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Groupe de Travail
« ANOREXIE – IMAGE DU CORPS »
La représentation de notre propre corps n’est pas, comme chacun le sait
ici, sans effet sur notre complexion, sur notre corps lui-même.
Bien avant que ne se constitue la psychiatrie moderne et que les sciences
humaines ne se perfectionnent, les premiers philosophes se sont
intéressés aux rapports complexes de l’âme et du corps. La lecture de
Platon nous révèle déjà le caractère foncièrement équivoque du corps
(soma), défini comme un signe et comme un tombeau (sema), c’est-à-dire à
la fois le reflet de notre psychè et son réceptacle opaque.
La légendaire laideur de Socrate est d’ailleurs, à cet égard, en elle-même,
paradoxale et didactique, puisqu’elle nous enseigne que la liberté est
plutôt du côté de celui qui est maître de soi, qui s’assume sans
complexe, que du côté d’une séduction toujours vouée à l’échec,
puisqu’au contraire celui qui cherche à subjuguer autrui se place, en
vérité, tout entier sous la dépendance de son regard.
Les adolescents, sans doute, quand ils se jouent des modes et en
détournent les codes ou quand ils choisissent, pour un temps, d’adopter
l’uniforme indéterminé de leur génération, tous ceux qui trouvent refuge
dans la facticité et se donnent à l’occasion, comme on dit, un genre,
succombant parfois au conformisme de l’anticonformisme, l’éprouvent à
leur manière. Cette expérience, initiatique en quelque façon, n’a pas
nécessairement sur leur santé, présente et future, un effet
préjudiciable.
Toutes celles et tous ceux qui, en revanche, nourrissent des complexes
qui, parfois, les empêchent de vivre, tous ceux qui vont jusqu’à mettre
leur santé en danger pour ressembler aux modèles des vitrines et devenir
ainsi les copies d’autres copies, tous ceux-là, sont les victimes,
aujourd’hui, de cette sophistique esclavagiste qu’est parfois la publicité
qui les prend pour cible.