Les matrices
Dans ce chapitre, Kd´esigne `a nouveau le corps des r´eels ou celui des complexes.
1 Ensembles de matrices
1.1 Mn,p(K)
1.1.1 Matrices `a nlignes et pcolonnes
On appelle matrice `a nlignes et pcolonnes `a coefficients dans Kou matrice de format (n,p) tout tableau
rectangulaire not´e
M= (ai,j)16i6n
16j6p
=
a1,1a1,2· · · a1,p1a1,p
a2,1a2,2· · · a2,p1a2,p
.
.
..
.
..
.
..
.
.
an,1an,2· · · an,p1an,p
.
Cette notation signifie que, pour tout couple (i,j)[[1,n]] ×[[1,p]], le nombre ai,j est `a l’intersection de la ligne i
et de la colonne j.
Le couple d’indice (i,j) peut ˆetre remplac´e par n’importe quel autre couple ; ainsi :
M= (ai,j)16i6n
16j6p
= (aj,k)16j6n
16k6p
= (ak,`)16k6n
16`6p
L’ensemble des matrices `a nlignes et pcolonnes est not´e Mn,p(K).
1.1.2 Cas particuliers : lignes, colonnes
Les matrices `a 1 ligne et pcolonnes , c’est-`a-dire les ´el´ements de M1,p(K) sont appel´ees matrices lignes `a ptermes.
Les matrices `a nlignes et 1 colonne, c’est-`a-dire les ´el´ements de Mn,1(K) sont appel´ees matrices colonnes `a n
termes.
On identifie traditionnellement (pour des raisons li´ees au sens d’´ecriture de gauche `a droite) Mn,1(K) `a Kn.
1.1.3 Matrices carr´ees
On appelle matrices carr´ees d’ordre nles matrices `a nlignes et ncolonnes c’est-`a-dire les ´el´ements de Mn,n(K).
Pour plus de simplicit´e, l’ensemble des matrices carr´ees d’ordre nest not´e Mn(K) au lieu de Mn,n(K).
Si A= (ai,j)16i6n
16j6n
est une matrice carr´ee, les termes ai,i,16i6nsont appel´es termes diagonaux et les termes
ai,j tels que j > i sont dits strictement au-dessus de la diagonale et ceux tels que i > j sont dits strictement
en-dessous de la diagonale.
1.1.4 Matrices diagonales, matrices triangulaires
On appelle matrice diagonale toute matrice carr´ee dont les termes non diagonaux sont nuls.
On appelle matrice triangulaire sup´erieure toute matrice carr´ee dont les termes strictement en-dessous de la
diagonale sont nuls.
On appelle matrice triangulaire sup´erieure stricte toute matrice carr´ee dont les termes en-dessous de la diagonale
sont nuls y compris ceux de la diagonale.
On d´efinit de mˆeme les matrices triangulaires inf´erieures et inf´erieures strictes.
1.2 Op´erations
1.2.1 Combinaisons lin´eaires
Soient A= (ai,j)16i6n
16j6p
et B= (bi,j)16i6n
16j6p
deux matrices de mˆeme format (n,p).
1
La somme A+Best la matrice (ai,j +bi,j)16i6n
16j6p
; cela signifie que chaque terme de A+Best la somme des termes
correspondants de Aet de B.
Pour λK, λA est la matrice (λai,j)16i6n
16j6p
; tous les coefficients sont multipli´es par λ.
D`es lors, avec deux coefficients λ, µ, on peut d´efinir la combinaison lin´eaire λA +µB = (λai,j +µbi,j )16i6n
16j6p
.
´
Etant donn´ee une famille (A1, . . . ,Am) de matrices de mˆeme format (n,p) et une famille (λ1, . . . ,λm) d’´el´ements
de K, on d´efinit de proche en proche la combinaison lin´eaire
m
X
k=1
λkAk.
Les r`egles de calcul sur les sommes sont les mˆemes que pour les sommes de r´eels ou de complexes.
1.2.2 Produit
Produit d’une ligne par une colonne
´
Etant donn´ees une ligne `a ntermes L= (a1, . . . ,an) et une colonne `a ntermes aussi C=
b1
.
.
.
bn
.
Le produit LC est, par d´efinition, le nombre LC =
n
X
j=1
ajbj.
Exercice 1
´
Etablir la bilin´earit´e de ce produit c’est-`a-dire : L, L0M1,n(K),C, C0Mn,1(K),(λ,λ0)K2
(λL +λ0L0)C=λLC +λ0L0C
L(λC +λ0C0) = λLC +λ0LC0
On se donne deux matrices Aet Btelles qu’il soit possible de faire le produit des lignes de Apar les colonnes
de Bc’est-`a-dire que le deuxi`eme nombre du format de A´egale le premier nombre du format de B.
Soient donc m, n, p trois entiers strictement positifs et deux matrices A= (ai,j)16i6m
16j6n
Mm,n(K) et
B= (bj,k)16j6n
16k6p
Mn,p(K) (Au passage, observer le choix des indices).
On forme alors la matrice C= (ci,k)16i6m
16k6p
def
=AB telle que, pour tout couple (i,k)[[1,m]] ×[[1,p]], le terme
ci,k `a l’intersection de la i-`eme ligne et de la k-`eme colonne est le produit de la i-`eme ligne de Apar la k-`eme
colonne de B.
Autrement dit, pour tout couple (i,k)[[1,m]] ×[[1,p]], ci,k =
n
X
j=1
ai,jbj,k.
En S.I, on adopte la pr´esentation ci-dessous :
colonne j
· · · b1,k · · ·
.
.
.
.
.
.
· · · bn,k · · ·
ligne i
.
.
..
.
.
ai,1· · · ai,n
.
.
..
.
.
.
.
.
· · · ci,k
Produit d’une matrice par une colonne.
On se donne une matrice M= (ai,j)16i6n
16j6p
Mn,p(K) et une colonne X=
x1
.
.
.
xp
Mp,1(K).
2
Si on d´esigne par C1, . . . ,Cples colonnes de Malors, on observe que MX =
p
X
j=1
xjCj.
De la mˆeme fa¸con, si L1, . . . ,Lnsont les lignes de Mde sorte qu’on puisse ´ecrire M=
L1
.
.
.
Ln
et si Lest la
ligne L= (λ1, . . . ,λn)M1,n(K) alors LM =
n
X
i=1
λiLi.
Produit comme famille de colonnes
Soient AMm,n(K) et BMn,p(K). On note C1, . . . ,Cples colonnes de Balors les colonnes de AB sont
AC1, . . . ,ACpde sorte qu’on peut ´ecrire :
AB =A(C1, . . . ,Cp)=(AC1, . . . ,ACp).
1.2.3 Propri´et´es
L’addition des matrices de mˆeme format est :
Associative :A, B, C Mn,p(K),(A+B) + C=A+ (B+C)
Commutative :A, B Mn,p(K), A +B=B+A
Elle admet un ´el´ement neutre : la matrice nulle not´ee 0 (attention, ce n’est pas ici le nombre 0 mais bien
un tableau de z´eros) dont tous les termes sont des z´eros. AMn,p(K),0 + M=M+ 0 = M
Tout ´el´ement admet un oppos´e : si A= (ai,j)16i6n
16j6p
, alors A= (ai,j)16i6n
16j6p
Avec, en plus, le produit par les scalaires, on a :
∗ ∀A, B Mn,p(K),λK, λ(A+B) = λA +λB
∗ ∀AMn,p(K),(λ,µ)K2,(λ+µ)A=λA +µA.
∗ ∀AMn,p(K),(λ,µ)K2, λ(µA)=(λµ)A
∗ ∀AMn,p(K),1.A =A.
Prenons en compte le produit des matrices.
Le produit est bilin´eaire :
A, A0Mm,n(K),B, B0Mn,p(K),λ, λ0K:
(λA +λ0A0)B=λAB +λ0A0B
A(λB +λ0B0) = λAB +λ0AB0
La d´emonstration se fait en appliquant la bilin´earit´e sur chaque coefficient.
L’associativit´e AMm,n(K),BMn,p(K),CMp,q(K),(AB)C=A(BC)
D´emonstration de l’associativit´e du produit matriciel.
Montrons d’abord que, pour tout AMm,n(K), B Mn,p(K) et X=
x1
.
.
.
xp
Mp,1(K), on a :
(AB)X=A(BX).
Notons B1,...,Bples colonnes de B. On sait que AB = (AB1, . . . ,ABp). On a alors BX =
b
X
k=1
xkBkd’o`u
A(BX) =
p
X
k=1
xkABk= (AB)X.
On pose ensuite C= (C1, . . . Cq)Mp,q(K)0 et on a :
(AB)C= ((AB)C1,...,(AB)Cq)=(A(BC1), . . . ,A(BCq)) = A×(BC1, . . . ,BCq) = A×(BC). C.Q.F.D.
3
Exercice 2
Soient MMm,n(K) et NMp,q(K).
a) `
A quelles conditions sur les entiers m, n, p, q, les produits M N et NM sont-ils d´efinis?
b) Les conditions pr´ec´edentes ´etant r´ealis´ees, `a quelle condition suppl´ementaire, MN et NM sont-elles de
mˆeme format?
c) Les conditions pr´ec´edentes ´etant toutes r´ealis´ees, avec m>2, trouver un contre-exemple o`u, bien que
MN et N M soient d´efinies et de mˆeme format, ces deux matrices sont diff´erentes.
La matrice unit´e d’ordre nesigne la matrice carr´ee In=
1 0 0 · · · 0 0
0 1 0 .
.
.
.
.
...........
.
.
.
.
...........
.
.
0 0 0 1 0
0 0 · · · 0 0 1
= (δi,j)16i6n
16j6n
o`u δi,j est le symbole de Kronecker qui vaut 1 quand i=jet 0 sinon.
La matrice unit´e v´erifie : MMn,p(K), InM=M Ip=M.
Exercice 3
1. Soit (α1, . . . ,αn)Kn. Pour tout ide 1 `a n, que vaut
n
X
j=1
δi,jαj?
Indication : On pourra observer que la plupart des termes de la somme sont nuls.
2. On pose M= (mi,j)16i6m
16j6n
,In= (δj,k)16j6n
16k6n
et M0=MIn= (m0
i,k)16i6m
16k6n
.
Pour tout couple (i,k)[[1,m]] ×[[1,n]], exprimer m0
i,k sous forme d’une somme puis r´eduire en utilisant
la question pr´ec´edente.
3. Conclure pour MIn.
4. D´emontrer de mˆeme que ImM=M.
1.3 Cas particulier des matrices carr´ees
1.3.1 Mn(K)
On rappelle que Mn(K) d´esigne l’ensemble des matrices carr´ee d’ordre n.
Non seulement l’addition y est une loi de composition interne (la somme de deux matrices carr´ees d’ordre nen
est une) mais le produit lui-mˆeme est aussi une loi de composition interne car le produit de deux matrices carr´ees
d’ordre nest une matrice carr´ee d’ordre n.
Ce produit v´erifie les propri´et´es vues plus haut mais on sera vigilant sur le fait qu’il n’est pas commutatif.
1.3.2 Puissances d’une matrice carr´ee
D’apr`es ce qui pr´ec`ede, pour toute matrice Aet tout entier naturel k, on peut d´efinir Akpar A0=In, A1=Aet
Ak=A× · · · × A
| {z }
ktermes
.
On v´erifie facilement que h, k N,AMn(K), Ah×Ak=Ah+k,(Ah)k=Ahk.
1.3.3 Formule du binˆome de Newton et formule de Bernoulli
Si Aet Bsont deux matrices carr´ees d’ordre nqui ne commutent pas c’est-`a-dire telles que AB 6=BA, alors
(A+B)2= (A+B)(A+B) = A2+AB +BA +B26=A2+ 2AB +B2.
On voit ainsi que la formule du binˆome de Newton n’a g´en´eralement pas lieu dans Mn(K). Il faut faire l’hypoth`ese
suppl´ementaire que Aet Bcommutent c’est-`a-dire AB =BA.
4
Exercice 4
Soient Aet Bdeux matrices de Mn(K) qui commutent. Montrer par r´ecurrence que Acommute avec toutes les
puissances de Bet vice-versa puis que kN,(AB)k=AkBk.
On peut alors ´enoncer la formule du binˆome de Newton pour les matrices :
Soient Aet Bdeux matrices carr´ees d’ordre nqui commutent. Pour tout entier p > 0 on a :
(A+B)p=
p
X
k=0 p
kAkBpk=
p
X
k=0 p
kApkBk
La d´emonstration est la mˆeme que dans le cas des nombres complexes.
Sous les mˆemes hypoth`eses (AB =BA), on a p>1,
AnBp= (AB)
p1
X
k=0
AkBp1k= (AB)
p1
X
k=0
Ap1kBk
1.4 Calcul sur les matrices triangulaires ou diagonales
1.4.1 Les matrices diagonales
Pour (λ1, . . . ,λn)Kn, on note Diag(λ1, . . . ,λn) la matrice
λ10 0 · · · 0 0
0λ20.
.
.
.
.
...........
.
.
.
.
...........
.
.
0 0 0 λn10
0 0 · · · 0 0 λn
= (δi,jλi)16i6n
16j6n
.
Le calcul sur les matrices diagonales est tr`es simple dans la mesure o`u l’on a, pour tous (λ1, . . . ,λn) et (λ0
1, . . . ,λ0
n)
dans Kn:
Diag(λ1, . . . ,λn) + Diag(λ0
1, . . . ,λ0
n) = Diag(λ1+λ0
1, . . . ,λn+λ0
n)
Diag(λ1, . . . ,λn)×Diag(λ0
1, . . . ,λ0
n) = Diag(λ1λ0
1, . . . ,λnλ0
n)
Pour la somme, la propri´et´e est ´evidente.
Pour le produit, on ´ecrit Diag(λ1, . . . ,λn)=(λiδi,j )16i6n
16j6n
,Diag(λ0
1, . . . ,λ0
n)=(λ0
jδj,k)16j6n
16k6n
. Pour tout couple
(i,k)[[1,n]]2, le terme d’indices (i,k) du produit est
n
X
j=1
λiδi,jλ0
jδj,k. Or, dans cette somme, tous les δj,k sont nuls
sauf, ´eventuellement, lorsque j=k, d’o`u
n
X
j=1
λiδi,jλ0
jδj,k =λiλ0
kδi,k =λiλ0
iδi,k.
1.4.2 Cas des matrices triangulaires
On s’int´eressera uniquement aux matrices triangulaires sup´erieures. Les r´esultats se transposent (!) ais´ement aux
matrices inf´erieures.
Il est ´evident que la somme de deux matrices triangulaires sup´erieures l’est aussi et que les termes diagonaux de la
somme sont les sommes des termes diagonaux des deux matrices (c’est aussi vrai pour les termes non diagonaux).
Mais il est nettement moins ´evident que le produit de deux matrices triangulaires sup´erieures l’est aussi et que les
termes diagonaux du produit sont les produits des termes diagonaux correspondants des deux matrices.
Autrement dit, pour :
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