La Lettre du Pneumologue • Vol. XII - n° 1-2 - janvier-février-mars-avril 2009 | 21
Résumé
Le dépôt pulmonaire des traitements inhalés peut être évalué par des méthodes pharmacocinétiques et pharma-
codynamiques. Le choix de la méthode dépend de la classe médicamenteuse étudiée. Pour les médicaments sans
effet de premier passage hépatique, tels que les bêta-2 agonistes de courte durée d’action, l’étude pharmaco-
cinétique du dépôt pulmonaire doit être effectuée rapidement après l’inhalation afin de minimiser l’absorption
gastro-intestinale. Pour les molécules subissant un métabolisme important en rapport avec un premier passage
hépatique, telles que les corticostéroïdes inhalés, la concentration plasmatique de médicament est un reflet
indirect du dépôt bronchique. L’effet pharmacodynamique peut être évalué par les effets cliniques et les effets
indésirables potentiels des traitements inhalés. Chez l’asthmatique et le patient affecté de bronchopneumopa-
thie chronique obstructive, la réversibilité de l’obstruction bronchique après inhalation de bronchodilatateur
permet d’estimer le dépôt bronchique si l’obstruction bronchique initiale est significative. Pour comparer l’effet
dose-réponse entre corticoïdes inhalés sur des périodes supérieures à six semaines, la référence actuelle est la
méthode de Finney. L’analyse des effets indésirables des bêta-2 agonistes ou des corticostéroïdes administrés à
fortes posologies peut également être utilisée pour comparer le dépôt bronchique de différentes molécules.
Mots-clés
Voies aériennes
Biodisponibilité
Dépôt
Médicaments inhalés
Poumon
Pharmacodynamie
Pharmacocinétique
Summary
The assessment of drug delivery
to the lung in vivo may be
performed using either pharma-
cokinetic or pharmacodynamic
techniques. The choice of phar-
macological method depends
on drug class specificities. Phar-
macokinetic determination of
deposition to the lung for drugs
without hepatic first-pass, such
as short acting β2-agonist,
has to be performed shortly
after inhalation to minimize
the effect of gastrointestinal
absorption. For medication
undergoing important hepatic
first-pass metabolism such as
inhaled corticosteroid, plas-
matic concentration indirectly
reflects bronchial deposition.
Pharmacodynamic profile
should be assessed through
clinical effect and adverse
events induced by inhaled
drugs. Dose ranking of lung
deposition for bronchodilators
requires patient selection with
sufficient bronchial obstruction
to maintain room for improve-
ment after the first dose. To
assess dose effect relationship
between inhaled corticosteroid,
the Finney parallel line bioassay
is the reference method in at
least six weeks period study.
Analysis of side effect with high
doses of β2-agonist or inhaled
corticosteroid may also be used
to compare lung deposition.
Keywords
Airways
Bioavailability
Deposition
Inhaled drugs
Lung delivery
Pharmacodynamic
Pharmacokinetic
et un inhalateur de poudre sèche (DPI) ou un gaz
propulseur chlorofluorocarbone (CFC) à un gaz
propulseur, plus respectueux de l’environnement,
tel que l’hydrofluoroalkane (HFA). Actuellement,
les deux principales techniques disponibles in vivo
sont les études du dépôt pulmonaire des aérosols
radiomarqués et les méthodes pharmacologiques.
L’inhalation des aérosols radiomarqués implique
une mesure de la radioactivité pulmonaire par une
gammacaméra ou un compteur corporel total. Bien
que les études scintigraphiques constituent un outil
valable pour prédire le dépôt pulmonaire régional
et total, ainsi que le dépôt oropharyngé, la préci-
sion de cette technique est limitée par le processus
de détection en deux dimensions de ce système
(4). Des développements futurs sont nécessaires
pour l’utilisation en pratique courante de méthodes
d’imagerie en trois dimensions (tomographie par
émission de positons) [5]. Les études scintigra-
phiques présentent de nombreux inconvénients :
exposition aux irradiations, en particulier chez les
enfants (6), obtention compliquée de molécules
radiomarquées, difficultés pour interpréter le dépôt
dans certaines zones anatomiques dans l’espace
et accès limité aux dispositifs développés par les
firmes pharmaceutiques.
Par conséquent, les approches pharmacocinétiques
et pharmaco-dynamiques fournissent potentielle-
ment des informations complémentaires sur le dépôt
pulmonaire et sur les effets cliniques des thérapeuti-
ques administrées par voie inhalée. L’objectif de cette
revue est de présenter les principales méthodes phar-
macocinétiques et pharmacodynamiques utilisées
pour évaluer le dépôt pulmonaire des traitements
inhalés en précisant les limites et les intérêts de
chaque méthode.
Méthodes pharmacocinétiques
Les mesures pharmacocinétiques constituent des
indicateurs utiles pour établir une corrélation entre
le dépôt pulmonaire et la distribution plasmatique
des traitements inhalés. Certains paramètres phar-
macocinétiques tels que la demi-vie plasmatique
(T
1/2
) et le volume de distribution (Vd) dépendent
de la molécule et ne sont pas influencés par le dépôt
pulmonaire. Cependant, la variabilité du dépôt
pulmonaire entre plusieurs molécules peut résulter
des différences liées à la concentration plasmatique
maximale (Cmax) et à l’aire sous la courbe (ASC) des
concentrations plasmatiques. Il existe également
des caractéristiques pharmacocinétiques spécifiques
selon la classe médicamenteuse en question, en
particulier les traitements inhalés les plus fréquem-
ment utilisés en pneumologie, à savoir les bêta-2
mimétiques et les corticostéroïdes.
Agonistes des récepteurs
β2-adrénergiques inhalés
Concernant les bêta-2 mimétiques de courte durée
d’action, le paramètre pharmacocinétique le plus
simple pour calculer la biodisponibilité pulmonaire
est la mesure de l’absorption précoce du salbutamol
dans les 20 minutes suivant l’inhalation. Le subs-
tratum pharmacologique de cette mesure est que
l’absorption gastro-intestinale contribue seulement
à 0,3 % de l’absorption systémique globale dans
les 30 minutes suivant l’inhalation (7). À partir des
courbes de concentration plasmatique exprimées
en fonction du temps, un certain nombre de para-
mètres, tels que la C
max
, la concentration moyenne
pendant 20 minutes (Cav) et le temps nécessaire
pour atteindre la concentration maximale (T
max
)
permettent d’estimer le dépôt pulmonaire. Par
exemple, après inhalation de salbutamol (1 200 µg),
les valeurs de Cmax et Tmax sont respectivement
de 2,93 ng/ml et 10 minutes pour dix volontaires
sains dont la moyenne d’âge est de 20,5 ans avec
un volume expiratoire maximum seconde (VEMS)
à 112,1 % de la théorique (8). L’ASC est également
considérée comme un critère primaire pour évaluer
l’absorption systémique (9). Dans les essais cliniques,
l’absorption gastro-intestinale peut être réduite par
un rinçage buccal ou prévenue par l’administration
de charbon activé avant et après l’inhalation. Ainsi,
l’absorption gastro--intestinale étant exclue, les
taux plasmatiques reflètent le dépôt pulmonaire
et l’absorption.
L’utilisation de telles méthodes pharmacocinétiques
dans les études de bioéquivalence in vivo permet
de calculer un rapport de différence de Cmax, ce qui