DOSSIER
66Neurologies • Février 2012 • vol. 15 • numéro 145
TROUBLES DÉPRESSIFS DANS LES PATHOLOGIES NEUROLOGIQUES - 2e PARTIE
Les réactions du patient sont
très variables, parfois confon-
dues avec celles liées à d’autres
symptômes considérés comme
plus “physiques”, comme l’in-
somnie ou la labilité émotionnelle.
De même, une agitation psycho-
motrice ou une irritabilité peu-
vent être considérés à tort comme
la conséquence exclusive des
troubles cognitifs.
Tous les états dépressifs ne réunis-
sent pas les critères d’états dépres-
sifs majeurs mais, chez beaucoup
de patients, il est évoqué plutôt un
trouble dysthymique simple ou
encore plus souvent un trouble de
l’adaptation avec humeur dépres-
sive, notamment après l’annonce
du diagnostic. Chez certains pa-
tients, il s’agit du syndrome de
“chagrin chronique” dominé par
les moments de colère, de tristesse
prolongée, avec souvent beaucoup
de frustration.
L’intensité de la dépression est
considérée comme peu corrélée
à celle des troubles cognitifs, au
degré de handicap physique ou
à la durée de la maladie. Néan-
moins, une étude récente portant
sur plus de 500 patients a montré
que la prévalence de la dépression
est plus élevée chez les patients
jeunes qui ont une maladie plus
évolutive (16).
DÉPRESSION ET
AUTRES TROUBLES
PSYCHOPATHOLOGIQUES
Même si les corrélations restent
modestes, des liens existent néan-
moins entre fatigue et dépression,
d’une part, et troubles cognitifs et
dépression, d’autre part.
La fatigue, notamment mentale,
peut être responsable d’idées de dé-
valorisation, de perte de confiance,
et faire le lit de la dépression. Un
score de dépression a été retrouvé
élevé chez 76 % des patients fati-
gués contre 31 % des patients non
fatigués (17). Les troubles thy-
miques sont par ailleurs souvent
prédictifs de la fatigue. Si l’apathie
est souvent décrite comme symp-
tôme de la dépression, le syndrome
apathique peut exister de façon iso-
lée, indépendamment de toute ma-
nifestation dépressive.
Il est important de diérencier
dépression et alexithymie, même
si une association ne peut pas être
exclue. En eet un trait alexithy-
mique est retrouvé chez près de
50 % des patients SEP. Les dicul-
tés de verbalisation de ces patients
peuvent masquer la sémiologie dé-
pressive.
La présence d’un état dépressif
peut altérer de façon significative
les performances cognitives
et dans la SEP, la diculté réside
dans l’intrication de ces deux
syndromes. Beaucoup d’études
n’avaient pas retrouvé de relation
significative entre dépression et
altérations cognitives. Plus récem-
ment, d’autres travaux ont montré
des relations directes entre dé-
pression et altérations cognitives,
portant essentiellement sur la vi-
tesse de traitement de l’informa-
tion et la mémoire de travail (18).
POURQUOI LA DÉPRESSION EST
FRÉQUENTE DANS LA SEP ?
Les raisons sont multiples et pro-
bablement intriquées.
Le stress lié à l’annonce de la ma-
ladie, l’angoisse liée au dévelop-
pement du handicap, le deuil de la
“bonne santé” sont des éléments
de la composante exogène de la
dépression.
Plusieurs éléments ont fait évo-
quer une composante endogène.
La prévalence de la dépression est
notamment significativement plus
élevée que dans d’autres maladies
handicapantes. Après un premier
événement caractéristique d’évo-
lution favorable, il n’est pas rare
de constater un état dépressif, y
compris chez un patient ignorant
le cadre nosologique possible de
son aection. Des travaux sur les
altérations immunitaires, la topo-
graphie des lésions cérébrales no-
tamment en IRM ont contribué à
expliquer cette dépression (19).
Enfin, une composante ia-
trogène doit être discutée, no-
tamment l’utilisation des ben-
zodiazépines, du baclofène, des
corticoïdes pour les poussées ou
encore des interférons β, même si
pour ces derniers, leur responsabi-
lité a pu être exagérée. Très récem-
ment, une étude a montré qu’un
taux faible de vitamine D pouvait
aussi contribuer à la dépression
chez ces patients (20).
REVUE DES ESSAIS
THÉRAPEUTIQUES
Diérentes études montrent que
les antidépresseurs tricycliques et
les inhibiteurs de la recapture de
la sérotonine sont ecaces dans
le traitement de la dépression
chez les patients atteints de SEP.
Néanmoins, les études randomi-
sées ou portant exclusivement sur
des populations SEP sont rares ou
n’incluent que des petits eectifs
(21, 22).
• Les études avec les tricycliques,
desipramine, imipramine et ami-
triptyline, ont montré une cer-
taine ecacité mais leur utilisa-
tion se heurtent à leur tolérance
modeste, près de la moitié des
patients arrêtant leur traitement
avant d’atteindre la posologie re-
quise. Ces dérivés peuvent no-