mise au point Méthodes pharmacologiques d’évaluation du dépôt pulmonaire des traitements inhalés1 Pharmacological assessment of inhaled drug delivery to the lung P.O. Girodet*, M. Molimard* ABRÉVIATIONS ACTH : hormone adrénocorticotrope – ASC : aire sous la courbe – BDP : béclométasone dipropionate – BPCO : bronchopneumopathie chronique obstructive – Cmoy : concentration moyenne – Cmax : concentration plasmatique maximale – CFC : chlorofluorocarbone – DPI : inhalateur de poudre sèche (dry powder inhaler) – DEMM25-75 % : débit expiratoire maximal moyen de 25 % à 75 % de la capacité vitale forcée – DEP : débit expiratoire de pointe – fL : fraction de dose déposée et absorbée par le poumon – FO : biodisponibilité orale – fret : fraction de dose retenue par le système d’inhalation – Fsyst : -biodisponibilité -systémique – GC/MS : chromatographie en phase gazeuse couplée à la -spectrométrie de masse – HFA : hydrofluoroalkane – HPLC : chromatographie liquide haute performance (high performance liquid chromatography) – pMDI : aérosol-doseur pressurisé (pressurized metered-dose inhaler) – T1/2 : demi-vie plasmatique – Tmax : temps nécessaire pour atteindre la concentration maximale – Vd : volume de distribution – VEMS : volume expiratoire maximum seconde. L La Lettre du Pharmacologue 2008; 22(4):5-11. 1 * Départementde pharmacologie, université Victor-Segalen, Bordeaux-2. es médicaments inhalés sont fréquemment utilisés pour le traitement de l’asthme ou de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Après l’administration, une proportion importante de la dose émise (25 % à 90 %) se dépose dans l’oropharynx (1). Pour cette fraction, le passage dans la circulation systémique s’effectue via une absorption locale dans la cavité buccale ou, après déglutition, dans le tractus gastro-intestinal. Concernant la fraction de dose délivrée dans l’arbre trachéo-bronchique, la clairance des particules inhalées est régulée par le transport mucociliaire et l’absorption dans la circulation systémique par l’épithélium des voies aériennes. La fraction absorbée par voie digestive ou respiratoire peut induire des effets systémiques mais seule la fraction inhalée est responsable d’effets thérapeutiques. Il est donc important d’étudier le dépôt pulmonaire des thérapeutiques administrées par voie inhalée. 20 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XII - n° 1-2 - janvier-février-mars-avril 2009 De nombreux facteurs déterminent le dépôt pulmonaire des traitements inhalés, tels que l’utilisation des systèmes d’inhalation par les patients, le débit inspiratoire lors de l’inhalation, la dose émise, la taille des particules inhalées et les caractéristiques géométriques des voies aériennes variables selon la sévérité des maladies respiratoires. Par conséquent, les variations de quantité de médicaments atteignant le poumon et les variations de distribution des particules émises impliquent des différences dans la distribution du médicament dans les voies aériennes, l’efficacité clinique, la biodisponibilité systémique et les effets indésirables des traitements inhalés. Les impacteurs en cascade sont utilisés en tant que modèle du dépôt pulmonaire in vitro (2). Une telle évaluation des propriétés aérodynamiques par cette méthode est intéressante pour les phases de développement et le contrôle de la qualité des médicaments, mais ses résultats ne sont pas toujours transposables in vivo (3). Par conséquent, il est important d’utiliser des méthodes cliniques pour déterminer le dépôt pulmonaire, principalement pour les nouveaux systèmes d’inhalation et les nouvelles formes galéniques avant l’Autorisation de mise sur le marché. De nombreux essais cliniques comportent une étude du dépôt pulmonaire pour démontrer une équivalence entre de nouveaux dispositifs d’inhalation ou de nouvelles formules galéniques et le produit d’origine. Par exemple, l’évaluation du dépôt pulmonaire est une étape nécessaire pour comparer un aérosol-doseur pressurisé (pMDI) conventionnel Résumé Le dépôt pulmonaire des traitements inhalés peut être évalué par des méthodes pharmacocinétiques et pharmacodynamiques. Le choix de la méthode dépend de la classe médicamenteuse étudiée. Pour les médicaments sans effet de premier passage hépatique, tels que les bêta-2 agonistes de courte durée d’action, l’étude pharmacocinétique du dépôt pulmonaire doit être effectuée rapidement après l’inhalation afin de minimiser l’absorption gastro-intestinale. Pour les molécules subissant un métabolisme important en rapport avec un premier passage hépatique, telles que les corticostéroïdes inhalés, la concentration plasmatique de médicament est un reflet indirect du dépôt bronchique. L’effet pharmacodynamique peut être évalué par les effets cliniques et les effets indésirables potentiels des traitements inhalés. Chez l’asthmatique et le patient affecté de bronchopneumopathie chronique obstructive, la réversibilité de l’obstruction bronchique après inhalation de bronchodilatateur permet d’estimer le dépôt bronchique si l’obstruction bronchique initiale est significative. Pour comparer l’effet dose-réponse entre corticoïdes inhalés sur des périodes supérieures à six semaines, la référence actuelle est la méthode de Finney. L’analyse des effets indésirables des bêta-2 agonistes ou des corticostéroïdes administrés à fortes posologies peut également être utilisée pour comparer le dépôt bronchique de différentes molécules. et un inhalateur de poudre sèche (DPI) ou un gaz propulseur chlorofluorocarbone (CFC) à un gaz propulseur, plus respectueux de l’environnement, tel que l’hydrofluoroalkane (HFA). Actuellement, les deux principales techniques disponibles in vivo sont les études du dépôt pulmonaire des aérosols radiomarqués et les méthodes pharmacologiques. L’inhalation des aérosols radiomarqués implique une mesure de la radioactivité pulmonaire par une gammacaméra ou un compteur corporel total. Bien que les études scintigraphiques constituent un outil valable pour prédire le dépôt pulmonaire régional et total, ainsi que le dépôt oropharyngé, la précision de cette technique est limitée par le processus de détection en deux dimensions de ce système (4). Des développements futurs sont nécessaires pour l’utilisation en pratique courante de méthodes d’imagerie en trois dimensions (tomographie par émission de positons) [5]. Les études scintigraphiques présentent de nombreux inconvénients : exposition aux irradiations, en particulier chez les enfants (6), obtention compliquée de molécules radiomarquées, difficultés pour interpréter le dépôt dans certaines zones anatomiques dans l’espace et accès limité aux dispositifs développés par les firmes pharmaceutiques. Par conséquent, les approches pharmacocinétiques et pharmaco-dynamiques fournissent potentiellement des informations complémentaires sur le dépôt pulmonaire et sur les effets cliniques des thérapeutiques administrées par voie inhalée. L’objectif de cette revue est de présenter les principales méthodes pharmacocinétiques et pharmacodynamiques utilisées pour évaluer le dépôt pulmonaire des traitements inhalés en précisant les limites et les intérêts de chaque méthode. Méthodes pharmacocinétiques Les mesures pharmacocinétiques constituent des indicateurs utiles pour établir une corrélation entre le dépôt pulmonaire et la distribution plasmatique des traitements inhalés. Certains paramètres pharmacocinétiques tels que la demi-vie plasmatique (T1/2) et le volume de distribution (Vd) dépendent de la molécule et ne sont pas influencés par le dépôt pulmonaire. Cependant, la variabilité du dépôt pulmonaire entre plusieurs molécules peut résulter des différences liées à la concentration plasmatique maximale (Cmax) et à l’aire sous la courbe (ASC) des concentrations plasmatiques. Il existe également des caractéristiques pharmacocinétiques spécifiques selon la classe médicamenteuse en question, en particulier les traitements inhalés les plus fréquemment utilisés en pneumologie, à savoir les bêta-2 mimétiques et les corticostéroïdes. Agonistes des récepteurs β2-adrénergiques inhalés Concernant les bêta-2 mimétiques de courte durée d’action, le paramètre pharmacocinétique le plus simple pour calculer la biodisponibilité pulmonaire est la mesure de l’absorption précoce du salbutamol dans les 20 minutes suivant l’inhalation. Le substratum pharmacologique de cette mesure est que l’absorption gastro-intestinale contribue seulement à 0,3 % de l’absorption systémique globale dans les 30 minutes suivant l’inhalation (7). À partir des courbes de concentration plasmatique exprimées en fonction du temps, un certain nombre de paramètres, tels que la Cmax, la concentration moyenne pendant 20 minutes (Cav) et le temps nécessaire pour atteindre la concentration maximale (Tmax) permettent d’estimer le dépôt pulmonaire. Par exemple, après inhalation de salbutamol (1 200 µg), les valeurs de Cmax et Tmax sont respectivement de 2,93 ng/ml et 10 minutes pour dix volontaires sains dont la moyenne d’âge est de 20,5 ans avec un volume expiratoire maximum seconde (VEMS) à 112,1 % de la théorique (8). L’ASC est également considérée comme un critère primaire pour évaluer l’absorption systémique (9). Dans les essais cliniques, l’absorption gastro-intestinale peut être réduite par un rinçage buccal ou prévenue par l’administration de charbon activé avant et après l’inhalation. Ainsi, l’absorption gastro--intestinale étant exclue, les taux plasmatiques reflètent le dépôt pulmonaire et l’absorption. L’utilisation de telles méthodes pharmacocinétiques dans les études de bioéquivalence in vivo permet de calculer un rapport de différence de Cmax, ce qui Mots-clés Voies aériennes Biodisponibilité Dépôt Médicaments inhalés Poumon Pharmacodynamie Pharmacocinétique Summary The assessment of drug delivery to the lung in vivo may be performed using either pharmacokinetic or pharmacodynamic techniques. The choice of pharmacological method depends on drug class specificities. Pharmacokinetic determination of deposition to the lung for drugs without hepatic first-pass, such as short acting β2-agonist, has to be performed shortly after inhalation to minimize the effect of gastrointestinal absorption. For medication undergoing important hepatic first-pass metabolism such as inhaled corticosteroid, plasmatic concentration indirectly reflects bronchial deposition. Pharmacodynamic profile should be assessed through clinical effect and adverse events induced by inhaled drugs. Dose ranking of lung deposition for bronchodilators requires patient selection with sufficient bronchial obstruction to maintain room for improvement after the first dose. To assess dose effect relationship between inhaled corticosteroid, the Finney parallel line bioassay is the reference method in at least six weeks period study. Analysis of side effect with high doses of β2-agonist or inhaled corticosteroid may also be used to compare lung deposition. Keywords Airways Bioavailability Deposition Inhaled drugs Lung delivery Pharmacodynamic Pharmacokinetic La Lettre du Pneumologue • Vol. XII - n° 1-2 - janvier-février-mars-avril 2009 | 21 mise au point Méthodes pharmacologiques d’évaluation du dépôt pulmonaire des traitements inhalés constitue un indicateur de dose relative délivrée aux poumons. Cet indice relatif permet la comparaison de différentes formulations de médicaments inhalés, de divers systèmes d’inhalation ou des inhalations retardées en chambres d’inhalation. Néanmoins, l’interprétation des paramètres pharmacociné-tiques impose de prendre en compte l’existence d’une maladie pulmonaire et la fonction respiratoire. Le profil d’absorption pulmonaire d’une inhalation de fénotérol (4 mg) a été évalué dans deux études différentes utilisant le même système d’inhalation et une posologie identique chez des volontaires sains et des sujets asthmatiques (VEMS moyen à 56 % de la théorique). Le pic de concentration plasmatique de fénotérol est diminué d’un facteur 2 pour les patientes asthmatiques (1,6 ng/­ml) par rapport aux sujets témoins (3,1 ng/ml) [10]. Des résultats similaires ont été publiés avec les nébulisations de salbutamol, ce qui soulève l’hypothèse selon laquelle un rétrécissement du calibre des voies aériennes peut affecter le dépôt pulmonaire des β2-mimétiques inhalés (11). En pratique clinique, les études pharmacocinétiques présentent un intérêt limité pour les agonistes des récepteurs β2-adrénergiques inhalés, car les doses administrées sont généralement faibles et les concentrations plasmatiques qui en résultent sont le plus souvent dans les limites des seuils de détection. Cependant, la sensibilité des dosages est améliorée par la chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (GC/MS). Alors que le seuil de détection de la chromatographie liquide haute performance (HPLC) avec détection ultraviolet pour la concentration plasmatique de salbutamol est de 0,2 ng/ml (12), la linéarité de la méthode GC/MS est validée pour des concentrations de salbutamol comprises entre 50 et 10 000 pg/ml (13). Dans les études de bioéquivalence, les paramètres pharmacocinétiques sont nécessaires, mais insuffisants pour évaluer la distribution pulmonaire des molécules étudiées. Les méthodes granulométriques constituent un complément nécessaire dans cette optique. Corticostéroïdes inhalés Une faible proportion de la dose émise peut atteindre la circulation systémique, puisque la fraction de médicament avalé subit un important effet de premier passage hépatique : 90 % pour le budésonide et 99 % pour la fluticasone. O.J. Dempsey et al. ont démontré que l’absorption oropharyngée de fluticasone ne contribue pas à l’activité systémique (14). L’intérêt du rinçage buccal suivant l’inhalation est la prévention des candidoses oropharyngées et non pas la réduction des effets systémiques. La biodisponibilité systémique des corticostéroïdes inhalés dépend donc de la fraction médicamenteuse absorbée par les voies aériennes via la vascularisation pulmonaire. Par conséquent, pour ces médicaments métabolisés de manière intense, le passage systémique dans la circulation générale reflète le dépôt pulmonaire. Cependant, la mesure des concentrations sériques ne correspond pas aux besoins de techniques précises pour évaluer la dose de médicament délivrée au niveau du tissu pulmonaire. Étant donné les propriétés lipophiles des corticostéroïdes, le Vd est variable selon les molécules (tableau I). Les valeurs de Cmax dépendent de ce paramètre. Suivant l’inhalation de molécules avec une biodisponibilité identique, les concentrations plasmatiques sont inversement proportionnelles au Vd (figure 1). Ainsi, les médicaments hautement lipophiles avec un Vd élevé, tels que la fluticasone, ont une activité systémique pour des concentrations plasmatiques plus faibles par rapport à des médicaments moins lipophiles. Une simple mesure de l’ASC n’est donc pas directement corrélée à la distribution systémique. Un correctif peut être apporté par une approche méthodologique qui identifie le dépôt pulmonaire en fonction du rapport de la fraction de la dose déposée et de celle absorbée par le poumon (fL) sur la biodisponibilité systémique (F syst) [15]. Ce calcul, impliquant une évaluation de la biodis- Tableau I. Caractéristiques pharmacocinétiques des corticostéroïdes inhalés. Béclométasone-17-monopropionate Béclométasone dipropionate Budésonide Flunisolide Fluticasone propionate Triamcinolone acétonide T1/2 (h) 2,7 0,5 2-3 1,6 8-14 1,5 Vd (l/kg) 6,1 <1 2,7 1,8 12,1 1,3 Abréviations : T1/2 : demi-vie plasmatique ; Vd : volume de distribution. 22 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XII - n° 1-2 - janvier-février-mars-avril 2009 Clairance (l/mn) 2 2,5 0,9-1,3 1 0,9-1,3 0,7 Disponibilité orale (%) 41 – 6-13 21 <2 23 mise au point ponibilité orale (F O ) et l’absence de métabolisme pulmonaire des médicaments étudiés (16), s’énonce comme suit : fL = Fsyst – FO.(1-fret)/(1-FO) Les concentrations plasmatiques et urinaires de médicament reflètent le dépôt pulmonaire global, sans fournir d’information sur des profils de dépôts localisés dans certaines régions anatomiques. Considérant la taille des particules, il a été démontré que le dépôt pulmonaire des médicaments inhalés a tendance à décroître avec l’augmentation de la distance par rapport à la trachée. Un tel profil de distribution pulmonaire a été établi pour des patients ayant bénéficié d’une intervention chirurgicale thoracique, avec une administration préopératoire de traitement inhalé (17). Par exemple, les concentrations de fluticasone dans le tissu pulmonaire proximal sont 3 à 4 fois plus élevées que celles du poumon périphérique après une inhalation d’une dose de 1 mg. Il est bien évident que ces techniques ne permettent pas la comparaison de différentes formulations en pratique courante. Corticostéroïde inhalé Médicament A x µg Médicament B x µg Méthodes pharmacodynamiques Selon une approche complémentaire des méthodes pharmacocinétiques, les études pharmacodynamiques permettent dans certaines conditions d’évaluer le dépôt pulmonaire des traitements inhalés (tableau II). Les paramètres pharmacodyna-miques étudiés varient en fonction de la classe médicamenteuse, bronchodilatateurs (β2-adrénergiques inhalés) ou anti-inflammatoires (corticostéroïdes inhalés). Les critères de jugement principaux comportent l’effet thérapeutique et les événements indésirables induits par les traitements inhalés. C plasmatique élevée Vd faible Vd élevé C plasmatique faible Figure 1. Représentation schématique de la distribution systémique des corticostéroïdes inhalés. Les corticostéroïdes hautement lipophiles (A) ont un volume de distribution (Vd) potentiellement élevé, alors que les corticostéroïdes faiblement lipophiles (B) ont un Vd inférieur. Considérant que la dose x est équivalente pour les médicaments A et B, la comparaison des concentrations plasmatiques (C) implique de tenir compte des valeurs de Vd. Tableau II. Comparaison des méthodes pharmacocinétique et pharmacodynamique pour évaluer le dépôt pulmonaire des médicaments inhalés. Études pharmacocinétiques Études pharmacodynamiques Avantages Reproductibilité Relation dose-réponse Comparaison entre le dépôt pulmonaire relatif et l’exposition systémique relative Variables d’efficacité Mesure des effets indésirables Relation dose-réponse pour les effets indésirables Absorption intestinale Faibles concentrations plasmatiques des médicaments Absence d’évaluation des variations régionales de dépôt pulmonaire Variabilité interindividuelle Nécessité d’une marge d’amélioration pour les critères d’efficacité Études à long terme pour les corticostéroïdes inhalés Inconvénients La Lettre du Pneumologue • Vol. XII - n° 1-2 - janvier-février-mars-avril 2009 | 23 mise au point Méthodes pharmacologiques d’évaluation du dépôt pulmonaire des traitements inhalés Agonistes des récepteurs β2adrénergiques inhalés ◆◆ Effets cliniques des agonistes β2-adrénergiques Les variables d’efficacité des bronchodilatateurs de courte durée d’action sont souvent évaluées avant et après l’inhalation d’une dose unique (18). Par exemple, pour comparer deux agonistes β2-adrénergiques administrés par aérosol-doseur pressurisé dont la formulation diffère par le gaz propulseur utilisé, la variation du VEMS par rapport à l’état initial constitue fréquemment le critère de jugement principal (13). Une diminution de l’hyperréactivité bronchique (effet bronchoprotecteur) induite par les β2-adrénergiques peut être évaluée par un test de provocation ventilatoire avec un agent bronchoconstricteur tel que la métacholine. Les scores de dyspnée et la consommation d’agoniste β2-adrénergique de courte durée d’action sont susceptibles d’être pris en compte pour déterminer l’effet des bronchodilatateurs de longue durée d’action dans l’asthme et la BPCO. Ces paramètres sont cependant des critères de jugement secondaires par rapport au VEMS. Les explorations fonctionnelles respiratoires ne détectent pas de réponses significatives en termes de bronchodilatation si le sommet de la courbe doseréponse est facilement atteint. Par exemple, pour les bronchodilatateurs de courte durée d’action, la première dose administrée ne doit pas induire une réversibilité complète de l’obstruction. Ainsi, il est important que les patients inclus dans les essais cliniques aient une obstruction des voies aériennes significative avec une marge substantielle pour permettre une amélioration de la fonction ventilatoire. ◆◆ Effets indésirables des agonistes β2adrénergiques L’analyse des effets indésirables représente un outil complémentaire pour étudier les caractéristiques pharmacodynamiques des médicaments inhalés. Chez les asthmatiques intermittents et persistants légers, la plus faible dose d’agoniste β2-adrénergique est à même de provoquer une réversibilité complète d’une obstruction bronchique spontanée ou pharmacologiquement induite. Par conséquent, la comparaison des effets cliniques exercés par de fortes doses de bronchodilatateurs est difficile à établir. L’analyse des effets indésirables des β2-agonistes représente une alternative intéressante par rapport aux critères d’efficacité clinique classiques. Étant donné que les effets indésirables des agonistes β2-adrénergiques sont négligeables aux doses pharmacologiques, 24 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XII - n° 1-2 - janvier-février-mars-avril 2009 de telles études sont conçues pour reproduire les effets adverses potentiels induits par une consommation importante de bronchodilatateurs lors d’un asthme aigu grave. Pour les β2-agonistes, le pouls, le tremblement des extrémités (19), l’hypokaliémie et l’hypoglycémie sont classiquement étudiés bien que leur survenue soit particulièrement rare en cas d’utilisation à des doses pharmacologiques. S.J. Fowler et al. ont comparé les paramètres pharmacocinétiques validés antérieurement et la réponse systémique aux agonistes β2-adrénergiques dans un échantillon de volontaires sains (20). Suivant l’inhalation de fortes doses de salbutamol (1 200 µg) par différents systèmes -d’inhalation, les concentrations plasmatiques maximales et moyennes de salbutamol sont corrélées positivement avec -l’hypokaliémie et le tremblement. Une telle corrélation n’est pas mise en évidence pour les pulsations cardiaques. Corticostéroïdes inhalés ◆◆ Effets cliniques des corticostéroïdes inhalés Par contraste avec les études portant sur les agonistes β2-adrénergiques, des études menées sur le long terme sont nécessaires pour mettre en évidence une réponse clinique significative induite par les corticostéroïdes inhalés (21). Il est classiquement admis que des modifications de la fonction ventilatoire apparaissent chez des patients traités par corticostéroïdes inhalés pendant au moins 6 semaines. Les variations du VEMS et du DEMM 25-75 % représentent les critères d’efficacité primaires pour cette classe médicamenteuse. Dans un essai multicentrique, W.W. Busse et al. ont comparé l’effet induit par des doses croissantes de béclométasone dipropionate (BDP) avec des gaz propulseurs de type CFC ou HFA sur le contrôle de l’asthme (22). Les études scintigraphiques antérieures ont démontré un dépôt pulmonaire supérieur du BDP-HFA en raison d’une plus faible distribution de taille des particules par rapport au BDP-CFC (23). Les sujets affectés d’un asthme persistant sont assignés de manière aléatoire dans chacun des six groupes étudiés : 100 µg par jour, 400 µg par jour ou 800 µg par jour de BDP-HFA, ou 100 µg par jour, 400 µg par jour ou 800 µg par jour de BDP-CFC-BDP pendant six semaines. Le résultat principal est une amélioration significative de la courbe dose-réponse pour le DEMM 25-75 % après six semaines de traitement par BDP-HFA par rapport au BDP-CFC. Cette étude indique que la posologie de BDP-CFC doit être multipliée par 2,6 pour obtenir une augmentation du VEMS, exprimé en pourcen- mise au point ◆◆ Effets indésirables des corticostéroïdes inhalés La prévalence des événements indésirables induits par les corticostéroïdes inhalés est un sujet de préoccupation en pédiatrie et demeure une question débattue chez l’adulte. Il existe un certain nombre d’arguments dans la littérature internationale pour affirmer que l’absorption systémique des corticostéroïdes inhalés inhibe l’activité biologique de l’axe hypothalamo-hypophysaire. Par conséquent, ces effets indésirables permettent dans certaines conditions de comparer plusieurs modes d’administration ou différentes molécules. Par exemple, le propionate de fluticasone administré par voie inhalée à des adultes asthmatiques induit une diminution de la production de cortisol avec un effet dose en utilisant la méthode de D.J. Finney (26). Si l’on considère la prednisolone orale comme la molécule de référence, le ratio obtenu avec la fluticasone est de 8,5 : 1 mg pour le freinage cortisolique. Cet effet inhibiteur des glandes surrénales exercé par les corticostéroïdes est susceptible d’être modulé par certains paramètres en rapport avec un déficit de la fonction respiratoire. Dans cette optique, M.H. Brutsche et al. ont rapporté que la diminution de la cortisolémie est plus faible chez des asthmatiques (VEMS moyen à 54 % de la Variation VEMS initial (% valeur théorique) 35 Ratio de dose relative x 30 25 x 20 10 5 0 100 150 400 800 Dose totale journalière (µg/j) [log scale] Médicament A Médicament B Figure 2. Analyse de régression des courbes doses-réponses pour les variations de VEMS à l’issue de six semaines de traitement pour les médicaments A et B. L’augmentation du VEMS observée pour la courbe dose-réponse du médicament A est comparée au médicament B en utilisant le rapport relatif de dose x (d’après [22]). Variation VEMS initial (% valeur théorique) tage de la valeur théorique, similaire au résultat du traitement par BDP-HFA. Bien qu’il n’existe pas de consensus dans la littérature internationale, l’analyse en lignes parallèles de D.J. Finney et H.O. Schild (24) est une méthode de référence pour comparer des courbes doses-réponses de plusieurs molécules ou de différentes formulations. La figure 2 montre que l’effet bénéfique obtenu pour la courbe dose-réponse d’un médicament A par rapport à un médicament B est quantifié en utilisant un ratio x. Cette valeur signifie que la dose du médicament B multipliée par ce facteur x permet d’atteindre un effet équivalent à celui du médicament A. Une seconde approche consiste à évaluer la réponse clinique d’un traitement inhalé en comparant la courbe dose-réponse à l’administration d’une dose unique (figure 3). Ainsi, des posologies croissantes du produit à l’essai sont administrées à un petit échantillon de patients. Les données cliniques sont comparées à des valeurs de réponse clinique obtenues par des études antérieures, dans lesquelles le médicament comparateur était administré en dose unique à un échantillon de plus grande taille (25). L’écueil de cette méthode dans le cas particulier des corticostéroïdes inhalés est la présence d’écarts-types importants, ce qui complique la comparaison entre deux molécules appartenant à cette classe médicamenteuse. 40 20 0 - 20 100 200 400 Dose journalière médicament A (µg/j) Médicament A 800 Médicament B Figure 3. Variations moyennes du débit expiratoire de pointe (DEP) pour les patients traités avec des doses croissantes du médicament A par rapport aux valeurs moyennes des sujets traités par le médicament B à posologie unique (d’après [25, 32]). valeur théorique) que chez des sujets témoins 4 à 12 heures après l’inhalation de fluticasone (27). L’une des hypothèses évoquées est que les profils de dépôt pulmonaire et d’exposition systémique varient en fonction de l’obstruction bronchique. La Lettre du Pneumologue • Vol. XII - n° 1-2 - janvier-février-mars-avril 2009 | 25 mise au point Méthodes pharmacologiques d’évaluation du dépôt pulmonaire des traitements inhalés Dans de telles études, le freinage cortisolique est déterminé par le dosage du cortisol plasmatique matinal, fournissant ainsi un indicateur du dépôt pulmonaire des corticostéroïdes inhalés. Il est préférable d’utiliser le cortisol libre urinaire par 24 heures (28), la cortisolémie n’étant pas suffisamment sensible pour détecter une insuffisance corticotrope modérée (29). En l’état actuel des connaissances, le test de stimulation avec l’hormone adrénocorticotrope (ACTH) est le test dynamique de stimulation le plus sensible pour diagnostiquer une inhibition de l’axe corticosurrénalien. L’analogue synthétique de l’ACTH (tétracosactrine) est fréquemment utilisé, mais la pertinence clinique de cette méthode biologique pour diagnostiquer un freinage cortisolique biologique reste à déterminer. Limites des études pharmacodynamiques Ces études pharmacologiques sont pratiquées chez des patients sélectionnés, capables d’utiliser les systèmes d’inhalation à l’issue d’une phase d’instructions intensive. De nombreux facteurs sont susceptibles d’influencer le dépôt médicamenteux dans les voies aériennes en pratique courante. Les praticiens doivent garder à l’esprit que la capacité des patients à utiliser leur système d’inhalation est une cause majeure de variation du dépôt pulmonaire dans la vrai vie. La fréquence élevée des erreurs de technique d’inhalation affectant a été démontrée dans l’asthme (30) et la BPCO (31). Ce point clé ne peut pas être évalué avant la commercialisation et la diffusion d’un nouveau produit en population générale. Conclusion La méthode de mesure du dépôt pulmonaire des médicaments administrés par voie inhalée par des études pharmacologiques est complémentaire des méthodes in vitro et scintigraphiques. Les études pharmacocinétiques peuvent être effectuées après administration d’une dose unique ou à l’issue d’inhalations répétées des molécules en question. L’évaluation du dépôt pulmonaire par des études pharmacodynamiques implique la mesure de paramètres cliniques significatifs ou d’effets secondaires cliniques induits par les médicaments inhalés. En tout état de cause, le choix de la méthode dépend de la classe médicamenteuse, bronchodilateurs ou corticostéroïdes, d’une part, et des molécules étudiées d’autre part. ■ Références bibliographiques 1. Martin RJ et al. Therapeutic significance of distal airway inflamalbuterol in asthmatic subjects. J Aerosol Med 2003;16:47-53. mation in asthma. J Allergy Clin Immunol 2002;109:S447-60. 14. Dempsey OJ, Coutie WJ, Wilson AM, Williams P, Lipworth BJ. 2. 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