La Lettre du Cardiologue - n° 357 - septembre 2002
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a surveillance à long terme d’un valvulaire opéré répond
à plusieurs nécessités :
vérifier systématiquement le bon fonctionnement de la pro-
thèse ou de la plastie mitrale ;
vérifier le bon suivi du traitement anticoagulant ;
rappeler la prévention de l’endocardite infectieuse ;
rechercher la progression d’une atteinte valvulaire sur une autre
valve non opérée ;
dépister une dysfonction ventriculaire gauche ;
effectuer la prévention secondaire en cas d’atteinte corona-
rienne associée.
Cette surveillance doit être réalisée précocement (dans les quinze
premiers jours après l’intervention), à moyen terme (à trois mois)
puis régulièrement, tous les six mois ou tous les ans.
LA SURVEILLANCE POSTOPÉRATOIRE PRÉCOCE
Elle débute par l’analyse soigneuse du compte-rendu opératoire :
temps de clampage aortique, temps de circulation extracorpo-
relle, constatations peropératoires, étiologie de l’atteinte valvu-
laire, conditions anatomiques de réalisation du geste (type de pro-
thèse, type de geste sur la valve mitrale, type d’anneau mitral mis
en place, éventuel pontage coronarien associé et/ou geste sur une
autre valve).
Elle comporte une revue détaillée des soins et des complications
postopératoires immédiats en service de réanimation, ainsi que
des éventuels traitements particuliers (antibiothérapie, transfu-
sions, drainage péricardique...).
Elle repose sur différents éléments :
anamnestiques : douleur angineuse, dyspnée, douleur parié-
tale, fièvre... ;
cliniques : cicatrices cutanées, foyer infectieux, signes d’in-
suffisance cardiaque, auscultation cardiaque ;
biologiques : enzymes myocardiques, syndrome inflamma-
toire, altération de la fonction rénale ;
électrocardiographiques : passage éventuel en fibrillation
atriale, troubles du rythme ventriculaire, apparition ou aggrava-
tion de troubles conductifs, microvoltage, apparition de nouvelles
ondes Q de nécrose ;
radiographiques ;
échocardiographiques : fonction ventriculaire gauche, dont
l’analyse est gênée par le septum paradoxal postopératoire habi-
tuel ; zones d’hypokinésie ou d’akinésie ;
thérapeutiques : mise en route du traitement anticoagulant.
LA SURVEILLANCE À TROIS MOIS
Le bilan clinique et paraclinique est identique au précédent, mais
porte plus précisément sur le déroulement de la rééducation, la
reprise d’une activité physique, la question de la reprise ou de
l’adaptation de l’activité professionnelle, la reprise de symptômes,
la cicatrisation cutanéo-osseuse (qui doit être complète), l’adhé-
MISE AU POINT
Suivi du valvulaire opéré
G. de Gevigney, P. Staat, O. Roth, F. Delahaye*
*Hôpital cardiovasculaire et pneumologique, BP Lyon-Montchat,
69394 Lyon Cedex 03.
Intérêts du suivi d’un valvulaire opéré : bon fonc-
tionnement de la prothèse valvulaire ou de la plastie
mitrale ; recherche d’une progression d’une atteinte val-
vulaire sur une autre valve non opérée ; dépistage d’une
dysfonction ventriculaire gauche ; équilibre du traite-
ment anticoagulant.
Prévention de l’endocardite infectieuse quel que soit
le type de geste valvulaire, quelle que soit la localisa-
tion de la prothèse, surtout en cas de remplacement poly-
valvulaire ou d’antécédent d’endocardite infectieuse.
Intérêt de l’échocardiographie, en particulier trans-
œsophagienne, dans le diagnostic des thromboses de
prothèse, occlusives et non occlusives.
Le meilleur traitement des thromboses de prothèse
(occlusives et non occlusives) est avant tout préventif
par ajustement des taux d’INR en fonction du risque
thromboembolique propre à chaque patient.
Mots-clés : Chirurgie valvulaire - Endocardite infectieuse -
Plastie mitrale - Prothèse valvulaire - Thrombose de
prothèse.
Points forts
L
sion au traitement, l’efficacité du traitement par les antivitamines
K, la prévention de l’endocardite infectieuse et le contrôle des
facteurs de risque cardiovasculaires.
L’échocardiographie analyse la fonction ventriculaire gauche,
l’existence possible d’un épanchement péricardique et, surtout,
les caractéristiques de la prothèse, avec établissement d’une véri-
table carte d’identité de cette dernière, qui servira de référence
pour la surveillance ultérieure. Cette échographie de référence
prend toute sa valeur après le retour à un rythme sinusal et la dis-
parition d’un éventuel épanchement péricardique. On apprécie la
surface fonctionnelle de la prothèse, le gradient transprothétique,
l’existence ou non d’une fuite paravalvulaire physiologique ou
pathologique. En cas de plastie mitrale, on apprécie la texture de
la valve mitrale, le diamètre de l’anneau prothétique, l’existence
possible d’une fuite mitrale résiduelle et d’un mouvement systo-
lique antérieur. On mesure les dimensions du ventricule gauche,
de l’oreillette gauche, l’index temps vélocité (ITV) sous-aortique
et la pression artérielle pulmonaire.
Le bilan à trois mois autorise l’éventuel arrêt du traitement
par antivitamines K chez les patients avec plastie mitrale ou
bioprothèse en l’absence de fibrillation atriale.
LA SURVEILLANCE TARDIVE
La surveillance est semestrielle ou annuelle, avec un bilan systé-
matique et identique. On insiste sur :
les données échographiques : fonction ventriculaire gauche,
pression artérielle pulmonaire, données sur la prothèse ou sur la
plastie mitrale, recherche d’une modification du gradient trans-
prothétique, d’une fuite prothétique ou paraprothétique, d’une
atteinte d’une autre valve, d’une atteinte endocarditique ;
l’adhésion au traitement ;
l’efficacité et la tolérance du traitement par les antivitamines
K (INR) ;
l’efficacité et la tolérance d’un éventuel traitement diurétique
(natrémie, kaliémie, fonction rénale) ;
le dépistage d’une anémie, d’une hémolyse ;
l’efficacité de la prévention de l’endocardite infectieuse (état
dentaire) ;
le contrôle des facteurs de risque cardiovasculaires.
COMPLICATIONS À DISTANCE D’UNE INTER-
VENTION VALVULAIRE
Endocardite infectieuse
La gravité de l’endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire ou
sur plastie mitrale et les difficultés, en particulier échographiques,
de son diagnostic imposent une prévention stricte, quels que soient
le type de geste valvulaire (bioprothèse, prothèse mécanique,
plastie mitrale) et la localisation de la prothèse (aortique, mitrale,
tricuspidienne), et surtout en cas de remplacement polyvalvulaire
ou d’antécédent d’endocardite infectieuse. Le risque d’endocar-
dite infectieuse est particulièrement élevé en cas de prothèse
valvulaire.
Thromboses de prothèse
Thromboses de prothèse occlusives. Leur diagnostic doit être
systématiquement évoqué, chez un patient porteur d’une prothèse
valvulaire mécanique, même si le traitement par antivitamines K
est parfaitement équilibré, devant l’apparition de symptômes
aigus (choc cardiogénique, OAP, sub-OAP, accident ischémique
transitoire, accident vasculaire cérébral, embolie périphérique,
nécrose myocardique), ou mêmes de symptômes chroniques
(insuffisance cardiaque gauche ou droite, fièvre au long cours,
douleurs angineuses). L’auscultation recherche une modification
des bruits de la prothèse, l’existence ou l’apparition d’un souffle
transprothétique d’intensité inhabituelle et/ou d’un souffle de
régurgitation. L’échographie transthoracique (photo 1) et surtout
l’échographie transœsophagienne sont les deux examens de réfé-
rence, qui permettent de visualiser d’éventuelles anomalies du
mouvement des ailettes et surtout le nombre, la taille, la locali-
sation et la mobilité des thrombus. Le doppler recherche une aug-
mentation des pressions pulmonaires, un gradient de pression
transprothétique anormalement élevé, une réduction de la surface
valvulaire effective, par comparaison avec les valeurs obtenues
pendant la période postopératoire précoce.
Les thromboses prothétiques occlusives peuvent survenir à tout
moment de l’évolution postopératoire d’un remplacement val-
vulaire. Leur incidence varie en fonction du type de prothèse
(essentiellement mécanique, exceptionnellement biologique), du
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MISE AU POINT
Photo 1. Échographie transthoracique (incidence apicale) : prothèse
mitrale mécanique sténosante (gradient moyen à 15 mmHg) ; volumi-
neux thrombus émergeant sur le versant ventriculaire de la prothèse
(Dr Perinetti, laboratoire d’échocardiographie de l’hôpital cardiovascu-
laire et pneumologique, Lyon).
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type de prothèse mécanique (à bille, à disque ou à ailettes), de sa
localisation (aortique, mitrale ou tricuspide) et des éléments de
leur diagnostic (photos 2, 3, 4).
Le meilleur traitement des thromboses de prothèse est avant tout
préventif : ajustement des taux d’INR en fonction du risque throm-
boembolique propre de chaque patient, précautions majeures en
cas de nécessité de suspension du traitement par antivitamines K,
qualité du suivi avec surveillance fréquente de la coagulation,
mise en place progressive des méthodes d’autosurveillance...
Thromboses de prothèse non occlusives. Elles sont définies
comme de petits thrombus, appendus sur la face auriculaire des
prothèses mitrales exclusivement de type mécanique. Dans l’im-
mense majorité des cas, elles sont découvertes soit à l’occasion
d’un accident artériel ischémique (périphérique ou cérébral), soit,
surtout, fortuitement, à l’occasion de la réalisation d’une écho-
graphie transœsophagienne. L’échographie transthoracique est
pratiquement toujours normale, sans aucun signe de dysfonction
prothétique. À l’échographie transœsophagienne (photos 5 et 6),
les thromboses non occlusives apparaissent comme de petits
échos sur la face atriale de la prothèse, différents des filaments
(strands) ; ils sont de taille variable (de 1 à 10 mm) et n’ont pra-
tiquement jamais de retentissement sur le jeu de la prothèse.
MISE AU POINT
Photo 3. Thrombose de prothèse mitrale de Hancock (Pr Loire, labora-
toire d’anatomie pathologique de l’hôpital cardiovasculaire et pneumolo-
gique, Lyon).
Photo 4. Thrombose de prothèse mitrale (Pr Loire, laboratoire d’anato-
mie pathologique de l’hôpital cardiovasculaire et pneumologique, Lyon).
Photo 2. Thrombose de prothèse de Starr à bille (Pr Loire, laboratoire
d’anatomie pathologique de l’hôpital cardiovasculaire et pneumologique,
Lyon).
Photo 5. Échographie transœsophagienne : prothèse mitrale mécanique ;
contraste spontané et volumineux thrombus pariétal de l’oreillette
gauche ; petit thrombus non obstructif sur le versant externe de l’anneau
mitral (Dr Perinetti, laboratoire d’échocardiographie de l’hôpital cardio-
vasculaire et pneumologique, Lyon).
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MISE AU POINT
Leur incidence varie de 7 % lorsque l’échographie transœsopha-
gienne est réalisée dans les heures qui suivent le geste opératoire
à 15 % lorsqu’elle est réalisée dans les 10-15 jours après l’inter-
vention, et à 8 % lorsqu’elle l’est dans les six mois après l’inter-
vention. Leur potentiel évolutif est inconnu, mais elles sont cer-
tainement responsables d’un certain nombre de thromboses
prothétiques devenant occlusives et d’embolies, en particulier
cérébrales. Leur évolution dépend du délai de leur découverte
après remplacement valvulaire, du type et du délai du traitement
mis en route, et surtout de leur taille initiale au moment de leur
découverte : évolution favorable en cas de taille < 5 mm, évolu-
tion péjorative (thrombose obstructive, embolies ou récidives
d’embolies) en cas de taille initiale 5 mm.
Le traitement de ces thromboses prothétiques mitrales non occlu-
sives est avant tout préventif. Outre les éléments précédemment
décrits pour les thromboses occlusives, il repose sur :
l’introduction précoce du traitement anticoagulant ;
son rapide équilibre dans la période postopératoire immédiate
de remplacement valvulaire mitral ;
l’intensité de l’anticoagulation, à respecter impérativement.
Dégénérescence des bioprothèses
Son diagnostic est rarement évoqué devant des symptômes aigus
(choc cardiogénique, OAP, sub-OAP), mais le plus souvent devant
des symptômes chroniques (apparition et/ou aggravation rapide
d’une dyspnée, insuffisance cardiaque gauche ou droite, aggra-
vation progressive d’un souffle transprothétique, apparition d’un
souffle de régurgitation...).
Néanmoins, c’est surtout l’échographie transthoracique de sur-
veillance qui apporte des arguments diagnostiques, par compa-
raison aux données postopératoires précoces : augmentation pro-
gressive du gradient transprothétique, réduction de la surface
fonctionnelle, HTAP, apparition d’une fuite prothétique...
Les indications de réintervention chirurgicale rejoignent les indi-
cations de la primo-intervention : tolérance clinique, radiogra-
phique et échocardiographique (importance de la fuite ou du
rétrécissement, fonction ventriculaire gauche, pressions pulmo-
naires...).
Surveillance d’une plastie mitrale
Les éléments de surveillance sont identiques à ceux précédem-
ment décrits. On insistera plus particulièrement sur :
le dépistage d’une insuffisance mitrale résiduelle, son appari-
tion ou son aggravation progressive ;
d’éventuels passages en arythmie chez les patients en rythme
sinusal (interrogatoire, holter ECG) ;
la recherche échographique d’une insuffisance mitrale, d’un
mouvement systolique antérieur ;
la taille de l’oreillette gauche...
CONCLUSIONS
Trois éléments se révèlent importants dans la surveillance d’un
patient valvulaire opéré :
le bon fonctionnement (clinique et échographique) de la pro-
thèse ou de la plastie mitrale ;
la prévention de l’endocardite infectieuse ;
le dépistage des complications de la prothèse (dégénérescence
pour les bioprothèses, thromboses pour les prothèses méca-
niques) ou de la plastie mitrale (aggravation d’une insuffisance
mitrale).
Pour en savoir plus...
Arvay A, Lengyel M. Incidence and risk factors of prosthetic valve endocarditis.
Eur J Thorac Surg 1988 ; 2 : 340-6.
Bemurat LR, Laffort PR, Deville CJ, Roques XG, Baudet EM, Roudaut RP.
Management of nonobstructive thrombosis of prosthetic mitral valve in asympto-
matic patients in the early postoperative period : a study in 20 patients.
Echocardiography 1999 ; 16 : 339-46.
Gueret P, Vignon P, Fournier P et al. Transesophageal echocardiography for
the diagnosis and management of nonobstructive thrombosis of mechanical mitral
valve prosthesis. Circulation 1995 ; 91 : 103-10.
Gupta D, Kothari SS, Bahl VK et al. Thrombolytic therapy for prosthetic valve
thrombosis : short- and long-term results. Am Heart J 2000 ; 140 : 906-16.
Laffort P, Roudaut R, Roques X et al. Early and long-term (one-year) effects of
the association of aspirin and oral anticoagulant on thrombi and morbidity after
replacement of the mitral valve with the St. Jude medical prosthesis : a clinical and
transesophageal echocardiographic study. J Am Coll Cardiol 2000 ; 35 : 739-46.
Ozkan M, Kaymaz C, Kirma C et al. Intravenous thrombolytic treatment of
mechanical prosthetic valve thrombosis : a study using serial transesophageal
echocardiography. J Am Coll Cardiol 2000 ; 35 : 1881-9.
Photo 6. Échographie transœsophagienne : prothèse mitrale mécanique
bi-ailette ; petit thrombus non obstructif implanté sur le versant interne
de l’anneau mitral (Dr Perinetti, laboratoire d’échocardiographie de
l’hôpital cardiovasculaire et pneumologique, Lyon).
MISE AU POINT
1. L’endocardite infectieuse sur prothèse (plusieurs
réponses possibles) :
a. peut survenir, quel que soit le type de prothèse
b. peut survenir, quelle que soit la localisation de la pro-
thèse
c. doit impérativement faire l’objet d’une prophylaxie, quel
que soit le geste chirurgical valvulaire
d. est aussi fréquente après remplacement polyvalvulaire
qu’après remplacement monovalvulaire
e. est fréquente chez les patients avec antécédents d’en-
docardite infectieuse
2. Les thromboses prothétiques occlusives (plusieurs
réponses possibles) :
a. surviennent toujours lors d’une mauvaise anticoagula-
tion
b. se manifestent toujours par une symptomatologie aiguë
c. ne sont pas dépistées par l’échocardiographie transtho-
racique
d. sont aussi fréquentes sur les bioprothèses que sur les
prothèses mécaniques
e. peuvent survenir à tout moment de l’évolution post-
opératoire
3. Les thromboses prothétiques non occlusives (plusieurs
réponses possibles) :
a. ne sont dépistées qu’à l’ETO
b. sont visibles des deux côtés de la prothèse
c. sont plus fréquentes à distance de l’intervention qu’en
période postopératoire précoce
d. sont aussi fréquentes sur les bioprothèses que sur les
prothèses mécaniques
e. sont aussi fréquentes en position aortique qu’en posi-
tion mitrale
RÉPONSES
RÉPONSES
FMC
1. a, b, c, e ; 2. e; 3. a.
AUTOQUESTIONNAIRE
AUTOQUESTIONNAIRE
FMC
ESC
ESC
24th
ESC
En ligne à l’adresse www.vivactis-media.com/congres2/esc2002.htm
31 AOÛT - 4 SEPTEMBRE 2002
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