une histoire de temps

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Une histoire de temps
Si on vous dit « horloger », vous allez sans doute penser à un vieil
homme cloîtré dans un atelier. Détrompez-vous, l'horloger a plein
d'histoires à raconter.
Imaginez-vous marchant dans la rue. Le bruit des moteurs de voitures, de la
sonnerie du tramway et de l’effervescence des gens autour bourdonnent dans vos
oreilles. Il vous suffit de pousser la porte du numéro 29 de la rue Jean Jaurès à
Nantes pour les entendre disparaître et pénétrer dans une toute autre atmosphère,
un autre temps. A l’entrée, vous posez les yeux sur un décor pour le moins atypique.
De grands tapis parsèment le sol, du mobilier en bois noble remplit la pièce, des
tableaux et des miroirs ornent les murs, d’imposants lustres à pampilles pendent des
hauts plafonds. Le calme règne, à l’exception du son des pendules et du plancher
qui craque.
C’est alors que vous apercevez un homme qui s’affaire dans son atelier en
mezzanine. Cheveux grisonnants et lunettes vissées sur le nez, il porte un tablier et
examine une pendule avec minutie. Ses journées sont rythmées par le son des
trotteuses et des heures qui passent. Pour autant, entendre en permanence le bruit
du temps qui s’écoule ne l’effraie pas. Ce qui l’intéresse, c’est de déceler les
anomalies dans les mécanismes complexes des pendules et des horloges anciennes
qu’on lui amène. Trente ans que Dominique Flon restaure ces petits morceaux
d’histoire, comme il aime à les appeler, sans jamais s’en lasser.
L’heure de l’apprentissage
L’univers de l’horlogerie ancienne, il baigne dedans depuis l’enfance. C’est à l’âge de
14 ans que son père les initie, lui et son frère, à la complexité du métier. Au départ,
c’était juste un moyen de se faire un peu d’argent de poche. Le dimanche, il donne
un coup de main à son père. Il assimile la précision des gestes, manie les outils,
découvre les pièces et les mécanismes qui garantissent le bon fonctionnement d’une
horloge. Rapidement, sa passion pour ce métier se révèle. Les mercredis aprèsmidis, il les passe en salle des ventes. Paraît-il que c’est la meilleure école pour
entrer dans le monde de l’antiquité. Là bas, l’horloger en devenir emmagasine le
savoir nécessaire pour connaître l’histoire des pièces qu’il répare dans l’atelier de
son père.
« Ce qui m’incombe c’est de pas faire toujours la même chose. »
Aujourd’hui, à 52 ans, Dominique Flon a déjà remis plusieurs dizaines de pendules à
l’heure, ce qui ne l’empêche pas de continuer d’apprendre encore et encore. Chaque
pièce qu’on lui confie est un nouveau challenge, une nouvelle histoire.
Retour vers le passé
Quinze ans que ce restaurateur d’horlogerie ancienne dispose de son propre atelier.
Des pièces historiques défilent sur son établi et occupent les étagères. A l’heure où
tout va très vite et que la technologie envahit nos vies, Dominique Flon conserve une
étroite relation avec le passé. Ses gestes sont les mêmes qu’au 17 et 18 ème siècle,
un savoir-faire qui ne court pas les rues. Patience et minutie sont de rigueur !
Des heures, voire même des jours, sont nécessaires pour venir à bout des
réparations. Parfois, le son inhabituel d’une pendule suffit à l’horloger pour
comprendre ce qui cloche. D’autres fois, la diversité et la complexité des
mécanismes lui donnent du fil à retordre, empiètent sur sa vie personnelle et peuvent
même l’empêcher de dormir mais ne le détourneront pas de son objectif.
« Les tic tac des horloges je ne les entends plus,
sauf quand il y a quelque chose qui ne va pas. »
Dans ce métier, les problèmes sont nombreux et demeurent parfois sans solution.
Les erreurs font partie du quotidien. Par moment, il faut savoir lâcher prise et repartir
de zéro. Il n’existe aucun mode d’emploi fourni avec les pièces que répare cet
artisan. Son savoir-faire il le détient de l’histoire, de son père, toujours enclin à
l’aiguiller, mais aussi de son expérience. Pour autant, ce n’est pas toujours suffisant
et il faut apprendre à avancer sans filet de sécurité. A l’écouter, Dominique Flon
n’éprouve aucun regret concernant son parcours. Fort de ses erreurs, elles lui ont
permis d’acquérir de nouvelles connaissances, de s’accomplir dans sa profession
ainsi que d’être reconnu pour ce qu’il fait.
« J’ai aucun regret et surtout pas celui de faire ce métier là. »
Un moment pour souffler
Si vous rencontrez cet homme, vous comprendrez qu’au délà de son métier, ce qu’il
aime ce sont les gens. Les personnes qui franchissent le seuil de sa boutique avec
une pendule ou une horloge à réparer n’ont souvent aucune idée qu’ils ont dans
leurs mains un patrimoine historique. Ils en ressortent avec une histoire à raconter.
« A la fois je me fais plaisir mais je fais aussi plaisir aux clients,
je leur raconte des histoires. »
Quand on fait ce métier, il est impératif de prendre conscience que faire réparer sa
pendule c’est du superflu. On ne peut pas dire que les clients se bousculent au
portillon, mais s’ils viennent c’est qu’ils éprouvent un intérêt à la restauration du
passé. Outre l’aspect technique de la profession d’horloger, connaître sa clientèle est
tout aussi important. Un héritage patrimonial tel qu’une pendule demande de
l’entretien, de l’huile dans les rouages alors une relation particulière s’établit entre
l’horloger et ses clients.
Au fil des années, Dominique Flon a pris le temps de connaître ses clients. Il va chez
eux, discute de leur vie et la confiance s’installe. Certains s’étonnent que cet artisan
se souvienne de leur nom mais pour lui c’est essentiel de partager son savoir et de
toujours en apprendre d’avantage.
« Je suis surtout passionné par ce que je ne connais pas.
Je suis très très curieux ! »
Animé par la curiosité, ce globe trotteur dans l'âme a déjà visité de nombreux pays. Il
n'oublie jamais de profiter de la vie, de passer du temps avec sa famille, d'aller à la
rencontre des gens et de partir en voyage sur un coup de tête. Mais même lorsqu'il
parcourt des centaines de kilomètres en voiture ou qu'il prend un avion pour aller de
l'autre côté du globe, si une pendule ou une horloge croise sa route, son œil
d'horloger ne tarde jamais à refaire surface.
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