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La Lettre du Cardiologue - n° 363 - mars 2003
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a réunion de l’ADR 2002 a rassemblé comme d’habitude
des orateurs européens faisant le point sur les derniers
essais cliniques majeurs en thérapeutique cardiovascu-
laire médicamenteuse. Parmi ces derniers, nous retiendrons ceux
concernant l’insuffisance cardiaque décompensée, résumés par
Gheorghiade (Chicago). Une autre communication intéressante
était consacrée aux effets délétères de l’aldostérone sur la paroi
vasculaire.
INSUFFISANCE CARDIAQUE DÉCOMPENSÉE
Les patients hospitalisés pour aggravation d’une insuffisance car-
diaque sont différents de ceux ayant une insuffisance cardiaque
chronique. Ils sont plus âgés (65-75 ans), 40 à 50 % sont des
femmes, 30 à 40 % ont une fraction d’éjection normale. Ces
patients ont moins d’atteintes coronaires (40-55 %), plus d’hy-
pertension artérielle (65-70 %), de fibrillation auriculaire (35-
40 %), de diabète (40-45 %) et d’insuffisance rénale (15-20 %)
que ceux inclus dans les essais d’insuffisance cardiaque chro-
nique. Ils ont une mortalité intrahospitalière relativement faible
(1-4 %), mais les taux de réadmission dans les 60 jours suivant
la sortie sont de 20 à 30 % et la mortalité dans ce délai est de 5 à
10 %. L’essai OPTIME CHF (the Outcomes of a Prospective
Trial of Intravenous Milrinone for Exacerbation of Chronic Heart
Failure) a montré qu’un âge plus élevé, une pression artérielle
systolique plus faible, une hyponatrémie, une classe fonction-
nelle NYHA plus sévère et une urée sanguine plus élevée étaient
des facteurs indépendants prédictifs de la mortalité à 60 jours.
Chez les patients hospitalisés pour aggravation d’une insuffisance
cardiaque, le but immédiat est d’améliorer l’hémodynamique sans
accroître l’atteinte myocardique. L’objectif à long terme est d’in-
troduire les médicaments connus pour améliorer la survie (que ce
soit les IEC ou les bêtabloquants), et, pour les coronariens, les
agents antiplaquettaires, les statines, et de discuter de l’opportu-
nité d’une revascularisation, voire pour certains d’un défibrillateur.
L’essai OPTIME CHF a randomisé 951 patients pour avoir une
perfusion intraveineuse de milrinone pendant 48 à 72 heures ver-
sus un placebo, alors qu’ils recevaient un traitement standard par
diurétiques, IEC, digoxine et bêtabloquants. Tous les patients
avaient une indication à la milrinone, sans toutefois avoir une
indication absolue en raison d’un bas débit cardiaque. Les résul-
tats ont montré que l’addition de milrinone à un traitement stan-
dard ne diminuait pas la médiane du nombre de jours d’hospita-
lisation pour cause cardiovasculaire (critère primaire) ou le taux
de réadmission/mortalité à 60 jours. L’utilisation de milrinone
était associée à une augmentation des échecs de traitement (prin-
cipalement hypotension artérielle), à l’apparition d’une fibrilla-
Congrès ADR 2002
M.C. Aumont*
Monte-Carlo,
5-7 décembre 2002
L
*Département de cardiologie, hôpital Bichat, Paris.
La Lettre du Cardiologue - n° 363 - mars 2003
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tion auriculaire, et à une tendance non significative d’augmenta-
tion de la mortalité.
Deux essais récents ont examiné le rôle de nouveaux médica-
ments dans la prise en charge d’une décompensation cardiaque.
L’essai VMAC (Vasodilatation in the Management of Acute
Congestive Heart Failure) a comparé les effets hémodynamiques
et cliniques du nesiritide (BNP recombinant) face à un placebo
ou à la trinitrine, en addition au traitement standard. Le nesiritide
a significativement diminué la pression capillaire pulmonaire à
24 heures par rapport à la trinitrine ou au placebo. Il a amélioré
significativement les symptômes d’insuffisance cardiaque à
3heures par rapport au placebo, mais pas par rapport à la
trinitrine.
L’essai ACTIV (Acute and Chronic Therapeutic Impact of a
Vasopressive Antagonist [le tolvaptan, antagoniste sélectif des
récepteurs V2 à la vasopressine] in Congestive Heart Failure) a
randomisé 320 patients admis pour aggravation d’insuffisance
cardiaque pour recevoir trois doses de ce produit ou un placebo
en plus d’un meilleur traitement médical. Le traitement a été ins-
tauré dans les 72 heures suivant l’admission et poursuivi pendant
60 jours. L’objectif primaire était de déterminer si le tolvaptan
réduirait plus le poids à 24 heures et le risque d’aggravation de
l’insuffisance cardiaque (décès, réadmissions, visites d’urgence
pour insuffisance cardiaque) dans les 60 jours suivant la sortie.
Les résultats sont présentés à l’ACC de mars 2003.
La morbimortalité des insuffisants cardiaques reste élevée, sur-
tout chez ceux récemment hospitalisés pour insuffisance car-
diaque. Malgré tous les efforts déployés pour démontrer leur effi-
cacité, les traitements améliorant la survie dans l’insuffisance
cardiaque restent sous-utilisés.
Dans le registre ADHERE (Acute Decompensated Heart Fai-
lure National Registry), aux États-Unis, seulement 55 % des
patients éligibles étaient sous IEC ou antagonistes des récepteurs
à l’angiotensine II et seulement 41 % étaient sous bêtabloquants.
Si le traitement n’est pas mis en route à l’hôpital, il y a peu de
chances qu’il le soit en ville (par crainte d’utiliser ce traitement,
manque de temps, oubli...).
L’essai IMPACT HF (Initiation Management Prediction Process
of Carvedilol Therapy for Heart Failure) a été conduit dans le but
de déterminer si l’instauration du carvédilol avant la sortie de
l’hôpital chez des patients admis pour insuffisance cardiaque et
ayant une fraction d’éjection 40 % était bien tolérée et si cela
améliorait l’utilisation de bêtabloquant 60 jours après la rando-
misation par rapport à un traitement traditionnel. Trois cent
soixante-trois patients admis pour insuffisance cardiaque décom-
pensée ont été randomisés : soit carvédilol commencé à l’hôpi-
tal (3,125 mg deux fois par jour puis augmentation progressive
jusqu’à la dose cible), soit un traitement bêtabloquant commencé
au moins deux semaines après la sortie. Les résultats ont montré
qu’un nombre significativement plus élevé de patients randomi-
sés dans le groupe carvédilol avant la sortie recevait un bêtablo-
quant 60 jours après la sortie (par rapport au groupe “bêtablo-
quant après la sortie”). En outre, ces patients recevaient une dose
significativement plus forte par rapport à ceux randomisés dans
le groupe bêtabloquant après la sortie. L’instauration du carvé-
dilol à l’hôpital n’a pas été associée à une augmentation du risque
d’aggravation d’insuffisance cardiaque ou à d’autres effets indé-
sirables sérieux, ce qui apporte un fort argument pour mettre en
route le traitement bêtabloquant avant la sortie.
Il faut inventer de nouvelles approches pour améliorer l’utilisa-
tion de traitements démontrés efficaces sur la survie et recom-
mandés par les différentes guidelines du fait de la distance entre
recommandations et pratique pour le traitement de l’insuffisance
cardiaque.
EFFETS DÉLÉTÈRES DE L’ALDOSTÉRONE SUR LA PAROI
VASCULAIRE
(Struthers, Dundee)
Expérimentalement, l’aldostérone entraîne une atteinte vasculaire
inflammatoire, que ce soit dans le cœur, le cerveau ou le rein. Elle
favorise la transformation d’angiotensine I en angiotensine II en
facilitant la liaison de l’enzyme de conversion et augmente le
nombre des récepteurs à l’angiotensine II (figure ci-dessous).
L’atteinte vasculaire due à l’aldostérone touche les différentes
couches de la paroi vasculaire, c’est-à-dire l’endothélium, le
muscle lisse et l’adventice.
L’endothélium a de nombreuses fonctions, notamment celle de
produire l’oxyde nitrique (NO). Farquharson et Struthers ont mon-
tré en 2000 que le blocage de l’aldostérone par la spironolactone
doublait l’activité biologique du NO et améliorait la dysfonction
endothéliale chez les patients insuffisants cardiaques déjà traités
par IEC. L’intensité de cet effet dû au blocage de l’aldostérone
semblait bien supérieure à celle trouvée avec les IEC dans des
études comparables. L’amélioration de la dysfonction endothé-
liale a des chances d’être très bénéfique, car il a été montré qu’une
telle dysfonction allait de pair avec la survenue d’événements car-
diovasculaires plus nombreux qu’en cas de fonction endothéliale
normale.
Le muscle lisse vasculaire est lui aussi sensible à l’aldostérone.
Il existe une remarquable corrélation entre les concentrations
endogènes d’aldostérone et la compliance des grosses artères.
De plus, il a été montré que le blocage de l’aldostérone dans des
cultures de tissu était capable de prévenir la prolifération des
cellules musculaires lisses vasculaires. Ainsi, l’aldostérone aug-
mente la rigidité artérielle non seulement en diminuant l’activité
Rénine
Angiotensine I
Aldostérone +
Angiotensine II
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biologique du NO provenant de l’endothélium, mais aussi en agis-
sant directement sur le muscle lisse vasculaire.
La troisième couche de la paroi vasculaire est l’adventice. La
fibrose périvasculaire due à l’aldostérone est un fait connu depuis
de nombreuses années. Cette fibrose peut augmenter encore plus
la rigidité artérielle.
Par ailleurs, l’aldostérone agit de façon défavorable sur la coa-
gulation, par l’intermédiaire de son effet sur le PAI 1 (plasmino-
gen activator inhibitor). La conjonction des effets sur la coagu-
lation et la paroi vasculaire entraîne une ischémie, un infarctus
et une fibrose du tissu. L’augmentation de la rigidité artérielle
secondaire à l’aldostérone entraîne en outre un dysfonctionne-
ment des barorécepteurs et du système nerveux autonome. Or la
dysfonction des barorécepteurs est un facteur pronostique indé-
pendant de mortalité cardiaque.
Ainsi, l’aldostérone a un ensemble d’effets délétères vasculaires,
que ce soit la dysfonction endothéliale, l’augmentation de la rigi-
dité artérielle, la fibrose périvasculaire, l’augmentation de la coa-
gulation ou la dysfonction des barorécepteurs. Les effets béné-
fiques du blocage de l’aldostérone sur toutes ces fonctions peuvent
très bien expliquer l’action positive sur la mortalité montrée dans
l’étude RALES. Ils suggèrent que le blocage de l’aldostérone peut
avoir des effets bénéfiques similaires à ceux de l’étude RALES
chez des patients ayant d’autres maladies cardiovasculaires.
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