La Lettre du Cardiologue - n° 390 - décembre 2005
29
MISE AU POINT
des HNF. L’activité anti-Xa plasmatique des HBPM persiste plus
longtemps que l’activité antithrombinique (IIa), témoignant d’une
clairance accrue des chaînes polysaccharidiques longues.
Les différences pharmacocinétiques des HBPM et des HNF peuvent
être expliquées par la différence de proportion de liaison aux pro-
téines plasmatiques, aux cellules macrophagiques et endothéliales,
cette fixation étant dépendante de la longueur des chaînes polysac-
charidiques, avec une fixation accrue pour les chaînes longues.
Contrairement aux HBPM, les HNF sont portées par les protéines
plasmatiques, ce qui réduit leur activité anticoagulante, la forme
fixée ne pouvant interagir avec la thrombine. La proportion de
forme fixée aux protéines est peu prévisible, ce qui explique la
faible prédictibilité du pouvoir anticoagulant des HNF.
La diminution de fixation aux protéines et aux cellules endothé-
liales participe à la meilleure biodisponibilité des HBPM. Leur
moindre fixation aux macrophages explique leur indépendance
face à la clairance hépatique ainsi qu’une clairance rénale plus
lente que celle des HNF, contribuant à leur meilleure demi-vie.
Fortes de ces avantages pharmacocinétiques, les HBPM peuvent
s’utiliser sans monitoring biologique de leur activité, en dehors
des cas d’insuffisance rénale (1).
INDICATIONS DES HBPM DANS LA MALADIE
THROMBOEMBOLIQUE
Prévention du risque thromboembolique dans la popu-
lation médicale aiguë
Après de nombreuses publications concernant leur efficacité dans
la prévention du risque thromboembolique postchirurgical (ortho-
pédie [2],neurochirurgie [3],polytraumatisme [4]), les HBPM ont
bénéficié d’un grand essai clinique dans la population médicale
aiguë (5). Celui-ci comparait chez 1 102 patients l’efficacité de
l’énoxaparine en une injection sous-cutanée quotidienne aux poso-
logies de 20 mg/j (n = 364) ou 40 mg/j (n = 367) contre placebo
(n = 371). Cette population était sélectionnée sur des critères de gra-
vité clinique (insuffisance cardiaque de stade III ou IV de la NYHA,
insuffisance respiratoire aiguë ou septis sévère), associés à un fac-
teur de risque thromboembolique surajouté comme un antécédent
thromboembolique, un cancer, un âge supérieur à 75 ans, une obé-
sité, une maladie variqueuse ou un traitement hormonal substitutif.
Au terme de l’étude, une exploration était obtenue dans 75,5 %
de la population, par doppler (17 %) ou phlébographie (83 %).
La survenue d’un événement thromboembolique était significa-
tivement moindre dans le groupe énoxaparine 40 mg/j (p < 0,001),
alors qu’il n’existait pas de différence entre la posologie 20 mg/j
et le placebo. Ces résultats étaient significatifs à 14 jours et le
bénéfice persistait à 3 mois. Il n’existait pas de différence signi-
ficative en matière de décès, d’hémorragie ou de thrombopénie
entre les différents groupes.
Il existe peu de publications portant sur la prévention de la mala-
die thromboembolique en population médicale, ce qui contraste
avec la richesse de la littérature dans le cadre des populations
chirurgicales. Les résultats de cette étude (5) valident toutefois
une pratique largement utilisée dans les services médicaux, mais
en limitant l’indication aux patients à risque thromboembolique
élevé (antécédents ou pathologie lourde motivant l’hospitalisa-
tion). Il convient également d’utiliser des doses suffisantes, telles
que 40 mg d’énoxaparine, les posologies inférieures n’ayant pas
montré de supériorité par rapport au placebo.
Une étude plus récente a inclus 3 706 patients dont des caracté-
ristiques étaient similaires à celles des patients de l’étude MEDE-
NOX en termes de pathologie médicale, mais dont les facteurs
de risque thromboembolique étaient moindres. Cette étude mul-
ticentrique, randomisée en double aveugle, testait la daltéparine
à la posologie de 5 000 UI/j durant 15 jours contre placebo. Le
critère principal était la survenue d’un accident thromboembo-
lique ou d’une mort subite à 21 jours et à 90 jours. Les résultats
retrouvaient une diminution significative du critère primaire à 21
jours (2,77 % versus 4,96 % ; p = 0,0015) dans le groupe dalté-
parine ; ce bénéfice était maintenu à 90 jours. Il existait une faible
incidence des accidents hémorragiques majeurs, avec une dis-
crète prédominance dans le groupe traité, sans signification sta-
tistique (6) (figure 1).
Indications des HBPM dans le traitement curatif
de la maladie thromboembolique
De nombreuses études comparant les HBPM aux HNF ont été
réalisées dans le traitement de la thrombose veineuse des
membres inférieurs : ces données sont reprises par deux grandes
méta-analyses portant pour l’une sur 11 études et 3 674 patients
(7),et pour l’autre sur 13 études et 4 447 patients (8).