La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007
Mise au point
Mise au point
134
Intérêt du suivi thérapeutique des antituberculeux
chez l’adulte
Therapeutic Drug Monitoring in antituberculosis chemotherapy of adults
IPL. Harcouët*, M. Tod*
* Service de pharmacie-toxicologie, hôpital Cochin, 75014 Paris.
RÉSUMÉ
La prise en charge thérapeutique de la tuberculose est carac-
risée par des localisations variables de la maladie, la néces-
sid’agir sur di érentes sous-populations du germe (intra- et
extracellulaires), des traitements associant plusieurs médica-
ments pendant plusieurs mois, présentant des variabilités
pharmacocinétiques intra- et interindividuelles et pouvant
interagir entre eux ou avec d’autres dicaments. Les rela-
tions entre le pro l de concentration plasmatique et l’e et
des antituberculeux sont encore mal élucidées. Toutefois,
une bonne observance est impérative pour éviter le dévelop-
pement de résistances. Les principales toxicités des médica-
ments de première ligne sont hépatiques (rifampicine [RIF],
isoniazide [INH] et pyrazinamide [PZA]), oculaires (éthambutol
[EMB]) et neurologiques (INH) ; elles peuvent être majorées
en cas d’insu sance hépatique, d’insu sance rénale (IR), de
co-infection avec le VIH. Lintérêt du suivi thérapeutique de
ces médicaments (STP) est discu. Il pourrait être utile en cas
d’IR, même modée, ou dans les situations d’hémodialyse ou
de dialyse péritonéale, ainsi que chez les patients co-infectés
par le VIH s’ils répondent mal ou lentement au traitement
antituberculeux ou en cas d’association avec les inhibiteurs
de la protéase (IP) ou les inhibiteurs non nucléosidiques de la
transcriptase inverse (INNTI). La recherche du type d’acétyleur
lent ou rapide par phénotypage ounotypage au début de
l’administration d’INH pourrait être utile pour alerter sur la
cessité d’un suivi rapproché des fonctions patiques
chez les acétyleurs lents, voire pour modi er les posologies
en conséquence. Toutefois, des études cliniques sont encore
cessaires pour démontrer plus formellement lintérêt du
STP dans ces situations.
Mots-clés : Suivi thérapeutique - STP - Antituberculeux.
SUMMARY
Tuberculosis treatment takes into account the variety of
localization of the infection, the existence of several popula-
tions of bacteria (intra and extracellular), the association of
several drugs during several months, intra- and inter-indivi-
dual pharmacokinetic variability and drug-drug interactions.
Pharmacokinetic-pharmacodynamic relationships of antitu-
berculosis drugs are still poorly understood. However, a good
compliance is required to avoid the development of resistance.
Regarding tolerability, the main toxicity of rst line drugs is
hepatic (for rifampicine [RIF], isoniazid [INH] and pyrazina-
mide [PZA]), ocular (ethambutol [EMB]) and neurological
(INH); these adverse eff ects may be increased in case of hepatic
or renal impairment, or by VIH co-infection. The relevance of
therapeutic drug monitoring (TDM) of antituberculosis drugs
remains controversial. TDM may be valuable in case of renal
impaiment, hemodialysis or peritoneal dialysis, patients with
VIH co-infection exhibiting a slow response to antituberculosis
drugs or treated by IPs or NNRTIs. Determination of the pheno-
type or genotype of N-acetyl-transferase (NAT2, the main
enzyme of INH metabolism) at the beginning of INH treat-
ment may help to adjust the dosing regimen or the frequency
of biological monitoring of hepatic function in slow metabo-
lisers. However, clinical studies remain to be done in order to
defi ne more precisely the indications of TDM for these drugs.
Keywords: Therapeutic drug monitoring - TDM - Antituber-
cular drugs.
La tuberculose reste une préoccupation mondiale, avec
8 millions de personnes atteintes chaque année et
2 millions de décès. L’incidence de cette maladie est
de 11 cas pour 100 000. En France, elle est principalement
obsere chez le patient infecté par le virus de l’immunodé-
cience humaine (VIH), les populations en situation socio-
économique précaire et les migrants de pays à forte endémie
tuberculeuse (1).
Mycobacterium tuberculosis, ou bacille de Koch (BK), est un
germe intracellulaire facultatif, capable de poursuivre un velop-
pement lent (cycle de 20 heures) et dassurer une longue persis-
tance intracellulaire (source de réveil ultérieur) [2]. Cest un
bacille aérobie strict transmis par la toux qui provoque après
captation macrophagique au niveau du poumon un granulome
avec nécrose caeuse au centre et focalisation ganglionnaire
de voisinage. Cette lésion peut s’arrêter à ce stade, et il s’installe
alors un équilibre entre les défenses immunitaires à médiation
cellulaire de l’organisme et le BK. La maladie tuberculeuse résulte
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007
Mise au point
Mise au point
135
de deux mécanismes possibles : soit l’équilibre n’a jamais été
obtenu, soit cet équilibre est rompu au terme d’un délai plus
ou moins long et pour des raisons variées (immunodépression,
infection intercurrente…). s lors, les éléments bacillaires
résiduels (souvent ganglionnaires) redeviennent virulents et
source d’atteintes cliniques vares, souvent contagieuses et
potentiellement mortelles.
Le traitement repose sur une plurithérapie pendant une durée
importante. Les médicaments utilisés montrent des variabilités
des caractéristiques pharmacocinétiques et sont à haut risque de
toxicité. La présente étude propose d’analyser, en fonction des
données de la littérature, les situations dans lesquelles le suivi
thérapeutique pourrait être intéressant afi n de réduire les risques
de toxicité tout en assurant un eff et thérapeutique optimal.
TRAITEMENT DE LA TUBERCULOSE MALADIE
Principes généraux
Le traitement antituberculeux doit être adapté à la croissance
lente des germes et cibler les diff érentes formes de bacilles
présentes : les bacilles extracellulaires à multiplication active
en aérobiose dans les cavernes qui se sont constituées après
ramollissement et évacuation du caséum, les bacilles à multi-
plication lente à pH acide intramacrophagique, et les bacilles
à multiplication lente à pH neutre, qui sont quiescents ou en
dormance dans les foyers caeux (ce sont les plus diffi ciles
à atteindre) [3]. En outre, le traitement doit être adapà la
croissance lente des germes et empêcher l’émergence d’une
résistance spontanée par mutation obsere pour chacun des
médicaments antituberculeux.
Une polychimiothérapie évite la sélection de souches résis-
tantes et permet une action complémentaire sur les diff érentes
populations de bacilles. Une durée minimale de 6 mois permet
généralement la guérison et évite la rechute de l’infection à
bacille sensible.
Le traitement s’organise toujours en deux phases : une phase
initiale de bactéricidie intensive durant deux mois et une phase
de consolidation (stérilisation). Les diff érentes classifi cations
des antituberculeux distinguent classiquement les molécules
de première ligne, utilisées pour le traitement standard, et
les molécules de seconde ligne, regroupant les médicaments
réservés au traitement des tuberculoses résistantes ainsi que les
molécules encore mal évaluées. Les principaux médicaments
de seconde ligne sont l’amikacine, la cyclosérine, l’ofl oxacine,
l’éthionamide et l’acide para-amino-salicylique.
Le traitement de la tuberculose maladie
Le traitement standard de la tuberculose recommandé chez
l’adulte associe la rifampicine ([RIF], 10 mg/kg/j), l’isoniazide
([INH], 4-5 mg/kg/j), le pyrazinamide ([PZA], 20-25 mg/kg/j)
et l’éthambutol ([EMB], 15-20 mg/kg/j) pendant 2 mois, puis
le maintien de RIF et INH pendant les 4 mois suivants (4, 5).
Ladministration est quotidienne en une prise orale à jeun.
Le recours aux traitements intermittents dose ajustée) est
possible (5), mais ils ne sont pas recommandés en France (4).
Chez les patients séropositifs pour le VIH et la femme enceinte,
il est conseillé d’utiliser le traitement standard, avec la même
durée de traitement pour les localisations pulmonaires.
En dehors de la tuberculose à germe résistant nécessitant un
traitement de seconde ligne, certaines situations thérapeutiques
à risque sont identifi ées, les risques d’échec du traitement
et/ou de toxicité avec un traitement standard sont accrus. Ainsi,
l’insuffi sance rénale (IR) nécessite souvent une adaptation des
posologies en fonction de la clairance de la créatinine ainsi que
chez le patient hémodialysé ou sous dialyse péritonéale (4, 6).
En cas d’insu sance hépatocellulaire (IH), l’autorisation de
mise sur le marché (AMM) de la RIF recommande de diviser
par deux la posologie, celle du PZA d’éviter son utilisation. Les
posologies et les durées de traitement des antituberculeux chez
les patients infectés par le VIH varient en fonction du traite-
ment antirétroviral associé et de la localisation ; la rifabutine
est parfois préconisée en remplacement de la RIF. La plupart
des localisations extrapulmonaires de la tuberculose répondent
aussi rapidement au traitement standard. Cependant, et bien qu’il
n’y ait pas d’élément de preuve, la durée du traitement peut être
prolongée à 9 ou 12 mois en cas de tuberculose neuroméningée
ou ostéo-articulaire (3).
PHARMACOCINÉTIQUE PK ET PHARMACODYNAMIE
PD DES PRINCIPAUX ANTITUBERCULEUX
Rifamycines
La famille des rifamycines regroupe la rifampicine, qui est le
chef de le, la rifabutine et la rifapentine, qui nest pas commer-
cialisée en France.
La biodisponibilité par voie orale de la RIF est d’environ 68 %,
alors que celle de la rifabutine est faible (environ 20 %) [7]. Après
une administration de 600 mg de RIF, les concentrations sériques
maximales sont atteintes en 2 heures et varient de 8 à 24 mg/l.
Labsorption de la rifabutine est plus lente (T
max
: 2,5 à 4 h) et
plus faible (Cmax : 0,2 à 0,9 mg/l après 300 mg). Les rifamycines
subissent un métabolisme hépatique important, avec princi-
palement une formation de dérivés 25-o-désacétyl actifs sur
le BK. La RIF subit un cycle entérohépatique. Les molécules
et leurs métabolites sont largement éliminées dans la bile et
les fèces. Seuls 13 à 24 % de la dose administrée de RIF sont
éliminés inchangés dans les urines. Ce chiff re tombe à moins
de 10 % pour la rifabutine.
Les rifamycines pénètrent bien dans les tissus et les cellules.
Elles sont liées à 80-85 % aux protéines plasmatiques. La RIF
diff use bien dans le liquide céphalorachidien en cas d’infl am-
mation méningée (8). Il n’y a pas d’accumulation de RIF. Sa
demi-vie d’élimination est courte : 2,5 à 5 heures les premiers
jours de traitement. Elle diminue encore jusqu’à une valeur de
2-3 heures après administration répétée l’équilibre est atteint
en 6 jours environ (7). Cela est à un phénomène d’auto-induc-
tion attribué à laugmentation de la glucuronidation qui parti-
cipe à sa métabolisation et qui réduit également son aire sous
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007
Mise au point
Mise au point
136
la courbe (ASC). La RIF est également un puissant inducteur de
la glycoprotéine P et des cytochromes CYP 3A3/4, CYP2C19,
CYP2C9/10 et CYP1A2 (9). Elle nest, en revanche, pas méta-
bolisée par ces enzymes. Leff et inducteur de la rifabutine existe
dans des proportions plus faibles. Sa demi-vie d’élimination
varie de 32 à 67 heures (7).
Les rifamycines agissent en inhibant l’ARN polymérase ADN
dépendante du BK. Elles agissent à la fois sur les germes à multi-
plication active et à multiplication lente (tableau I). La vitesse
de bactéricidie de la RIF est concentration-dépendante (10).
Les doses usuelles (600 mg/j) permettent d’obtenir une C
max
et, surtout (11), une ASC très largement au-dessus de la CMI
du germe (tableau II) [7]. Cependant, l’effi cacité clinique de la
RIF diminue lorsquon passe de 600 à 450 mg/j (ASC/CMI donc
proche du seuil deffi cacité). Une variabilité de la fraction libre
pourrait entraîner une variabilité de la réponse thérapeutique
(12). En n, il existe un e et postantibiotique in vitro contre le BK
d’environ 68 heures (13). Cela explique qu’une seule administra-
tion par jour suffi se malgré la faible demi-vie d’élimination.
Isoniazide
L’absorption de l’INH est rapide et complète après une admi-
nistration orale à jeun (T
max
= 1 à 2 heures) [14]. Comme pour
la RIF, la prise alimentaire diminue l’absorption orale de l’INH ;
c’est pourquoi les antituberculeux sont à administrer à jeun. Il
di use rapidement dans tout l’organisme, notamment les liquides
biologiques et les cavités, y compris le LCR (8). Il est peu lié
aux protéines plasmatiques (14). Il est métabolisé par le foie,
principalement par acétylation, et ses métabolites inactifs sont
éliminés au niveau biliaire. Lenzyme hépatique transformant
l’INH en acétyl INH est la N-acétyltransférase de type 2 (NAT2),
qui présente un polymorphisme génétique. Il existe deux princi-
paux phénotypes dans la population : les acétyleursrapides”, qui
portent un (“acétyleur intermédiaire”) ou deux allèles de haute
activité (NAT2*4 et NAT2*12), et les acétyleurs lents, qui ont
deux variants de faible activité (15). Il en résulte une distribution
bimodale de la demi-vie de l’INH dans l’organisme (bien que
cette distribution soit plus vraisemblablement trimodale, chaque
allèle lent et rapide étant codominant [16]), où les acétyleurs
Tableau I.
Activité in vitro des antibiotiques antituberculeux de première ligne, en cas de tuberculose cavitaire (37).
Antibiotiques Activité sur les bacilles
Proportion de mutants
résistants au sein
d’une population sensible
Apport dans le traitement
À multiplication active
(caverne) ~108 bacilles À multiplication lente
À pH acide (macrophages)
~105 bacilles
À pH neutre (foyers caséeux)
~105 bacilles
Isoniazide ++ + 0 10-5 Antibiotique le plus
rapidement bactéricide
Rifampicine ++ + + 10-7 18 mois -> 9 mois
Pyrazinamide 0 ++ 0 >10-5 9 mois -> 6 mois
Éthambutol ± ± 0 10-6 Empêche sélection de RIF-R
si résistance primaire à INH
+, ++ : activité bactéricide ; ± : activité bactériostatique ; 0 : pas d’activité.
Tableau II.
Caractéristiques pharmacocinétiques et pharmacodynamiques de INH, RIF et PZA chez l’homme (10, 22, 62, 63).
Médicaments Paramètres pharmacocinétiques Paramètres pharmacodynamiques
Dose (mg/kg) Cmax (mg/l) ASC24 h (mg.h.l-1) CMI90 (mg/l) Cmax/CMI ASC/CMI
Isoniazide
Métaboliseur rapide 5 5,4 ± 2,0 19,9 ± 6,1 0,05 108a398b
Métaboliseur lent 5 7,1 ± 1,9 48,2 ± 1,5 0,05 142a964b
Rifampicine 10,9 ± 2,7 5,9 ± 2,1 25,6 ± 10,0 0,25 24a102
Rifabutine 5 0,4 ± 0,1 d 3 ± 1 d 0,06 7 50
Pyrazinamide 25 38,7 ± 5,9 520 ± 1 01 10 3,8 ± 0,6c52 ± 10c
Éthambutol 25 4,5 ± 1 28,9 ± 4,7 4 1 7
a Supérieur à 10 ; b Supérieur à 125 ; c En dessous des valeurs recommandées ; d À l’équilibre.
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007
Mise au point
Mise au point
137
rapides ont une demi-vie d’élimination de 1 à 2 heures (50 % de
la population environ en Europe) et les acétyleurs lents de 2 à
5 heures (8). De fait, pour une me dose, l’exposition à l’INH est
deux à trois fois moindre chez les acétyleurs rapides (Cmax et ASC
inférieures) [16, 17]. Lacétyl INH est hydrolysé rapidement en
monoacétylhydrazine, qui est lui-même oxydé par le CYP4502E1
en formant des intermédiaires toxiques avant acétylation par la
NAT2 en diacétylhydrazine non toxique (18). Chez l’acétyleur
lent ou en cas d’association à RIF, la formation de métabolites
toxiques est probablement augmentée. Trente pour cent de la
forme active sont éliminés par voie urinaire chez les acétyleurs
lents et 10 % chez les acétyleurs rapides (AMM).
L’INH est bactéricide. Il pénètre dans le BK par diff usion et
transport actif oxygène-dépendant et inhibe la biosynthèse des
acides gras de la paroi cellulaire du germe (8). Le pro l PK-PD de
l’INH est encore discuté aujourd’hui (10, 17). Il est très effi cace
dans la première phase de bactéricidie intensive des germes
à multiplication rapide et présente un eff et postantibiotique
d’environ 18 heures in vitro (13) qui permet son administration
une fois par jour malgré sa faible demi-vie. Il semble qu’il y ait
un e et de saturation de son effi cacité au-delà de la dose de
300 mg/j ou d’un rapport Cmax/CMI supérieur à 15 (10, 19), ce
qui pourrait être dû à la saturation du transporteur.
Pyrazinamide
Labsorption du PZA est complète après une prise orale avec un
pic de concentration sérique entre 1 à 2 heures suivant l’inges-
tion (8),les concentrations sériques maximales atteignent
30 mg/l après une administration de 1 500 mg/j (20). Le PZA
diff use largement dans l’organisme, y compris dans le liquide
céphalorachidien. Seuls 5 % sont liés aux protéines plasmati-
ques. Le métabolisme hépatique du PZA conduit à la formation
d’acide pyrazinoïque (PA) très actif et de 5-hydroxypyrazinamide
(5-OH-PZA) et dacide 5-hydroxypyrazinoïque (5-OH-PA), qui
sont surtout excrétés par ltration glomérulaire (20). La demi-vie
du PZA est de 9,5 heures et seuls 3 % sont excrétés sous forme
inchangée dans les urines.
Le mode d’action du PZA est encore mal connu. Il pénètre
dans les macrophages et nagit qu’en milieu acide. Lactivité
antibactérienne du PZA requiert une enzyme, la pyrazinami-
dase, qui est retrouvée dans les germes sensibles et non dans
les germes résistants. Cette enzyme transforme le PZA en acide
pyrazinoïque, qui a l’activité antibactérienne (21). Il a une faible
action bactéricide précoce (10) et agit uniquement sur les bacilles
persistants à croissance lente (activité stérilisatrice). Seul, c’est
l’antituberculeux susceptible delectionner le plus de BK résis-
tants (21). La longue demi-vie de cet antibiotique permet son
administration une fois par jour.
Éthambutol
Seul le d-isomère qui est la forme active de l’EMB est utilisé. Il
existe une grande variabilité interindividuelle des paramètres
pharmacocinétiques de l’EMB. Après une administration orale
de 15 à 25 mg/kg, 70 à 80 % sont absorbés et les concentrations
maximales sont atteintes en 2 à 3 heures (8). La Cmax, pour une
administration de 25 mg/kg, atteint 3 à 6 mg/l et l’ASC environ
30 mg/l/h (22). La diff usion dans l’organisme est bonne, mais
l’EMB pénètre peu la barrière hémato-encéphalique (8). La
fraction liée aux protéines plasmatiques est de 40 %. Soixante-
quinze pour cent de l’EMB inchangé sont excrés dans les
urines. La demi-vie d’élimination est biphasique : 2-4 heures
pour la première phase et 12-14 heures pour la seconde (23).
L’EMB est bactériostatique. Il interfère avec la formation des
polysaccharides de la paroi bactérienne. Sa CMI est d’en-
viron 1 mg/l. Aucun eff et postantibiotique nest observé avec
l’EMB.
Par ailleurs, les combinaisons des antituberculeux de première
ligne présentent généralement des eff ets postantibiotiques supé-
rieurs à 120 heures (13).
TOXICITÉ DES ANTITUBERCULEUX
Outre les troubles digestifs, le principal eff et indésirable de la RIF
est une hépatotoxicité, en particulier chez linsu sant hépatique
chronique, l’alcoolique, les personnes dénutries, les plus âgées (8)
ou les patients atteints du VIH (24). Une hyperbilirubinémie (par
inhibition de sa crétion) et une augmentation des enzymes
hépatiques d’apparition rapide après instauration du traitement
sont observées chez 4 % des patients ; une hépatite est retrouvée
chez 3 % (24). Pour la rifabutine, les eff ets hépatiques sont rares
mais il semble exister une relation entre la dose et l’incidence
des eff ets indésirables (25).
La RIF potentialise la toxicité hépatique de l’INH (26, 27) proba-
blement par son eff et inducteur sur des enzymes du métabo-
lisme de l’INH, conduisant à augmenter la production de ses
métabolites toxiques.
L’INH est l’un des antituberculeux les plus toxiques pour le foie.
L’augmentation des transaminases est obsere dans 10 à 25 %
des cas (26) et l’hépatite clinique est par la suite développée dans
0,5 à 2 % des cas. Cette proportion sélève à 3 à 6 % quand la
RIF est associée à l’INH (8, 26). Lâge (> 50 ans), la malnutrition,
l’alcoolisme, les patites virales chroniques et les acétyleurs
lents seraient des facteurs favorisant l’hépatotoxiciinduite par
l’INH (3, 18, 26). Les neuropathies périphériques sous INH par
interférence avec le métabolisme de la pyridoxine sont rares aux
posologies usuelles (3), mais elles sont favorisées par d’autres
facteurs neurotoxiques tels que le diate, l’alcool, la malnutri-
tion et l’association avec d’autres médicaments neurotoxiques.
Elles sont traitées par l’administration de vitamine B6.
La relation entre la dose et la toxicité des antituberculeux nest
pas pleinement établie, à l’exception du PZA et de l’EMB (23,
28). L’hépatotoxicité était un problème majeur du PZA dans les
premières années de son utilisation, les posologies se situant
alors entre 40 et 70 mg/kg/j (21). Cet eff et est devenu plus rare
aux posologies actuelles et depuis que la durée du traitement
est réduite à 2 mois. Son incidence est toutefois controversée ;
elle pourrait être de l’ordre de 1 % pour les eff ets majeurs (5)
et favorisée par un âge supérieur à 60 ans ou l’infection par le
VIH (24). Par ailleurs, un traitement symptomatique permet
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007
Mise au point
Mise au point
138
généralement d’améliorer l’hyperuricémie provoquée par le
PZA par compétition avec la sécrétion tubulaire de l’acide
urique (3).
Le principal e et indésirable de lEMB est la névrite optique tro-
bulbaire, d’apparition assez tardive, rencontrée assez fréquem-
ment au-delà de 15 mg/kg/j mais demeurant rare en deçà (28).
Dans le cadre de l’association des trois principaux antituber-
culeux de première ligne (RIF, INH et PZA), l’élévation précoce
des transaminases (15 jours) après l’instauration du traitement
serait principalement imputable à la toxicité de l’INH potenti-
alisée par la RIF. Cet eff et est de moins bon pronostic lorsqu’il
apparaît plus tardivement (après le premier mois de traitement),
car il correspondrait plutôt à une hépatotoxicité du PZA (27).
INTÉRÊT DE LA DÉTERMINATION DU PROFIL
D’ACÉTYLATION DES PATIENTS
La très grande majorité des patients (95 %) répondent sans
rechuter au traitement standard de la tuberculose (23), ce qui
témoigne de sa bonne effi cacité.
L’intérêt de savoir si un patient est acétyleur lent ou rapide avant
l’instauration d’un traitement comprenant l’INH reste discuté.
Il existe plusieurs méthodes pour le déterminer. La première,
décrite par Vivien et al. (29), consiste à évaluer l’indice d’inactiva-
tion I3 selon la formule : I3 = (C3 + 0,6)/D(mg/kg) après mesure
de la concentration sérique (C3 en mg/l) de l’INH à T = 3 heures
après administration d’une dose D de médicament. Les acéty-
leurs rapides sont défi nis comme ayant un indice I3 < 0,65 ; les
acétyleurs lents ont un indice supérieur. Cet indice permet aussi
le calcul de la posologie optimale (en mg/kg) pour obtenir un
C3 de 1,5 ± 0,5 mg/l, selon la formule 2/I3.
Le phénotypage peut également être déterminé par la mesure du
ratio métabolique Rm = acétyl INH/INH après dosage de l’INH
et de son métabolite acétylé à T = 3 heures après la prise (30). Un
Rm < 0,48 définit un acétyleur lent, un Rm > 0,77 un acétyleur
rapide (entre 0,48 et 0,77, on parle d’acétyleur intermédiaire). Des
méthodes de génotypage de NAT2 ont par ailleurs été dévelop-
pées par amplifi cation par réaction en chaîne par la polymérase
(PCR) suivie d’une digestion par une enzyme de restriction
(15, 18). Il existe une bonne corrélation entre le phénotype et
le génotype d’un individu (16). Les posologies d’INH fondées
sur cette approche sont ts variables d’un patient à l’autre.
Par exemple, dans l’étude Houin-Tillement (31), la posologie
d’INH variait de 1,5 à 3 mg/kg/j chez l’acétyleur lent et de 3 à
18 mg/kg/j chez lacétyleur rapide. Leffi cacité thérapeutique de
l’INH aux concentrations usuelles semble être analogue quel que
soit le statut dacétyleur du patient (32). Cependant, il existe peu
d’études permettant d’affi rmer que ces posologies sont optimales
pour tous les patients, d’autant qu’il faut tenir compte de leff et
produit par les autres médicaments coadministrés.
En revanche, il est reconnu que les acétyleurs lents sont à plus
haut risque de développer une hépatotoxicité que les acéty-
leurs rapides (18, 33, 34). Toutefois, il nest pas formellement
démontré qu’il existe une relation entre des concentrations
sériques élevées d’INH et les deux principaux e ets indésirables
de l’INH : hépatotoxiciet neurotoxicité. L’utilide l’adaptation
d’une posologie systématique de l’INH en fonction du statut de
l’acétylation est controversée. Parrot et al. (32) nont obser
aucune diff érence signifi cative en termes de troubles toxiques
entre une posologie adaptée à I3 et la posologie standard de
5 mg/kg/j chez des patients de moins de 50 ans, sans comorbidité
associée ni trouble neurologique majeur. À l’inverse, Cheminat
et al. (35) ont obserune élévation moindre des transaminases
lorsque l’adaptation de posologie après phénotypage selon la
méthode de Vivien (29) était réalie dès la mise en route du
traitement. Toutefois, aucun cas d’hépatite nétait signalé chez
les patients de cette étude. Il a été proposé chez l’enfant une
adaptation systématique des posologies à partir de l’index d’inac-
tivation (36). D’autres préconisent une adaptation uniquement
chez les sujets à index extrême (31). La possibilité d’ajuster la
posologie à chaque malade par la mesure de la concentration
sérique à la troisième heure est mentionnée dans l’AMM du
médicament commercialisé en France (Rimifon
®
).
Le phénotypage ou le génotypage seul pourraient par ailleurs
être utiles, soit pour alerter sur la nécessité de suivre au plus
près les marqueurs du fonctionnement hépatique (transami-
nases) chez les acétyleurs lents (18), soit pour préconiser deux
ou trois posologies standard en fonction du type d’acétyleur
(15, 16). Mais des études cliniques sont encore nécessaires pour
valider cette approche.
SUIVI THÉRAPEUTIQUE PHARMACOLOGIQUE STP
ET TRAITEMENT ANTITUBERCULEUX
Définition
Les dosages sériques dantituberculeux ne sont pas recommandés
en routine (5, 37). Cependant, il existe des circonstances où le
risque d’échec du traitement est plus important et pour lesquelles
un suivi des concentrations plasmatiques des antituberculeux
en vue d’un ajustement de posologie (STP [suivi thérapeutique
pharmacologique]) peut être un élément utile dans la prise en
charge globale du patient tuberculeux.
Le STP est intéressant dans le cas de patients résistants, chez
lesquels beaucoup de médicaments de deuxième ligne ont une
marge thérapeutique étroite et pour lesquels le suivi trapeutique
de certains est déjà appliqué en routine (aminosides) [3, 5]. Son
utilité est également discutée en cas déchec au traitement non
expliqué par une mauvaise observance ou une résistance du germe,
ainsi que pour les personnes dont la situation dicale peut modi-
er la citique des antituberculeux (5) : insu sance patique ou
rénale, malabsorption digestive, interactions médicamenteuses.
Des valeurs cibles ont été proposées par Peloquin (tableau III)
[23, 38]. Elles correspondent à la Cmax des molécules. Elles sont
mesurées à T = 2 heures après l’administration du traitement,
temps qui correspond au T
max
de nombreux antituberculeux
(T = 3-4 heures est plus adapté pour la rifabutine). Les taux
résiduels ne sont pas préconisés car beaucoup sont en dessous
1 / 9 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !