176 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 6 - novembre-décembre 2012
Hypertension portopulmonaire
MISE AU POINT
avec la gêne liée à l’ascite, ou être au second plan
par rapport aux symptômes d’hypertension portale.
Avec la progression de l’HTAP, la dyspnée s’aggrave,
et peut s’accompagner de douleurs thoraciques
atypiques pseudo-angineuses, d’hémoptysies, de
lipothymies ou syncopes d’effort (qui représentent
un critère clinique de gravité chez les patients
atteints d’HTAP, avec un risque accru de mort
subite [14]). Il peut exister à l’examen clinique des
signes d’insuffisance ventriculaire droite, incluant
un souffle d’insuffisance tricuspide, une turges-
cence veineuse jugulaire, un œdème des membres
inférieurs, une hépatomégalie, des hépatalgies et
une pulsatilité des veines jugulaires. Des angiomes
stellaires sont possibles (moins fréquemment qu’au
cours du syndrome hépatopulmonaire), de même
qu’un ictère ou une ascite.
Examens paracliniques
Rechercher l’hypertension pulmonaire
par une échographie cardiaque
L’échographie cardiaque transthoracique est l’examen
de référence pour orienter vers une HTPoP (4). Elle
est nécessaire en cas de dyspnée ou d’insuffisance
cardiaque droite chez un patient présentant une hyper-
tension portale ou une cirrhose, et doit être réalisée
systématiquement au cours du bilan prétransplantation
hépatique. Une HTPoP est suspectée en cas de dila-
tation des cavités droites, de mouvement paradoxal
du septum interventriculaire, d’insuffisance tricuspide
ou pulmonaire, ou de diminution du temps d’accélé-
ration pulmonaire. L’estimation de la PAP systolique
d’après la vitesse maximale du flux de régurgitation
tricuspide au doppler (4) est souvent difficile, de même
que l’estimation du débit cardiaque. La contractilité du
ventricule droit peut être appréciée par la mesure de
l’excursion systolique du plan de l’anneau tricuspide
(TAPSE [Tricuspid Annular Plane Systolic Excursion]).
L’échographie cardiaque ne permet souvent pas de
distinguer une HTPoP d’une élévation des pressions
pulmonaires par hyperdébit ou hypervolémie.
Affirmer l’HTAP par le cathétérisme
cardiaque droit
Un cathétérisme cardiaque droit doit être réalisé
lorsqu’une HTAP est suspectée à l’échographie
cardiaque (4). Ce diagnostic est souvent déter-
minant dans le contexte d’une maladie hépatique
avancée, car l’HTAP expose à une surmortalité
en cas de transplantation hépatique (17). Une
réponse positive lors du test pharmacologique
au monoxyde d’azote (NO) est exceptionnelle
dans l’HTPoP (8).
S’assurer de l’absence
d’autres causes d’HTAP
Les causes possibles d’hypertension pulmonaire
étant multiples, cette étape est impérative. Elle doit
comporter une exploration fonctionnelle respiratoire
(spirométrie, capacité de transfert du monoxyde de
carbone [CO]) à la recherche d’un trouble ventila-
toire (notamment en cas de bronchopneumopathie
chronique obstructive). Une scintigraphie pulmonaire
de ventilation et de perfusion permet d’éliminer une
hypertension pulmonaire post-thromboembolique ;
un bilan biologique incluant la sérologie pour le VIH
et un bilan auto-immun doivent être réalisés. Une
atteinte de la diffusion du CO et une hypoxémie sont
fréquentes (encadré 2).
Autres examens utiles
La radiographie thoracique peut montrer une hyper-
trophie des artères pulmonaires au niveau des hiles
ainsi qu’une dilatation des cavités cardiaques droites.
Un test de marche de 6 minutes est réalisé pour
évaluer de façon reproductible l’incapacité fonc-
tionnelle associée à l’HTPoP. Le taux de NT-proBNP
ou de BNP est élevé, mais sa valeur diagnostique
ou pronostique n’a pas été évaluée dans l’HTPoP.
L’interprétation de l’hypoxémie est complexe.
L’échographie cardiaque avec épreuve de
contraste
(15),
qui consiste à injecter dans la
circulation veineuse périphérique des micro-
bulles et à observer leur passage dans les cavités
gauches, est déterminante pour l’analyse.
Si les pressions pulmonaires sont normales
ou basses, une hypoxémie fait suspecter un
syndrome hépatopulmonaire, défini par la triade
maladie hépatique, hypoxémie et shunt intra-
pulmonaire (shunt anatomique ou par effet
diffusion-perfusion). L’épreuve de contraste à
l’échographie cardiaque transthoracique est
alors positive de façon tardive
(1),
avec un
passage des bulles dans les cavités gauches
après le cinquième cycle cardiaque qui traduit
un shunt droit-gauche intrapulmonaire.
Si les pressions pulmonaires sont élevées,
l’hypoxémie peut être liée à une HTPoP,
par un mécanisme d’amputation du territoire
capillaire pulmonaire, d’hyperdébit cardiaque
(hypoxémie par effet temps de contact), ou
parfois du fait de la réouverture d’un foramen
ovale perméable
(15).
Dans ce dernier cas,
l’épreuve de contraste à l’échographie cardiaque
est positive de façon précoce, avec passage
des bulles dans les cavités gauches avant le
cinquième cycle cardiaque et souvent visuali-
sation du défect septal. Un syndrome hépato-
pulmonaire peut, rarement, être associé à
l’HTPoP, notamment après une transplantation
hépatique
(16).
Encadré 2. Hypoxémie chez un patient atteint de maladie hépatique chronique.