Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VII), n° 4, juillet/août 2003
Aromatase
Dossier
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fiques aux cytochromes P450 et ils
représentent donc des paramètres
importants à vérifier lors des phases
préliminaires d’évaluation des molé-
cules. Cependant, nous avons pu
récemment montrer qu’un inhibteur
non stéroïdien, le MR20814, pou-
vait présenter à la fois les spectres
de type I et II respectivement avec
l’aromatase testiculaire équine et
l’aromatase placentaire humaine (12).
Les modélisations moléculaires de
ces deux aromatases, en présence de
MR20814, nous ont permis de mettre
en évidence des différences d’orien-
tation de cet inhibiteur au sein du
site actif et, par conséquent, d’amé-
liorer les possibilités de synthèse
d’inhibiteurs de nouvelle génération,
encore plus efficaces. Ces hypothèses
d’interaction avec des acides aminés
présents au sein du site actif de l’en-
zyme ont été vérifiées par mutage-
nèse dirigée. Sachant qu’il n’existe
pas, à l’heure actuelle, d’inhibiteurs
de type “suicide” ou d’inactivateurs
non stéroïdiens de l’aromatase, il
serait donc intéressant de les déve-
lopper afin de limiter les interactions
non spécifiques avec le système
endocrinien lors des traitements. En
effet, on peut supposer que plus une
molécule sera finement adaptée au
site actif de l’enzyme avec laquelle
elle est sensée interagir, plus son
interaction risque d’être spécifique et
donc limitée avec les autres enzymes.
Même si ce raisonnement n’est pas
universellement applicable, il permet
d’augmenter les chances d’obtention
de molécules de plus en plus spéci-
fiques.
Les applications des
inhibiteurs de l’aromatase
Sur le plan des études
biochimiques ou cellulaires
Les inhibiteurs de l’aromatase sont
des outils d’exploration biochimique
ou de fonction cellulaire permettant
d’élucider leurs mécanismes d’action
sur l’enzyme par comparaison des
effets sur des modèles différents
comme, par exemple, les aromatases
humaine et équine. Ils permettent
aussi de sonder la structure du site
actif et d’évaluer les fonctions des
acides aminés qui y sont impliqués
afin de comprendre la conformation
et le fonctionnement de ce type de
cytochrome P450 membranaire de
mammifère (à ce jour, seuls des cyto-
chromes bactériens solubles ont été
cristallisés). Ces approches permet-
tront possiblement d’en déduire en
retour la structure de nouveaux inhi-
biteurs plus efficaces (17, 32). Habi-
tuellement, leurs effets secondaires
sur d’autres cytochromes P450 hépa-
tiques sont considérés comme poten-
tiels, même après des épreuves cli-
niques (33). Les études de biochimie
comparée permettent de mieux appré-
hender ce risque et de mieux com-
prendre ces mécanismes impliqués
et le métabolisme des inhibiteurs.
Avec ces approches, notre équipe
contribue depuis plusieurs années
aux études in vitro et au développe-
ment des nouveaux inhibiteurs de
l’aromatase (12, 13, 17, 32).
In vivo chez l’animal
Les rôles physiologiques des estro-
gènes chez la femelle sont bien
démontrés alors que leurs effets chez
le mâle ont été en particulier mis en
évidence grâce à l’utilisation in vivo
des inhibiteurs de l’aromatase. Ils
ont été confirmés grâce au modèle
de déficience génétique des souris
ArKO qui correspond à une inhibi-
tion constitutive du gène de l’aro-
matase. En effet, le rôle des estro-
gènes, de la vie fœtale jusqu’à la
puberté, est plus facilement déduit
des études de mutation ou de délé-
tion des gènes des récepteurs des
estrogènes ou de l’aromatase. Les
inhibitions chimiques de l’aroma-
tase possèdent l’avantage de per-
mettre de dévoiler le rôle de la sup-
pression des estrogènes à la fois
pendant le développement postnatal
ou pendant la seule vie adulte. En
plus de l’action des estrogènes sur
le métabolisme lipidique, le méta-
bolisme de l’insuline ou la protec-
tion contre l’athérosclérose, les inhi-
biteurs de l’aromatase ont permis de
montrer que les estrogènes agissaient
essentiellement à trois autres diffé-
rents niveaux. Le premier niveau, le
plus visible phénotypiquement, a été
mis en évidence dans une expérience
détaillée où le vorozole altère le gain
de poids corporel et le remodelage
squelettique et diminue globalement
la densité minérale osseuse chez
les rats mâles en pleine croissance
(34). Il est désormais évident que
lorsqu’un patient a une insuffisance
estrogénique importante, il souffre
d’anomalies de la maturation et de
la minéralisation squelettique (35).
Le deuxième niveau d’action des
estrogènes a été démontré par l’ob-
servation de l’effet du fadrozole sur
le cerveau et la fonction neuronale.
Ainsi, le développement de la mor-
phologie dendritique masculine dans
le noyau spinal du bulbe caverneux,
dans le cordon médullaire lombaire
du rat, est sous la commande estro-
génique (36). Ce centre est respon-
sable des réflexes copulatoires mas-
culins. Le comportement copulatoire
normal chez les rats mâles a été
inhibé par l’administration chronique
de l’anastrozole (3). Le troisième
niveau d’action des estrogènes est
gonadique. Les actions des inhibi-
teurs de l’aromatase ont mis en
exergue le rôle indispensable des
estrogènes dans l’appareil de la
reproduction masculine, notamment
au niveau de la régulation de pro-
duction de testostérone (3).
Sur le plan clinique
L’utilisation des inhibiteurs de l’aro-
matase constitue une stratégie de
thérapie endocrinienne bien établie
dans certaines pathologies hormono-
dépendantes. Des inhibiteurs de l’aro-
matase sont généralement employés
en traitement de deuxième ligne dans
les cancers du sein hormono-dépen-
dants métastatiques, souvent chez
les femmes postménopausées, quand
les antiestrogènes deviennent ineffi-
caces ou non tolérés. Le tamoxifène