Mise au point
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (16), n° 9, novembre 2002
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Mise au point
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (16), n° 9, novembre 2002
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cancer par rapport aux deux études
récentes.
Ces deux études montrent en outre que
l’infection à H. pylori est un facteur de
risque comparable pour le cancer de type
intestinal et le cancer de type diffus. Jus-
qu’à présent, le cancer de type intestinal
survenant préférentiellement sur une
atrophie gastrique était considéré comme
davantage lié à l’infection à H. pylori que
le cancer de type diffus, qui lui survient
sur une gastrite chronique sans la
séquence atrophie métaplasie intestinale
préalable. En fait, dans les deux cas, le
cancer est la conséquence de l’inflam-
mation chronique, d’une part, et de l’in-
teraction directe bactérie-cellule épithé-
liale qui vont entraîner par des
mécanismes variés l’accumulation pro-
gressive des mutations aboutissant à la
perte du contrôle du cycle cellulaire,
d’autre part.
Enfin, l’étude suédoise et une étude
récente publiée dans Gut, reprenant
12 études prospectives cas-témoins
regroupant 1228 patients, montrent que
l’infection à H. pylori n’est certes pas
un facteur de risque du cancer du car-
dia mais n’a pas non plus de rôle pro-
tecteur (4). En effet, on pouvait penser
que la diminution de la sécrétion acide
gastrique induite par la gastrite fundique
due à H. pylori pourrait, en diminuant
le reflux acide gastro-œsophagien, pré-
venir la survenue du cancer du cardia,
dont un des facteurs favorisants est le
reflux. Les résultats de 2001 ne vont pas
dans ce sens et la crainte d’une aug-
mentation de l’incidence du cancer du
cardia due à l’éradication systématique
de H. pylori n’apparaît pas fondée.
Le rôle carcinogène
de H. pylori est confirmé
dans un modèle animal
Les travaux récents faits chez un ron-
geur du désert, la gerbille mongolienne,
confirment le rôle carcinogène de
H. pylori et le rôle protecteur de l’éra-
dication de l’infection (5). L’utilisation
de ce modèle a permis d’étudier des
facteurs environnementaux cocarcino-
gènes, comme le sel, la carence en
acide ascorbique, mais aussi de mettre
en évidence des facteurs liés à l’hôte et
à la bactérie. Pour les facteurs liés à
l’hôte, on s’est ainsi aperçu que la fré-
quence de survenue de l’adénocarci-
nome induit par la même souche bac-
térienne était hautement variable
suivant la lignée animale. Ainsi une
équipe a obtenu un cancer gastrique au
bout de 62 semaines chez 37% des ani-
maux infectés, alors que dans une autre
équipe avec une autre lignée animale,
seulement 4 % des animaux dévelop-
paient un cancer.
Les facteurs de susceptibilité
liés à la bactérie
Ces dernières années, pour apprécier la
virulence bactérienne, les anticorps diri-
gés contre la protéine cagA ont été
recherchés systématiquement chez des
sujets infectés. Les résultats concernant
l’association de ces anticorps aux diffé-
rentes pathologies associées à H. pylori
ont été très discordants. Il apparaît
maintenant que le système de virulence
cagA est complexe et ne se résume pas
à l’expression de la seule protéine cagA
et donc au développement d’anticorps
anti-cagA chez l’hôte. Ce système de
virulence correspond en fait à un îlot
de pathogénicité composé de 14 gènes,
codant pour un système de sécrétion
dont l’arrimage et l’assemblage à la
surface de la cellule épithéliale indui-
sent la synthèse de cytokines pro-
inflammatoires (IL8…) (6). La pro-
téine bactérienne cagA est transloquée
dans la cellule épithéliale par ce sys-
tème de sécrétion. Celle-ci induit
ensuite le réarrangement de l’actine
cellulaire et une dérégulation de la pro-
lifération cellulaire. In vivo, dans le
modèle de la gerbille, les souches délé-
tées d’un seul des 14 gènes de l’appa-
reil de sécrétion ne provoquent plus
d’adénocarcinome. Cela confirme le
rôle essentiel de l’intégrité de l’en-
semble du système cag et la nécessité
dans l’avenir, pour apprécier la viru-
lence d’une bactérie, de déterminer
l’expression de l’ensemble des gènes
de ce système et non l’expression de la
seule protéine cagA.
Les facteurs liés à l’hôte
On sait qu’il existe deux profils évolu-
tifs de la gastrite chronique à H. pylori,
la gastrite chronique antrale prédomi-
nante associée à l’ulcère duodénal et la
gastrite diffuse ou fundique prédomi-
nante qui est le facteur prédisposant à
la survenue du cancer. L’étude japonaise
de Uemura confirme ces données avec
seulement deux cancers survenus sur
gastrite antrale prédominante, tous les
autres cancers l’étant sur gastrite diffuse
ou fundique prédominante. La gastrite
antrale s’accompagne d’une hypersé-
crétion acide responsable de la maladie
ulcéreuse duodénale. À l’inverse, la
gastrite diffuse ou fundique prédomi-
nante s’accompagne d’une hypochlor-
hydrie qui permettrait la colonisation
gastrique par des entérobactéries avec
production de nitrosamines carcino-
gènes. L’inhibition sécrétoire dans le
fundus serait due à la libération de cyto-
kines telles que le TNFαet l’interleu-
kine Iβ, conséquence de la gastrite chro-
nique. L’intensité de l’inhibition de la
sécrétion acide serait donc corrélée à
l’intensité de la réponse inflammatoire.
Des travaux récents de El Omar ont
montré que certains génotypes de l’in-
terleukine Iβ, correspondant à une aug-
mentation de la libération d’interleu-
kine, sont associés à une augmentation
du risque relatif d’hypochlorhydrie et
de cancer gastrique (7). Ces constata-
tions, faites dans une population de
patients polonais et de patients améri-
cains porteurs de cancer gastrique, ont
été confirmées récemment dans une
étude de patients portugais (8).
Nous avons maintenant tous les élé-
ments pour être convaincus du rôle car-
cinogène de H. pylori :
1. Nous disposons d’études épidémio-