MISE AU POINT
La Lettre du Cardiologue - n° 390 - décembre 2005
28
HNF, alors que les HBPM, issues de la dépolymérisation chi-
mique (acide nitrique, peroxydation) ou enzymatique, ont un
poids moléculaire de 4 200 à 6 000 Da (tableau I).
Indications des héparines de bas poids
moléculaire en pratique clinique en cardiologie
Indications of low-molecular-weight heparin in cardiology practice
F. Dewavrin, C. Bauters, B. Jude*
*Service de cardiologie C, hôpital cardiologique, CHRU de Lille.
En cardiologie, le rôle pathogène du thrombus est présent
dans de nombreuses entités cliniques : de la maladie
thromboembolique veineuse aux embolies systémiques
de la fibrillation auriculaire, en passant par les complica-
tions de plaque athéromateuse, où l’agrégation plaquet-
taire et la formation de thrombus intravasculaire sont une
des cibles du traitement. La pratique cardiologique a quo-
tidiennement recours aux héparines, et reste une des prin-
cipales indications des héparines non fractionnées (HNF).
Depuis les premières études confirmant l’efficacité des
héparines de bas poids moléculaire (HBPM) dans la pré-
vention du risque thromboembolique en milieu chirurgi-
cal, celles-ci ont progressivement étendu leurs indications
dans presque toutes les situations cliniques où l’anti-
coagulation par HNF est utilisée de façon consensuelle.
Nous proposons, après un bref rappel pharmacologique et
pharmacodynamique des héparines, une revue de la litté-
rature concernant l’utilisation des HBPM dans notre pra-
tique, afin de redéfinir, en quelques grandes lignes à tra-
vers les essais cliniques, les indications validées et non
validées des HBPM en cardiologie.
Mots-clés : Héparine de bas poids moléculaire - Cardio-
logie - Essais cliniques.
Keywords: Low-molecular-weight heparin - Cardiology
- Clinical study.
Résumé
Tableau I. HBPM et HNF : principales données pharmacologiques
comparatives.
Pharmacodynamique Pharmacocinétique
Activité Pourcentage Bio-
Poids anti- des chaînes disponibilité
moléculaire coagulante portant le par voie Demi-
pentasaccharide sous- vie
terminal actif cutanée
HNF 3 000 Anti-IIa 90 ± 30
à 30 000 Da = 33 % 30 % minutes
Anti-Xa
HBPM 4 200 Anti-Xa 3 à 6
à 6 000 Da > 15 à 25 % 100 % heures
Anti-IIa
Leur activité anticoagulante est portée par une séquence penta-
saccharidique réagissant avec l’antithrombine permettant son
activation et donc l’activité anticoagulante par inhibition princi-
palement du facteur IIa (thrombine) et du facteur Xa (Stuart).
Cette séquence pentasaccharidique terminale est présente dans
33 % des chaînes d’une solution d’HNF, contre 15 à 25 % des
chaînes d’une solution d’HBPM.
La fixation de l’extrémité pentasacharidique terminale avec l’anti-
thrombine provoque une modification conformationnelle per-
mettant son interaction avec les facteurs IIa et Xa et leur inacti-
vation. Contrairement aux HNF qui présentent une activité mixte
anti-Xa et IIa avec un rapport proche de 1, les HBPM ont une
activité anti-Xa prédominante. Cela s’explique par la longueur
de la chaîne polysaccharidique, insuffisante pour former un com-
plexe thrombine-antithrombine-héparine stable permettant l’in-
activation de la thrombine ; cette stabilité requiert une chaîne
polysaccharidique d’un minimum de 18 saccharides, situation
présente uniquement dans les solutions d’HNF (1).
Données pharmacocinétiques
Les HBPM produisent une activité anticoagulante plus prédic-
tible que les HNF, ce qui reflète leur meilleure biodisponibilité.
Quand une HBPM est administrée par voie sous-cutanée à faible
dose, l’activité anti-Xa retrouvée au niveau plasmatique est proche
de 100 % de la dose injectée, contre 30 % avec une HNF. La demi-
vie plasmatique des HBPM est 2 à 4 fois plus longue que celle
RAPPELS PHARMACOCINÉTIQUES
ET PHARMACODYNAMIQUES
Données pharmacodynamiques
Les héparines sont des glycoaminoglycanes produites à partir
d’intestin de porc. Une solution d’héparine est constituée de
chaînes polysaccharidiques mélangées de façon hétérogène, avec
des poids moléculaires variant de 3 000 à 30 000 Da pour les
La Lettre du Cardiologue - n° 390 - décembre 2005
29
MISE AU POINT
des HNF. L’activité anti-Xa plasmatique des HBPM persiste plus
longtemps que l’activité antithrombinique (IIa), témoignant d’une
clairance accrue des chaînes polysaccharidiques longues.
Les différences pharmacocinétiques des HBPM et des HNF peuvent
être expliquées par la différence de proportion de liaison aux pro-
téines plasmatiques, aux cellules macrophagiques et endothéliales,
cette fixation étant dépendante de la longueur des chaînes polysac-
charidiques, avec une fixation accrue pour les chaînes longues.
Contrairement aux HBPM, les HNF sont portées par les protéines
plasmatiques, ce qui réduit leur activité anticoagulante, la forme
fixée ne pouvant interagir avec la thrombine. La proportion de
forme fixée aux protéines est peu prévisible, ce qui explique la
faible prédictibilité du pouvoir anticoagulant des HNF.
La diminution de fixation aux protéines et aux cellules endothé-
liales participe à la meilleure biodisponibilité des HBPM. Leur
moindre fixation aux macrophages explique leur indépendance
face à la clairance hépatique ainsi qu’une clairance rénale plus
lente que celle des HNF, contribuant à leur meilleure demi-vie.
Fortes de ces avantages pharmacocinétiques, les HBPM peuvent
s’utiliser sans monitoring biologique de leur activité, en dehors
des cas d’insuffisance rénale (1).
INDICATIONS DES HBPM DANS LA MALADIE
THROMBOEMBOLIQUE
Prévention du risque thromboembolique dans la popu-
lation médicale aiguë
Après de nombreuses publications concernant leur efficacité dans
la prévention du risque thromboembolique postchirurgical (ortho-
pédie [2],neurochirurgie [3],polytraumatisme [4]), les HBPM ont
bénéficié d’un grand essai clinique dans la population médicale
aiguë (5). Celui-ci comparait chez 1 102 patients l’efficacité de
l’énoxaparine en une injection sous-cutanée quotidienne aux poso-
logies de 20 mg/j (n = 364) ou 40 mg/j (n = 367) contre placebo
(n = 371). Cette population était sélectionnée sur des critères de gra-
vité clinique (insuffisance cardiaque de stade III ou IV de la NYHA,
insuffisance respiratoire aiguë ou septis sévère), associés à un fac-
teur de risque thromboembolique surajouté comme un antécédent
thromboembolique, un cancer, un âge supérieur à 75 ans, une obé-
sité, une maladie variqueuse ou un traitement hormonal substitutif.
Au terme de l’étude, une exploration était obtenue dans 75,5 %
de la population, par doppler (17 %) ou phlébographie (83 %).
La survenue d’un événement thromboembolique était significa-
tivement moindre dans le groupe énoxaparine 40 mg/j (p < 0,001),
alors qu’il n’existait pas de différence entre la posologie 20 mg/j
et le placebo. Ces résultats étaient significatifs à 14 jours et le
bénéfice persistait à 3 mois. Il n’existait pas de différence signi-
ficative en matière de décès, d’hémorragie ou de thrombopénie
entre les différents groupes.
Il existe peu de publications portant sur la prévention de la mala-
die thromboembolique en population médicale, ce qui contraste
avec la richesse de la littérature dans le cadre des populations
chirurgicales. Les résultats de cette étude (5) valident toutefois
une pratique largement utilisée dans les services médicaux, mais
en limitant l’indication aux patients à risque thromboembolique
élevé (antécédents ou pathologie lourde motivant l’hospitalisa-
tion). Il convient également d’utiliser des doses suffisantes, telles
que 40 mg d’énoxaparine, les posologies inférieures n’ayant pas
montré de supériorité par rapport au placebo.
Une étude plus récente a inclus 3 706 patients dont des caracté-
ristiques étaient similaires à celles des patients de l’étude MEDE-
NOX en termes de pathologie médicale, mais dont les facteurs
de risque thromboembolique étaient moindres. Cette étude mul-
ticentrique, randomisée en double aveugle, testait la daltéparine
à la posologie de 5 000 UI/j durant 15 jours contre placebo. Le
critère principal était la survenue d’un accident thromboembo-
lique ou d’une mort subite à 21 jours et à 90 jours. Les résultats
retrouvaient une diminution significative du critère primaire à 21
jours (2,77 % versus 4,96 % ; p = 0,0015) dans le groupe dalté-
parine ; ce bénéfice était maintenu à 90 jours. Il existait une faible
incidence des accidents hémorragiques majeurs, avec une dis-
crète prédominance dans le groupe traité, sans signification sta-
tistique (6) (figure 1).
Indications des HBPM dans le traitement curatif
de la maladie thromboembolique
De nombreuses études comparant les HBPM aux HNF ont été
réalisées dans le traitement de la thrombose veineuse des
membres inférieurs : ces données sont reprises par deux grandes
méta-analyses portant pour l’une sur 11 études et 3 674 patients
(7),et pour l’autre sur 13 études et 4 447 patients (8).
Survenue du critère primaire à différentes durées de suivi
Essai HBPM Délai
MEDENOX Énoxaparine 20 mg J15
MEDENOX Énoxaparine 40 mg J15
MEDENOX Énoxaparine 40 mg J100
PREVENT Daltéparine 5 000 UI J21
PREVENT Daltéparine 5 000 UI J90
012
Risque relatif
(IC95)
1,02 (0,70-1,51)
0,37 (0,22-0,63)
0,41 (0,25-0,68)
0,55 (0,38-0,80)
0,70 (0,36-1,35)
HBPM meilleure
Figure 1.
Résultats des HBPM versus placebo
en prévention du risque thromboembolique
dans une population médicale aiguë (5-6).
MISE AU POINT
Dans ces études étaient comparées des doses fixes d’HBPM et l’HNF,
après confirmation d’une thrombose veineuse par des techniques objec-
tives. Les critères principaux étaient la survenue d’une récidive throm-
boembolique, d’un accident hémorragique majeur ou d’un décès.
Les résultats de la première méta-analyse (7) montrent une diminu-
tion significative de la mortalité à 3 et 6 mois dans le groupe HBPM ;
il existe une diminution non significative du risque de récidive et
d’hémorragie majeure. Il faut noter qu’une seule de ces 11 études était
réalisée en double aveugle, et que la diminution du taux de décès
concernait essentiellement le groupe atteint de pathologie néoplasique.
Les résultats de la seconde méta-analyse (8) confirment ces données,
avec une diminution significative de la mortalité totale en faveur des
HBPM, sans différence en ce qui concerne les hémorragies majeures,
les récidives ou les thrombopénies.
Il existe donc des arguments forts et nombreux pour utiliser les HBPM
dans le traitement de la maladie thrombotique veineuse périphérique,
en termes d’efficacité et de sécurité.
Certaines de ces études (the COLOMBUS investigators) compre-
naient des cas d’embolie pulmonaire confirmée à l’inclusion. L’ana-
lyse des résultats concernant ces patients montrait une efficacité simi-
laire des HBPM en termes de récidive et de décès par rapport au
groupe traité pour phlébite seule (9),mais ces cas d’embolie pulmo-
naire ne représentaient dans cette étude qu’une minorité de patients
(271 sur 1 021) ; l’efficacité et la sécurité des HBPM dans le traite-
ment de l’embolie pulmonaire restaient donc à analyser dans des
études spécifiques.
Dans l’embolie pulmonaire, une grande étude compare une
HBPM en une injection par jour (tinzaparine) à l’HNF (10).
Dans l’étude THESEE, 612 patients ont été inclus ; l’embolie pulmo-
naire était confirmée par : angiographie pulmonaire (13 %), scintigra-
phie de ventilation-perfusion très évocatrice (75 %), scintigraphie évo-
catrice associée à une thrombose des membres inférieurs confirmée
(11 %). Les embolies massives avec instabilité hémodynamique étaient
exclues de cette population. Les deux groupes étaient comparables en
termes de gravité clinique et de pourcentage d’obstruction du lit vas-
culaire pulmonaire estimé par angiographie ou scintigraphie, ainsi
qu’en termes de durée de traitement par héparine avant efficacité des
antivitamines K (AVK).
La survenue du critère principal combiné (décès, récidive, hémor-
ragie majeure) à 9 jours était de 2,9 % dans le groupe HNF, contre
3% dans le groupe HBPM, ce qui représente un écart de 0,1 % (IC95 :
2,7-2,6). Les mêmes résultats étaient obtenus à 30 jours, avec 7,1 %
pour le groupe HNF contre 5,9 % pour le groupe HBPM (IC95 :–2,7-
5,1). Il n’y avait donc pas de différence significative entre les deux
traitements sur la survenue du critère primaire composite ; l’analyse
des risques considérés séparément ne montrait pas de différence
significative. Les résultats de cette étude validaient l’utilisation des
HBPM dans l’embolie pulmonaire sans instabilité hémodynamique
avec une administration sous-cutanée quotidienne de tinzaparine.
De ces études sont tirées les recommandations de la Société européenne
de cardiologie parues en 2000, préconisant l’utilisation des HNF ou
des HBPM selon le choix du praticien, avec utilisation des HBPM en
deux injections sous-cutanées par jour, à l’exception de la tinzaparine
et de la fraxiparine, qui peuvent être administrées en une seule injec-
tion. Ces recommandations limitent l’utilisation des HBPM aux embo-
lies pulmonaires stables et conseillent l’utilisation d’HNF en cas d’em-
bolie massive avec instabilité hémodynamique (11).
.../...
Inspra, p. 30
La Lettre du Cardiologue - n° 390 - décembre 2005
32
MISE AU POINT
INDICATIONS DES HBPM AU COURS
DU SYNDROME CORONARIEN
SANS ÉLÉVATION DU SEGMENT ST
Le thrombus plaquettaire représente la première cible du traite-
ment des syndromes coronariens (SCA) sans élévation du seg-
ment ST, avec les différentes classes d’antiagrégants plaquet-
taires. Cependant, l’utilisation des inhibiteurs de la thrombine,
et classiquement des HNF, est recommandée à la phase aiguë
selon les recommandations de la Société européenne de cardio-
logie (12),ce malgré une faible activité théorique sur le throm-
bus riche en plaquettes.
Plusieurs études ont comparé les HBPM à l’HNF dans cette indi-
cation.
Les premières études ont nettement démontré le bénéfice des
HBPM au cours du SCA sans élévation du segment ST. Il exis-
tait une diminution significative du critère combiné (mortalité,
infarctus du myocarde et récidive angineuse) à 14 et 30 jours
(ESSENCE) (13),ou à 8 et 43 jours (TIMI 11B) (14) pour les
deux études les plus pertinentes (figure 2). Cette différence était
en faveur des HBPM (énoxaparine), et les résultats se mainte-
naient à un an (15). Les HBPM semblaient donc plus efficaces
que les HNF dans cette indication.
Il faut néanmoins noter que cette différence était portée par une dimi-
nution significative des récidives angineuses, et que l’analyse des
risques considérés de manière isolée ne montrait pas de différence
significative en termes de décès et d’infarctus non fatal (14-15).
Par ailleurs, ces études sont toutes deux antérieures à l’utilisa-
tion d’antiglycoprotéines (anti-Gp) IIb/IIIa et aux pratiques inva-
sives actuellement utilisées : par exemple, le recours à l’angio-
plastie occasionnait un remplacement des HBPM par les HNF
dans ces études. Les thiénopyridines n’étaient pas utilisées.
Depuis, plusieurs registres (16, 17) ont permis d’évaluer les
HBPM dans des stratégies modernes de prise en charge du SCA
sans élévation du segment ST. Ces séries de patients montrent
des taux d’accidents hémorragiques comparables dans les
groupes de patients traités par HBPM seules (énoxaparine) et
dans les groupes HBPM + angioplastie ou HBPM + anti-Gp IIb/IIIa
(16).
Deux études ont comparé l’utilisation des anti-Gp IIb/IIIa en
association avec les HNF ou les HBPM ; la première utilisait
l’eptifibatide (18),la seconde le tirofiban (19). Dans ces études,
les traitements par clopidigrel et aspirine étaient associés, et le
recours à l’angioplastie ne faisait pas interrompre l’HBPM.
Les résultats montrent l’absence de différence significative en
termes de complication hémorragique majeure et mineure. En
termes d’efficacité, les taux de décès et d’infarctus étaient com-
parables dans les différents groupes. Le nombre de réhospitali-
sations et de revascularisations en urgence était moindre dans le
groupe HBPM, mais la petite taille des populations et le faible
taux d’événements ne permettaient pas d’obtenir une puissance
statistique en termes d’efficacité. Ces études montrent donc que
les HBPM peuvent êtres utilisées durant le SCA sans élévation
persistante du segment ST, ce en association avec les anti-
Gp IIb/IIIa et la coronarographie, sans augmentation significa-
tive du risque d’hémorragie majeure, les preuves concernant leur
efficacité étant apportées par les études antérieures telles que
ESSENCE (13) et TIMI 11B (14).
INDICATIONS DES HBPM AU COURS
DU SYNDROME CORONARIEN
AVEC ÉLÉVATION DU SEGMENT ST
L’étude ASSENT 3 (20) a comparé les HBPM (énoxaparine) aux
HNF, en association à la fibrinolyse (ténectéplase) en phase aiguë
d’infarctus, avec comme objectif primaire un critère combiné
associant décès à 30 jours, infarctus et ischémie réfractaire. Par-
mis les objectifs secondaires figuraient les hémorragies majeures.
Dans cette étude, un troisième groupe recevait une demi-dose de
fibrinolytique associée à un traitement par anti-Gp IIb/IIIa
(abciximab).
Figure 2. Comparaison des HBPM
et des HNF chez les patients présentant
un syndrome coronarien aigu sans élévation
du segment ST.
Décès et IDM à différentes durées de suivi
Essai HBPM Durées de suivi
FRIC Daltéparine J1-J6
ESSENCE Énoxaparine J14
TIMI 11B Énoxaparine J8
FRAXIS Nadroparine J14
TOTAL
TOTAL
FRIC Daltéparine J6-J45
ESSENCE Énoxaparine J30
TIMI 11B Énoxaparine J43
FRAXIS Nadroparine J90
0,86 (0,72-1,02)
0,89 (0,77-1,03)
012
HBPM meilleure HNF meilleure
Odds-ratio (IC95)
.../...
La Lettre du Cardiologue - n° 390 - décembre 2005
33
MISE AU POINT
Le groupe traité par HBPM recevait un bolus intraveineux de
30 mg d’énoxaparine puis deux injections par jour d’énoxapa-
rine en sous-cutané (1 mg/kg/12 h).
Les résultats montraient une diminution significative du critère
principal en faveur des HBPM (p = 0,0002) et des anti-Gp IIb/IIIa
(p < 0,0001) (figure 3). En termes de sécurité d’utilisation, il
existait une diminution significative du critère primaire associé
aux hémorragies graves et intracérébrales en faveur des HBPM
(p = 0,0037) et des anti-Gp IIb/IIIa (p = 0,01416). Cette diffé-
rence était portée essentiellement par la diminution des re-infarc-
tus en hospitalisation et des ischémies réfractaires intra-hospita-
lières. Le risque de décès étudié isolément n’était pas diminué
de façon significative.
Les résultats de cette étude sont pondérés par ceux de l’étude
ASSENT 3 Plus (21) comparant les HBPM aux HNF dans une
stratégie de fibrinolyse préhospitalière à la phase aiguë d’infarc-
tus utilisant les mêmes protocoles thérapeutiques, et les mêmes
critères principaux et secondaires. Celle-ci comportait 1 639 pa-
tients randomisés dans deux groupes (il n’existait pas de groupe
recevant des anti-Gp IIb/IIIa) ; 53 % des patients étaient pris en
charge avant la seconde heure suivant le début de la symptoma-
tologie douloureuse.
Il n’existait pas ici de différence significative en termes de sur-
venue du critère primaire (p = 0,08). En revanche, en ce qui
concerne la survenue d’événements hémorragiques, l’auteur notait
une augmentation significative des accidents vasculaires céré-
braux (p = 0,026) et des hémorragies intracérébrales (p = 0,047)
dans le groupe recevant des HBPM (figure 4). Cette différence
ne concernait que le sous-groupe de patients âgés de plus de 75
ans et n’existait pas chez les moins de 75 ans. Cette constatation
amène les auteurs à préconiser une utilisation prudente des HBPM
chez le sujet âgé, et à recommander également une adaptation de
la posologie dont les modalités restent à définir. Ces deux études
(20, 21) mettent donc en évidence une efficacité des HBPM dans
le SCA avec élévation persistante de segment ST, efficacité com-
parable à celle des HNF, mais elles montrent également les limites
d’une thérapeutique sans monitoring biologique, avec un risque
accru d’hémorragie chez le sujet âgé, chez qui la posologie devrait
probablement être adaptée ou surveillée.
INDICATIONS DES HBPM DANS LE CADRE
DE LA PRÉVENTION THROMBOTIQUE
DES GESTES D’ANGIOPLASTIE TRANSLUMINALE
PROGRAMMÉS
Comme nous le montrent les différentes séries et études réalisées
au cours du syndrome coronarien, avec ou sans réalisation d’un
geste invasif d’angioplastie coronaire, les HBPM représentent
une bonne alternative en termes d’efficacité et ne semblent pas
responsables d’une majoration du risque hémorragique (12-19).
Dans le cadre de l’angioplastie programmée, aucune étude n’est
disponible pour les comparer aux HNF, qui sont classiquement
utilisées durant la procédure à des posologies faibles, et souvent
en dose unique.
La revue de la littérature retrouve plusieurs séries de patients
bénéficiant d’une angioplastie programmée ou non, sans rando-
misation ni groupe témoin, dans lesquelles l’utilisation des
HBPM en dose unique avant l’angioplastie n’entraîne pas de com-
plication, les événements retenus étant les hémorragies majeures
et les complications au point de ponction.
L’une de ces séries, comportant 242 patients, montre par des
dosages itératifs, notamment en début et fin de procédure, qu’une
seule injection d’énoxaparine avant l’angioplastie procure une
activité anti-Xa satisfaisante (> 0,5 IU/ml) dans 97,5 % des cas,
et que celle-ci est stable tout au long de la procédure. Cela était
obtenu avec une dose fixe de 0,5 mg/kg d’énoxaparine injectée
juste avant l’admission en coronarographie, quels que soient l’âge
et la fonction rénale (22). Dans cette série, il existait un faible
taux de complications hémorragiques (4 cas, dont 1 majeur), ce
malgré l’utilisation concomitante de l’aspirine et du clopidogrel
avec dose de charge, et l’utilisation de l’eptifibatide au décours
de l’angioplastie dans 26 % des cas.
Les résultats de cette série montraient une activité anti-Xa cor-
recte et prédictible après une dose unique d’HBPM délivrée par
voie intraveineuse. Une étude randomisée comparant l’énoxapa-
3,5
2,5
1,5
0,5
3
2
1
0
Pourcentage
AVC HIC
Hémorragies intracrâniennes et AVC
HBPM
HNF
Figure 4. Survenue d’hémorragies intracérébrales (HIC) et d’AVC dans
l’étude ASSENT 3 Plus comparant les HBPM aux HNF en phase pré-
hospitalière de prise en charge des SCA avec sus-décalage du segment
ST (21).
Critère primaire ASSENT 3 : décès, IDM,
ischémie réfractaire
18
16
14
12
10
8
6
4
2
0
HBPM HNF Abciximab
11,4
15,4
11,1
Pourcentage
Figure 3. Survenue du critère primaire à 30 jours dans ASSENT 3 (20).
1 / 9 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans l'interface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer l'interface utilisateur de StudyLib ? N'hésitez pas à envoyer vos suggestions. C'est très important pour nous!