L’IRM en urgence dans les accidents vasculaires cérébraux (AVC) É D I

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L’IRM en urgence dans les accidents vasculaires cérébraux (AVC)
● Y. Samson*
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ares sont les patients qui, suspects d’avoir un AVC, ne
bénéficient pas aujourd’hui d’un scanner en urgence.
Il y a dix ou quinze ans, c’était encore un luxe car les
machines étaient rares, lentes et les plannings surchargés. L’Histoire s’accélère mais bégaye : l’IRM en urgence doit devenir la
norme en matière de prise en charge de l’AVC.
En effet, l’echo-planar se généralise rapidement, et les nouvelles
séquences de diffusion et de perfusion, jointes au FLAIR et à
l’ARM du polygone, donnent en 8 à 10 minutes des informations diagnostiques et physiopathologiques cruciales, à l’heure
où la thrombolyse commence enfin à se développer en France
devant l’accumulation croissante des preuves de son efficacité
outre-Atlantique. L’IRM établit le diagnostic d’accident ischémique récent avec certitude, puisque l’association d’une séquence de diffusion et de FLAIR a une sensibilité et une spécificité
presque parfaite. Cela est essentiel puisque, dans l’urgence, 10 à
20 % des patients ayant bénéficié d’un scanner et suspects d’accident ischémique cérébral ont, en fait, une autre affection ; et
qu’à l’inverse, notamment chez le sujet jeune, le diagnostic
d’AVC est parfois méconnu initialement. De plus, la distinction
entre ischémie et hémorragie ne pose plus de problème avec les
séquences FLAIR et la série initiale de la diffusion qui, fortement pondérée en T2*, est très sensible aux hémorragies.
Ensuite, l’IRM permet de connaître au moment de la décision
les éléments clefs du rapport bénéfice/risque de la thrombolyse :
l’étendue de la zone de pénombre ischémique, qui détermine le
bénéfice potentiel et la sévérité des lésions ischémiques déjà
constituées, facteur essentiel du risque hémorragique.
En pratique :
– la zone “à risque” de pénombre ischémique peut être évaluée
simplement en comparant la gravité clinique au volume de l’anomalie de diffusion : plus la première est grande et le second petit,
plus la pénombre est étendue. Bientôt, le traitement informatique
des images de perfusion et de diffusion permettra d’obtenir une
véritable cartographie de la pénombre ;
– le risque hémorragique paraît lié à l’étendue des anomalies de
diffusion et surtout à leur sévérité, qui est quantifiée sur les cartographies du coefficient de diffusion ou images d’ADC (Apparent Diffusion Coefficient) obtenues en quelques secondes à partir des images brutes de diffusion ;
– l’ARM du polygone montre s’il existe ou non une occlusion
d’une grosse artère intracrânienne et précise son siège, information évidemment essentielle pour décider d’une thrombolyse et,
dans un proche avenir, pour choisir la voie veineuse ou artérielle.
* Urgences cérébrovasculaires, hôpital de la Salpêtrière, Paris.
La lettre du neurologue - n° 5 - vol. V - mai 2001
En résumé, disposer en moins de 10 minutes d’images fiables de
l’état artériel, hémodynamique et tissulaire cérébral, c’est une
approche nouvelle de la thrombolyse avec des indications plus
rationnelles, une meilleure évaluation du rapport bénéfice/risque et,
à terme, une fenêtre thérapeutique individualisée à chaque patient.
Au-delà des indications de la thrombolyse, l’IRM permet, dès les
premières heures, de mieux sélectionner les patients admis dans
les USIN (unités de soins intensifs neurovasculaires) et de développer dans celles-ci le concept de “patients à risque”, nécessitant une prise en charge particulière, qu’il s’agisse du risque
hémodynamique immédiat d’augmentation de volume de l’infarctus, du risque d’œdème malin ou de celui de transformation
hémorragique grave. Elle améliore la prédiction du pronostic
fonctionnel à long terme, ce qui est fondamental dans le dialogue
avec le patient et sa famille, l’organisation des filières d’aval et
l’évaluation du coût global de la prise en charge de l’AVC.
Enfin, dans bon nombre de cas, la connaissance précise de la
topographie et du nombre des lésions ischémiques oriente l’enquête étiologique, ce qui devrait améliorer la qualité de la prévention secondaire.
Pour terminer, il va sans dire que l’implémentation de l’IRM en
urgence ne se conçoit que dans le cadre d’une filière de soins
AVC spécialisée, dont le cœur doit être conçu comme un couple
USIN-neuroradiologie. Pour que ce cœur batte sans ratés, la géographie, la motivation et la lucidité ont une importance égale.
Géographie d’abord : l’USIN doit impérativement être installée à
proximité immédiate de la neuroradiologie, tant pour abolir les
délais de transfert des patients que pour faciliter le contact direct
entre les neurologues vasculaires et les neuroradiologues. De ce
contact direct naît le dialogue quotidien, facteur essentiel de la
motivation, qui suppose que le neuroradiologue prenne conscience du rôle de plus en plus fondamental qu’il joue dans la décision thérapeutique et que le neurologue vasculaire mesure l’importance de quitter le négatoscope pour s’investir dans le
traitement d’image à la console, qui sera l’un des facteurs essentiels des progrès de la prochaine décade. Lucidité, enfin, sur les
risques et l’inconfort de l’IRM en urgence : la recherche de
contre-indications doit être plus scrupuleuse que jamais ; l’examen doit être le plus court possible car l’agitation des patients le
rend rapidement ininterprétable. Ces quelques limites soulignent
que ce plaidoyer pour l’IRM en urgence n’est pas un plaidoyer
pour le “tout IRM” et que la neurologie vasculaire d’urgence
doit aussi s’investir dans les progrès du scanner et des technologies qui autorisent la surveillance continue du patient telles, par
exemple, le monitoring en doppler transcrânien ou la spectroscopie proche de l’infrarouge.
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