaire dans l’enfance
ayant entraîné une maladie mitrale avec fuite prédominante. Cette
valvulopathie se complique, à l’âge de 19 ans, d’une endocar-
dite infectieuse à staphylocoque aboutissant à un remplacement
valvulaire mitral par une valve de Starr n° 3 associée à une annu-
loplastie tricuspide. Depuis, la patiente ne se plaint que de méno-
métrorragies abondantes sous AVK dues à un utérus poly-
fibromateux. Cependant, depuis deux semaines, elle ressent une
dyspnée d’effort croissante l’invalidant dans la vie de tous les jours,
associée parfois à une orthopnée. L’examen clinique retrouve une
TA à 139/69, un pouls régulier à 70/mn et une température à 37 °C.
L’auscultation cardiaque retrouve des bruits du cœur réguliers sans
souffle avec bruits de valve normaux et un dédoublement de B2,
l’auscultation pulmonaire retrouve quelques crépitants de la base
gauche, la patiente ne présente pas, par ailleurs, de signes d’in-
suffisance cardiaque droite. Les pouls périphériques sont tous per-
çus. La biologie est normale. L’électrocardiogramme s’inscrit en
rythme sinusal à 70/mn avec un axe normal et des troubles de la
repolarisation en antéro-latéral à type d’ischémie sous-épicardique.
L’échographie cardiaque transthoracique retrouve une Starr mitrale
sténosante avec un gradient moyen à 12 mmHg pour une surface
calculée par la PHT à 1 cm2(figure 1), une IT minime avec annu-
loplastie étanche et une PAPS à 41 mmHg.
L’excursion de la bille est apparemment normale à l’échocardio-
graphie transœsophagienne (ETO), avec absence de fuite para-
prothétique ou de sténose sous- ou sus-valvulaire évidente pou-
vant expliquer l’augmentation du gradient. Le ventricule gauche
(VG) est légèrement hypokinétique. Six mois auparavant, le gra-
dient moyen était à 5 mmHg avec une surface fonctionnelle à
2cm
2(figure 2).
Le cathétérisme cardiaque gauche et droit retrouve une pression
capillaire à 18 mmHg, une pression artérielle pulmonaire à
40/20 mmHg avec une moyenne à 25 mmHg, et un index car- diaque à 1,71 l/mn/m2. Le gradient moyen transmitral est à
7,5 mmHg et la surface fonctionnelle est effectivement calculée
à 1 cm2. On opte pour l’option chirurgicale devant la présence de
symptômes associés à une division par deux de la surface fonc-
tionnelle de la valve et son gradient élevé sans fuite mitrale para-
Valve de Starr mitrale sténosante
sans dysfonction apparente
E. Messas*
* Unité fonctionnelle de cardiologie adulte, hôpital Necker, 149, rue de
Sèvres, 75743 Paris Cedex 15.
Figure 1. Doppler continu transmitral en vue apicale 4 cavités montrant
un gradient moyen transprothétique à 12 mmHg, témoignant d’une pro-
thèse valvulaire sténosante.
Figure 2. Doppler continu transmitral en vue apicale 4 cavités 6 mois
avant, retrouvant un gradient moyen transprothétique normal à
5,7 mmHg.
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prothétique. Lors de la chirurgie cardiaque, la valve est abordée
par atriotomie gauche au niveau de l’ancienne incision ; il n’existe
pas de thrombus. Le siège de la prothèse est totalement recouvert
de pannus, créant ainsi une réduction sensible du calibre de l’ori-
fice prothétique. Après désinsertion de la prothèse, on retrouve
le pannus exubérant qui vient obstruer la lumière utile de la pro-
thèse sur au moins un tiers de la surface. Le jeu de la bille est res-
pecté, mais il existe un véritable entonnoir qui obstrue la lumière
de la prothèse. Après résection de ce pannus sous-prothétique,
une St Jude n° 29 est mise en place. Les suites opératoires sont
simples et l’échocardiographie de contrôle, six mois après,
retrouve un bon fonctionnement de la prothèse avec une surface
à 2,68 cm2et un gradient moyen à 6,3 mmHg (figure 3).
COMMENTAIRES
Depuis les premières implantations de prothèses valvulaires car-
diaques dans les années 1960, on a assisté à une amélioration consi-
dérable
du design de ces valves, entraînant une régression impor-
tante des complications. Malgré ces innovations, le risque de
sténose sur prothèses mécaniques persiste du fait de leur throm-
bogénicité (incidence entre 0,1 % à 4 % par an selon le site d’im-
plantation et le type de valve) (1) et de leur propension à former
des pannus fibreux (2, 3). Ce pannus correspond en fait à un excès
de prolifération tissulaire au contact de l’insertion de la valve
pouvant entraîner une obstruction quels que soient la localisation
de l’implantation (aortique ou mitrale) ou le type de valve implan-
tée (valve à ailette, valve à disque, valve à bille).
Ainsi, en cas de gradient élevé sur prothèse mécanique, une atti-
tude systématique doit permettre d’orienter le diagnostic. On com-
pare les résultats obtenus lors de l’examen fait au moment des
symptômes et l’examen de référence, afin de chiffrer l’aggrava-
tion de la sténose en termes de gradient et de surface fonction-
nelle. Il faut s’assurer dans un deuxième temps que l’augmenta-
tion de gradient intraprothétique correspond réellement à une
sténose valvulaire et non à une fuite valvulaire ou paravalvulaire
augmentant artificiellement le gradient ou à une augmentation
secondaire du débit cardiaque (anémie, tachycardie, arythmie,
etc.). Après s’être assuré de la réalité de la sténose prothétique,
il faut rechercher les causes les plus fréquentes, qui sont le throm-
bus, le pannus et le mismatch (ou non-congruence) entre la pro-
thèse et son site d’insertion aortique ou mitrale (5). La distinc-
tion entre ces trois mécanismes est fondamentale, car dans le cas
de la thrombose, une thrombolyse peut, dans certains cas, éviter
la chirurgie, alors que dans les deux autres étiologies, la chirur-
gie est la sanction (6). En termes de probabilité, il semble que la
thrombose soit la plus fréquente, comme le montre l’étude de
Deviri (2), avec 78 % des 106 cas de sténose valvulaire rappor-
tés dans cette série incluant différents types de prothèse en posi-
tion aortique ou mitrale. Cependant, d’autres équipes communi-
quent des proportions différentes ; ainsi Barbetseas et al. (7)
retrouvent des pannus dans 70 % des cas de sténose sur prothèse
aortique et dans 42 % des cas si on inclut les positions mitrales.
En faveur du pannus, on retrouve au niveau clinique un intervalle
libre long entre la pose de la prothèse et la survenue des premiers
symptômes. Une installation progressive de la symptomatologie
se résume le plus souvent à des signes d’insuffisance cardiaque
frustes (fatigue, dyspnée, etc.) ; en revanche, l’anticoagulation
est le plus souvent efficace et bien suivie. L’échographie cardiaque
transthoracique est certes utile pour le diagnostic de sténose avec
évaluation du gradient maximum et moyen transprothétique et de
la surface fonctionnelle par la PHT ou par l’équation de conti-
nuité, mais cet examen ne permet pas de poser le diagnostic étio-
logique (7). À l’ETO, on retrouve le plus souvent un mouvement
normal de la bille, des ailettes ou du disque, mais la présence
d’une dysfonction valvulaire n’élimine en rien ce diagnostic. Une
masse ou structure anormale est retrouvée dans plus de 70 % des
cas de pannus en ETO, mais, dans 30 % des cas, aucune struc-
ture n’est détectée, soulignant ainsi les limites de cet examen en
cas de prothèse sténosante. On peut donc faire face, comme dans
notre observation, à un cas de sténose intraprothétique avec à
l’ETO un mouvement normal de la bille ou des ailettes et une
absence de visualisation de quelconques masses ; pourtant, c’est
bien un pannus qui est responsable de cette sténose (8). Quand
la masse est identifiable, son aspect et sa mobilité ne permettent
pas de distinguer un thrombus d’un pannus ; en revanche, son
échogénicité plus “douce”, comparable à celle du myocarde voi-
sin, est plutôt en faveur d’un thrombus (7).
En faveur du thrombus, on a un délai court après la première inter-
vention, des symptômes plus francs et s’installant plus rapide-
ment, conduisant le plus souvent rapidement à la chirurgie. On
retrouve de façon très fréquente une anticoagulation mal suivie
avec des INR peu efficaces. L’analyse échographique doit se faire
en transœsophagien avec recherche des caractéristiques évoca-
trices mais non pathognomoniques : échogénicité “molle” com-
parable au myocarde, masse plutôt importante interférant sou-
vent sur le jeu valvulaire, mais pas obligatoirement, avec, en cas
de thrombose mitrale, une présence sur le versant auriculaire assez
spécifique.
L’autre étiologie à évoquer est la sténose par mismatch, qui se
retrouve le plus souvent en position aortique. En cas de suspicion
de mismatch sur valve de petit calibre, on peut réaliser un cathé-
térisme cardiaque afin d’éliminer le phénomène de pressure
Figure 3. Doppler continu transmitral en vue apicale 4 cavités après
remplacement de la valve de Starr par une St Jude mitrale ; le gradient
moyen est à 6,3 mmHg, avec une surface fonctionnelle à 2,68 cm2.
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recovery (ou “restitution de pression”), qui entraîne une augmen-
tation artificielle du gradient en doppler mais qui n’est pas retrouvé
au cathétérisme, éliminant ainsi le diagnostic de mismatch (9).
La prévention de la survenue de pannus reste inconnue car sa
physiopathologie n’est pas encore totalement élucidée. Le pan-
nus est le résultat de la bioréaction locale au niveau de l’inser-
tion de la prothèse. On émet l’hypothèse que la formation de pan-
nus (comme lors de l’implantation d’autres dispositifs artificiels)
résulterait en fait du développement persistant d’une néo-intima
provenant d’une réaction inflammatoire qui entraînerait une pro-
lifération de myofibroblastes et de matrice extracellulaire sans
participation d’un thrombus frais (10). Dans le cas des prothèses
cardiaques mécaniques, la formation de ce pannus semble être
multifactorielle ; elle dépendrait du design de la prothèse, de sa
biocompatibilité, de la technique chirurgicale d’implantation, de
la taille de la prothèse, des turbulences intraprothétiques, et des
forces de cisaillement locales. On voit donc que le mécanisme de
formation de ces pannus est complexe et que sa prévention néces-
site une amélioration de la conception des prothèses cardiaques
ainsi que de leur implantation.
CONCLUSION
Le diagnostic de pannus en cas de prothèses valvulaires sténo-
santes est difficile à poser. L’échographie cardiaque transœso-
phagienne peut aider au diagnostic, mais elle ne peut distinguer
le pannus du thrombus dans tous les cas. On devra alors s’aider
de l’anamnèse et du contexte clinique afin de décider d’une inter-
vention chirurgicale.
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EDIMARK SAS © mai 1983
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Un supplément Infos-Congrès intitulé : “Telmisartan et actualité sur le programme PROTECTION lors des congrès
récents en cardiologie” (8 pages) est routé avec ce numéro.
Un supplément 8 pages “Index 2003”, réservé à nos abonnés, est routé avec ce numéro.
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