26 DOSSIER Nutrition >> DOSSIER Anorexie de la personne âgée Infos ... Quelques règles simples Quel que soit l’état du sujet, il faut toujours penser à rechercher une cause iatrogène ou organique, et tout particulièrement duodénogastrique. Il importe de stopper les régimes qui paraissent abusifs, surtout s’ils viennent d’être instaurés, et, chez le diabétique très âgé, de veiller à ne pas se montrer trop strict : les sucreries peuvent être données au décours du repas principal. Il convient alors d’éviter d’apporter les sucres en dehors des repas. Faire énormément boire le sujet. Et en cas de pathologie dépressive avérée, faire prescrire des antidépresseurs, en évitant les sérotoninergiques. Quand on évoque l’anorexie, on pense à celle du jeune enfant ou de l’adulte. Chez les personnes âgées, c’est une réalité quotidienne, car elles ont tendance à diminuer leurs apports caloriques, notamment à cause d’un vieillissement sensoriel. E n dehors de toute pathologie, la sénescence est susceptible d’entraîner une diminution de la prise alimentaire chez le sujet âgé. De nombreuses études montrent une diminution de l’apport calorique par rapport aux sujets jeunes. De plus, différents travaux menés sur la dépense énergétique totale chez des sujets âgés en bonne santé suggèrent que leurs besoins énergétiques sont nettement supérieurs aux besoins énergétiques recommandés. facteurs de satiété (qui diminuent la prise alimentaire) et en facteurs orexigènes (qui augmentent l’appétence). En schématisant, on peut considérer que la prise alimentaire est sous la dépendance d’une régulation centrale soumise à un système périphérique de satiété. Or, ce centre de la faim est fragilisé par la sénescence et surtout rapidement perturbé par les pathologies intercurrentes, et tout particulièrement infectieuses. Le phénomène est accéléré lors d’une hospitalisation à la suite d’une intervention. Mécanismes Le vieillissement de l’appareil digestif, et tout particulièrement gastrique, pourrait être à l’origine d’une diminution de la prise alimentaire chez le grand vieillard. En effet, le passage des aliments du fundus gastrique vers l’antre est accéléré, entraînant une stagnation du bol alimentaire dans l’antre. Ce retard de vidange gastrique rend compte d’un excès de relaxation antrale responsable d’une sensation précoce de satiété, avec en pratique l’arrêt de la prise du repas. De plus, le vieillissement neurosensoriel peut influer sur les qualités hédoniques de l’alimentation et participer à l’anorexie. En effet, le plaisir de manger dépend du goût, de la vision, de l’odeur, de la texture et de la température des aliments. Ces perceptions des aliments ainsi que l’expérience sensorielle de la mastication sont dépendantes de nombreuses pathologies, de handicaps buccodentaires et de polymédication. La régulation de la prise alimentaire est soumise à un certain nombre de mécanismes auxquels participent des neurotransmetteurs et des hormones que l’on peut regrouper en Les causes Les causes d’anorexie sont multiples et fréquemment intriquées : ● causes psychologiques (perte du conjoint, d’un être cher, d’un animal de compagnie, isolement familial, mise en institution, état dépressif…) ; ● vieillissement sensoriel (diminution du goût – accentuée par la carence en zinc, fréquente au cours de la dénutrition –, de l’odorat et de la vision, ensemble de facteurs susceptibles de perturber la conception et/ou la prise des mets) ; ● causes iatrogènes (polymédication, et tout particulièrement en ce qui concerne les psychotropes, responsables d’une hyposialie entraînant une diminution du goût mais également une altération de la digestibilité des aliments, avec dyspepsie ; les régimes utiles ou excessifs (régime sans graisse, sans fibre, sans sel, sans sucre…), surtout récemment instaurés et entraînant la conception de plats insipides ; les idées reçues sur l’alimentation telles que “moins manger quand on est vieux, c’est normal”) ; ● causes pathologiques (troubles bucco-dentaires bien entendu, mais Professions Santé Infirmier Infirmière N° 66 • octobre-novembre-décembre 2005 plus spécifiquement les pathologies digestives (cancers divers, gastrite atrophique…) et surtout les pathologies ulcéreuses gastriques ou de l’intestin grêle évoluant fréquemment à bas bruit, indolores, et dont les manifestations cliniques sont l’anorexie, le dégoût des aliments carnés, la dyspepsie et l’amaigrissement entraînant des phénomènes de malabsorption digestive. Tous les phénomènes infectieux, inflammatoires et néoplasiques sont susceptibles d’entraîner une anorexie, de même des affections métaboliques telles que les dysthyroïdies, fréquentes en gériatrie ; enfin, citons les pathologies neurologiques avec troubles de la déglutition. Des conséquences lourdes Peu à peu, la dénutrition protéinoénergétique entraîne une fonte de la masse musculaire, responsable des chutes et des fractures, d’une baisse des moyens de défenses immunitaires favorisant les infections, elles-mêmes sources d’hypercatabolisme aggravant encore la dénutrition. Cette spirale infernale augmente la morbidité opératoire, le risque d’escarres, les infections intercurrentes et la grabatisation. Ces conséquences directes de la dénutrition peuvent s’observer au domicile du patient, en maison de retraite ou lors d’une hospitalisation. Elles entraînent une perte de la qualité de vie, une souffrance, et engendrent un coût médical important. C’est pourquoi l’identification et l’amélioration des problèmes nutritionnels chez les sujets âgés sont, actuellement, une des meilleures stratégies pour améliorer leur qualité de vie et prévenir surtout les pathologies lourdes. Lucie Galion