Evidence-based medicine Terlipressine : un traitement efficace du syndrome hépato-rénal Ce qu’il faut retenir Le syndrome hépato-rénal est une insuffisance rénale fonctionnelle compliquant les cirrhoses sévères (1). En l’absence de traitement, la médiane de survie des patients atteints de syndrome hépato-rénal de type I est approximativement de 15 jours (1). La terlipressine est actuellement considérée par de nombreuses équipes comme le traitement de première ligne du syndrome hépatorénal (2). Une réponse au traitement, définie par une diminution du taux de créatinine, est observée approximativement chez 75 % des patients avec syndrome hépato-rénal. La terlipressine diminue le taux de créatinine, augmente la diurèse mais ne semble pas affecter la natriurèse (3-6). La posologie moyenne recommandée est de 3 mg/j pendant 7 à 10 jours (6). Dans le syndrome hépato-rénal de type 1, les patients répondeurs ont une survie à 2 mois signifi- 1 Niveau de preuve L 2 a prise en charge thérapeutique des patients atteints de syndrome hépato-rénal de type 1 était si frustrante que de nombreux cliniciens envisageaient l’abstention thérapeutique considérant cette situation clinique comme invariablement associée au décès du patient. Cependant, cette vision pessimiste a été modifiée par l’évaluation de drogues vasoconstrictrices telles que 266 cativement supérieure à celle des nonrépondeurs : 40 vs 0 % (6). Chez les répondeurs, la terlipressine permet de lister le patient et de le transplanter dans les plus brefs délais. L’analyse du bénéfice de la terlipressine illustre bien les limites de l’Evidence-Based Medicine car on ne dispose d’aucune étude randomisée de grande taille terlipressine versus placebo et le niveau de preuve A ne pourra jamais être atteint selon les sacro-saintes règles de l’Evidence-Based Medicine... En effet, prenant en compte d’une part, les effets indiscutables de la terlipressine sur la fonction rénale et, d’autre part, le pronostic épouvantable de ces patients en l’absence de traitement, aucune équipe n’envisage de telles études. En résumé, la terlipressine est un progrès thérapeutique majeur dans la prise en charge des patients atteints de syndrome hépato-rénal. la noradrénaline ou la terlipressine, la mise en place d’un TIPS ou la transplantation hépatique (1, 3-8). Dans la rupture de varices œsophagiennes, la terlipressine est un traitement efficace de la phase aiguë car elle est supérieure au placebo pour réduire la mortalité et contrôler l’hémorragie (9). Son efficacité est similaire à celles de la somatostatine ou de l’octréotide, mais elle serait plus fréquemment associée à la survenue d’effets secondaires que l’octréotide ou la vasopressine (10, 11). Parmi les nouvelles approches thérapeutiques du syndrome hépato-rénal, l’utilisation des vasoconstricteurs semblait l’une des plus attrayantes. Le rationnel pour l’utilisation de drogues La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 6 - vol. VI - novembre-décembre 2003 hépatologie vasoconstrictrices est que l’importante vasodilatation artérielle périphérique serait en grande partie responsable de la vasoconstriction de l’artère rénale. La terlipressine induit une vasoconstriction périphérique intense après fixation à ces récepteurs de type VI localisés dans les cellules musculaires lisses de la paroi artérielle. Ces propriétés ont conduit à l’évaluation de la terlipressine par de nombreuses équipes. Des cas isolés avaient initialement suggéré que la terlipressine améliorait la fonction rénale des patients atteints de syndrome hépato-rénal et leur permettait d’attendre la transplantation hépatique (5). Dans une étude rétrospective de 18 patients avec syndrome hépato-rénal traités par terlipressine, une diminution du taux de créatinine était observée dans 72 % des cas avec une décroissance moyenne de 298 ± 124 µmol/l à 145 ± 85 µmol (4). La posologie journalière était de 4 mg/j (extrêmes 1,5-12 mg). La diurèse augmentait de 498 ± 286 ml/j à 1 429 ± 427 ml/j ; à l’inverse, la natriurèse n’était pas modifiée. Dans une étude randomisée, 9 patients atteints de syndrome hépato-rénal ont reçu en alternance 2 mg/j de terlipressine ou du placebo. L’administration de terlipressine améliorait la clairance de la créatinine de 15 ± 2 ml/mn à 27 ml/mn et la diurèse de 628 ± 67 ml/j à 811 ± 76 ml/mn, diminuait les taux de rénine plasmatique de 231 ± 66 à 112 ± 38 pg/ml et d’aldostérone plasmatique de 1 352 ± 33 à 1 098 ± 413 pg/ml, mais ne modifiait pas la natriurèse (3). La période de traitement par le placebo ne modifiait aucun des paramètres rénaux (3). Une étude a analysé rétrospectivement 99 patients avec syndrome hépato-rénal de type 1 ayant été traités par 3 ± 1,3 mg/j terlipressine pendant 11,8 ± 1,6 jours (6). L’amélioration de la fonction rénale, observée chez 60 % des patients, était un facteur pronostique indépendant de la survie en analyse multivariée. Durant les 15 premiers jours de l’hospitalisation, la survie des patients ayant présenté une diminution de la créatinine était significati- vement supérieure à celle des patients sans amélioration de la créatinine : 91 vs 34 %, p = 0,002 (6). Cette étude a démontré l’intérêt de la terlipressine chez les patients atteints de syndrome hépato-rénal de type I, en particulier dans le sous-groupe des répondeurs. R É F É R E N C E S 1. Gines P, Guevara M. Good news for hepatorenal syndrome. Hepatology 2002 ; 36 : 504-6. 2. Moreau R, Lebrec D. Acute renal failure in patients with cirrhosis: perspectives in the age of Meld. Hepatology 2003 ; 37 : 233-43. 3. Hadengue A, Gadano A, Moreau R et al. Beneficial effects of the 2-day administration of terlipressin in patients with cirrhosis and hepatorenal syndrome. J Hepatol 1998 ; 29 : 565-70. 4. Halimi C, Bonnard P, Bernard B et al. Effect of terliperssin on hepatorenal syndrome (HRS) in cirrhotic patients : results of a multicenter pilot study. Eur J Gastroenterol Hepatol 2002 ; 14 : 153-8. 5. Ganne-Carrie N, Hadengue A, Mathurin P et al. Hepatorenal Syndrome. Longterm treatment with terlipressin as a bridge to liver transplantation. Dig Dis Sci 1996 ; 41 : 1054-6. 6. Moreau R, Durand F, Poynard T et al. Terlipressin in patients with cirrhosis and type 1 hepatorenal syndrome : a retrospective multicenter study. Gastroenterology 2002 ; 122 : 923-30. 7. Guevara M, Gines P, Bandi JC et al. Transjugular intrahepatic portosystemic shunt in hepatorenal syndrome : effects on renal function and vasoactive systems. Hepatology 1998 ; 28 : 416-22. 8. Duvoux C, Zanditenas D, Hezode C et al. Effects of noradrenalin and albumin in patients with type I hepatorenal syndrome : a pilot study. Hepatology 2002 ; 36 : 374-80. 9. Ioannou GN, Doust J, Rockey DC. Systematic review : terlipressin in acute oesopageal variceal hemorrhage. Aliment Pharmacol Ther 2003 ; 17 : 53-64. 10. Corley DA, Cello JP, Adkisson W et al. Octreotide for acute esophageal variceal bleeding : a meta-analysis. Gastroenterology 2001 ; 120 : 946-54. 11. D’Amico G, Pagliaro L, Bosh J. Pharmacological treatment of portal hypertension : an evidence-based approach. Semin Liver Dis 1999 ; 19 : 475-505. ALJAC S.A., locataire-g rant d EDIMARK ' f vrier 1998 Imprim en France - EDIPS Paris - D p t l gal : parution. Les articles publi s dans La Lettre de l H pato-gastroent rologue le sont sous la seule responsabilit de leurs auteurs. Tous droits de traduction, d adaptation et de reproduction par tous proc d sr serv s pour tous pays. La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 6 - vol. VI - novembre-décembre 2003 267