L Hypertension portopulmonaire MISE AU POINT

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MISE AU POINT
Hypertension
portopulmonaire
Portopulmonary hypertension
V. Cottin*, L. Savale**, J. Traclet*, J.F. Cordier*, O. Sitbon**
L
* Hospices civils de Lyon, hôpital
Louis-Pradel, service de pneumo­
logie – Centre de référence national
des maladies pulmonaires rares et
Centre de compétences de l’hypertension artérielle pulmonaire, Lyon,
France ; université Claude-Bernard –
Lyon-I, Inra, UMR754 Inra-Vetagrosup EPHE IFR 128, Lyon.
** Université Paris-Sud, faculté
de médecine, Le Kremlin-Bicêtre ;
service de pneumologie – Centre
de référence de l’hypertension pulmonaire sévère, hôpital AntoineBéclère, AP-HP, Clamart ; Inserm
UMR 999, Clamart.
e syndrome hépatopulmonaire et l’hypertension
portopulmonaire (HTPoP), qui s’observent au
cours de maladies hépatiques chroniques avec
hypertension portale (le plus souvent avec cirrhose
hépatique), sont des complications vasculaires
pulmonaires opposées d’un même spectre pathologique. Le syndrome hépatopulmonaire, caractérisé
par une diminution des résistances vasculaires pulmonaires (RVP), entraîne des dilatations artérioveineuses
pulmonaires diffuses et cause une hypoxémie (1).
À l’inverse, l’HTPoP, dont il est question ici, est caractérisée par une hypertension artérielle pulmonaire
(HTAP) due à une augmentation des RVP (2).
De la définition au diagnostic
L’HTPoP appartient au groupe I (1.4.3) de la classification des hypertensions pulmonaires (Dana Point,
1. Hypertension artérielle pulmonaire (HTAP)
1.1. Idiopathique
1.2. Héritable
1.2.1. Mutations de BMPR2
1.2.2. Mutations d’ALK1,
de l’endogline (avec ou sans
maladie de Rendu-Osler)
1.2.3. Mutations inconnues
1.3. Induite par des médicaments
ou toxiques
1.4. Associée à :
1.4.1. Connectivites
1.4.2. Infection par le VIH
1.4.3. Hypertension portale
1.4.4. Cardiopathies congénitales
1.4.5. Schistosomiases
1.4.6. A
némies hémolytiques
chroniques
1.5. Hypertension pulmonaire persistante
du nouveau-né
1’. Maladie veino-occlusive pulmonaire
et hémangiomatose capillaire pulmonaire
2. Hypertension pulmonaire des cardiopathies
gauches
3. Hypertension pulmonaire des maladies
respiratoires et/ou hypoxémies chroniques
4. Hypertension pulmonaire thromboembolique chronique
5. Hypertension pulmonaire de mécanisme
multifactoriel ou incertain
Encadré 1. Classification actuelle des hypertensions artérielles pulmonaires (Dana Point,
2008). Le détail des classes étiologiques 2 à 5 n’est pas mentionné.
174 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 6 - novembre-décembre 2012
2008) [3], ce qui témoigne de similitudes cliniques
et histopathologiques avec les autres formes d’HTAP
(encadré 1).
Le diagnostic d’HTPoP repose sur l’association de
2 éléments :
➤➤ une HTAP, elle-même définie par une pression
artérielle pulmonaire (PAP) moyenne mesurée au
cathétérisme cardiaque droit supérieure ou égale à
25 mmHg au repos (4). L’hypertension pulmonaire
est ici précapillaire, avec une PAP d’occlusion (estimation de la pression capillaire moyenne) inférieure
ou égale à 15 mmHg, le débit cardiaque étant normal
ou diminué (4). Les RVP (artériolaires) [dyn.s.cm-5]
PAP moyenne – PAP d’occlusion (mmHg)
débit cardiaque (L.min-1)
x 80
sont élevées au cours de l’HTPoP, ce qui la distingue
d’une augmentation passive de la PAP moyenne par
augmentation du débit cardiaque sans augmentation
des RVP (situation fréquente au cours des maladies
hépatiques avancées), et de l’hypervolémie ou de la
dysfonction cardiaque gauche (systolique ou diastolique) caractérisées par une augmentation de la
PAP d’occlusion ;
➤➤ une hypertension portale, avec ou sans maladie
hépatique. En effet, l’HTPoP survient indépendamment
de la cause et de la gravité de l’hypertension portale.
Fréquence et facteurs de risque
On estime que 2 % environ des patients souffrant
de maladie hépatique avancée présenteraient une
hypertension portale (5). L’HTPoP concernerait 3 à
5 % des patients présentant une maladie hépatique
sévère (5), et 6 % des patients en attente de transplantation hépatique (6). Un délai moyen de 4 à 7 ans
Points forts
»» L’hypertension pulmonaire peut survenir chez tout patient atteint de maladie hépatique chronique avec
hypertension portale, même en l’absence de cirrhose.
»» Elle doit être recherchée par une échographie cardiaque en cas de dyspnée inexpliquée et confirmée
par cathétérisme cardiaque droit.
»» Les traitements spécifiques de l’hypertension artérielle pulmonaire semblent souvent bénéfiques.
»» La mortalité au cours de l’hypertension portopulmonaire dépasse 30 % à 5 ans ; elle est liée pour moitié
à l’hypertension artérielle pulmonaire et pour moitié à la maladie hépatique.
rofil hémodynamique comparatif de l’hypertension portopulmonaire, du syndrome hépatopulmonaire, du syndrome
P
hyperkinétique et de l’hypervolémie.
PAPm
IC
RVP
PAPo
Hypertension
portopulmonaire
Très augmentée
Normal
ou diminué
Augmentées
Normale
Syndrome
hyperkinétique
Augmentée
Très augmenté
Diminuées
Normale
ou augmentée
Hypervolémie
Augmentée
Normal
ou augmenté
Diminuées
Normale
ou augmentée
Syndrome
hépatopulmonaire
Normale ou basse
Normal
ou augmenté
Diminuées
Normale
IC : index cardiaque ; PAPm : pression artérielle pulmonaire moyenne ; PAPo : pression artérielle pulmonaire occluse ; RVP : résistances
vasculaires pulmonaires.
est observé entre le diagnostic d’hypertension portale
et celui d’HTPoP (5). L’HTPoP représenterait environ
10 % des causes d’HTAP en France (7), mais sa part
serait plus importante dans les pays où la bilharziose
hépatosplénique est endémique.
Plusieurs éléments semblent augmenter le risque de
développer une HTPoP : le sexe féminin, l’hépatite
auto-immune comme étiologie de l’hépatopathie
et une infection par le virus de l’immunodéficience
humaine (VIH) [qui est en soi une cause d’HTAP].
À l’inverse, le risque serait moindre chez les patients
porteurs d’une hépatite C (8, 9).
Mécanismes et inconnues
La physiopathologie de l’HTPoP au niveau de la
circulation pulmonaire semble très proche de celle
de l’HTAP idiopathique : elle comporte une hypertrophie de la média, une fibrose intimale, une hypertrophie de l’adventice, des lésions de thrombose in
situ et, parfois, des lésions plexiformes des artérioles
de petit calibre (10). L’étude de l’HTPoP est limitée
par l’absence de cette pathologie chez l’animal, qui
présente au contraire en cas de cirrhose une diminution des RVP et un syndrome hépatopulmonaire (11).
L’augmentation de l’angiogenèse pulmonaire observée
au cours de l’HTPoP serait liée à l’insuffisance du flux
sanguin veineux hépatique ou de la synthèse hépatique protéique, avec diminution au niveau pulmonaire de facteurs d’origine hépatique transportés
par le sang dans les veines hépatiques (5), tels que
l’endostatine, puissant inhibiteur de l’angio­genèse
pulmonaire. Selon cette hypothèse, les shunts portosystémiques associés à l’hypertension portale et/ou à
la cirrhose favoriseraient l’augmentation de la prolifération cellulaire vasculaire pulmonaire par le biais de
médiateurs libérés dans la circulation pulmonaire (5).
L’augmentation du débit sanguin pulmonaire due
à l’hypertension portale favoriserait l’activation de
l’endothélium pulmonaire par un mécanisme de forces
de cisaillement (shear stress) [5]. Enfin, les shunts
portosystémiques et les anomalies de la phago­cytose
hépatique de la cirrhose favorisent le passage dans la
circulation sanguine de bactéries d’origine digestive,
puis le recrutement et l’activation des macrophages
dans la circulation artérielle pulmonaire (11, 12). Il
est probable qu’une prédisposition génétique encore
non identifiée explique que seule une minorité des
patients atteints de cirrhose ou d’hypertension portale
développent une HTPoP.
Dans une série française de 154 patients atteints
d’HTPoP (8), la majorité des patients avaient une
cirrhose d’origine alcoolique (49 %) ou liée à une
hépatite virale (19 %) ; 11 % des patients présentaient
une hypertension portale de cause non hépatique
(syndrome de Budd-Chiari, thrombose portale,
bilharziose hépatique). L’hypertension portale, plus
que la maladie hépatique elle-même, est associée
au risque de développer une HTPoP. La gravité de
la cirrhose selon le score de Child-Pugh n’était pas
corrélée au niveau des RVP (8).
Mots-clés
Hypertension
pulmonaire
Hypertension portale
Cirrhose
Hypoxémie
Shunt
Highlights
»» Pulmonary hypertension
may occur in any patient with
chronic liver disease with
portal hypertension, even in
the absence of liver cirrhosis.
»» Echocardiography must be
performed in patients with
unexplained dyspnea, and
pulmonary hypertension must
be confirmed by right heart
catheterisation.
»» Treatments specific for
pulmonary hypertension may
be beneficial.
»» Mortality in portopulmonary
hypertension is greater than
30% at 5 years, and is equally
due to pulmonary hypertension
and to liver cirrhosis.
Keywords
Pulmonary hypertension
Portal hypertension
Liver cirrhosis
Hypoxemia
Shunting
Manifestations cliniques
Le principal symptôme est représenté par la dyspnée
d’effort, d’intensité variable (8, 13) ; toutefois, la
dyspnée peut manquer initialement chez les patients
dont l’activité physique est limitée, être intriquée
La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 6 - novembre-décembre 2012 | 175
MISE AU POINT
Hypertension portopulmonaire
avec la gêne liée à l’ascite, ou être au second plan
par rapport aux symptômes d’hypertension portale.
Avec la progression de l’HTAP, la dyspnée s’aggrave,
et peut s’accompagner de douleurs thoraciques
atypiques pseudo-angineuses, d’hémoptysies, de
lipothymies ou syncopes d’effort (qui représentent
un critère clinique de gravité chez les patients
atteints d’HTAP, avec un risque accru de mort
subite [14]). Il peut exister à l’examen clinique des
signes d’insuffisance ventriculaire droite, incluant
un souffle d’insuffisance tricuspide, une turgescence veineuse jugulaire, un œdème des membres
inférieurs, une hépatomégalie, des hépatalgies et
une pulsatilité des veines jugulaires. Des angiomes
stellaires sont possibles (moins fréquemment qu’au
cours du syndrome hépatopulmonaire), de même
qu’un ictère ou une ascite.
Examens paracliniques
Rechercher l’hypertension pulmonaire
par une échographie cardiaque
L’échographie cardiaque transthoracique est l’examen
de référence pour orienter vers une HTPoP (4). Elle
est nécessaire en cas de dyspnée ou d’insuffisance
cardiaque droite chez un patient présentant une hypertension portale ou une cirrhose, et doit être réalisée
systématiquement au cours du bilan prétransplantation
hépatique. Une HTPoP est suspectée en cas de dilatation des cavités droites, de mouvement paradoxal
du septum interventriculaire, d’insuffisance tricuspide
ou pulmonaire, ou de diminution du temps d’accélération pulmonaire. L’estimation de la PAP systolique
L’interprétation de l’hypoxémie est complexe.
L’échographie cardiaque avec épreuve de
contraste (15), qui consiste à injecter dans la
circulation veineuse périphérique des microbulles et à observer leur passage dans les cavités
gauches, est déterminante pour l’analyse.
Si les pressions pulmonaires sont normales
ou basses, une hypoxémie fait suspecter un
syndrome hépatopulmonaire, défini par la triade
maladie hépatique, hypoxémie et shunt intrapulmonaire (shunt anatomique ou par effet
diffusion-perfusion). L’épreuve de contraste à
l’échographie cardiaque transthoracique est
alors positive de façon tardive (1), avec un
passage des bulles dans les cavités gauches
après le cinquième cycle cardiaque qui traduit
un shunt droit-gauche intrapulmonaire.
Si les pressions pulmonaires sont élevées,
l’hypoxémie peut être liée à une HTPoP,
par un mécanisme d’amputation du territoire
capillaire pulmonaire, d’hyperdébit cardiaque
(hypoxémie par effet temps de contact), ou
parfois du fait de la réouverture d’un foramen
ovale perméable (15). Dans ce dernier cas,
l’épreuve de contraste à l’échographie cardiaque
est positive de façon précoce, avec passage
des bulles dans les cavités gauches avant le
cinquième cycle cardiaque et souvent visualisation du défect septal. Un syndrome hépato­
pulmonaire peut, rarement, être associé à
l’HTPoP, notamment après une transplantation
hépatique (16).
Encadré 2. Hypoxémie chez un patient atteint de maladie hépatique chronique.
176 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 6 - novembre-décembre 2012
d’après la vitesse maximale du flux de régurgitation
tricuspide au doppler (4) est souvent difficile, de même
que l’estimation du débit cardiaque. La contractilité du
ventricule droit peut être appréciée par la mesure de
l’excursion systolique du plan de l’anneau tricuspide
(TAPSE [Tricuspid Annular Plane Systolic Excursion]).
L’échographie cardiaque ne permet souvent pas de
distinguer une HTPoP d’une élévation des pressions
pulmonaires par hyperdébit ou hypervolémie.
Affirmer l’HTAP par le cathétérisme
cardiaque droit
Un cathétérisme cardiaque droit doit être réalisé
lorsqu’une HTAP est suspectée à l’échographie
cardiaque (4). Ce diagnostic est souvent déterminant dans le contexte d’une maladie hépatique
avancée, car l’HTAP expose à une surmortalité
en cas de transplantation hépatique (17). Une
réponse positive lors du test pharmacologique
au monoxyde d’azote (NO) est exceptionnelle
dans l’HTPoP (8).
S’assurer de l’absence
d’autres causes d’HTAP
Les causes possibles d’hypertension pulmonaire
étant multiples, cette étape est impérative. Elle doit
comporter une exploration fonctionnelle respiratoire
(spirométrie, capacité de transfert du monoxyde de
carbone [CO]) à la recherche d’un trouble ventilatoire (notamment en cas de bronchopneumopathie
chronique obstructive). Une scintigraphie pulmonaire
de ventilation et de perfusion permet d’éliminer une
hypertension pulmonaire post-thromboembolique ;
un bilan biologique incluant la sérologie pour le VIH
et un bilan auto-immun doivent être réalisés. Une
atteinte de la diffusion du CO et une hypoxémie sont
fréquentes (encadré 2).
Autres examens utiles
La radiographie thoracique peut montrer une hypertrophie des artères pulmonaires au niveau des hiles
ainsi qu’une dilatation des cavités cardiaques droites.
Un test de marche de 6 minutes est réalisé pour
évaluer de façon reproductible l’incapacité fonctionnelle associée à l’HTPoP. Le taux de NT-proBNP
ou de BNP est élevé, mais sa valeur diagnostique
ou pronostique n’a pas été évaluée dans l’HTPoP.
MISE AU POINT
La maladie hépatique
détermine le pronostic
L’évolution dépend de la gravité respective de la
maladie hépatique et de l’HTAP (8). Dans la série
française, la survie était de 88 % à 1 an, de 75 % à
3 ans et de 68 % à 5 ans (8) [meilleure qu’au cours
de l’HTAP idiopathique] (7, 18). Les décès étaient liés
pour moitié à l’HTAP et pour moitié à la maladie
hépatique (8). Les facteurs indépendants associés
au pronostic étaient un score de Child-Pugh B ou C
et une diminution de l’index cardiaque (8). La survie
serait meilleure chez les patients recevant un traitement spécifique de l’HTAP (19).
Prise en charge et traitement
La prise en charge de l’HTPoP repose, pour une grande
part, sur les connaissances acquises dans l’HTAP idiopathique et sur l’expérience des experts. La prise en
charge de l’HTAP dans un centre de compétences ou
dans le Centre de référence est souhaitable, dans le
cadre du plan national Maladies rares.
Traitement spécifique de l’HTAP
Les traitements spécifiques de l’HTAP sont assez
largement utilisés au cours de l’HTPoP, mais leur
niveau de preuve est assez faible, et il n’a pas été
montré qu’ils améliorent la survie (figure).
Le traitement par administration intraveineuse
continue d’époprosténol (prostacycline) améliore la
dyspnée et l’hémodynamique (21). C’est le traitement
de choix en cas d’HTPoP de classe fonctionnelle IV
ou pour permettre la transplantation hépatique
(bridge therapy). Ce traitement contraignant expose
néanmoins à des complications infectieuses locales
et générales liées à la voie veineuse centrale permanente. Une amélioration clinique a également été
montrée avec des analogues stables de la prostacycline administrés par voie inhalée (iloprost) ou
sous-cutanée continue (tréprostinil), mais on dispose
de peu de données à long terme.
L’utilisation des antagonistes des récepteurs de l’endo­
théline 1 (bosentan, ambrisentan) est limitée dans le
contexte de l’HTPoP du fait de leur toxicité hépatique
Hypertension portopulmonaire
Traitement “conventionnel” de l’HTAP
Le traitement anticoagulant oral, habituellement
recommandé dans l’HTAP idiopathique, comporte
un risque accru dans l’HTPoP (insuffisance hépato­
cellulaire, thrombocytopénie, hypersplénisme, varices
œsophagiennes [5]), et n’est envisagé sur le plan
individuel qu’en cas d’HTAP grave et de faible risque
hémorragique. Un traitement diurétique est conseillé
en cas d’œdème des membres inférieurs ou d’élévation
de la pression de l’oreillette droite au cathétérisme.
L’oxygénothérapie est recommandée s’il existe une
hypoxémie qui peut aggraver l’HTAP.Les bêtabloquants, qui limitent l’adaptation à l’effort par un effet
chronotrope négatif, sont déconseillés. Leur arrêt chez
les patients présentant une HTPoP (si nécessaire, avec
ligature des varices œsophagiennes) est suivi d’une
amélioration de la dyspnée, de la capacité à l’exercice
et des paramètres hémo­dynamiques (20).
Les shunts transjugulaires thérapeutiques sont
contre-indiqués dans l’HTPoP, car l’augmentation
du retour veineux cave inférieur aggrave la dysfonction ventriculaire droite.
Les inhibiteurs calciques ne doivent être utilisés
que chez les rares patients présentant une réponse
positive au test de vasodilatation au NO, car, dans
les autres cas, leur effet est délétère.
Traitement non spécifique
(± anticoagulants, ± diurétiques, ± oxygène)
Indication hépatique de transplantation hépatique
Oui
Non
Classe fonctionnelle
Cathétérisme cardiaque droit
PAPm < 35 mmHg
ou 35 < PAPm < 50 mmHg
et RVP < 250 dyn.s.cm−5
PAPm > 35 mmHg
et RVP > 250 dyn.s.cm−5
Transplantation
hépatique
Traitement spécifique
de l’HTAP (époprosténol
intraveineux)
I-II
Surveillance :
discuter
le traitement
de l’HTAP
par ARE
ou IPDE5
III
IV
Traitement
de l’HTAP
par ARE
ou IPDE5
Traitement
de l’HTAP
par analogue
de la
prostacycline
et/ou ARE
ou IPDE5
ARE : antagoniste des récepteurs de l’endothéline 1. HTAP : hypertension artérielle pulmonaire.
IPDE5 : inhibiteur de la phosphodiestérase 5. PAPm : pression artérielle pulmonaire moyenne.
RVP : résistances vasculaires pulmonaires.
Figure. Algorithme de prise en charge de l’hypertension portopulmonaire. Les antagonistes
des récepteurs de l’endothéline 1 ne doivent être utilisés que chez les patients de stade
Child-Pugh A sans élévation des transaminases à plus de 3 fois la limite supérieure de la
normale, en surveillant particulièrement la tolérance hépatique.
La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 6 - novembre-décembre 2012 | 177
MISE AU POINT
Hypertension portopulmonaire
potentielle. Néanmoins, l’utilisation du bosentan,
ou de l’ambrisentan (dont l’hépatotoxicité serait
moindre), est possible chez les patients présentant
soit une cirrhose de stade Child-Pugh A sans élévation
des transaminases à plus de 3 fois la limite supérieure
de la normale, soit une hypertension portale extrahépatique (22, 23). Une étude a également montré une
tolérance acceptable chez des patients porteurs d’une
cirrhose de stade Child-Pugh B (24). Néanmoins, une
vigilance particulière est nécessaire pour s’assurer
de l’absence d’aggravation de la fonction hépatique
lorsque cette classe thérapeutique est utilisée chez
un patient présentant une maladie hépatique.
Les inhibiteurs de la phosphodiestérase 5 (sildénafil,
tadalafil) peuvent être utilisés, et sont habituellement bien tolérés chez les patients présentant une
HTPoP (25). Néanmoins, ce traitement est en théorie
susceptible d’augmenter le flux sanguin splanchnique
et d’aggraver l’HTAP, ce qui justifie une évaluation
individuelle du bénéfice thérapeutique.
Une évaluation précise du bénéfice du traitement
doit être conduite individuellement, 3 à 4 mois
après son introduction. Les bénéfices escomptés
comportent une amélioration de la dyspnée (idéalement de classe fonctionnelle I ou II de la NYHA
sous traitement), une amélioration de la distance
parcourue en 6 minutes (plus de 450 à 500 mètres),
une amélioration hémodynamique (diminution des
RVP, normalisation de l’index cardiaque).
Transplantation hépatique
Liens d’intérêts. L’auteur déclare
avoir des liens d’intérêts avec
Actélion, GSK, Lilly, Pfizer.
L’HTPoP augmente la mortalité péri- et postopératoire de la transplantation hépatique (15, 26, 27),
qui ne garantit pas une amélioration de l’atteinte
vasculaire pulmonaire (à la différence du syndrome
hépatopulmonaire, dont la transplantation hépatique est le principal traitement [1]).
Une recherche d’HTAP doit être réalisée par échographie cardiaque dans le cadre du bilan prétransplantation hépatique (27). Un cathétérisme
cardiaque droit doit être réalisé si l’échographie
cardiaque oriente vers une HTAP (4), en particulier
si la PAP systolique est estimée à plus de 50 mmHg.
Un algorithme validé par un groupe d’experts de
l’European Respiratory Society a été proposé pour la
prise en charge des patients présentant une HTPoP
confirmée au cathétérisme cardiaque droit (27). Un
traitement médical de l’HTAP par les antagonistes
178 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 6 - novembre-décembre 2012
des récepteurs de l’endothéline, les inhibiteurs de la
phosphodiestérase 5 ou les analogues de la prostacycline, pourrait améliorer le pronostic de la transplantation hépatique dans l’HTPoP, mais l’efficacité
de ce traitement reste à démontrer. En pratique,
la transplantation hépatique est habituellement
considérée comme possible lorsque la PAP moyenne
est inférieure à 35 mmHg, ou inférieure à 50 mmHg
avec des RVP inférieures à 250 dyn.s.cm−5 (27). Un
traitement spécifique de l’HTAP est proposé lorsque
la PAP moyenne est supérieure à 35 mmHg et que
les RVP sont supérieures à 250 dyn.s.cm −5 (27).
L’évolution de l’HTPoP après transplantation hépatique est souvent imprévisible, notamment chez les
patients ayant eu besoin d’un traitement médical
de l’HTAP avant transplantation hépatique (bridge
therapy). Il convient donc de surveiller ces patients
de manière rapprochée en période per- et postopératoire afin d’ajuster la prise en charge de l’HTAP et
les traitements spécifiques administrés.
Une transplantation combinée hépatique et (cardio-)
pulmonaire est exceptionnellement réalisée chez
des patients présentant une HTPoP réfractaire au
traitement médical.
Conclusion
Les pressions artérielles pulmonaires sont souvent
augmentées chez les patients présentant une maladie
hépatique avancée, du fait d’une augmentation du
débit cardiaque. Le diagnostic d’HTPoP nécessite la
réalisation d’un cathétérisme cardiaque droit, et est
défini par une PAP moyenne supérieure à 25 mmHg et
une PAP d’occlusion normale, chez un patient présentant une hypertension portale, en l’absence de cause
cardiaque ou pulmonaire, ou d’embolie pulmonaire,
et d’hyperdébit cardiaque. Une HTPoP survient chez
environ 2 % des patients présentant une maladie
hépatique avancée. Le pronostic de l’HTPoP est lié à
la fois à la gravité de la maladie hépatique et à l’évolution de l’HTAP. L’HTPoP augmente la mortalité en
cas de transplantation hépatique, qui reste possible
si l’HTAP est modérée (PAP moyenne inférieure à
35 mmHg et/ou RVP inférieures à 250 dyn.s.cm−5).
Les traitements spécifiques de l’HTAP, qui n’ont pas
été évalués dans des essais thérapeutiques randomisés, semblent néanmoins bénéfiques dans l’HTPoP,
permettant parfois d’envisager la transplantation
hépatique après un traitement médical de l’HTAP.■
MISE AU POINT
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