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mathématiques (le livre contient, entre autres, de longues prises de position sur des
questions de société, en particulier l’emploi des mathématiques par le « complexe
militaro-scientifico-industriel »). Il y a des aspects très positifs : les sujets sont ex-
posés dans un ordre reflétant leur développement historique, qui est souvent rappelé
(mais de nombreux jugements de valeurs péremptoires et douteux finissent par faire
douter le lecteur de la valeur des « rappels historiques »), donc certaines questions
sont traitées plusieurs fois successivement ; le livre n’est en rien un livre scolaire, et
ne cherche pas à être « pédagogique ». Comme il se doit les développements en séries
sont abordés très tôt, même dans le champ complexe (tome I) ; les bases des fonctions
holomorphes sont développées avec l’analyse harmonique et les distributions (tome
II) ; les théorèmes de Cauchy sont immédiatement suivis d’un intéressant chapitre
d’applications (tome III) ; la notion de surface de Riemann est développée dès le
tome III. Le tome IV se conclut sur un très alléchant voyage au sein des fontions
modulaires. Mais d’autres points posent problème. J’ai déjà mentionné les nom-
breuses remarques péremptoires. L’attitude vis-à-vis de la théorie de l’intégration
est incompréhensible. De nombreux énoncés classiques sont « pollués »par l’emploi
de fonctions « réglées » (une notion à l’utilité quasi-nulle) dans les énoncés, alors
que souvent l’énoncé (par exemple pour les théorèmes de convergence de séries de
Fourier) vaut plus généralement pour les fonctions intégrables au sens de Riemann,
et ne prend sa véritable formulation qu’avec l’intégrale de Lebesgue. Un chemin dans
le plan complexe est une « primitive d’une fonction réglée », au lieu d’être pris C1
par morceaux, pour ensuite le prendre simplement continu, si l’on veut. Au lieu de
développer l’intégrale de Lebesgue le plus tôt possible, ce qui est très faisable, le
lecteur développe l’impression qu’il s’agit d’une chose terrible, tellement terrible que
sa présentation en est reléguée au dernier volume, qui est par ailleurs un volume de
niveau Master Recherche, Deuxième Année. Parler des distributions et des fonctions
analytiques très tôt est excellent ; reléguer l’exposé de la théorie de l’intégrale de
Lebesgue (que je n’ai pas lu car vu ce qui est dit avant, j’ai peur de trop tordre
mon cerveau à sa lecture) dans le dernier tome (d’un niveau nettement plus avancé
que les trois premiers) est incompréhensible. Si vous avez une vocation, un talent,
une passion pour les mathématiques, vous pourrez apprendre énormément de choses
dans ce Traité. Mais méfiez-vous de ne pas le prendre pour argent comptant.
Un petit voyage sur Internet vous permettra de voir qu’en langue française il n’y a
que quelques rares ouvrages disponibles. Ceux étiquetés « Licence Mathématique », bien
que sérieux, sont vraiment trop limités dans leur ambition (pour ce que j’ai pu en voir).
Par contre en langue anglaise, il y a littéralement des dizaines et des dizaines d’ouvrages.
Certains sont mauvais, certains sont excellents. J’en citerai trois, pour ceux parmi vous
qui désireront en apprendre plus, soit pendant soit après le semestre :
–E. STEIN et R. SHAKARCHI : Complex Analysis, Princeton University Press 2003.
Excellent. À acquérir avec le tome intitulé Fourier Analysis. On attend avec impa-
tience le tome suivant qui exposera l’intégrale de Lebesgue.
–M. ABLOWITZ et A. FOKAS : Complex variables : introduction and applications,
2eed. Cambridge University Press, 2003. Excellent, dans un style moins rigoureux
que le cours de Stein. Très accessible au début, très avancé sur la fin, mais tout en
restant accessible.
–E. WHITTAKER et G. N. WATSON : A Course of Modern Analysis, 4eed., 1927.
Dernière réimpr. : 1996. Cambridge University Press. Le classique des classiques. La
première édition date de 1902, la dernière de 1927. Un peu daté peut-être et difficile
pour l’étudiant moderne dans la façon dont les bases de l’analyse sont présentées
dans la première partie. Les exercices nécessitent de réfléchir (beaucoup. . .) et les
séries sont loin d’être toutes absolument convergentes. On ressent des frissons le long
de la colonne vertébrale en feuilletant la deuxième partie. Pour des générations et
des générations d’ingénieurs la référence ultime. C’était avant les ordinateurs qui
calculent tout, avant la disparition du calcul mental à l’école primaire. Quelques
exemplaires à la B.U. : allez le voir et comparez aux textes étiquetés « Licence
Mathématique ».
Université Lille 1 Semestre d’automne 2004/2005