La Lettre du Pharmacologue - vol. 22 - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2008
Pharmacologie
Pharmacologie
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L
es médicaments inhalés sont fréquemment utilisés pour
le traitement de l’asthme ou de la bronchopneumopathie
chronique obstructive (BPCO). Après l’administration,
une proportion importante de la dose émise (25 % à 90 %) se
dépose dans l’oropharynx (1). Pour cette fraction, le passage
dans la circulation systémique s’eff ectue via une absorption
locale dans la cavité buccale ou, après déglutition, dans le tractus
gastro-intestinal. Concernant la fraction de dose délivrée dans
l’arbre trachéo-bronchique, la clairance des particules inhalées
est régulée par le transport mucociliaire et l’absorption dans
la circulation systémique par l’épithélium des voies aériennes.
La fraction absorbée par voie digestive ou respiratoire peut
induire des eff ets systémiques mais seule la fraction inhalée
est responsable d’eff ets thérapeutiques. Il est donc important
d’étudier le dépôt pulmonaire des thérapeutiques administrées
par voie inhalée.
De nombreux facteurs déterminent le dépôt pulmonaire des
traitements inhalés, tels que l’utilisation des systèmes d’inhala-
tion par les patients, le débit inspiratoire lors de l’inhalation, la
dose émise, la taille des particules inhalées et les caractéristiques
géométriques des voies aériennes variables selon la sévérité des
maladies respiratoires. Par conséquent, les variations de quan-
tité de médicaments atteignant le poumon et les variations de
distribution des particules émises impliquent des diff érences
dans la distribution du médicament dans les voies aériennes,
l’effi cacité clinique, la biodisponibilité systémique et les eff ets
indésirables des traitements inhalés. Les impacteurs en cascade
sont utilisés en tant que modèle du dépôt pulmonaire in vitro
(2). Une telle évaluation des propriétés aérodynamiques par cette
méthode est intéressante pour les phases de développement et
le contrôle de la qualité des médicaments, mais ses résultats ne
sont pas toujours transposables in vivo (3). Par conséquent, il est
important d’utiliser des méthodes cliniques pour déterminer le
dépôt pulmonaire, principalement pour les nouveaux systèmes
d’inhalation et les nouvelles formes galéniques avant l’Autori-
sation de mise sur le marché. De nombreux essais cliniques
comportent une étude du dépôt pulmonaire pour démontrer
une équivalence entre de nouveaux dispositifs d’inhalation ou de
nouvelles formules galéniques et le produit d’origine. Par exemple,
l’évaluation du dépôt pulmonaire est une étape nécessaire pour
comparer un aérosol-doseur pressurisé (pMDI) conventionnel
et un inhalateur de poudre sèche (DPI) ou un gaz propulseur
chlorofl uorocarbone (CFC) à un gaz propulseur, plus respec-
tueux de l’environnement, tel que l’hydrofl uoroalkane (HFA).
Actuellement, les deux principales techniques disponibles in
vivo sont les études du dépôt pulmonaire des aérosols radio-
marqués et les méthodes pharmacologiques. L’inhalation des
aérosols radiomarqués implique une mesure de la radioactivité
pulmonaire par une gammacaméra ou un compteur corporel
total. Bien que les études scintigraphiques constituent un outil
valable pour prédire le dépôt pulmonaire régional et total, ainsi
que le dépôt oropharyngé, la précision de cette technique est
limitée par le processus de détection en deux dimensions de ce
système (4). Des développements futurs sont nécessaires pour
l’utilisation en pratique courante de méthodes d’imagerie en
trois dimensions (tomographie par émission de positons) [5]. Les
études scintigraphiques présentent de nombreux inconvénients :
exposition aux irradiations, en particulier chez les enfants (6),
obtention compliquée de molécules radiomarquées, diffi cultés
pour interpréter le dépôt dans certaines zones anatomiques
dans l’espace et accès limité aux dispositifs développés par les
fi rmes pharmaceutiques.
Par conséquent, les approches pharmacocinétiques et pharmaco-
dynamiques fournissent potentiellement des informations
complémentaires sur le dépôt pulmonaire et sur les eff ets clini-
ques des thérapeutiques administrées par voie inhalée. L’objectif
de cette revue est de présenter les principales méthodes phar-
macocinétiques et pharmacodynamiques utilisées pour évaluer
le dépôt pulmonaire des traitements inhalés en précisant les
limites et les intérêts de chaque méthode.
MÉTHODES PHARMACOCINÉTIQUES
Les mesures pharmacocinétiques constituent des indicateurs
utiles pour établir une corrélation entre le dépôt pulmonaire
et la distribution plasmatique des traitements inhalés. Certains
paramètres pharmacocinétiques tels que la demi-vie plasma-
tique (T1/2) et le volume de distribution (Vd) dépendent de la
molécule et ne sont pas infl uencés par le dépôt pulmonaire.
Cependant, la variabilité du dépôt pulmonaire entre plusieurs
molécules peut résulter des diff érences liées à la concentration
plasmatique maximale (C
max
) et à l’aire sous la courbe (ASC) des
concentrations plasmatiques. Il existe également des caractéris-
tiques pharmacocinétiques spécifi ques selon la classe médica-
menteuse en question, en particulier les traitements inhalés les
plus fréquemment utilisés en pneumologie, à savoir les bêta-2
mimétiques et les corticostéroïdes.
Agonistes des récepteurs β2-adrénergiques inhalés
Concernant les bêta-2 mimétiques de courte durée d’action, le
paramètre pharmacocinétique le plus simple pour calculer la
biodisponibilité pulmonaire est la mesure de l’absorption précoce
du salbutamol dans les 20 minutes suivant l’inhalation. Le subs-
tratum pharmacologique de cette mesure est que l’absorption
gastro-intestinale contribue seulement à 0,3 % de l’absorption
systémique globale dans les 30 minutes suivant l’inhalation (7).
À partir des courbes de concentration plasmatique exprimées en
fonction du temps, un certain nombre de paramètres, tels que
la Cmax, la concentration moyenne pendant 20 minutes (Cav) et
le temps nécessaire pour atteindre la concentration maximale
(Tmax) permettent d’estimer le dépôt pulmonaire. Par exemple,
après inhalation de salbutamol (1 200 μg), les valeurs de Cmax
et T
max
sont respectivement de 2,93 ng/ml et 10 minutes pour
dix volontaires sains dont la moyenne d’âge est de 20,5 ans avec
un volume expiratoire maximum seconde (VEMS) à 112,1 %
de la théorique (8). L’ASC est également considérée comme
un critère primaire pour évaluer l’absorption systémique (9).
Dans les essais cliniques, l’absorption gastro-intestinale peut être
réduite par un rinçage buccal ou prévenue par l’administration