22 Équations différentielles
1 Généralités
1.1 Solution d’une équation différentielle
Soit Eet Fdeux K-espaces vectoriels de dimension finie avec K=Rou C.
Une équation différentielle ordinaire d’ordre nest une équation de la forme
Gt, y(t), y0(t), y00(t), . . . , y(n)(t)= 0,()
yest une fonction de la variable tà valeurs dans Edérivable et Gest une application d’un
ouvert R×En+1 dans Fdonnée par l’énoncé.
Exemple 1.1. L’équation suivante est une équation du second ordre (seule les deux premières
dérivées de yinterviennent), linéaire (la dépendance en yet ses dérivées est linéaire) :
sin(t)y00(t)+3t2y0(t)+5y(t)=3t25.
Quand on a une équation différentielle, on cherche des solutions...
Définition 1.1. Une solution de ()est un couple (I, y), avec Iun intervalle de Ret yune
application nfois dérivable sur Itelle que pour tI,
(t, y(t),··· , y(n)(t))
vérifiant ()pour tout tI.
Exemple 1.2.
1. L’équation y0y= 0 admet ([0,1],exp) comme solution, mais aussi (R,exp). La première
est d’ailleurs une restriction de la seconde.
2. L’équation y0= 1 + y2n’admet pas de solution définie sur R: en effet, on peut écrire
y0
1 + y2= 1 ; ce sont deux fonctions de tque l’on intègre sur un intervalle de définiton d’une
solution de l’équation différentielle [t;t0]:
arctan y(t)arctan y(t0) = tt0,
donc la longueur de l’intervalle est au plus πpuisque arctan prend ses valeurs dans ]π
2;π
2[.
En particulier, il n’y a pas de solution sur R. Par contre, ]π
2;π
2[,tanest bien une solution
de l’équation différentielle.
Remarque 1.1. On trouve des équations différentielles qui ne s’écrivent pas sous la forme ().
Par exemple
1. x0(t) = x(t1)
2. x0(t) = Zsin t
0
x2(s)ds
Définition 1.2. Une solution (I, f )est dite maximale lorsqu’elle n’est restriction d’aucune autre.
1
Exemple 1.3.
1. (]10; 10 + π[,tan(t10 π
2)est une solution maximale de y0= 1 + y2.
2. On peut montrer que dans des conditions raisonnables, les solutions maximales sont définies
sur des intervalles ouverts.
Remarque 1.2. A priori, les questions d’existence et d’unicité de solutions maximales ou non ne
sont pas triviales. On verra dans le cours des théorèmes positifs à ce sujet. Une autre question est
de trouver explicitement des ou les solutions.
Exemple 1.4.
1. y0= 2yadmet une infinité de solutions maximales, définies sur R(prendre y(t) = λe2t). Mais
il y a unicité de la solution si on impose une condition de la forme y(1012) = 235 qui permet
de fixer la valeur de λ. Sans cette condition toutes les solutions sont proportionnelles : elles
forment une droite vectorielle.
2. L’équation y0=eyadmet des solutions maximales définies sur des intervalles de la forme
]− ∞;β[avec βR, mais il n’existe pas de solution sur R:
l’équation s’écrit y0ey= 1 et donc en intégrant entre t0et t
ey(t)=tt0+ey(t0);
il faut donc que t<t0+ey(t0)et alors
y(t) = lnt+t0+ey(t0).
En posant β=t0+ey(t0),f:] − ∞;β[R,t7→ −ln(βt)est une solution maximale.
1.2 Équations sous forme normale
Définition 1.3. On dira qu’une équation différentielle ordinaire d’ordre nest sous forme normale
si elle est de la forme
y(n)=ϕ(t, y, y0,··· , y(n1)) ()
avec ϕdéfinie ur R×Endans F.
Remarque 1.3. Posons z1=y, ..., zn=y(n1), alors
z0
1=z2, z0
2=z3,··· , z0
n=ϕ(t, z1,··· , zn).
En écrivant
z=t(z1,··· , zn), f(t, z) = t(z2,··· , zn, ϕ(t, z1,··· , zn))
l’équation (∗∗)est équivalente à
z0=
z1
.
.
.
zn1
zn
0
=
z2
.
.
.
zn
ϕ(t, z1,··· , zn)
=f(t, z).
Ceci nous permet donc d’affirmer que l’on peut ainsi se ramener à une équation différentielle du
premier ordre :
Proposition 1.1. Toute équation différentielle ordinaire d’ordre nsous forme normale est équi-
valente à une équation différentielle ordinaire du premier ordre sous forme normale.
Remarque 1.4. Parfois on fera aussi la transformation inverse, c’est-à-dire transformer une équa-
tion différentielle du premier ordre en équation différentielle d’un ordre plus élevé.
2
Exemple 1.5. Pour résoudre le système d’équations
x0
1= 3x1x2
x0
2=x1+x2x1
x20=31
1 1 x1
x2
On calcule
x00
1= 3x0
1x0
2= 3x0
1(x1+x2)=3x0
1x1+ (x0
13x1)
qui donne une équation du second degré
x00
14x0
1+ 4x1= 0
dont on déduit x1(t) = (at +b)e2tet x2(t) = x0
1(t)+3x1(t) = (ab+bt)e2t.
Définition 1.4. Une équation différentielle linéaire d’ordre nest une équation différentielle de la
forme
any(n)+··· +a1y0+a0y=b(E)
où les fonctions ak:I→ L(E),b:IEsont des fonctions continues, yà valeurs dans E.
Si an:IGL(E), on peut multiplier par a1
npour obtenir une équation différentielle linéaire
sous forme normale (ou résolue).
On appelle équation différentielle linéaire homogène associée à El’équation
any(n)+··· +a1y0+a0y= 0 (E0)
Remarque 1.5. Soit une équation différentielle linéaire d’ordre nsous forme normale
y(n)=an1y(n1) +··· +a1y0+a0y+b
Alors une solution yest non seulement nfois dérivable, mais ausi de classe Cnpuisque les coefficients
le sont.
1.3 Problème de Cauchy
Un problème de Cauchy-Lipschitz est la donnée d’une équation différentielle d’ordre p, et de p
conditions initiales de la forme y(t0) = α0,y0(t0) = α1, ...,y(p1)(t0) = αp1. Il s’agit de déterminer
s’il existe une solution (maximale) définie sur I,t0point intérieur de I:η > 0,]t0η, t0+η[I.
Exemple 1.6.
Le problème de Cauchy
y00 + 2ty03y=t2+ 1
y(0) = 0
y0(0) = 1
admet une unique solution (théorème que
l’on va bientôt voir)... dont on ne connait pas d’expression simple. Par contre, on peut facilement
trouver une solution sans conditions initiales ( poser y=at2+bt +c).
Une équation vérifie la condition d’unicité au problème de Cauchy-Lipschitz si tout problème de
Cauchy-Lipschitz de cette équation a une unique solution.
Remarque 1.6. Une erreur classique est de penser que résoudre l’équation différentielle y00+y= 0
avec une condition du genre y(0) = y(π)=0est un problème de Cauchy !
2 Équations différentielles linéaires du premier ordre
Dans la suite, on suppose que IRest un intervalle non réduit à un point et K=Rou C.
3
2.1 Généralités
Nous considèrons ici une équation différentielle linéaire Ed’ordre 1
y0=A(t)y+b(t)
avec A:I→ L(E),b:IEcontinues. On notera E0son équation homogène associée.
Proposition 2.1. L’ensemble S0des solutions de E0sur Iest un sous-espace vectoriel sur R.
L’ensemble Sdes solutions sur Ide Es’écrit
S=ϕ0+S0,
ϕ0:IRest une solution particulière de E.
Preuve. La fonction nulle est bien solution de E0et si ϕ1et ϕ2sont deux solutions de E0, alors
pour tous scalaires λ1et λ2, on vérifie facilement que λ1ϕ1+λ2ϕ2est encore dans S0.
Enfin, si ψet ϕ0sont deux solutions de E, on calcule
ψ0ϕ0
0=0=A(ψϕ0)
qui montre que ψϕ0∈ S0, ce qui termine la preuve.
Remarque 2.1.
1. La propriété est encore vraie même pour une équation qui n’est pas sous forme normale.
2. Si on fixe une base Bde E, l’équation s’écrit
y0
1
.
.
.
y0
n
=A(t)
y1
.
.
.
yn
+
b1(t)
.
.
.
yn(t)
y0
1=a1,1y1+··· +a1,nyn+b1
y0
2=a2,1y1+··· +a2,nyn+b2
.
.
..
.
.
y0
n=an,1y1+··· +an,nyn+bn
On obtient ainsi un système d’équations différentielles.
2.2 Équation différentielle linéaire scalaire d’ordre 1
Soit (E0) : y0+a(t)y= 0, avec a,b∈ C0(I, K).
2.2.1 Résolution de l’équation sans second membre
Proposition 2.2. L’ensemble des solutions sur Ide (E0)est
S0=f:IK
t7→ λ eA(t)λR,
Aest une primitive de a.
Preuve. La fonction eA(t)ne s’annule jamais donc (E0)est équivalent à
y0+a(t)yeA(t)= 0 y eA(t)0= 0,
et l’équation est équivalente à dire que y eA(t)est une fonction constante sur Iégal à λK. On
en déduit donc que les solutions sont exactement les fonctions t7→ λ eA(t)avec λK.
Exemple 2.1.
4
1. Soit I=Ret y01
1 + t2y= 0. On pose a(t) = 1
1 + t2et A(t) = arctan(t). L’équation est
équivalente à yeA(t)0= 0 et donc les solutions sont
S0={λ earctan(t)|λR}.
2. Soit I=R
+et y01
ty= 0. On pose a(t) = 1
tet A(t) = ln(t). L’équation est équivalente
àyeA(t)0= 0 et comme eA(t)=tles solutions sont donc
S0={R
+R, t 7→ λ t |λR}.
Ici, l’équation n’est pas définie en 0.
2.2.2 Résolution théorique de (E)
On pose (E) : y0+a(t)y=b(t).
Proposition 2.3. L’ensemble des solutions sur Ide (E)est donné par
S={BeA+λeA|λK},
Aest une primitive de aet Best une primitive de b(t)eA(t).
Preuve. On a (E) : y0+ay =b(t)
y eA(t)0=b(t)eA(t)yeA(t)=B(t) + λy=B(t)eA(t)+λeA(t),
ce qui termine la démonstration.
Remarquez que ϕ(t) = B(t)eA(t)est une solution (particulière) de l’équation complète, et toutes
les solutions sont de la forme une solution particulière plus une solution de l’équation homogène.
Remarque 2.2. On dit que c’est une résolution théorique, car calculer une primitive n’est pas en
général évident et celle b(t)eA(t)sera souvent tout aussi difficile que de résoudre l’équation différen-
tielle elle-même. On dira souvent intégrer l’équation différentielle, au lieu de résoudre l’équation.
2.2.3 Résolution pratique de (E)
On procède toujours en trois étapes :
1. On résout l’équation homogène (E0):
S0={t7→ λeA(t)|λK}.
2. On cherche une solution particulière ϕde l’équation complète (E).
3. L’ensemble des solutions sur Ide (E)est alors
S=IR
t7→ ϕ(t) + λ eA(t)|λR.
L’étape qui posera problème sera le plus souvent l’étape 2. Pour cela on dispose de trois méthodes :
i) On recherche une solution évidente :
a) La solution est vraiment évidente :
Exemple 2.2. Pour résoudre y0+t2y=t2, on “devinera” que y= 1 est une solution
particulière sur R, donc
S=(ϕ:RR
t7→ 1 + λ et3
3λR).
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