I C A A C 9 9 Mycologie ASPERGILLOSE : LA DOUCHE EST-ELLE UN MODE DE CONTAMINATION POUR LES PATIENTS À RISQUE ? Le nombre de spores de Aspergillus spp a été mesuré dans des échantillons d’air prélevés dans une unité de greffe de moelle et exprimé en UFC par m3 d’air. Les résultats obtenus ont été comparés en fonction du lieu du prélèvement (salle de bains, chambre ou couloir). Les mesures faites dans les salles de bain ont été répétées pendant le fonctionnement de la douche, et après désinfection des surfaces en contact avec l’eau. Les deux espèces majoritairement retrouvées étaient A. niger et A. fumigatus. Il y avait entre cinq et dix fois plus de spores dans les salles de bain que dans les chambres ou le couloir (figures 1A et 1B) (E.J. Anaissie et coll., Little Rock, États-Unis [1908]). 35 30 UFC/m3 25 20 15 10 5 0 n = 3 chambres Mesure avec le robinet de la douche fermé Mesure avec le robinet de la douche ouvert A 25 UFC/m3 20 15 10 5 0 Avant désinfection n = 3 chambres Aspergillus spp B Après désinfection A. fumigatus A. niger Figures 1. Comparaison du nombre de spores d’Aspergillus mesuré dans l’air de trois salles de bains en fonction du fonctionnement de la douche (figure 1A) et de la désinfection ou non de la douche (figure 1B). 480 La contamination des canalisations d’eau de l’hôpital par des souches de Aspergillus responsables d’infections cliniques avait déjà été montrée par la même équipe par typage moléculaire (E.J. Anaissie, ICAAC 1997 [J-93]). Cette nouvelle étude suggère que la source de contamination lors de l’utilisation de la douche pourrait être majorée par la projection de spores dans l’air au moment de l’arrivée du jet d’eau sur des surfaces contaminées. Deux questions se posent : faut-il interdire l’usage de la douche chez les patients à risque d’aspergillose ? Faut-il déménager les lavabos destinés au lavage des mains des soignants à l’extérieur des chambres ? FACTEURS DE RISQUE ASSOCIÉS AUX INFECTIONS FONGIQUES CHEZ LES PATIENTS NON NEUTROPÉNIQUES EN RÉANIMATION J. Nolla et coll. (Barcelone, Espagne [978]) ont présenté une étude prospective multicentrique menée de mai 1998 à janvier 1999. Cinq cent vingt-six patients hospitalisés plus de 7 jours dans 70 USI ont été inclus. L’apparition ou la persistance d’une colonisation fongique ont été surveillées une fois par semaine dans les urines, l’oropharynx, les aspirations trachéales et gastriques. La survenue d’une infection fongique invasive a été définie par l’existence d’un ou plusieurs des critères suivants : isolement du champignon à partir d’un site normalement stérile ou d’une biopsie d’organe, fongémie, endophtalmie. Une colonisation fongique a été retrouvée pour 243 patients (46,3 %), et 41 d’entre eux (7,9 %) ont développé une infection fongique invasive. Les espèces isolées étaient Candida albicans dans 72,3 % des cas, C. non albicans (13,8 %), Candida spp (5,6 %), Aspergillus spp (1 %) et d’autres champignons dans 7,2 % des cas. Le groupe des patients ayant une infection invasive a été comparé au groupe des patients colonisés par une analyse multivariée. Il n’y avait pas de différence entre les deux groupes pour l’âge, le sexe, le score APACHE II à l’admission, le nombre et le type de défaillances viscérales à l’admission, la maladie sous-jacente, la durée d’hospitalisation, le type de colonisation fongique (site unique ou multiple, colonisation sporadique ou persistante), les espèces isolées, la prise d’une corticothérapie, l’existence d’une neutropénie, l’utilisation d’une ventilation assistée, de cathéters artériels ou veineux et d’une nutrition entérale. En revanche, il existait une différence significative entre les deux groupes pour le taux de mortalité (61% dans le groupe “infectés” et 36 % dans le groupe “colonisés”), la prescription d’antibiotiques (monobactams, antianaérobies et glycopeptides plus fréquents dans le groupe “infectés”) et le type de patients (chirurgie plus fréquente dans La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIV - n° 10 - décembre 1999 I le groupe “infectés”). Le recours à une nutrition parentérale ou à une dialyse était significativement plus fréquent dans le groupe “infectés”, suggérant que l’une et l’autre pourraient être des facteurs de risque pour développer une infection fongique invasive. PROPOSITION D’UN CONSENSUS POUR LA DÉFINITION DES INFECTIONS FONGIQUES INVASIVES S. Ascioglu et coll. (Ankara, Turquie [1639]) ont présenté les résultats des travaux des experts de deux groupes différents qui se sont réunis pour aboutir à un consensus concernant la définition d’une infection fongique invasive : le EORTC/IFICG en Belgique (European Organization for Research and Treatment of Cancer/Invasive Fungal Infections Co-operative Group) et le NIAID/MSG aux États-Unis (National Institute of Allergy and Infectious Diseases/Mycoses Study Group). Cent soixantetreize articles publiés entre 1985 et 1997 portant sur des cas d’infections fongiques profondes non muqueuses chez des adultes immunodéprimés ont été analysés. Le calcul des coefficients de vraisemblance (kappa) pour les définitions proposées dans chaque étude a permis d’aboutir à l’ensemble des définitions suivantes : ! Infections fongiques invasives prouvées " Infections tissulaires profondes : – Champignons filamenteux. Examen histologique ou cytologique montrant la présence de filaments ou de sphérules au sein d’un tissu endommagé ou culture positive d’un site normalement stérile et suspect d’infection cliniquement ou radiologiquement. – Levures. Examen histologique ou cytologique montrant la présence de levures ou de pseudofilaments dans un tissu non muqueux ou culture positive d’un site normalement stérile et suspect d’infection cliniquement ou radiologiquement, à l’exception des urines, des sinus et des muqueuses, ou présence de cryptocoques à l’examen direct du LCR ou détection d’antigène cryptocoque dans le LCR. " Fongémie : – Champignons filamenteux. Hémoculture positive retrouvant un champignon, à l’exclusion de Aspergillus spp et de Penicillium spp (sauf P. marneffei), associée à la présence de signes cliniques évocateurs de l’infection. – Levures. Hémoculture positive à Candida ou une autre levure, associée à la présence de signes cliniques évocateurs de l’infection. " Infections fongiques endémiques (histoplasmose, blastomycose, coccidioïdomycose et paracoccidioïdomycose) : – Culture du site infecté positive, associée à la présence de signes cliniques évocateurs de la maladie en cause, qu’elle soit disséminée ou limitée aux poumons. En l’absence de culture ou en cas de négativité, l’examen histologique et la sérologie doivent être tous deux positifs. ! Infections fongiques invasives probables Présence d’au moins un facteur de risque chez l’hôte et un critère microbiologique et un critère clinique majeur ou deux mineurs évocateurs d’un type d’infection. La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIV - n° 10 - décembre 1999 C A A C 9 9 ! Infections fongiques possibles Présence d’au moins un facteur de risque chez l’hôte et soit un critère microbiologique, soit un critère clinique majeur ou deux mineurs évocateurs d’un type d’infection. " Facteurs de risque chez l’hôte : – neutropénie avec PNN < 500/mm3 pendant plus de 10 jours ; – fièvre persistant plus de 96 heures malgré un traitement antibiotique à large spectre ; – température > 38 °C ou < 36 °C associée à neutropénie >10 jours dans les 60 jours précédents ou prise d’un traitement immunosuppresseur dans les 30 jours précédents, ou antécédent d’infection fongique invasive ou sida ; – réaction du greffon contre l’hôte ; – corticothérapie > 3 semaines. " Critères microbiologiques : – champignons filamenteux ou Cryptococcus neoformans à la culture des crachats ou du liquide de lavage alvéolaire ; – champignons filamenteux à la culture ou l’examen direct ou cytologique du liquide sinusien ; – C. neoformans à l’examen direct ou cytologique des crachats ou du LBA ; – antigène aspergillaire positif dans le LBA ou le LCR ou au moins deux prélèvements sanguins ; – antigène cryptococcique positif dans le sang ; – champignons autres que C. neoformans à l’examen direct ou cytologique de fluides habituellement stériles ; – présence de levures dans deux cultures d’urines différentes en l’absence de cathéters urinaires ; – Candida à l’examen direct des urines en l’absence de cathéters urinaires ; – hémoculture positive à Candida spp ; – présence d’une anomalie pulmonaire sans bactérie décelable dans le sang ni les poumons. " Critères cliniques : – Poumons. Critère majeur : image scanographique évocatrice (signe du halo ou croissant gazeux ou cavité au sein d’une condensation). Critères mineurs : signe fonctionnel, signe physique à l’examen, apparition récente d’un infiltrat sur la radio ou le scanner. – Sinus. Critère majeur : signe radiologique évocateur (érosion ou destruction osseuse, extension aux structures avoisinantes). Critères mineurs : signe fonctionnel évocateur, ulcération nasale ou épistaxis, œdème périorbitaire, fragilité maxillaire, lésions nécrotiques du palais. – Système nerveux central (SNC). Critère majeur : diagnostic radiologique d’infection du SNC. Critères mineurs : absence d’autres pathogènes ou de cellules malignes dans le LCR, et signes neurologiques de localisation, apparition de troubles mentaux, signes d’irritation méningée, anomalie biochimique ou cytologique dans le LCR. – Infections disséminées. Critères majeurs : lésions cutanées sans autre diagnostic, choriorétinite ou endophtalmie. – Candidoses disséminées chroniques. Critère majeur : petits abcès hépatiques ou spléniques visibles sur le scanner ou l’IRM. – Septicémie à Candida probable. Critère majeur : absence de symptômes infectieux chez un patient ayant une hémoculture positive à Candida. 481 I C A A C 9 9 COMPARAISON DE L’EFFICACITÉ DE L’AMBISOME ET DE L’AMPHOTÉRICINE B CLASSIQUE DANS LE TRAITEMENT DES MÉNINGITES À CRYPTOCOQUES CHEZ LES PATIENTS ATTEINTS DE SIDA Jusqu’à présent, l’efficacité de l’ambisome, comparativement à celle de l’amphotéricine B classique (ampho B) dans le traitement des méningites à cryptocoques, n’avait jamais été démontrée, et le traitement de référence restait l’association ampho B/ Ancotil®. Cette étude de R.J. Hamill (Houston, ÉtatsUnis [1161]), multicentrique, randomisée en double aveugle, comportait trois bras pour le traitement d’induction, dont la durée était comprise entre 11 et 21 jours : ampho B 0,7 mg/kg, ambisome 3 mg/kg et ambisome 6 mg/kg. Le traitement de consolidation poursuivi jusqu’à la dixième semaine était le même dans les trois groupes : fluconazole 400 mg/j. Les critères de diagnostic pour l’inclusion étaient une culture du LCR positive, ou une suspicion clinique associée à : – culture d’une biopsie cérébrale positive ; – culture d’un autre liquide biologique positive ; B I B L I O f l ash – antigène cryptocoque positif dans le sang ou le LCR ; – encre de Chine positive sur le LCR. Les critères d’exclusion étaient : transaminases > 10 fois la normale, créatinine sérique > 2 fois la normale, traitement antifongique préalable curatif ou prophylactique, autre infection fongique associée. Soixante patients ont été inclus dans chaque bras. Il n’y avait pas de différences significatives entre les groupes pour l’âge, le sexe, l’origine ethnique, le nombre de CD4 (70/mm3 en moyenne), et les taux de créatinine et de bilirubine sériques. Dans les trois groupes, la médiane du nombre de perfusions journalières reçues était de 14. L’efficacité mycologique, définie par la négativation de la culture du LCR, était identique dans les trois groupes (50 à 60 % à 2 semaines, 90 % à 10 semaines). La survie à 10 semaines était également la même dans les trois groupes, entre 86 et 90 %. Comme cela avait déjà été démontré, il y avait moins d’effets secondaires dans les deux bras ambisome que dans celui ampho B. S. Neuville NOTRE SÉLECTION D’ARTICLES (n° décembre 99)… # Articles “ à ne pas manquer ”, sélection proposée par notre comité d’experts de La Lettre de l’Infectiologue # " 252 " P. Bourée " 253 " J. Modaï " 254 " F. Bricaire 255 " " J. Gaillat " 256 " O. Leroy " 257 D. Rey " African children with malaria in an area of intense Plasmodium falciparum transmission : features on admission to the hospital and risk factors for death. Schellenberg D., Menendez C., Kahigwa E., Font F., Galindo C., Acosta C., Armstrong Schellenberg J., Aponte J.J., Kimario J., Urassa H., Mshinda H., Tanner M., Alonso P. Am J Trop Med Hyg 1999 ; 61 (3) : 431-8. Étude intéressante des facteurs de risques d’évolution fatale du paludisme chez 2 400 enfants hospitalisés en Tanzanie pour un paludisme à P. falciparum, avec un taux de létalité de 3 %, dont plus de la moitié chez les enfants de moins d’un an. Le seul facteur de risque retrouvé a été la malnutrition, alors que ni la parasitémie, ni l’hypoglycémie, ni la déshydratation n’apparaissent comme significatives. Behçet’s disease Sakane T., Takeno M., Suzuki N., Inaba G. N Engl J Med 1999 ; 341 : 1284-91. Revue générale. Quarante-trois références. f h s a l Lamivudine as initial treatment for chronic hepatitis B in the United States. Dienstag J.L., Schiff E.R., Wright T.L., Perrillo R.P., Hann H.W., Goodman Z., Crowther L., Condreay L.D., Woessner M., Rubin M., Brown N.A. N Engl J Med 1999 ; 341 (17) : 1256-63. Apport intéressant au problème du traitement des hépatites B chroniques, montrant un intérêt du 3TC (lamivudine) en traitement initial de cette infection. Impact of infectious diseases specialists and microbiological data on the appropriateness of antimicrobial therapy for bacteremia. Byl B., Clevenbergh P., Jacobs F., Struelens M.J., Zech F., Kentos A., Thys J.P. Clin Infect Dis 1999 ; 29 (1) : 60-6. Article utile pour défendre le rôle de l’infectiologue dans un hôpital. B. Byl, dans cette étude prospective sur 428 bactériémies, observe : une antibiothérapie mieux appropriée en première intention ; une adaptation plus rapide aux résultats des hémocultures ; un relais oral plus précoce ; une moindre utilisation des spectres larges. Il n’y a que la réduction de la mortalité qui ne soit pas significativement améliorée. The impact of surgical-site infections in the 1990s : attributable mortality, excess length of hospitalization, and extra costs. Kirkland K.B., Briggs J.P., Trivette S.L., Wilkinson W.E., Sexton D.J. Infect Control Hosp Epidemiol 1999 ; 20 : 725-30. De 1991 à 1995, 22 742 patients opérés au sein d’un même groupe hospitalier ont été étudiés. Parmi eux, 272 ont développé 277 infections postopératoires. Selon une méthodologie cas-témoin, utilisant comme variables d’appariement l’âge, la procédure chirurgicale et son risque infectieux, l’année de la chirurgie et, si possible, l’identité du chirurgien, les auteurs ont montré que ces infections postopératoires étaient responsables d’une surmortalité (RR : 2,2) avec mortalité attribuable de 4,3 %, d’un allongement de l’hospitalisation globale (initiale + réhospitalisation) de 12 jours et d’un surcoût de 5 000 $ par patient. Transmitted transfusion virus (TTV) : un nouveau virus hépatotrope... à la recherche d’une maladie. Halfon P., Cacoub P. Presse Med 1999 ; 28 :1592-4. Brève revue de la littérature sur le TTV, virus hépatotrope découvert en 1997, et qui semble peu, voire non pathogène. Improprement dénommé transmitted transfusion virus, car d’autres modes de contamination existent. Grâce au diagnostic par PCR, une prévalence élevée a pu être mise en évidence, ce qui illustre bien la grande sensibilité des techniques de biologie moléculaire.