12 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXIV - n° 1 - janvier-février 2009
Intérêts et limites
du sérodiagnostic fongique
MISE AU POINT
Sérodiagnostic direct des aspergilloses
Un groupe de travail international, l’European Orga-
nization for Research and Treatment of Cancer/
Mycosis Study Group (EORTC/MSG), a élaboré
des critères consensuels de diagnostic de mycoses
invasives dans le but de standardiser les études
cliniques chez les patients cancéreux et/ou atteints
d’hémopathie (3). Ainsi, la détection de deux antigé-
némies aspergillaires positives est reconnue comme
un critère diagnostique d’AI.
La détection d’antigène galactomannane d’As-
pergillus species est réalisée, d’après l’enquête
ANOFEL 2007, par 81 % des laboratoires de myco-
logie. Tous ces laboratoires utilisent le kit ELISA
Platelia
TM
Aspergillus. Ce test contient, comme
le test PastorexTM d’agglutination au latex, un Ac
monoclonal de rat EB-A2 reconnaissant les chaînes
d’au moins 4 résidus b-1-5 galactofuranoses dans les
molécules de galactomannane (4). Ce test ELISA est
plus sensible que le test Pastorex
TM
, avec un seuil de
détection de 1 ng/ml au lieu de 15 ng/ml.
Sur une série de patients autopsiés, l’antigénémie
a montré une sensibilité de 92 % et une spécificité
de 96 % pour le diagnostic d’AI (5). Ce test a l’avan-
tage de donner un résultat positif avant l’apparition
des signes radiocliniques et mycologiques (6). Les
résultats sont exprimés en index par rapport à un
témoin. Le seuil de positivité de l’index, au départ de
1,5 en Europe, a été abaissé en 2006 par le fabricant
à 0,5, comme ce qui a été retenu par la FDA aux
États-Unis (7). Une limite de ce test est la possibilité
de réactions faussement négatives et faussement
positives, dont les principales causes sont données
dans le tableau II. Les hypothèses avancées pour
expliquer les faux négatifs sont : une angio-inva-
sion limitée du champignon, une relativement faible
charge fongique, un titre d’Ac anti-Aspergillus élevé
et un faible taux de relargage d’Ag par le champi-
gnon. Le taux de réactions faussement positives varie
de 1 à 18 % selon les études (8) et constitue une
limitation gênante en pratique (tableau II). Elle est
nettement majorée dans la population pédiatrique
et dans les sérums obtenus dans les 10 jours suivant
une chimiothérapie cytotoxique ou dans les 30 jours
suivant une greffe de cellules souches hématopoïé-
tiques (9). Cela est en lien avec une altération de la
muqueuse intestinale (par exemple, mucite chimio-
induite), facilitant la translocation dans le sang à la
fois de galactomannanes provenant d’Aspergillus
spp. ou de Penicillium spp. présents dans l’alimenta-
tion, et de l’acide lipotéchoïque de Bifidobacterium
bifidum, bactérie commensale du tube digestif des
enfants dont certains épitopes sont reconnus par le
test Platelia
TM
Aspergillus (10). La contamination de
préparations injectables par des galactomannanes a
aussi été documentée, en particulier pour les ß-lacta-
mines hémi-synthétiques (dérivés de Penicillium)
probablement à l’occasion de probables variations
des procédures de préparation (11-13). Pour dépister
cette dernière interférence, il est proposé, et certains
centres en France le font déjà, de rechercher pros-
pectivement des galactomannanes dans les lots
d’antibiotiques avant de les injecter aux patients à
risque d’aspergillose chez lesquels un suivi régulier
de l’antigénémie galactomannane est indiqué (14).
Une des dernières interférences récemment mises en
évidence serait due au gluconate de sodium selon
une communication personnelle d’Annie Sulahian.
Une récente méta-analyse de 27 études (15) a évalué
la performance du test PlateliaTM Aspergillus pour le
diagnostic de l’AI selon les critères diagnostiques de
l’EORTC/MSG. Sur l’ensemble des patients analysés,
la sensibilité était de 71 % et la spécificité de 89 %.
Toutefois, il existait une importante hétérogénéité
des performances diagnostiques en fonction de la
sous-population de patients prise en compte. Le test
était plus performant chez les patients d’hémato-
logie et chez les receveurs de greffe de cellules
souches hématopoïétiques comparés aux receveurs
de greffe d’organe solide.
Tableau II. Causes de faux positifs et de faux négatifs du test ELISA détectant les Ag galacto-
mannanes (34-36).
Causes probables de faux positifs en galactomannanes
Alimentation : possibilité de translocation vers le sang de galactomannanes alimentaires (lait ma-
ternisé, riz ou aliments riches en protéines
[37-39]
ou en céréales, leurs dérivés et crèmes desserts
– cf. notice du kit), en fonction de l’état de la muqueuse digestive.
Patients de pédiatrie
Mucite postchimiothérapie
Colonisation intestinale par
Bifidobacterium
: prématurés, nouveau-nés, enfants
(10)
Administration parentérale de ß-lactamines hémi-synthétiques : piperacilline-tazobactam,
amoxicilline-clavulanate, etc.
(11)
Réaction croisée avec d’autres champignons (
Penicillium, Alternaria, Paecilomyces, Histoplasma,
Blastomyces
, etc.)
Autoanticorps chez les patients avec rejet de greffe et transplantation de foie
Dialyse ou problèmes rénaux (diminution de la clairance rénale)
Contamination avec du coton
Uricase
(40)
Plasma-LyteTM
(41)
Gluconate de sodium
Causes probables de faux négatifs
Taux élevés d’Ac anti-
Aspergillus
: complexes Ag-Ac non détectés
(8)
Faible relargage d’Ag pendant la croissance de certains isolats
(8)
Angio-invasion limitée (ex. : si localisation sinusienne)
[8]
Traitement prophylactique et préemptif par amphotéricine B
(8)
Infection par d’autres espèces que
A. fumigatus
(moins efficace avec
A. terreus [40]
)
Maladie chronique granulomateuse : persistance des résultats négatifs même pendant les phases
de progression de la maladie, de même avec le syndrome de Job (selon le fabricant)