MISE AU POINT Hypertension portopulmonaire Portopulmonary hypertension V. Cottin*, L. Savale**, J. Traclet*, J.F. Cordier*, O. Sitbon** L * Hospices civils de Lyon, hôpital Louis-Pradel, service de pneumo­ logie – Centre de référence national des maladies pulmonaires rares et Centre de compétences de l’hypertension artérielle pulmonaire, Lyon, France ; université Claude-Bernard – Lyon-I, Inra, UMR754 Inra-Vetagrosup EPHE IFR 128, Lyon. ** Université Paris-Sud, faculté de médecine, Le Kremlin-Bicêtre ; service de pneumologie – Centre de référence de l’hypertension pulmonaire sévère, hôpital AntoineBéclère, AP-HP, Clamart ; Inserm UMR 999, Clamart. e syndrome hépatopulmonaire et l’hypertension portopulmonaire (HTPoP), qui s’observent au cours de maladies hépatiques chroniques avec hypertension portale (le plus souvent avec cirrhose hépatique), sont des complications vasculaires pulmonaires opposées d’un même spectre pathologique. Le syndrome hépatopulmonaire, caractérisé par une diminution des résistances vasculaires pulmonaires (RVP), entraîne des dilatations artérioveineuses pulmonaires diffuses et cause une hypoxémie (1). À l’inverse, l’HTPoP, dont il est question ici, est caractérisée par une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) due à une augmentation des RVP (2). De la définition au diagnostic L’HTPoP appartient au groupe I (1.4.3) de la classification des hypertensions pulmonaires (Dana Point, 1. Hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) 1.1. Idiopathique 1.2. Héritable 1.2.1. Mutations de BMPR2 1.2.2. Mutations d’ALK1, de l’endogline (avec ou sans maladie de Rendu-Osler) 1.2.3. Mutations inconnues 1.3. Induite par des médicaments ou toxiques 1.4. Associée à : 1.4.1. Connectivites 1.4.2. Infection par le VIH 1.4.3. Hypertension portale 1.4.4. Cardiopathies congénitales 1.4.5. Schistosomiases 1.4.6. A némies hémolytiques chroniques 1.5. Hypertension pulmonaire persistante du nouveau-né 1’. Maladie veino-occlusive pulmonaire et hémangiomatose capillaire pulmonaire 2. Hypertension pulmonaire des cardiopathies gauches 3. Hypertension pulmonaire des maladies respiratoires et/ou hypoxémies chroniques 4. Hypertension pulmonaire thromboembolique chronique 5. Hypertension pulmonaire de mécanisme multifactoriel ou incertain Encadré 1. Classification actuelle des hypertensions artérielles pulmonaires (Dana Point, 2008). Le détail des classes étiologiques 2 à 5 n’est pas mentionné. 174 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 6 - novembre-décembre 2012 2008) [3], ce qui témoigne de similitudes cliniques et histopathologiques avec les autres formes d’HTAP (encadré 1). Le diagnostic d’HTPoP repose sur l’association de 2 éléments : ➤➤ une HTAP, elle-même définie par une pression artérielle pulmonaire (PAP) moyenne mesurée au cathétérisme cardiaque droit supérieure ou égale à 25 mmHg au repos (4). L’hypertension pulmonaire est ici précapillaire, avec une PAP d’occlusion (estimation de la pression capillaire moyenne) inférieure ou égale à 15 mmHg, le débit cardiaque étant normal ou diminué (4). Les RVP (artériolaires) [dyn.s.cm-5] PAP moyenne – PAP d’occlusion (mmHg) débit cardiaque (L.min-1) x 80 sont élevées au cours de l’HTPoP, ce qui la distingue d’une augmentation passive de la PAP moyenne par augmentation du débit cardiaque sans augmentation des RVP (situation fréquente au cours des maladies hépatiques avancées), et de l’hypervolémie ou de la dysfonction cardiaque gauche (systolique ou diastolique) caractérisées par une augmentation de la PAP d’occlusion ; ➤➤ une hypertension portale, avec ou sans maladie hépatique. En effet, l’HTPoP survient indépendamment de la cause et de la gravité de l’hypertension portale. Fréquence et facteurs de risque On estime que 2 % environ des patients souffrant de maladie hépatique avancée présenteraient une hypertension portale (5). L’HTPoP concernerait 3 à 5 % des patients présentant une maladie hépatique sévère (5), et 6 % des patients en attente de transplantation hépatique (6). Un délai moyen de 4 à 7 ans Points forts »» L’hypertension pulmonaire peut survenir chez tout patient atteint de maladie hépatique chronique avec hypertension portale, même en l’absence de cirrhose. »» Elle doit être recherchée par une échographie cardiaque en cas de dyspnée inexpliquée et confirmée par cathétérisme cardiaque droit. »» Les traitements spécifiques de l’hypertension artérielle pulmonaire semblent souvent bénéfiques. »» La mortalité au cours de l’hypertension portopulmonaire dépasse 30 % à 5 ans ; elle est liée pour moitié à l’hypertension artérielle pulmonaire et pour moitié à la maladie hépatique. rofil hémodynamique comparatif de l’hypertension portopulmonaire, du syndrome hépatopulmonaire, du syndrome P hyperkinétique et de l’hypervolémie. PAPm IC RVP PAPo Hypertension portopulmonaire Très augmentée Normal ou diminué Augmentées Normale Syndrome hyperkinétique Augmentée Très augmenté Diminuées Normale ou augmentée Hypervolémie Augmentée Normal ou augmenté Diminuées Normale ou augmentée Syndrome hépatopulmonaire Normale ou basse Normal ou augmenté Diminuées Normale IC : index cardiaque ; PAPm : pression artérielle pulmonaire moyenne ; PAPo : pression artérielle pulmonaire occluse ; RVP : résistances vasculaires pulmonaires. est observé entre le diagnostic d’hypertension portale et celui d’HTPoP (5). L’HTPoP représenterait environ 10 % des causes d’HTAP en France (7), mais sa part serait plus importante dans les pays où la bilharziose hépatosplénique est endémique. Plusieurs éléments semblent augmenter le risque de développer une HTPoP : le sexe féminin, l’hépatite auto-immune comme étiologie de l’hépatopathie et une infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) [qui est en soi une cause d’HTAP]. À l’inverse, le risque serait moindre chez les patients porteurs d’une hépatite C (8, 9). Mécanismes et inconnues La physiopathologie de l’HTPoP au niveau de la circulation pulmonaire semble très proche de celle de l’HTAP idiopathique : elle comporte une hypertrophie de la média, une fibrose intimale, une hypertrophie de l’adventice, des lésions de thrombose in situ et, parfois, des lésions plexiformes des artérioles de petit calibre (10). L’étude de l’HTPoP est limitée par l’absence de cette pathologie chez l’animal, qui présente au contraire en cas de cirrhose une diminution des RVP et un syndrome hépatopulmonaire (11). L’augmentation de l’angiogenèse pulmonaire observée au cours de l’HTPoP serait liée à l’insuffisance du flux sanguin veineux hépatique ou de la synthèse hépatique protéique, avec diminution au niveau pulmonaire de facteurs d’origine hépatique transportés par le sang dans les veines hépatiques (5), tels que l’endostatine, puissant inhibiteur de l’angio­genèse pulmonaire. Selon cette hypothèse, les shunts portosystémiques associés à l’hypertension portale et/ou à la cirrhose favoriseraient l’augmentation de la prolifération cellulaire vasculaire pulmonaire par le biais de médiateurs libérés dans la circulation pulmonaire (5). L’augmentation du débit sanguin pulmonaire due à l’hypertension portale favoriserait l’activation de l’endothélium pulmonaire par un mécanisme de forces de cisaillement (shear stress) [5]. Enfin, les shunts portosystémiques et les anomalies de la phago­cytose hépatique de la cirrhose favorisent le passage dans la circulation sanguine de bactéries d’origine digestive, puis le recrutement et l’activation des macrophages dans la circulation artérielle pulmonaire (11, 12). Il est probable qu’une prédisposition génétique encore non identifiée explique que seule une minorité des patients atteints de cirrhose ou d’hypertension portale développent une HTPoP. Dans une série française de 154 patients atteints d’HTPoP (8), la majorité des patients avaient une cirrhose d’origine alcoolique (49 %) ou liée à une hépatite virale (19 %) ; 11 % des patients présentaient une hypertension portale de cause non hépatique (syndrome de Budd-Chiari, thrombose portale, bilharziose hépatique). L’hypertension portale, plus que la maladie hépatique elle-même, est associée au risque de développer une HTPoP. La gravité de la cirrhose selon le score de Child-Pugh n’était pas corrélée au niveau des RVP (8). Mots-clés Hypertension pulmonaire Hypertension portale Cirrhose Hypoxémie Shunt Highlights »» Pulmonary hypertension may occur in any patient with chronic liver disease with portal hypertension, even in the absence of liver cirrhosis. »» Echocardiography must be performed in patients with unexplained dyspnea, and pulmonary hypertension must be confirmed by right heart catheterisation. »» Treatments specific for pulmonary hypertension may be beneficial. »» Mortality in portopulmonary hypertension is greater than 30% at 5 years, and is equally due to pulmonary hypertension and to liver cirrhosis. Keywords Pulmonary hypertension Portal hypertension Liver cirrhosis Hypoxemia Shunting Manifestations cliniques Le principal symptôme est représenté par la dyspnée d’effort, d’intensité variable (8, 13) ; toutefois, la dyspnée peut manquer initialement chez les patients dont l’activité physique est limitée, être intriquée La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 6 - novembre-décembre 2012 | 175 MISE AU POINT Hypertension portopulmonaire avec la gêne liée à l’ascite, ou être au second plan par rapport aux symptômes d’hypertension portale. Avec la progression de l’HTAP, la dyspnée s’aggrave, et peut s’accompagner de douleurs thoraciques atypiques pseudo-angineuses, d’hémoptysies, de lipothymies ou syncopes d’effort (qui représentent un critère clinique de gravité chez les patients atteints d’HTAP, avec un risque accru de mort subite [14]). Il peut exister à l’examen clinique des signes d’insuffisance ventriculaire droite, incluant un souffle d’insuffisance tricuspide, une turgescence veineuse jugulaire, un œdème des membres inférieurs, une hépatomégalie, des hépatalgies et une pulsatilité des veines jugulaires. Des angiomes stellaires sont possibles (moins fréquemment qu’au cours du syndrome hépatopulmonaire), de même qu’un ictère ou une ascite. Examens paracliniques Rechercher l’hypertension pulmonaire par une échographie cardiaque L’échographie cardiaque transthoracique est l’examen de référence pour orienter vers une HTPoP (4). Elle est nécessaire en cas de dyspnée ou d’insuffisance cardiaque droite chez un patient présentant une hypertension portale ou une cirrhose, et doit être réalisée systématiquement au cours du bilan prétransplantation hépatique. Une HTPoP est suspectée en cas de dilatation des cavités droites, de mouvement paradoxal du septum interventriculaire, d’insuffisance tricuspide ou pulmonaire, ou de diminution du temps d’accélération pulmonaire. L’estimation de la PAP systolique L’interprétation de l’hypoxémie est complexe. L’échographie cardiaque avec épreuve de contraste (15), qui consiste à injecter dans la circulation veineuse périphérique des microbulles et à observer leur passage dans les cavités gauches, est déterminante pour l’analyse. Si les pressions pulmonaires sont normales ou basses, une hypoxémie fait suspecter un syndrome hépatopulmonaire, défini par la triade maladie hépatique, hypoxémie et shunt intrapulmonaire (shunt anatomique ou par effet diffusion-perfusion). L’épreuve de contraste à l’échographie cardiaque transthoracique est alors positive de façon tardive (1), avec un passage des bulles dans les cavités gauches après le cinquième cycle cardiaque qui traduit un shunt droit-gauche intrapulmonaire. Si les pressions pulmonaires sont élevées, l’hypoxémie peut être liée à une HTPoP, par un mécanisme d’amputation du territoire capillaire pulmonaire, d’hyperdébit cardiaque (hypoxémie par effet temps de contact), ou parfois du fait de la réouverture d’un foramen ovale perméable (15). Dans ce dernier cas, l’épreuve de contraste à l’échographie cardiaque est positive de façon précoce, avec passage des bulles dans les cavités gauches avant le cinquième cycle cardiaque et souvent visualisation du défect septal. Un syndrome hépato­ pulmonaire peut, rarement, être associé à l’HTPoP, notamment après une transplantation hépatique (16). Encadré 2. Hypoxémie chez un patient atteint de maladie hépatique chronique. 176 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 6 - novembre-décembre 2012 d’après la vitesse maximale du flux de régurgitation tricuspide au doppler (4) est souvent difficile, de même que l’estimation du débit cardiaque. La contractilité du ventricule droit peut être appréciée par la mesure de l’excursion systolique du plan de l’anneau tricuspide (TAPSE [Tricuspid Annular Plane Systolic Excursion]). L’échographie cardiaque ne permet souvent pas de distinguer une HTPoP d’une élévation des pressions pulmonaires par hyperdébit ou hypervolémie. Affirmer l’HTAP par le cathétérisme cardiaque droit Un cathétérisme cardiaque droit doit être réalisé lorsqu’une HTAP est suspectée à l’échographie cardiaque (4). Ce diagnostic est souvent déterminant dans le contexte d’une maladie hépatique avancée, car l’HTAP expose à une surmortalité en cas de transplantation hépatique (17). Une réponse positive lors du test pharmacologique au monoxyde d’azote (NO) est exceptionnelle dans l’HTPoP (8). S’assurer de l’absence d’autres causes d’HTAP Les causes possibles d’hypertension pulmonaire étant multiples, cette étape est impérative. Elle doit comporter une exploration fonctionnelle respiratoire (spirométrie, capacité de transfert du monoxyde de carbone [CO]) à la recherche d’un trouble ventilatoire (notamment en cas de bronchopneumopathie chronique obstructive). Une scintigraphie pulmonaire de ventilation et de perfusion permet d’éliminer une hypertension pulmonaire post-thromboembolique ; un bilan biologique incluant la sérologie pour le VIH et un bilan auto-immun doivent être réalisés. Une atteinte de la diffusion du CO et une hypoxémie sont fréquentes (encadré 2). Autres examens utiles La radiographie thoracique peut montrer une hypertrophie des artères pulmonaires au niveau des hiles ainsi qu’une dilatation des cavités cardiaques droites. Un test de marche de 6 minutes est réalisé pour évaluer de façon reproductible l’incapacité fonctionnelle associée à l’HTPoP. Le taux de NT-proBNP ou de BNP est élevé, mais sa valeur diagnostique ou pronostique n’a pas été évaluée dans l’HTPoP. MISE AU POINT La maladie hépatique détermine le pronostic L’évolution dépend de la gravité respective de la maladie hépatique et de l’HTAP (8). Dans la série française, la survie était de 88 % à 1 an, de 75 % à 3 ans et de 68 % à 5 ans (8) [meilleure qu’au cours de l’HTAP idiopathique] (7, 18). Les décès étaient liés pour moitié à l’HTAP et pour moitié à la maladie hépatique (8). Les facteurs indépendants associés au pronostic étaient un score de Child-Pugh B ou C et une diminution de l’index cardiaque (8). La survie serait meilleure chez les patients recevant un traitement spécifique de l’HTAP (19). Prise en charge et traitement La prise en charge de l’HTPoP repose, pour une grande part, sur les connaissances acquises dans l’HTAP idiopathique et sur l’expérience des experts. La prise en charge de l’HTAP dans un centre de compétences ou dans le Centre de référence est souhaitable, dans le cadre du plan national Maladies rares. Traitement spécifique de l’HTAP Les traitements spécifiques de l’HTAP sont assez largement utilisés au cours de l’HTPoP, mais leur niveau de preuve est assez faible, et il n’a pas été montré qu’ils améliorent la survie (figure). Le traitement par administration intraveineuse continue d’époprosténol (prostacycline) améliore la dyspnée et l’hémodynamique (21). C’est le traitement de choix en cas d’HTPoP de classe fonctionnelle IV ou pour permettre la transplantation hépatique (bridge therapy). Ce traitement contraignant expose néanmoins à des complications infectieuses locales et générales liées à la voie veineuse centrale permanente. Une amélioration clinique a également été montrée avec des analogues stables de la prostacycline administrés par voie inhalée (iloprost) ou sous-cutanée continue (tréprostinil), mais on dispose de peu de données à long terme. L’utilisation des antagonistes des récepteurs de l’endo­ théline 1 (bosentan, ambrisentan) est limitée dans le contexte de l’HTPoP du fait de leur toxicité hépatique Hypertension portopulmonaire Traitement “conventionnel” de l’HTAP Le traitement anticoagulant oral, habituellement recommandé dans l’HTAP idiopathique, comporte un risque accru dans l’HTPoP (insuffisance hépato­ cellulaire, thrombocytopénie, hypersplénisme, varices œsophagiennes [5]), et n’est envisagé sur le plan individuel qu’en cas d’HTAP grave et de faible risque hémorragique. Un traitement diurétique est conseillé en cas d’œdème des membres inférieurs ou d’élévation de la pression de l’oreillette droite au cathétérisme. L’oxygénothérapie est recommandée s’il existe une hypoxémie qui peut aggraver l’HTAP.Les bêtabloquants, qui limitent l’adaptation à l’effort par un effet chronotrope négatif, sont déconseillés. Leur arrêt chez les patients présentant une HTPoP (si nécessaire, avec ligature des varices œsophagiennes) est suivi d’une amélioration de la dyspnée, de la capacité à l’exercice et des paramètres hémo­dynamiques (20). Les shunts transjugulaires thérapeutiques sont contre-indiqués dans l’HTPoP, car l’augmentation du retour veineux cave inférieur aggrave la dysfonction ventriculaire droite. Les inhibiteurs calciques ne doivent être utilisés que chez les rares patients présentant une réponse positive au test de vasodilatation au NO, car, dans les autres cas, leur effet est délétère. Traitement non spécifique (± anticoagulants, ± diurétiques, ± oxygène) Indication hépatique de transplantation hépatique Oui Non Classe fonctionnelle Cathétérisme cardiaque droit PAPm < 35 mmHg ou 35 < PAPm < 50 mmHg et RVP < 250 dyn.s.cm−5 PAPm > 35 mmHg et RVP > 250 dyn.s.cm−5 Transplantation hépatique Traitement spécifique de l’HTAP (époprosténol intraveineux) I-II Surveillance : discuter le traitement de l’HTAP par ARE ou IPDE5 III IV Traitement de l’HTAP par ARE ou IPDE5 Traitement de l’HTAP par analogue de la prostacycline et/ou ARE ou IPDE5 ARE : antagoniste des récepteurs de l’endothéline 1. HTAP : hypertension artérielle pulmonaire. IPDE5 : inhibiteur de la phosphodiestérase 5. PAPm : pression artérielle pulmonaire moyenne. RVP : résistances vasculaires pulmonaires. Figure. Algorithme de prise en charge de l’hypertension portopulmonaire. Les antagonistes des récepteurs de l’endothéline 1 ne doivent être utilisés que chez les patients de stade Child-Pugh A sans élévation des transaminases à plus de 3 fois la limite supérieure de la normale, en surveillant particulièrement la tolérance hépatique. La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 6 - novembre-décembre 2012 | 177 MISE AU POINT Hypertension portopulmonaire potentielle. Néanmoins, l’utilisation du bosentan, ou de l’ambrisentan (dont l’hépatotoxicité serait moindre), est possible chez les patients présentant soit une cirrhose de stade Child-Pugh A sans élévation des transaminases à plus de 3 fois la limite supérieure de la normale, soit une hypertension portale extrahépatique (22, 23). Une étude a également montré une tolérance acceptable chez des patients porteurs d’une cirrhose de stade Child-Pugh B (24). Néanmoins, une vigilance particulière est nécessaire pour s’assurer de l’absence d’aggravation de la fonction hépatique lorsque cette classe thérapeutique est utilisée chez un patient présentant une maladie hépatique. Les inhibiteurs de la phosphodiestérase 5 (sildénafil, tadalafil) peuvent être utilisés, et sont habituellement bien tolérés chez les patients présentant une HTPoP (25). Néanmoins, ce traitement est en théorie susceptible d’augmenter le flux sanguin splanchnique et d’aggraver l’HTAP, ce qui justifie une évaluation individuelle du bénéfice thérapeutique. Une évaluation précise du bénéfice du traitement doit être conduite individuellement, 3 à 4 mois après son introduction. Les bénéfices escomptés comportent une amélioration de la dyspnée (idéalement de classe fonctionnelle I ou II de la NYHA sous traitement), une amélioration de la distance parcourue en 6 minutes (plus de 450 à 500 mètres), une amélioration hémodynamique (diminution des RVP, normalisation de l’index cardiaque). Transplantation hépatique Liens d’intérêts. L’auteur déclare avoir des liens d’intérêts avec Actélion, GSK, Lilly, Pfizer. L’HTPoP augmente la mortalité péri- et postopératoire de la transplantation hépatique (15, 26, 27), qui ne garantit pas une amélioration de l’atteinte vasculaire pulmonaire (à la différence du syndrome hépatopulmonaire, dont la transplantation hépatique est le principal traitement [1]). Une recherche d’HTAP doit être réalisée par échographie cardiaque dans le cadre du bilan prétransplantation hépatique (27). Un cathétérisme cardiaque droit doit être réalisé si l’échographie cardiaque oriente vers une HTAP (4), en particulier si la PAP systolique est estimée à plus de 50 mmHg. Un algorithme validé par un groupe d’experts de l’European Respiratory Society a été proposé pour la prise en charge des patients présentant une HTPoP confirmée au cathétérisme cardiaque droit (27). Un traitement médical de l’HTAP par les antagonistes 178 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 6 - novembre-décembre 2012 des récepteurs de l’endothéline, les inhibiteurs de la phosphodiestérase 5 ou les analogues de la prostacycline, pourrait améliorer le pronostic de la transplantation hépatique dans l’HTPoP, mais l’efficacité de ce traitement reste à démontrer. En pratique, la transplantation hépatique est habituellement considérée comme possible lorsque la PAP moyenne est inférieure à 35 mmHg, ou inférieure à 50 mmHg avec des RVP inférieures à 250 dyn.s.cm−5 (27). Un traitement spécifique de l’HTAP est proposé lorsque la PAP moyenne est supérieure à 35 mmHg et que les RVP sont supérieures à 250 dyn.s.cm −5 (27). L’évolution de l’HTPoP après transplantation hépatique est souvent imprévisible, notamment chez les patients ayant eu besoin d’un traitement médical de l’HTAP avant transplantation hépatique (bridge therapy). Il convient donc de surveiller ces patients de manière rapprochée en période per- et postopératoire afin d’ajuster la prise en charge de l’HTAP et les traitements spécifiques administrés. Une transplantation combinée hépatique et (cardio-) pulmonaire est exceptionnellement réalisée chez des patients présentant une HTPoP réfractaire au traitement médical. Conclusion Les pressions artérielles pulmonaires sont souvent augmentées chez les patients présentant une maladie hépatique avancée, du fait d’une augmentation du débit cardiaque. Le diagnostic d’HTPoP nécessite la réalisation d’un cathétérisme cardiaque droit, et est défini par une PAP moyenne supérieure à 25 mmHg et une PAP d’occlusion normale, chez un patient présentant une hypertension portale, en l’absence de cause cardiaque ou pulmonaire, ou d’embolie pulmonaire, et d’hyperdébit cardiaque. Une HTPoP survient chez environ 2 % des patients présentant une maladie hépatique avancée. Le pronostic de l’HTPoP est lié à la fois à la gravité de la maladie hépatique et à l’évolution de l’HTAP. L’HTPoP augmente la mortalité en cas de transplantation hépatique, qui reste possible si l’HTAP est modérée (PAP moyenne inférieure à 35 mmHg et/ou RVP inférieures à 250 dyn.s.cm−5). Les traitements spécifiques de l’HTAP, qui n’ont pas été évalués dans des essais thérapeutiques randomisés, semblent néanmoins bénéfiques dans l’HTPoP, permettant parfois d’envisager la transplantation hépatique après un traitement médical de l’HTAP.■ MISE AU POINT Références bibliographiques 1. Rodriguez-Roisin R, Krowka MJ. Hepatopulmonary syndrome — A liver-induced lung vascular disorder. N Engl J Med 2008;358:2378-87. 2. Golbin JM, Krowka MJ. Portopulmonary hypertension. Clin Chest Med 2007;28:203-18,ix. 3. Simonneau G, Robbins IM, Beghetti M et al. Updated clinical classification of pulmonary hypertension. J Am Coll Cardiol 2009;54:S43-54. 4. Galie N, Hoeper MM, Humbert M et al. Guidelines for the diagnosis and treatment of pulmonary hypertension. Eur Respir J 2009;34:1219-63. 5. Hervé P, Savale L, Naeije R, Simonneau G, Humbert M, Sitbon O. Pulmonary hypertension associated with portal hypertension. In : Peacock A, Naeije R, Rubin LJ, eds. Pulmonary circulation. 3rd ed. Londres : Hodder Arnold, 2011;245-50. 6. Colle IO, Moreau R, Godinho E et al. Diagnosis of portopulmonary hypertension in candidates for liver transplantation: a prospective study. Hepatology 2003;37:401-9. 7. Humbert M, Sitbon O, Chaouat A et al. Pulmonary arterial hypertension in France: results from a National Registry. Am J Respir Crit Care Med 2006;173:1023-30. 8. Le Pavec J, Souza R, Herve P et al. Portopulmonary hypertension: survival and prognostic factors. Am J Respir Crit Care Med 2008;178:637-43. 9. Kawut SM, Krowka MJ, Trotter JF et al. Clinical risk factors for portopulmonary hypertension. Hepatology 2008;48:196-203. 10. Dorfmüller P. Pathology of pulmonary vascular diseases. In : Peacock A, Naeije R, Rubin LJ, eds. Pulmonary circulation. 3rd ed. Londres : Hodder Arnold, 2011;29-45. 11. Nunes H, Lebrec D, Mazmanian M et al. Role of nitric oxide in hepatopulmonary syndrome in cirrhotic rats. Am J Respir Crit Care Med 2001;164:879-85. 12. Thenappan T, Goel A, Marsboom G et al. A central role for CD68(+) macrophages in hepatopulmonary syndrome. Reversal by macrophage depletion. Am J Respir Crit Care Med 2011;183:1080-91. 13. Hadengue A, Benhayoun MK, Lebrec D, Benhamou JP. Pulmonary hypertension complicating portal hypertension: prevalence and relation to splanchnic hemodynamics. Gastroenterology 1991;100:520-8. 14. Le RJ, Fenstad ER, Maradit-Kremers H et al. Syncope in adults with pulmonary arterial hypertension. J Am Coll Cardiol 2011;58:863-7. 15. Vodoz JF, Cottin V, Bayle JY, Derumeaux G, Cordier JF. Right-to-left shunt in pulmonary hypertension. Eur Respir J 2007;30:344s. 16. Aucejo F, Miller C, Vogt D, Eghtesad B, Nakagawa S, Stoller JK. Pulmonary hypertension after liver transplantation in patients with antecedent hepatopulmonary syndrome: a report of 2 cases and review of the literature. Liver Transpl 2006;12:1278-82. 17. Krowka MJ, Plevak DJ, Findlay JY, Rosen CB, Wiesner RH, Krom RA. Pulmonary hemodynamics and perioperative cardiopulmonary-related mortality in patients with portopulmonary hypertension undergoing liver transplantation. Liver Transpl 2000;6:443-50. 18. Humbert M, Sitbon O, Chaouat A et al. Survival in patients with idiopathic, familial, and anorexigen-associated pulmonary arterial hypertension in the modern management era. Circulation 2011;122:156-63. 19. Swanson KL, Wiesner RH, Nyberg SL, Rosen CB, Krowka MJ. Survival in portopulmonary hypertension: Mayo Clinic experience categorized by treatment subgroups. Am J Transplant 2008;8:2445-53. 20. Provencher S, Herve P, Jais X et al. Deleterious effects of beta-blockers on exercise capacity and hemodynamics in patients with portopulmonary hypertension. Gastroenterology 2006;130:120-6. 21. Krowka MJ, Frantz RP, McGoon MD, Severson C, Plevak DJ, Wiesner RH. Improvement in pulmonary hemodynamics during intravenous epoprostenol (prostacyclin): A study of 15 patients with moderate to severe portopulmonary hypertension. Hepatology 1999;30:641-8. 22. Hoeper MM, Halank M, Marx C et al. Bosentan therapy for portopulmonary hypertension. Eur Respir J 2005;25:502-8. 23. Cartin-Ceba R, Swanson K, Iyer V, Wiesner RH, Krowka MJ. Safety and efficacy of ambrisentan for the treatment of portopulmonary hypertension. Chest 2011;139:109-14. 24. Savale L, Magnier R, Le Pavec J et al. Impact of pulmonary arterial hypertension specific therapy on portopulmonary hypertension. Am J Respir Crit Care Med 2010;181:A3339. 25. Reichenberger F, Voswinckel R, Steveling E et al. Sildenafil treatment for portopulmonary hypertension. Eur Respir J 2006;28:563-7. 26. Starkel P, Vera A, Gunson B, Mutimer D. Outcome of liver transplantation for patients with pulmonary hypertension. Liver Transpl 2002;8:382-8. 27. Rodriguez-Roisin R, Krowka MJ, Herve P, Fallon MB. Pulmonary-Hepatic vascular Disorders (PHD). Eur Respir J 2004;24:861-80. Vivez en vidéo l’actualité de votre discipline. Débats d’experts… Reportages en régions… Comptes-rendus de congrès… Émissions présentées par le Dr Alain Ducardonnet Dr Marie-Alliette Dommergues Suivez mois après mois l’actualité de la vaccinologie Pr François Denis Nouveau Edimark.tv vous propose un autre regard sur votre spécialité Soyez toujours plus nombreux à consulter et à télécharger nos émissions sur www.edimark.tv www.edimark.tv** *Inscription immédiate et gratuite réservée aux professionnels de santé Dr Hervé Haas Sous l’égide de et des Lettres du Gynécologue, du Pneumologue, de l’Hépato-gastroentérologue, d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale et Directeur des publications : Claudie Damour-Terrasson La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 6 - novembre-décembre 2012 | 179 Inscription immédiate et gratuite réservée aux professionnels de santé Objectif vaccinologie