Sous la responsabilité de leurs auteurs e Fiche thérapeutique N°9 he he e h Fic c c h i i e c i F F F iche Fich F Le sevrage ambulatoire des patients alcoolodépendants P. Larivière*, P. Batel ** Fiche à détacher et à archiver L’alcoolodépendance est une maladie comportementale complexe dont la prise en charge thérapeutique est centrée sur l’obtention puis le maintien prolongé d’une abstinence en boissons alcooliques. La première phase dite de “sevrage” a donc pour but d’obtenir une abstinence totale dans un délai bref (quelques jours) et dans des conditions confortables (limitation des signes de dépendance physique). En France, le sevrage alcoolique était traditionnellement réalisé lors d’une hospitalisation de durée variable dans des structures spécialisées ou non ; depuis une vingtaine d’années, le sevrage ambulatoire (SA) s’est progressivement développé et apparaît actuellement comme une alternative dont peuvent bénéficier la majorité des patients alcoolodépendants. Principe Comme dans toute démarche de sevrage, l’arrêt des boissons alcooliques est la base d’un contrat tacite d’abstinence entre le médecin et le patient alcoolodépendant. Dans cet objectif, un calendrier de consultations pourra être fixé à l’avance, ce dernier étant modulable en fonction de l’évolution (réalcoolisation, anxiété…). Ainsi, des consultations à J0, J3, J7 et J21 peuvent-elles être proposées dans un premier temps. Le J0 date de l’arrêt de l’alcool, doit être décidé en plein accord avec le patient, l’investissant de façon plus profonde dans la démarche de soin. Un appel téléphonique ou une visite à domicile permet de s’assurer à J1 du bon déroulement du sevrage en termes de confort, tant physique que psychique, ainsi que de la tolérance médicamenteuse. Modalités pratiques Le sevrage alcoolique ambulatoire ne pourra être proposé qu’après une évaluation physique, psychique et sociale du patient (fiche thérapeutique n° 2 du Courrier des addictions) et en l’absence de contre-indications. Il repose sur la prescription rapidement décroissante (5 jours) de benzodiazépines tout au long de la journée conformément aux recommandations de la première conférence de consensus sur le sevrage, Paris 1999 (Le Courrier des addictions 1999 (1), 3 : 113-20). Le schéma suivant peut être proposé en l’absence de contre indication à l’utilisation des benzodiazépines. Il sera modulé en fonction de l’évolution : diazépam cp à 10 mg 1 cp/4 h (J0), 1 cp/6 h (J1), 1 cp/8 h (J2 et J3), 1 cp/12 h (J4), 1 cp au coucher (J5), puis arrêt. La prise de benzodiazépines débutant au minimum deux heures après le dernier verre d’alcool ; elle doit être interrompue en cas de réalcoolisation. En raison de l’action sédative des benzodiazépines, la conduite de machines (automobiles ou autres) est à proscrire pendant les trois premiers jours de sevrage qui peuvent faire l’objet d’un arrêt de travail. L’hydratation per os (eau, jus de fruits…) à volonté doit être concomitante au début du SA et poursuivie plusieurs jours. Une vitaminothérapie B1B6 (6 cp/j) sera instituée à titre préventif ou curatif des carences et de leurs effets neurologiques (neuropathies, encéphalopathie de GayetWernické…). L’association d’un bêtabloquant (type propranolol LP 160 mg/j) en l’absence de contre-indication pourra, par son effet bradycardisant, augmenter le confort du patient, renforçant l’action des benzodiazépines sur les signes de sevrage physique (sueurs, tremblements…). La durée de ce traitement n’excédant pas 8 jours. En cas de difficultés d’endormissement, la prescription d’un hypnotique au coucher sera proposée pour une semaine environ. Dans les cas où l’abstinence a pu être obtenue, un réducteur d’appétence à l’alcool (acamprosate ou naltrexone) sera introduit à J7 pour une durée de 6 mois à 1 an. Contreindications Elles sont de quatre types : alcoologiques : dépendance physique sévère, antécédents de délirium trémens et/ou de crises convulsives de sevrage, échec d’une tentative antérieure bien menée de SA ; somatiques : affection somatique aiguë ou traitement en cours d’une affection chronique ; psychiatriques : comorbidité psychiatrique sévère et/ou évolutive (syndrome dépressif important, psychoses…), polydépendances (hors tabac) ; socioenvironnementales : désocialisation, pression excessive ou au contraire non-coopération de l’entourage. Avantages Le SA est réalisé in situ, dans le milieu du patient ; il est compatible avec la poursuite de l’emploi (arrêt de travail bref ou démarrage au cours d’un week-end). Il investit le patient de façon active dans sa démarche et mobilise l’entourage autour du problème de l’alcool. Sur le plan économique, il nécessite un équipement minimal et son coût est sept à huit fois moindre que le sevrage résidentiel. Résultats À l’heure actuelle, il n’existe que peu d’études comparant les stratégies résidentielles et ambulatoires. Deux études anglo-saxonnes ont mesuré l’abstinence stricte à 1 mois, 3 mois, 6 mois et 1 an chez des patients alcoolodépendants ayant effectué leur sevrage de façon randomisée par l’une ou l’autre méthode. Si le taux d’abstinence est supérieur (non significativement) à 1 mois dans le groupe des hospitalisés, il devient identique à court (3 mois ) et long terme (1 an) dans les deux groupes. Conclusion Le sevrage alcoolique, quelle que soit la méthode employée, ne représente que l’étape initiale dans le processus d’abstinence. Il s’inscrit dans une prise en charge globale (physique, psychique et sociale) de l’alcoolodépendant. Parmi les deux grandes options stratégiques réalisables pour obtenir l’abstinence, le sevrage ambulatoire pour une efficacité égale à moindre coût devrait être proposé en première intention chaque fois que cela est possible ; les contre-indications d’une telle démarche devant être connues et respectées. * CCAA Sud 92, département toxicomanie et dépendances, hôpital paul-guiraud, Villejuif. ** UTAMA, hôpital Beaujon, Clichy. 163