E
n dehors de toute patholo-
gie, la sénescence est sus-
ceptible d’entraîner une
diminution de la prise alimentaire
chez le sujet âgé. De nombreuses
études montrent une diminution de
l’apport calorique par rapport aux
sujets jeunes. De plus, différents tra-
vaux menés sur la dépense énergé-
tique totale chez des sujets âgés en
bonne santé suggèrent que leurs
besoins énergétiques sont nette-
ment supérieurs aux besoins éner-
gétiques recommandés.
Mécanismes
Le vieillissement de l’appareil diges-
tif, et tout particulièrement gas-
trique, pourrait être à l’origine d’une
diminution de la prise alimentaire
chez le grand vieillard. En effet, le
passage des aliments du fundus
gastrique vers l’antre est accéléré,
entraînant une stagnation du bol ali-
mentaire dans l’antre. Ce retard de
vidange gastrique rend compte d’un
excès de relaxation antrale respon-
sable d’une sensation précoce de
satiété, avec en pratique l’arrêt de la
prise du repas.
De plus, le vieillissement neuro-
sensoriel peut influer sur les quali-
tés hédoniques de l’alimentation et
participer à l’anorexie. En effet, le
plaisir de manger dépend du goût,
de la vision, de l’odeur, de la tex-
ture et de la température des ali-
ments. Ces perceptions des ali-
ments ainsi que l’expérience
sensorielle de la mastication sont
dépendantes de nombreuses
pathologies, de handicaps bucco-
dentaires et de polymédication.
La régulation de la prise alimentaire
est soumise à un certain nombre de
mécanismes auxquels participent
des neurotransmetteurs et des hor-
mones que l’on peut regrouper en
facteurs de satiété (qui diminuent la
prise alimentaire) et en facteurs
orexigènes (qui augmentent l’appé-
tence). En schématisant, on peut
considérer que la prise alimentaire
est sous la dépendance d’une régu-
lation centrale soumise à un sys-
tème périphérique de satiété. Or, ce
centre de la faim est fragilisé par la
sénescence et surtout rapidement
perturbé par les pathologies inter-
currentes, et tout particulièrement
infectieuses. Le phénomène est
accéléré lors d’une hospitalisation à
la suite d’une intervention.
Les causes
Les causes d’anorexie sont mul-
tiples et fréquemment intriquées :
causes psychologiques (perte du
conjoint, d’un être cher, d’un animal
de compagnie, isolement familial,
mise en institution, état dépres-
sif…) ;
vieillissement sensoriel (diminu-
tion du goût accentuée par la
carence en zinc, fréquente au cours
de la dénutrition –, de l’odorat et de
la vision, ensemble de facteurs sus-
ceptibles de perturber la conception
et/ou la prise des mets) ;
causes iatrogènes (polymédica-
tion, et tout particulièrement en ce
qui concerne les psychotropes, res-
ponsables d’une hyposialie entraî-
nant une diminution du goût mais
également une altération de la
digestibilité des aliments, avec dys-
pepsie ; les régimes utiles ou exces-
sifs (régime sans graisse, sans fibre,
sans sel, sans sucre…), surtout
récemment instaurés et entraînant
la conception de plats insipides ; les
idées reçues sur l’alimentation telles
que “moins manger quand on est
vieux, c’est normal”) ;
causes pathologiques (troubles
bucco-dentaires bien entendu, mais
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 66 • octobre-novembre-décembre 2005
plus spécifiquement les pathologies
digestives (cancers divers, gastrite
atrophique…) et surtout les patho-
logies ulcéreuses gastriques ou de
l’intestin grêle évoluant fréquem-
ment à bas bruit, indolores, et dont
les manifestations cliniques sont
l’anorexie, le dégoût des aliments
carnés, la dyspepsie et l’amaigrisse-
ment entraînant des phénomènes
de malabsorption digestive.
Tous les phénomènes infectieux,
inflammatoires et néoplasiques sont
susceptibles d’entraîner une ano-
rexie, de même des affections méta-
boliques telles que les dysthyroïdies,
fréquentes en gériatrie ; enfin, citons
les pathologies neurologiques avec
troubles de la déglutition.
Des conséquences lourdes
Peu à peu, la dénutrition protéino-
énergétique entraîne une fonte de
la masse musculaire, responsable
des chutes et des fractures, d’une
baisse des moyens de défenses
immunitaires favorisant les infec-
tions, elles-mêmes sources d’hyper-
catabolisme aggravant encore la
dénutrition. Cette spirale infernale
augmente la morbidité opératoire,
le risque d’escarres, les infections
intercurrentes et la grabatisation.
Ces conséquences directes de la
dénutrition peuvent s’observer au
domicile du patient, en maison de
retraite ou lors d’une hospitalisation.
Elles entraînent une perte de la qua-
lité de vie, une souffrance, et engen-
drent un coût médical important.
C’est pourquoi l’identification et
l’amélioration des problèmes nutri-
tionnels chez les sujets âgés sont,
actuellement, une des meilleures
stratégies pour améliorer leur qua-
lité de vie et prévenir surtout les
pathologies lourdes.
Lucie Galion
Infos ...
Quelques règles
simples
Quel que soit l’état
du sujet, il faut toujours
penser à rechercher
une cause iatrogène ou
organique, et tout
particulièrement
duodénogastrique.
Il importe de stopper
les régimes qui paraissent
abusifs, surtout s’ils
viennent d’être instaurés,
et, chez le diabétique très
âgé, de veiller à ne pas se
montrer trop strict :
les sucreries peuvent être
données au décours du
repas principal. Il convient
alors d’éviter d’apporter
les sucres en dehors des
repas. Faire énormément
boire le sujet. Et en cas de
pathologie dépressive
avérée, faire prescrire des
antidépresseurs, en évitant
les sérotoninergiques.
DOSSIER
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>> DOSSIER
Quand on évoque l’anorexie, on pense à celle du jeune enfant ou de l’adulte. Chez les
personnes âgées, c’est une réalité quotidienne, car elles ont tendance à diminuer leurs
apports caloriques, notamment à cause d’un vieillissement sensoriel.
Nutrition
Anorexie de la personne âgée
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