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Le Courrier de l’algologie (3), no4, octobre-novembre-décembre 2004
Revue de presse
Revue de presse
Après la kétamine… la gabapentine
Une meilleure connaissance des mécanismes
de la douleur périopératoire et de la genèse
– précoce – des phénomènes d’hyperalgésie a
conduit à proposer depuis ces deux dernières
années une assez large indication des faibles
doses de kétamine dans divers types de chi-
rurgie. La connaissance des mécanismes de
sensibilisation périphérique et centrale d’une
part, d’hyperalgésie d’autre part devait donc
logiquement conduire à s’interroger sur le rôle
possible des médicaments qui bloquent le
canal sodique TTX-résistant dont l’expres-
sion augmente lors des phénomènes de sen-
sibilisation (up-regulation). Le type même de
ces agents est la gabapentine, dont l’indication
initiale reste l’épilepsie, mais qui est déjà très
largement utilisée dans la prise en charge des
douleurs neuropathiques chroniques. Quatre
études récentes, trois turques et l’une éma-
nant de l’équipe danoise bien connue de
J.B. Dahl, se sont attachées à préciser son rôle
potentiel dans le cadre de la douleur et de
l’analgésie périopératoires dans divers types
de chirurgie.
Dierking G et al. Effects of gabapentin on postopera-
tive morphine consumption and pain after abdo-
minal hysterectomy: a randomized, double-blind trial. Acta
Anaesthesiol Scand 2004;48:322-7.
Quatre-vingts patientes devant subir une hys-
térectomie par voie haute ont été réparties en
deux groupes pour recevoir, une heure avant la
chirurgie, une dose unique de 1 200 mg de
gabapentine ou un placebo. En postopératoire,
les patientes recevaient le placebo ou une dose
de 600 mg de gabapentine aux 8e,16
eet
24
e
heures. En outre, toutes les patientes avaient
à disposition une pompe d’analgésie autocon-
trôlée (morphine i.v.). La gabapentine a permis
de réduire la dose de morphine consommée
pendant 24 heures de 63 à 43 mg (p < 0,001).
Il existait par ailleurs, entre 0 et 2 heures d’une
part et 0 et 4 heures d’autre part, une corréla-
tion inverse entre les taux plasmatiques de
gabapentine et la consommation de morphine.
Aucune différence n’était retrouvée entre les
deux groupes en termes d’effets adverses. Au
total, l’administration d’une dose de 3 000 mg
de gabapentine a permis de réduire de 32 % la
consommation de morphine des 24 premières
heures sans altérer la qualité de l’analgésie, ni
modifier l’incidence des effets adverses.
L’étude, même si elle ne révolutionne pas pour
l’heure les modalités d’analgésie, confirme
donc le concept d’hyperalgésie périopératoire
précoce et l’intérêt potentiel d’inclure un volet
“antihyperalgésique” dans nos stratégies de
prise en charge de la douleur périopératoire.
Turan A et al. The analgesic effects of gabapentin after
total abdominal hysterectomy. Anesth Analg
2004;98:1370-3.
Dans cette étude contrôlée et menée prospec-
tivement, les patientes recevaient par voie orale,
une heure avant la chirurgie, un placebo ou une
dose de 1 200 mg de gabapentine. L’anesthésie
était conduite à l’aide de propofol, sévoflurane
et fentanyl. En période postopératoire, toutes se
voyaient mettre à disposition une pompe pour
analgésie intraveineuse autocontrôlée par tra-
madol (dose de charge de 50 mg, bolus de
20 mg, période d’interdiction de 20 minutes et
dose limite/4 heures 300 mg ; bolus augmenté
à 30 mg en cas d’analgésie insuffisante au-delà
de la première heure). Les scores de douleur,
évalués par EVA en décubitus dorsal et en posi-
tion assise, étaient significativement abaissés
dans le groupe gabapentine jusqu’à la 20
e
heure
postopératoire par comparaison au groupe pla-
cebo. De même, les consommations de trama-
dol aux 12
e
,16
e
,20
e
et 24
e
heures ainsi que la
consommation totale étaient significativement
réduites dans le groupe traité préventivement
par la gabapentine. Les scores de sédation
étaient identiques dans les deux groupes, ainsi
que l’incidence des effets adverses.
Turan A et al. The analgesic effects of gabapentin
in monitored anesthesia care for ear-nose-throat
surgery. Anesth Analg 2004; 99: 375-8.
Cinquante patients devant subir une rhino-
plastie ou une chirurgie endoscopique des sinus
sont répartis par tirage au sort en deux groupes
dont le premier reçoit, une heure avant la chi-
rurgie, une dose de 1 200 mg de gabapentine
et le second un placebo. Pendant la chirurgie,
une sédation par propofol est maintenue, et
adaptée au score de Ramsay. Le diclofénac
(75 mg) par voie intramusculaire est l’analgé-
sique “de secours” en cas d’insuffisance anal-
gésique. La consommation analgésique per-
opératoire (fentanyl, 122 ± 40 µg vs 148 ±
22 µg, p < 0,05) et les scores de douleur post-
opératoires étaient significativement abaissés
dans le groupe gabapentine. Le délai de pre-
mière demande analgésique était également
allongé de manière significative dans ce groupe
par comparaison au groupe placebo (9 ± 7 h vs
18 ± 9 h, p < 0,001). Parallèlement, l’incidence
de la somnolence était plus élevée (24 % vs