S
i cette définition, fondée
essentiellement sur un cri-
tère temporel fixé arbitraire-
ment à 24 heures, est d’utilisation
simple, en particulier sur le plan épi-
démiologique, elle comporte des
limites :
– la plupart des épisodes transitoires
(environ les deux tiers) durent
moins d’une heure ;
la probabilité que des symptômes
durant plus d’une heure régressent
en moins de 24 heures est faible
(environ 15 %) ;
certains épisodes transitoires s’ac-
compagnent de lésions ischémiques
à l’imagerie cérébrale, dont la fré-
quence est d’autant plus élevée que
la durée des symptômes est longue.
Cette définition est donc peu opéra-
tionnelle, puisqu’elle peut inciter à
attendre une régression spontanée
éventuelle, et par conséquent retar-
der la prise en charge d’un accident
ischémique cérébral, qui doit se faire
en urgence. C’est pourquoi une nou-
velle définition a été proposée par le
“T2A working group” : “Un AIT est un
épisode bref de dysfonction neurolo-
gique dû à une ischémie focale céré-
brale ou rétinienne, dont les symp-
tômes cliniques durent typiquement
moins d’une heure, sans preuve d’in-
farctus aigu.” Si cette nouvelle défini-
tion répond à certaines limites de la
définition classique, elle a aussi
comme principal inconvénient de
dépendre de la disponibilité et de la
qualité des examens de neuro-ima-
gerie. Malgré cela et en l’absence
d’examen permettant, comme dans
le cas de l’ischémie myocardique, de
discriminer de façon totalement
satisfaisante ischémie réversible et
ischémie constituée, l’Anaes a
adopté cette définition.
Attitude médicale
Lorsqu’un patient est examiné
alors que le déficit neurologique
persiste, il est recommandé de
considérer que ce patient est
atteint d’un AVC aigu, dont les
symptômes peuvent ou non
régresser rapidement, et de mettre
en œuvre, en urgence, les moyens
diagnostiques et thérapeutiques
appropriés. Et lorsque le déficit
neurologique a régressé, il faut
mettre en œuvre rapidement des
moyens diagnostiques et théra-
peutiques dans le but d’initier au
plus vite un traitement de préven-
tion secondaire. Si l’imagerie céré-
brale montre un infarctus récent
dans un territoire compatible avec
les signes cliniques, il s’agit d’un
AVC ischémique régressif. Dans le
cas contraire, il s’agit d’un AIT.
Selon les recommandations de
l’Anaes, la prise en charge est iden-
tique.
Un diagnostic difficile
Le diagnostic d’AIT est rendu difficile
du fait de la diversité des symp-
tômes, des nombreux diagnostics
dif
férentiels et de son caractère
rétrospectif. D’où l’intérêt d’un inter-
rogatoire approfondi du patient,
mais aussi des témoins de l’épi-
sode. Les symptômes eux-mêmes
ont également leur importance, tant
dans leur chronologie que en ce qui
concerne les circonstances de sur-
venue.
La question est : AIT probable ou AIT
possible ?
Pour le premier cas, il s’agit de l’instal-
lation rapide, habituellement en
moins de 2 minutes, d’un ou de plu-
sieurs symptômes (cécité monocu-
laire, aphasie, troubles moteurs et/ou
sensitifs unilatéraux touchant la face
et/ou les membres...). Pour les AIT
possibles, certains symptômes (ver-
tige, diplopie, dysarthrie, troubles de
la déglutition...) sont compatibles
avec un AIT mais ne doivent pas faire
retenir le diagnostic en première
intention s’ils sont isolés.
Cependant, certains symptômes tels
que confusion mentale isolée, étour-
dissement isolé, amnésie isolée, fai-
blesse généralisée, lipothymie, sco-
tome scintillant, acouphènes isolés,
incontinence sphinctérienne urinaire
et/ou anale... ne doivent pas, sauf
exception, faire évoquer un AIT. Il
peut s’agir, en effet, d’affections neu-
rologiques, de tumeurs cérébrales,
de malformations vasculaires céré-
brales, de troubles métaboliques
(notamment hypoglycémie), de ver-
tiges de cause ORL, de syncopes,
d’hypotension orthostatique...
Prise en charge
La prise en charge d’un AIT, tant dia-
gnostique que thérapeutique, est
une urgence, car le risque de surve-
nue d’un AVC ischémique après un
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 64 • juin-juillet 2005
Actualité Santé 7
Infos ...
Recommandations
Les recommandations
de l’AHA préconisent
une prise en charge
immédiate.
L’hospitalisation
n’est pas
systématiquement
recommandée, mais
elle peut être
indiquée si la
réalisation des
explorations en
ambulatoire
n’est pas possible.
La conférence de
consensus française
réalisée par la
Société francophone
d’urgences médicales
en 1997 préconisait
une hospitalisation
en urgence pour
“réaliser dès que
possible” les
investigations
adaptées et tout
particulièrement un
scanner crânien et un
écho-Doppler.
Classiquement, l’AIT est défini comme un déficit neurolo-
gique ou rétinien de survenue brutale, d’origine ischémique,
correspondant à une systématisation vasculaire cérébrale
ou oculaire et dont les symptômes régressent totalement
en moins de 24 heures. Mais...
Accident ischémique cérébral (AIT)
Un cas d’urgence totale
IRM ou scanner ?
Dans une étude américaine pros-
pective, réalisée chez 22 patients
consécutifs ayant un AIT, les
résultats du scanner cérébral
étaient comparés à ceux de l’IRM.
L’analyse était réalisée en aveu-
gle des données cliniques par un
seul neuroradiologue.
Le scanner identifiait des lésions
ischémiques dans 32 % des cas
(18 % seulement étaient concor-
dantes avec les signes cliniques).
L’IRM retrouvait des anomalies
dans 77 % des cas. Toutes les
anomalies découvertes au scan-
ner étaient confirmées en IRM. Si
l’IRM était normale, le scanner
l’était aussi. Les anomalies les
plus fréquentes en IRM étaient
des hypersignaux sous-corticaux,
corrélés aux signes cliniques
dans 33 % des cas.
>>
Brèves ...
AIT est élevé, en particulier au dé-
cours immédiat de l’épisode (2,5-
5 % à 48 heures, 5-10 % à
un mois, 10-20 % à un an). Il existe
des traitements d’efficacité démon-
trée en prévention secondaire après
un AIT.
Cependant, la cause de l’AIT est à
prendre en compte afin de réaliser
un bilan étiologique rapide ainsi
qu’une imagerie cérébrale. La
notion d’urgence est d’autant plus
importante que l’accident est
récent. L’hospitalisation en service
spécialisé est recommandée, sur-
tout en cas d’AIT récidivants et
récents et d’AIT survenant sous trai-
tement antiagrégant plaquettaire, et
si le terrain le justifie (comorbidité,
âge, isolement social). L’imagerie
cérébrale contribue à éliminer, en
urgence, certains diagnostics diffé-
rentiels, notamment un saignement
intracrânien, qui contre-indiquerait
un traitement antithrombotique, et
peut informer précisément sur l’état
cérébral du patient et ses antécé-
dents.
Si l’IRM n’est pas réalisable ou est
contre-indiquée, un scanner céré-
bral sans injection de produit de
contraste peut être réalisé.
Le bilan étiologique comprend une
exploration non invasive des artères
cervico-encéphaliques par écho-
Doppler (avec si possible Doppler
transcrânien), une angiographie par
résonance magnétique ou un
angioscanner spiralé couplés à
l’imagerie du parenchyme cérébral,
un ECG, un bilan biologique (avec
au minimum : hémogramme, vites-
se de sédimentation [VS], C-
Reac-
tive Protein [CRP], ionogramme
san-
guin, glycémie, créatininémie,
temps de Quick, temps de cépha-
line activée [TCA].
Dans un deuxième temps, d’autres
examens permettent la recherche
plus approfondie d’une cause pro-
bable. Chez les patients ayant un
AIT et des lésions d’athérosclérose
ou des facteurs de risque d’athéro-
sclérose, d’autres localisations
asymptomatiques de la maladie
athéroscléreuse, notamment coro-
nariennes, sont fréquentes. Chaque
cas doit être analysé en particulier.
Traitement
Après un AIT, il est recommandé de
débuter au plus vite un traitement
par aspirine, à la dose de charge de
160-300 mg/j, en l’absence de
contre-indication et dans l’attente
des résultats du bilan étiologique.
Cette recommandation prend en
compte le risque de survenue par-
fois précoce d’un AVC après un AIT
(2,5-5 % à 48 heures), l’action
rapide de l’aspirine, son efficacité en
prévention secondaire après un AIT
et son efficacité dans la prévention
des récidives à la phase aiguë de
l’AVC ischémique.
Si le scanner ou l’IRM ne peuvent
être réalisés en urgence, un traite-
ment anti-agrégant peut être ins-
tauré. Cependant, le traitement
devra être réévalué en fonction des
résultats du bilan étiologique, car les
mesures de prévention secondaire
à mettre en œuvre (anti-agrégants,
anticoagulants, chirurgie carotide,
prise en charge des facteurs de
risque cardio-vasculaires) dépen-
dent en grande partie de la cause
de l’AIT, et donc des résultats du
bilan étiologique.
ALP
Source :
Prise en charge diagnostique et traitement
immédiat de l’accident ischémique
transitoire de l’adulte,
Anaes/Service des recommandations
professionnelles/mai 2004.
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 64 • juin-juillet 2005
Douleur : des progrès
à faire
D’après une enquête du journal Le
Parisien, au cours des deux der-
nières années, 78 % des Français
ont été confrontés à la douleur.
Mais seules deux personnes sur
dix ont été soulagées. Alain
Serrie, responsable du centre de
traitement antidouleur de l’hôpital
Lariboisière, à Paris, déclare que
«beaucoup de progrès ont été
faits, mais il reste encore pas mal
de choses à faire, comme doter
les centres antidouleur de plus de
moyens financiers, développer la
formation des soignants ou
encore mieux s’occuper de la dou-
leur des personnes âgées ». En
dehors des centres antidouleur,
seulement 0,3 % des médecins
généralistes et 1 % des rhumato-
logues déclarent prescrire des
médicaments à base de morphine.
Résultat : une automédication pas
toujours efficace et une surcon-
sommation d’antalgiques dis-
ponibles sans ordonnance. Qua-
torze pour cent des problèmes
seraient imputables au personnel
soignant. Une étude menée au-
près de 473 unités d’hospitalisa-
tion rapporte que les situations
sont très variables d’un service à
l’autre, notamment en ce qui con-
cerne le manque de protocoles et
les lacunes en formation.
L’Italie vote contre
la libéralisation
de la loi sur la PMA
Les référendums d’initiative po-
pulaire visant à abroger partielle-
ment la très restrictive législation
italienne sur la procréation médi-
calement assistée se sont soldés
par un échec sans appel. Le taux
de participation s’est élevé à
25,9 %, très loin des 50 % néces-
saires pour valider la consultation,
alors que 88 % des votants ont dit
oui” à l’abrogation de la disposi-
tion qui fait de lembryon une per-
sonne à part entière. Quatre-vint-
neuf pour cent des Italiens qui se
sont rendus aux urnes se sont pro-
noncés pour l’élimination des limi-
tations aux recherches médicales
sur les embryons.
Infos ...
IRM : examen
d’urgence
La recherche d’un
saignement
intracrânien contre-
indiquant l’utilisation
des anti-agrégants
plaquettaires justifie
la réalisation en
urgence d’une IRM
ou d’un scanner
cérébral avant
l’instauration du
traitement par
aspirine. Si le
scanner ou l’IRM ne
peuvent être réalisés
en urgence,
l’instauration d’un
traitement
anti-agrégant peut
être proposée.
Actualité Santé
8
Situations pratiques
Déficit neurologique persis-
tant : mettre en œuvre, en
urgence, les moyens diagnos-
tiques et thérapeutiques
appropriés à la prise en
charge de l’AVC.
Déficit neurologique ayant
régressé : initier au plus vite
un traitement préventif. Pour
cela, il faut réaliser dans les
meilleurs délais les examens
complémentaires permettant
de confirmer le diagnostic
positif et de rechercher une
cause.
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