I N F O R M A T I O N S Congrès ADR 2002 ● M.C. Aumont* Monte-Carlo, 5-7 décembre 2002 L a réunion de l’ADR 2002 a rassemblé comme d’habitude des orateurs européens faisant le point sur les derniers essais cliniques majeurs en thérapeutique cardiovasculaire médicamenteuse. Parmi ces derniers, nous retiendrons ceux concernant l’insuffisance cardiaque décompensée, résumés par Gheorghiade (Chicago). Une autre communication intéressante était consacrée aux effets délétères de l’aldostérone sur la paroi vasculaire. INSUFFISANCE CARDIAQUE DÉCOMPENSÉE Les patients hospitalisés pour aggravation d’une insuffisance cardiaque sont différents de ceux ayant une insuffisance cardiaque chronique. Ils sont plus âgés (65-75 ans), 40 à 50 % sont des femmes, 30 à 40 % ont une fraction d’éjection normale. Ces patients ont moins d’atteintes coronaires (40-55 %), plus d’hypertension artérielle (65-70 %), de fibrillation auriculaire (3540 %), de diabète (40-45 %) et d’insuffisance rénale (15-20 %) que ceux inclus dans les essais d’insuffisance cardiaque chronique. Ils ont une mortalité intrahospitalière relativement faible (1-4 %), mais les taux de réadmission dans les 60 jours suivant la sortie sont de 20 à 30 % et la mortalité dans ce délai est de 5 à * Département de cardiologie, hôpital Bichat, Paris. 6 10 %. L’essai OPTIME CHF (the Outcomes of a Prospective Trial of Intravenous Milrinone for Exacerbation of Chronic Heart Failure) a montré qu’un âge plus élevé, une pression artérielle systolique plus faible, une hyponatrémie, une classe fonctionnelle NYHA plus sévère et une urée sanguine plus élevée étaient des facteurs indépendants prédictifs de la mortalité à 60 jours. Chez les patients hospitalisés pour aggravation d’une insuffisance cardiaque, le but immédiat est d’améliorer l’hémodynamique sans accroître l’atteinte myocardique. L’objectif à long terme est d’introduire les médicaments connus pour améliorer la survie (que ce soit les IEC ou les bêtabloquants), et, pour les coronariens, les agents antiplaquettaires, les statines, et de discuter de l’opportunité d’une revascularisation, voire pour certains d’un défibrillateur. L’essai OPTIME CHF a randomisé 951 patients pour avoir une perfusion intraveineuse de milrinone pendant 48 à 72 heures versus un placebo, alors qu’ils recevaient un traitement standard par diurétiques, IEC, digoxine et bêtabloquants. Tous les patients avaient une indication à la milrinone, sans toutefois avoir une indication absolue en raison d’un bas débit cardiaque. Les résultats ont montré que l’addition de milrinone à un traitement standard ne diminuait pas la médiane du nombre de jours d’hospitalisation pour cause cardiovasculaire (critère primaire) ou le taux de réadmission/mortalité à 60 jours. L’utilisation de milrinone était associée à une augmentation des échecs de traitement (principalement hypotension artérielle), à l’apparition d’une fibrillaLa Lettre du Cardiologue - n° 363 - mars 2003 I tion auriculaire, et à une tendance non significative d’augmentation de la mortalité. Deux essais récents ont examiné le rôle de nouveaux médicaments dans la prise en charge d’une décompensation cardiaque. L’essai VMAC (Vasodilatation in the Management of Acute Congestive Heart Failure) a comparé les effets hémodynamiques et cliniques du nesiritide (BNP recombinant) face à un placebo ou à la trinitrine, en addition au traitement standard. Le nesiritide a significativement diminué la pression capillaire pulmonaire à 24 heures par rapport à la trinitrine ou au placebo. Il a amélioré significativement les symptômes d’insuffisance cardiaque à 3 heures par rapport au placebo, mais pas par rapport à la trinitrine. N F O R M A T I O N S dilol à l’hôpital n’a pas été associée à une augmentation du risque d’aggravation d’insuffisance cardiaque ou à d’autres effets indésirables sérieux, ce qui apporte un fort argument pour mettre en route le traitement bêtabloquant avant la sortie. Il faut inventer de nouvelles approches pour améliorer l’utilisation de traitements démontrés efficaces sur la survie et recommandés par les différentes guidelines du fait de la distance entre recommandations et pratique pour le traitement de l’insuffisance cardiaque. EFFETS DÉLÉTÈRES DE L’ALDOSTÉRONE SUR LA PAROI VASCULAIRE (Struthers, Dundee) L’essai ACTIV (Acute and Chronic Therapeutic Impact of a Vasopressive Antagonist [le tolvaptan, antagoniste sélectif des récepteurs V2 à la vasopressine] in Congestive Heart Failure) a randomisé 320 patients admis pour aggravation d’insuffisance cardiaque pour recevoir trois doses de ce produit ou un placebo en plus d’un meilleur traitement médical. Le traitement a été instauré dans les 72 heures suivant l’admission et poursuivi pendant 60 jours. L’objectif primaire était de déterminer si le tolvaptan réduirait plus le poids à 24 heures et le risque d’aggravation de l’insuffisance cardiaque (décès, réadmissions, visites d’urgence pour insuffisance cardiaque) dans les 60 jours suivant la sortie. Les résultats sont présentés à l’ACC de mars 2003. La morbimortalité des insuffisants cardiaques reste élevée, surtout chez ceux récemment hospitalisés pour insuffisance cardiaque. Malgré tous les efforts déployés pour démontrer leur efficacité, les traitements améliorant la survie dans l’insuffisance cardiaque restent sous-utilisés. Expérimentalement, l’aldostérone entraîne une atteinte vasculaire inflammatoire, que ce soit dans le cœur, le cerveau ou le rein. Elle favorise la transformation d’angiotensine I en angiotensine II en facilitant la liaison de l’enzyme de conversion et augmente le nombre des récepteurs à l’angiotensine II (figure ci-dessous). Dans le registre ADHERE (Acute Decompensated Heart Failure National Registry), aux États-Unis, seulement 55 % des patients éligibles étaient sous IEC ou antagonistes des récepteurs à l’angiotensine II et seulement 41 % étaient sous bêtabloquants. Si le traitement n’est pas mis en route à l’hôpital, il y a peu de chances qu’il le soit en ville (par crainte d’utiliser ce traitement, manque de temps, oubli...). Angiotensine II L’essai IMPACT HF (Initiation Management Prediction Process of Carvedilol Therapy for Heart Failure) a été conduit dans le but de déterminer si l’instauration du carvédilol avant la sortie de l’hôpital chez des patients admis pour insuffisance cardiaque et ayant une fraction d’éjection 40 % était bien tolérée et si cela améliorait l’utilisation de bêtabloquant 60 jours après la randomisation par rapport à un traitement traditionnel. Trois cent soixante-trois patients admis pour insuffisance cardiaque décompensée ont été randomisés : soit carvédilol commencé à l’hôpital (3,125 mg deux fois par jour puis augmentation progressive jusqu’à la dose cible), soit un traitement bêtabloquant commencé au moins deux semaines après la sortie. Les résultats ont montré qu’un nombre significativement plus élevé de patients randomisés dans le groupe carvédilol avant la sortie recevait un bêtabloquant 60 jours après la sortie (par rapport au groupe “bêtabloquant après la sortie”). En outre, ces patients recevaient une dose significativement plus forte par rapport à ceux randomisés dans le groupe bêtabloquant après la sortie. L’instauration du carvéLa Lettre du Cardiologue - n° 363 - mars 2003 Rénine Angiotensine I Aldostérone + L’atteinte vasculaire due à l’aldostérone touche les différentes couches de la paroi vasculaire, c’est-à-dire l’endothélium, le muscle lisse et l’adventice. L’endothélium a de nombreuses fonctions, notamment celle de produire l’oxyde nitrique (NO). Farquharson et Struthers ont montré en 2000 que le blocage de l’aldostérone par la spironolactone doublait l’activité biologique du NO et améliorait la dysfonction endothéliale chez les patients insuffisants cardiaques déjà traités par IEC. L’intensité de cet effet dû au blocage de l’aldostérone semblait bien supérieure à celle trouvée avec les IEC dans des études comparables. L’amélioration de la dysfonction endothéliale a des chances d’être très bénéfique, car il a été montré qu’une telle dysfonction allait de pair avec la survenue d’événements cardiovasculaires plus nombreux qu’en cas de fonction endothéliale normale. Le muscle lisse vasculaire est lui aussi sensible à l’aldostérone. Il existe une remarquable corrélation entre les concentrations endogènes d’aldostérone et la compliance des grosses artères. De plus, il a été montré que le blocage de l’aldostérone dans des cultures de tissu était capable de prévenir la prolifération des cellules musculaires lisses vasculaires. Ainsi, l’aldostérone augmente la rigidité artérielle non seulement en diminuant l’activité 7 I N F O R M A T I O N S biologique du NO provenant de l’endothélium, mais aussi en agissant directement sur le muscle lisse vasculaire. La troisième couche de la paroi vasculaire est l’adventice. La fibrose périvasculaire due à l’aldostérone est un fait connu depuis de nombreuses années. Cette fibrose peut augmenter encore plus la rigidité artérielle. Par ailleurs, l’aldostérone agit de façon défavorable sur la coagulation, par l’intermédiaire de son effet sur le PAI 1 (plasminogen activator inhibitor). La conjonction des effets sur la coagulation et la paroi vasculaire entraîne une ischémie, un infarctus et une fibrose du tissu. L’augmentation de la rigidité artérielle secondaire à l’aldostérone entraîne en outre un dysfonctionne- 8 ment des barorécepteurs et du système nerveux autonome. Or la dysfonction des barorécepteurs est un facteur pronostique indépendant de mortalité cardiaque. Ainsi, l’aldostérone a un ensemble d’effets délétères vasculaires, que ce soit la dysfonction endothéliale, l’augmentation de la rigidité artérielle, la fibrose périvasculaire, l’augmentation de la coagulation ou la dysfonction des barorécepteurs. Les effets bénéfiques du blocage de l’aldostérone sur toutes ces fonctions peuvent très bien expliquer l’action positive sur la mortalité montrée dans l’étude RALES. Ils suggèrent que le blocage de l’aldostérone peut avoir des effets bénéfiques similaires à ceux de l’étude RALES chez des patients ayant d’autres maladies cardiovasculaires. ■ La Lettre du Cardiologue - n° 363 - mars 2003