Introduction

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Burkina Faso :
Évaluation de médicaments traditionnels
pour la prise en charge du VIH/SIDA
Par Dr Jacques Simpore*, Dr Jean Baptiste Nikiema* & Dr Daboga Sia*
Introduction
Le VIH/SIDA est une préoccupation
majeure en matière de santé publique et
de développement économique pour
un pays comme le Burkina Faso. En
2002, la prévalence selon le programme
conjoint des Nations Unies sur le
VIH/SIDA (ONUSIDA) y a atteint 6,5
%, ce qui permet d'estimer le nombre de
personnes infectées à 600 000, dont
environ 100 000 ont actuellement besoin
d'un traitement antirétroviral.
La situation est encore plus grave en
milieu rural où la médecine
traditionnelle constitue parfois le seul
recours en matière de santé.
Il va sams dore que la majeure partie
des personnes vivant avec le
VIH/SIDA (PLWA) en Afrique n'a pas
encore accès aux médicaments
antirétroviraux, malgré tous les efforts
déployés pour les acheter, les
résolutions et recommandations
adoptées dans divers forums.
Depuis l'apparition du VIH/SIDA au
Burkina Faso, les tradipraticiens
reçoivent des patients infectés par ce
virus et dispensent des soins. L'absence
de données sur cette pratique a amené
le Ministère de la Santé à signer un
accord avec le Centre Médical Saint
Camille de Ouagadougou, pour
évaluer l'efficacité et la tolérance des
recettes traditionnelles dans la prise en
charge des personnes vivant avec le
VIH.
1- Protocole d'étude
1-1. Sélection de la population d'étude
Critères d'inclusion
+
+
+
+
OBSERVATOIRE DE LA SANTÉ EN AFRIQUE JANVIER-JUIN 2003
avoir plus de 18 ans
être porteur du VIH-1
avoir un taux de CD4 supérieur ou
égal à 200 CD4/microlitre ;
avoir signé un mémorandum de
consentement volontaire et éclairé.
Critères d'exclusion
+
+
+
+
+
+
avoir moins de 18 ans
être porteur à la fois du VIH-1 et du
VIH-2
être une femme enceinte
être atteint de tuberculose
pulmonaire
avoir une affection cardiaque,
rénale et/ou hépatique grave
être sous traitement antirétroviral.
1-2 Méthode de suivi clinique et
biologique
Les paramètres cliniques et biologiques
suivants ont été pris à titre de référence
avant le début de l'étude et repris
ensuite tous les trois mois :
Les tradipraticiens participant à l'étude
ont été sélectionnés sur l'ensemble du
Burkina Faso, en tenant compte de leur
expérience dans la prise en charge des
personnes vivant avec le VIH. Les
enquêtes se sont fondées sur les
témoignages de patients et d'agents de
santé. Ces enquêtes ont été complétées
par des entretiens avec les
tradipraticiens. Les médicaments les
plus promoteurs ont été retenus sur la
base de leurs qualités pharmaceutiques
et de l'innocuité des plantes entrant
dans leur composition.
2-
+
+
+
+
un test VIH de confirmation et de
discrimination (VIH-1/2)
une numération du niveau
immunitaire - CD4/CD8/CD3
(FACScount)
une estimation de la charge virale
(Kit : amplicor HIV-1 de Roche)
une estimation de la créatinémie et
des transaminases
un examen clinique. Les patients
dont les CD4 sont inférieurs à 300
ont bénéficié d'un suivi clinique
plus rapproché (un examen
physique par mois) ;
une radiographie des poumons, au
début.
Résultats
Au total 1246 patients ont été
enregistrés et suivis dans le cadre de
cette étude. Sur ce nombre, 723 patients
ont été régulièrement suivis pendant au
moins une année de traitement, 22
patients sont décédés, tandis que 82
patients ont pu effectuer fidèlement 3
estimations successives de la charge
virale et 4 numérations des CD4. Les
résultats détaillés concernant ces 82
patients se présentent de la manière
suivante :
+
+
+
Cet accord à abouti à la création, en
1999, d'une unité phytothérapeutique
comprenant essentiellement un hôpital
de jour et un laboratoire d'analyses
biomédicales. La présente étude fait le
point sur l'expérience de trois années
du Centre Médical Saint Camille.
1-3 Sélection des tradipraticiens et
des traitements
+
+
+
+
les CD4 ont augmenté de manière
significative chez 62 patients
(75,6%)
les CD4 ont baissé de manière
significative chez 9 patients
(11,0%) et restent stationnaires
chez 11 patients (13,4%)
la charge virale a baissé de manière
significative chez 56 patients
(68,3%) et a augmenté chez 26
patients (31,7%)
52 patients (63,4%) présentent, à la
fois, des CD4 qui ont augmenté et
une charge virale qui a baissé de
manière significative
un (01) patient présente une charge
virale indétectable.
29
Les patients suivis signalent
majoritairement une nette amélioration
physique dès le premier mois de
traitement. Cette amélioration perdure
lorsqu'elle est accompagnée d'une
baisse de la charge virale et d'une
augmentation des CD4.
3-
Discussion
Les résultats de notre étude montrent
que les remèdes issus de la
pharmacopée traditionnelle peuvent
avoir une incidence positive sur la
qualité de vie des personnes vivant avec
le VIH. En dépit du recul insuffisant,
nous avons constaté une baisse durable
et significative de la charge virale chez
la majorité des patients régulièrement
suivis (68,3%). Cette baisse
s'accompagne d'une augmentation des
CD4, ce qui témoigne d'un
renforcement du système immunitaire.
Cependant, l'effet sur la charge virale
est moins important par rapport aux
antirétroviraux actuellement
disponibles sur le marché.
S'agissant de la charge virale, même si
elle a baissé de manière significative
chez la majorité de patients traités, elle
n'est devenue indétectable que pour un
seul patient après trois (03) estimations
successives correspondant à douze (12)
mois de traitement. Ce patient est entré
dans l'étude avec une charge virale
relativement basse (20 000 copies/ml).
L'utilisation de ce remède traditionnel
chez les patients grabataires est donc à
proscrire.
* Le Dr Simpore est un membre du
personnel de l'Unité de Formation et de
Recherche en Sciences de la Santé,
Université de Ouagadougou, Burkina
Faso
* Le Dr Niekiema travaille au Centre
Médical Saint Camille, Ouagadougou,
Burkina Faso
* Le Dr Sia travaille à la Direction de la
Promotion de la Médecine et de la
Pharmacopée Traditionnelle, Ministère de
la Santé, Burkina Faso.
L'OMS crée un Comité régional d'experts sur la médecine traditionnelle*
Le Bureau régional de l'OMS pour
l'Afrique a créé un Comité régional
d'experts sur la médecine traditionnelle
destiné à appuyer le suivi et l'évaluation
des progrès réalisés dans la mise en
œuvre de la Stratégie régionale de
promotion du rôle de la médecine
traditionnelle dans les systèmes de santé
de la Région africaine.
Le Comité a été mis en place en mai 2001
en réponse à une résolution adoptée par
les Ministres de la Santé à la 50ème
session du Comité régional de l'OMS
pour l'Afrique en 2000 à Ouagadougou
au Burkina Faso, qui priait le Directeur
régional, entre autres, de créer un
mécanisme régional d'appui au suivi et à
l'évaluation des progrès réalisés dans la
mise en oeuvre de la Stratégie régionale.
Depuis sa création il y a deux ans, le
Comité s'est réuni respectivement en
novembre 2001 et 2002, a examiné 12
documents et en a approuvé 10
développés comme outils qui pourraient
servir à élever le profil de la médecine
traditionnelle en Afrique, accélérer sa
reconnaissance officielle et servir de
pierre angulaire à l'élaboration de
politiques pour son institutionnalisation
et son intégration dans les systèmes de
santé des pays de la Région.
Les documents portaient sur les sujets
suivants :
+
Directives pour la formulation, la
mise en oeuvre et l'évaluation des
stratégies nationales de médecine
traditionnelle
+
+
+
+
+
+
+
+
Cadre juridique pour l'exercice de
la médecine traditionnelle: Modèle
de loi sur la médecine traditionnelle
pour les tradipraticiens de la
Région africaine de l'OMS
Modèle de code de déontologie
pour les tradipraticiens de la
Région africaine de l'OMS, et
Modèles de protocoles pour
l'évaluation clinique de
médicaments traditionnels utilisés
respectivement dans le traitement
du diabète et de la drépanocytose.
Directives pour la formulation d'un
plan directeur national pour le
développement de la médecine
traditionnelle
Outil pour la documentation de la
médecine traditionnelle africaine
Directives générales pour la
documentation des données sur les
preuves ethnomédicales des
médicaments traditionnels
Directives pour l'homologation des
médicaments traditionnels dans la
Région africaine de l'OMS
Cadre réglementaire pour
l'accélération de la protection des
droits de propriété intellectuelle
des médicaments traditionnels et
des connaissances médicales
traditionnelles
Le Comité a aussi adopté plusieurs
recommandations, les plus importantes
portant sur l'établissement ou le
renforcement de programmes de
médecine traditionnelle dans les
bureaux pays de l'OMS, une plus grande
participation des Représentants de
l'OMS dans les pays aux activités de
médecine traditionnelle, l'organisation
d'un atelier régional sur les questions
relatives à la propriété intellectuelle
pour la protection des connaissances
médicales traditionnelles et le partage
équitable des avantages issus de
l'utilisation industrielle des plantes
médicinales et de l'exploitation de la
biodiversité de l'Afrique. Le Comité a
aussi adopté le thème Médecine
traditionnelle, notre culture et notre avenir
pour la journée inaugurale de la
médecine traditionnelle africaine.
Les membres du Comité régional
d'experts, dont deux sont des
tradipraticiens, sont les suivants : Le
Prof. O' Penge (République
démocratique du Congo), le Prof.
Kwabena Francis Oppong-Boachie
(Ghana)**, le Prof. Abayomi Sofowora
(Nigeria), le Dr. Jean Baptiste Nikiema
(Burkina Faso), le Prof. Etienne Yapo
(Côte d'Ivoire), décédé, le Dr. Donna
Kabatesi (Ouganda), le Dr. Jacques
Ranaivoravo (Madagascar), M.
Nhlavana Maseko (Swaziland), le Dr. J.
K. Ghitae (Kenya), le Dr. Kofi-Tsekpo
(Kenya), le Prof. Rabodo
Andriantsiferana (Madagascar) et le
Prof. Charles Wambebe (Nigeria),
maintenant Professionnel à durée
déterminée au Programme de médecine
traditionnelle à l'OMS/AFRO.
* Contribution du Programme de médecine traditionnelle à AFRO
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OBSERVATOIRE DE LA SANTÉ EN AFRIQUE JANVIER-JUIN 2003
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