La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-aoĂ»t 2007
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IntĂ©rĂȘt du suivi thĂ©rapeutique des antituberculeux
chez l’adulte
Therapeutic Drug Monitoring in antituberculosis chemotherapy of adults
IPL. HarcouĂ«t*, M. Tod*
* Service de pharmacie-toxicologie, hĂŽpital Cochin, 75014 Paris.
RÉSUMÉ
La prise en charge thérapeutique de la tuberculose est carac-
térisée par des localisations variables de la maladie, la néces-
sitĂ© d’agir sur di Ă©rentes sous-populations du germe (intra- et
extracellulaires), des traitements associant plusieurs médica-
ments pendant plusieurs mois, présentant des variabilités
pharmacocinétiques intra- et interindividuelles et pouvant
interagir entre eux ou avec d’autres mĂ©dicaments. Les rela-
tions entre le pro l de concentration plasmatique et l’e et
des antituberculeux sont encore mal élucidées. Toutefois,
une bonne observance est impérative pour éviter le dévelop-
pement de résistances. Les principales toxicités des médica-
ments de premiÚre ligne sont hépatiques (rifampicine [RIF],
isoniazide [INH] et pyrazinamide [PZA]), oculaires (éthambutol
[EMB]) et neurologiques (INH) ; elles peuvent ĂȘtre majorĂ©es
en cas d’insu sance hĂ©patique, d’insu sance rĂ©nale (IR), de
co-infection avec le VIH. L’intĂ©rĂȘt du suivi thĂ©rapeutique de
ces mĂ©dicaments (STP) est discutĂ©. Il pourrait ĂȘtre utile en cas
d’IR, mĂȘme modĂ©rĂ©e, ou dans les situations d’hĂ©modialyse ou
de dialyse péritonéale, ainsi que chez les patients co-infectés
par le VIH s’ils rĂ©pondent mal ou lentement au traitement
antituberculeux ou en cas d’association avec les inhibiteurs
de la protéase (IP) ou les inhibiteurs non nucléosidiques de la
transcriptase inverse (INNTI). La recherche du type d’acĂ©tyleur
lent ou rapide par phénotypage ou génotypage au début de
l’administration d’INH pourrait ĂȘtre utile pour alerter sur la
nĂ©cessitĂ© d’un suivi rapprochĂ© des fonctions hĂ©patiques
chez les acĂ©tyleurs lents, voire pour modi er les posologies
en conséquence. Toutefois, des études cliniques sont encore
nĂ©cessaires pour dĂ©montrer plus formellement l’intĂ©rĂȘt du
STP dans ces situations.
Mots-clés : Suivi thérapeutique - STP - Antituberculeux.
SUMMARY
Tuberculosis treatment takes into account the variety of
localization of the infection, the existence of several popula-
tions of bacteria (intra and extracellular), the association of
several drugs during several months, intra- and inter-indivi-
dual pharmacokinetic variability and drug-drug interactions.
Pharmacokinetic-pharmacodynamic relationships of antitu-
berculosis drugs are still poorly understood. However, a good
compliance is required to avoid the development of resistance.
Regarding tolerability, the main toxicity of ïŹ rst line drugs is
hepatic (for rifampicine [RIF], isoniazid [INH] and pyrazina-
mide [PZA]), ocular (ethambutol [EMB]) and neurological
(INH); these adverse eïŹ€ ects may be increased in case of hepatic
or renal impairment, or by VIH co-infection. The relevance of
therapeutic drug monitoring (TDM) of antituberculosis drugs
remains controversial. TDM may be valuable in case of renal
impaiment, hemodialysis or peritoneal dialysis, patients with
VIH co-infection exhibiting a slow response to antituberculosis
drugs or treated by IPs or NNRTIs. Determination of the pheno-
type or genotype of N-acetyl-transferase (NAT2, the main
enzyme of INH metabolism) at the beginning of INH treat-
ment may help to adjust the dosing regimen or the frequency
of biological monitoring of hepatic function in slow metabo-
lisers. However, clinical studies remain to be done in order to
deïŹ ne more precisely the indications of TDM for these drugs.
Keywords: Therapeutic drug monitoring - TDM - Antituber-
cular drugs.

La tuberculose reste une préoccupation mondiale, avec
8 millions de personnes atteintes chaque année et
2 millions de dĂ©cĂšs. L’incidence de cette maladie est
de 11 cas pour 100 000. En France, elle est principalement
observĂ©e chez le patient infectĂ© par le virus de l’immunodĂ©-
ïŹ cience humaine (VIH), les populations en situation socio-
économique précaire et les migrants de pays à forte endémie
tuberculeuse (1).
Mycobacterium tuberculosis, ou bacille de Koch (BK), est un
germe intracellulaire facultatif, capable de poursuivre un dévelop-
pement lent (cycle de 20 heures) et d’assurer une longue persis-
tance intracellulaire (source de rĂ©veil ultĂ©rieur) [2]. C’est un
bacille aérobie strict transmis par la toux qui provoque aprÚs
captation macrophagique au niveau du poumon un granulome
avec nécrose caséeuse au centre et focalisation ganglionnaire
de voisinage. Cette lĂ©sion peut s’arrĂȘter Ă  ce stade, et il s’installe
alors un équilibre entre les défenses immunitaires à médiation
cellulaire de l’organisme et le BK. La maladie tuberculeuse rĂ©sulte
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de deux mĂ©canismes possibles : soit l’équilibre n’a jamais Ă©tĂ©
obtenu, soit cet Ă©quilibre est rompu au terme d’un dĂ©lai plus
ou moins long et pour des raisons variées (immunodépression,
infection intercurrente
). DÚs lors, les éléments bacillaires
résiduels (souvent ganglionnaires) redeviennent virulents et
source d’atteintes cliniques variĂ©es, souvent contagieuses et
potentiellement mortelles.
Le traitement repose sur une plurithérapie pendant une durée
importante. Les médicaments utilisés montrent des variabilités
des caractéristiques pharmacocinétiques et sont à haut risque de
toxicitĂ©. La prĂ©sente Ă©tude propose d’analyser, en fonction des
données de la littérature, les situations dans lesquelles le suivi
thĂ©rapeutique pourrait ĂȘtre intĂ©ressant aïŹ n de rĂ©duire les risques
de toxicitĂ© tout en assurant un eïŹ€ et thĂ©rapeutique optimal.
TRAITEMENT DE LA TUBERCULOSE MALADIE
Principes généraux
Le traitement antituberculeux doit ĂȘtre adaptĂ© Ă  la croissance
lente des germes et cibler les diïŹ€ Ă©rentes formes de bacilles
présentes : les bacilles extracellulaires à multiplication active
en aérobiose dans les cavernes qui se sont constituées aprÚs
ramollissement et évacuation du caséum, les bacilles à multi-
plication lente Ă  pH acide intramacrophagique, et les bacilles
Ă  multiplication lente Ă  pH neutre, qui sont quiescents ou en
dormance dans les foyers casĂ©eux (ce sont les plus diïŹƒ ciles
Ă  atteindre) [3]. En outre, le traitement doit ĂȘtre adaptĂ© Ă  la
croissance lente des germes et empĂȘcher l’émergence d’une
résistance spontanée par mutation observée pour chacun des
médicaments antituberculeux.
Une polychimiothérapie évite la sélection de souches résis-
tantes et permet une action complĂ©mentaire sur les diïŹ€ Ă©rentes
populations de bacilles. Une durée minimale de 6 mois permet
gĂ©nĂ©ralement la guĂ©rison et Ă©vite la rechute de l’infection Ă 
bacille sensible.
Le traitement s’organise toujours en deux phases : une phase
initiale de bactéricidie intensive durant deux mois et une phase
de consolidation (stĂ©rilisation). Les diïŹ€ Ă©rentes classiïŹ cations
des antituberculeux distinguent classiquement les molécules
de premiÚre ligne, utilisées pour le traitement standard, et
les molécules de seconde ligne, regroupant les médicaments
réservés au traitement des tuberculoses résistantes ainsi que les
molécules encore mal évaluées. Les principaux médicaments
de seconde ligne sont l’amikacine, la cyclosĂ©rine, l’oïŹ‚ oxacine,
l’éthionamide et l’acide para-amino-salicylique.
Le traitement de la tuberculose maladie
Le traitement standard de la tuberculose recommandé chez
l’adulte associe la rifampicine ([RIF], 10 mg/kg/j), l’isoniazide
([INH], 4-5 mg/kg/j), le pyrazinamide ([PZA], 20-25 mg/kg/j)
et l’éthambutol ([EMB], 15-20 mg/kg/j) pendant 2 mois, puis
le maintien de RIF et INH pendant les 4 mois suivants (4, 5).
L’administration est quotidienne en une prise orale à jeun.
Le recours aux traitements intermittents (à dose ajustée) est
possible (5), mais ils ne sont pas recommandés en France (4).
Chez les patients séropositifs pour le VIH et la femme enceinte,
il est conseillĂ© d’utiliser le traitement standard, avec la mĂȘme
durée de traitement pour les localisations pulmonaires.
En dehors de la tuberculose à germe résistant nécessitant un
traitement de seconde ligne, certaines situations thérapeutiques
Ă  risque sont identiïŹ Ă©es, oĂč les risques d’échec du traitement
et/ou de toxicité avec un traitement standard sont accrus. Ainsi,
l’insuïŹƒ sance rĂ©nale (IR) nĂ©cessite souvent une adaptation des
posologies en fonction de la clairance de la créatinine ainsi que
chez le patient hémodialysé ou sous dialyse péritonéale (4, 6).
En cas d’insuïŹƒ sance hĂ©patocellulaire (IH), l’autorisation de
mise sur le marché (AMM) de la RIF recommande de diviser
par deux la posologie, celle du PZA d’éviter son utilisation. Les
posologies et les durées de traitement des antituberculeux chez
les patients infectés par le VIH varient en fonction du traite-
ment antirétroviral associé et de la localisation ; la rifabutine
est parfois préconisée en remplacement de la RIF. La plupart
des localisations extrapulmonaires de la tuberculose répondent
aussi rapidement au traitement standard. Cependant, et bien qu’il
n’y ait pas d’élĂ©ment de preuve, la durĂ©e du traitement peut ĂȘtre
prolongée à 9 ou 12 mois en cas de tuberculose neuroméningée
ou ostéo-articulaire (3).
PHARMACOCINÉTIQUE PK ET PHARMACODYNAMIE
PD DES PRINCIPAUX ANTITUBERCULEUX
Rifamycines
La famille des rifamycines regroupe la rifampicine, qui est le
chef de ïŹ le, la rifabutine et la rifapentine, qui n’est pas commer-
cialisée en France.
La biodisponibilitĂ© par voie orale de la RIF est d’environ 68 %,
alors que celle de la rifabutine est faible (environ 20 %) [7]. AprĂšs
une administration de 600 mg de RIF, les concentrations sériques
maximales sont atteintes en 2 heures et varient de 8 Ă  24 mg/l.
L’absorption de la rifabutine est plus lente (T
max
: 2,5 Ă  4 h) et
plus faible (Cmax : 0,2 Ă  0,9 mg/l aprĂšs 300 mg). Les rifamycines
subissent un métabolisme hépatique important, avec princi-
palement une formation de dérivés 25-o-désacétyl actifs sur
le BK. La RIF subit un cycle entérohépatique. Les molécules
et leurs métabolites sont largement éliminées dans la bile et
les fÚces. Seuls 13 à 24 % de la dose administrée de RIF sont
Ă©liminĂ©s inchangĂ©s dans les urines. Ce chiïŹ€ re tombe Ă  moins
de 10 % pour la rifabutine.
Les rifamycines pénÚtrent bien dans les tissus et les cellules.
Elles sont liées à 80-85 % aux protéines plasmatiques. La RIF
diïŹ€ use bien dans le liquide cĂ©phalorachidien en cas d’inïŹ‚ am-
mation mĂ©ningĂ©e (8). Il n’y a pas d’accumulation de RIF. Sa
demi-vie d’élimination est courte : 2,5 Ă  5 heures les premiers
jours de traitement. Elle diminue encore jusqu’à une valeur de
2-3 heures aprĂšs administration rĂ©pĂ©tĂ©e oĂč l’équilibre est atteint
en 6 jours environ (7). Cela est dĂ» Ă  un phĂ©nomĂšne d’auto-induc-
tion attribuĂ© Ă  l’augmentation de la glucuronidation qui parti-
cipe à sa métabolisation et qui réduit également son aire sous
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la courbe (ASC). La RIF est également un puissant inducteur de
la glycoprotéine P et des cytochromes CYP 3A3/4, CYP2C19,
CYP2C9/10 et CYP1A2 (9). Elle n’est, en revanche, pas mĂ©ta-
bolisĂ©e par ces enzymes. L’eïŹ€ et inducteur de la rifabutine existe
dans des proportions plus faibles. Sa demi-vie d’élimination
varie de 32 Ă  67 heures (7).
Les rifamycines agissent en inhibant l’ARN polymĂ©rase ADN
dépendante du BK. Elles agissent à la fois sur les germes à multi-
plication active et Ă  multiplication lente (tableau I). La vitesse
de bactéricidie de la RIF est concentration-dépendante (10).
Les doses usuelles (600 mg/j) permettent d’obtenir une C
max
et, surtout (11), une ASC trĂšs largement au-dessus de la CMI
du germe (tableau II) [7]. Cependant, l’eïŹƒ cacitĂ© clinique de la
RIF diminue lorsqu’on passe de 600 à 450 mg/j (ASC/CMI donc
proche du seuil d’eïŹƒ cacitĂ©). Une variabilitĂ© de la fraction libre
pourrait entraßner une variabilité de la réponse thérapeutique
(12). EnïŹ n, il existe un eïŹ€ et postantibiotique in vitro contre le BK
d’environ 68 heures (13). Cela explique qu’une seule administra-
tion par jour suïŹƒ se malgrĂ© la faible demi-vie d’élimination.
Isoniazide
L’absorption de l’INH est rapide et complùte aprùs une admi-
nistration orale Ă  jeun (T
max
= 1 Ă  2 heures) [14]. Comme pour
la RIF, la prise alimentaire diminue l’absorption orale de l’INH ;
c’est pourquoi les antituberculeux sont à administrer à jeun. Il
diïŹ€ use rapidement dans tout l’organisme, notamment les liquides
biologiques et les cavités, y compris le LCR (8). Il est peu lié
aux protéines plasmatiques (14). Il est métabolisé par le foie,
principalement par acétylation, et ses métabolites inactifs sont
Ă©liminĂ©s au niveau biliaire. L’enzyme hĂ©patique transformant
l’INH en acĂ©tyl INH est la N-acĂ©tyltransfĂ©rase de type 2 (NAT2),
qui présente un polymorphisme génétique. Il existe deux princi-
paux phĂ©notypes dans la population : les acĂ©tyleurs “rapides”, qui
portent un (“acĂ©tyleur intermĂ©diaire”) ou deux allĂšles de haute
activité (NAT2*4 et NAT2*12), et les acétyleurs lents, qui ont
deux variants de faible activité (15). Il en résulte une distribution
bimodale de la demi-vie de l’INH dans l’organisme (bien que
cette distribution soit plus vraisemblablement trimodale, chaque
allĂšle lent et rapide Ă©tant codominant [16]), oĂč les acĂ©tyleurs
Tableau I.
Activité in vitro des antibiotiques antituberculeux de premiÚre ligne, en cas de tuberculose cavitaire (37).
Antibiotiques Activité sur les bacilles
Proportion de mutants
résistants au sein
d’une population sensible
Apport dans le traitement
À multiplication active
(caverne) ~108 bacilles À multiplication lente
À pH acide (macrophages)
~105 bacilles
À pH neutre (foyers casĂ©eux)
~105 bacilles
Isoniazide ++ + 0 10-5 Antibiotique le plus
rapidement bactéricide
Rifampicine ++ + + 10-7 18 mois -> 9 mois
Pyrazinamide 0 ++ 0 >10-5 9 mois -> 6 mois
Éthambutol ± ± 0 10-6 EmpĂȘche sĂ©lection de RIF-R
si résistance primaire à INH
+, ++ : activitĂ© bactĂ©ricide ; ± : activitĂ© bactĂ©riostatique ; 0 : pas d’activitĂ©.
Tableau II.
CaractĂ©ristiques pharmacocinĂ©tiques et pharmacodynamiques de INH, RIF et PZA chez l’homme (10, 22, 62, 63).
Médicaments ParamÚtres pharmacocinétiques ParamÚtres pharmacodynamiques
Dose (mg/kg) Cmax (mg/l) ASC24 h (mg.h.l-1) CMI90 (mg/l) Cmax/CMI ASC/CMI
Isoniazide
Métaboliseur rapide 5 5,4 ± 2,0 19,9 ± 6,1 0,05 108a398b
Métaboliseur lent 5 7,1 ± 1,9 48,2 ± 1,5 0,05 142a964b
Rifampicine 10,9 ± 2,7 5,9 ± 2,1 25,6 ± 10,0 0,25 24a102
Rifabutine 5 0,4 ± 0,1 d 3 ± 1 d 0,06 7 50
Pyrazinamide 25 38,7 ± 5,9 520 ± 1 01 10 3,8 ± 0,6c52 ± 10c
Éthambutol 25 4,5 ± 1 28,9 ± 4,7 4 1 7
a SupĂ©rieur Ă  10 ; b SupĂ©rieur Ă  125 ; c En dessous des valeurs recommandĂ©es ; d À l’équilibre.
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rapides ont une demi-vie d’élimination de 1 Ă  2 heures (50 % de
la population environ en Europe) et les acétyleurs lents de 2 à
5 heures (8). De fait, pour une mĂȘme dose, l’exposition Ă  l’INH est
deux à trois fois moindre chez les acétyleurs rapides (Cmax et ASC
infĂ©rieures) [16, 17]. L’acĂ©tyl INH est hydrolysĂ© rapidement en
monoacĂ©tylhydrazine, qui est lui-mĂȘme oxydĂ© par le CYP4502E1
en formant des intermédiaires toxiques avant acétylation par la
NAT2 en diacĂ©tylhydrazine non toxique (18). Chez l’acĂ©tyleur
lent ou en cas d’association Ă  RIF, la formation de mĂ©tabolites
toxiques est probablement augmentée. Trente pour cent de la
forme active sont éliminés par voie urinaire chez les acétyleurs
lents et 10 % chez les acétyleurs rapides (AMM).
L’INH est bactĂ©ricide. Il pĂ©nĂštre dans le BK par diïŹ€ usion et
transport actif oxygÚne-dépendant et inhibe la biosynthÚse des
acides gras de la paroi cellulaire du germe (8). Le proïŹ l PK-PD de
l’INH est encore discutĂ© aujourd’hui (10, 17). Il est trĂšs eïŹƒ cace
dans la premiÚre phase de bactéricidie intensive des germes
Ă  multiplication rapide et prĂ©sente un eïŹ€ et postantibiotique
d’environ 18 heures in vitro (13) qui permet son administration
une fois par jour malgrĂ© sa faible demi-vie. Il semble qu’il y ait
un eïŹ€ et de saturation de son eïŹƒ cacitĂ© au-delĂ  de la dose de
300 mg/j ou d’un rapport Cmax/CMI supĂ©rieur Ă  15 (10, 19), ce
qui pourrait ĂȘtre dĂ» Ă  la saturation du transporteur.
Pyrazinamide
L’absorption du PZA est complùte aprùs une prise orale avec un
pic de concentration sĂ©rique entre 1 Ă  2 heures suivant l’inges-
tion (8), oĂč les concentrations sĂ©riques maximales atteignent
30 mg/l aprĂšs une administration de 1 500 mg/j (20). Le PZA
diïŹ€ use largement dans l’organisme, y compris dans le liquide
céphalorachidien. Seuls 5 % sont liés aux protéines plasmati-
ques. Le métabolisme hépatique du PZA conduit à la formation
d’acide pyrazinoïque (PA) trùs actif et de 5-hydroxypyrazinamide
(5-OH-PZA) et d’acide 5-hydroxypyrazinoïque (5-OH-PA), qui
sont surtout excrĂ©tĂ©s par ïŹ ltration glomĂ©rulaire (20). La demi-vie
du PZA est de 9,5 heures et seuls 3 % sont excrétés sous forme
inchangée dans les urines.
Le mode d’action du PZA est encore mal connu. Il pĂ©nĂštre
dans les macrophages et n’agit qu’en milieu acide. L’activitĂ©
antibactérienne du PZA requiert une enzyme, la pyrazinami-
dase, qui est retrouvée dans les germes sensibles et non dans
les germes résistants. Cette enzyme transforme le PZA en acide
pyrazinoĂŻque, qui a l’activitĂ© antibactĂ©rienne (21). Il a une faible
action bactéricide précoce (10) et agit uniquement sur les bacilles
persistants Ă  croissance lente (activitĂ© stĂ©rilisatrice). Seul, c’est
l’antituberculeux susceptible de sĂ©lectionner le plus de BK rĂ©sis-
tants (21). La longue demi-vie de cet antibiotique permet son
administration une fois par jour.
Éthambutol
Seul le d-isomĂšre qui est la forme active de l’EMB est utilisĂ©. Il
existe une grande variabilité interindividuelle des paramÚtres
pharmacocinĂ©tiques de l’EMB. AprĂšs une administration orale
de 15 à 25 mg/kg, 70 à 80 % sont absorbés et les concentrations
maximales sont atteintes en 2 Ă  3 heures (8). La Cmax, pour une
administration de 25 mg/kg, atteint 3 à 6 mg/l et l’ASC environ
30 mg/l/h (22). La diïŹ€ usion dans l’organisme est bonne, mais
l’EMB pĂ©nĂštre peu la barriĂšre hĂ©mato-encĂ©phalique (8). La
fraction liée aux protéines plasmatiques est de 40 %. Soixante-
quinze pour cent de l’EMB inchangĂ© sont excrĂ©tĂ©s dans les
urines. La demi-vie d’élimination est biphasique : 2-4 heures
pour la premiĂšre phase et 12-14 heures pour la seconde (23).
L’EMB est bactĂ©riostatique. Il interfĂšre avec la formation des
polysaccharides de la paroi bactĂ©rienne. Sa CMI est d’en-
viron 1 mg/l. Aucun eïŹ€ et postantibiotique n’est observĂ© avec
l’EMB.
Par ailleurs, les combinaisons des antituberculeux de premiĂšre
ligne prĂ©sentent gĂ©nĂ©ralement des eïŹ€ ets postantibiotiques supĂ©-
rieurs Ă  120 heures (13).
TOXICITÉ DES ANTITUBERCULEUX
Outre les troubles digestifs, le principal eïŹ€ et indĂ©sirable de la RIF
est une hĂ©patotoxicitĂ©, en particulier chez l’insuïŹƒ sant hĂ©patique
chronique, l’alcoolique, les personnes dĂ©nutries, les plus ĂągĂ©es (8)
ou les patients atteints du VIH (24). Une hyperbilirubinémie (par
inhibition de sa sécrétion) et une augmentation des enzymes
hĂ©patiques d’apparition rapide aprĂšs instauration du traitement
sont observées chez 4 % des patients ; une hépatite est retrouvée
chez 3 % (24). Pour la rifabutine, les eïŹ€ ets hĂ©patiques sont rares
mais il semble exister une relation entre la dose et l’incidence
des eïŹ€ ets indĂ©sirables (25).
La RIF potentialise la toxicitĂ© hĂ©patique de l’INH (26, 27) proba-
blement par son eïŹ€ et inducteur sur des enzymes du mĂ©tabo-
lisme de l’INH, conduisant à augmenter la production de ses
métabolites toxiques.
L’INH est l’un des antituberculeux les plus toxiques pour le foie.
L’augmentation des transaminases est observĂ©e dans 10 Ă  25 %
des cas (26) et l’hĂ©patite clinique est par la suite dĂ©veloppĂ©e dans
0,5 Ă  2 % des cas. Cette proportion s’élĂšve Ă  3 Ă  6 % quand la
RIF est associĂ©e Ă  l’INH (8, 26). L’ñge (> 50 ans), la malnutrition,
l’alcoolisme, les hĂ©patites virales chroniques et les acĂ©tyleurs
lents seraient des facteurs favorisant l’hĂ©patotoxicitĂ© induite par
l’INH (3, 18, 26). Les neuropathies pĂ©riphĂ©riques sous INH par
interférence avec le métabolisme de la pyridoxine sont rares aux
posologies usuelles (3), mais elles sont favorisĂ©es par d’autres
facteurs neurotoxiques tels que le diabùte, l’alcool, la malnutri-
tion et l’association avec d’autres mĂ©dicaments neurotoxiques.
Elles sont traitĂ©es par l’administration de vitamine B6.
La relation entre la dose et la toxicitĂ© des antituberculeux n’est
pas pleinement Ă©tablie, Ă  l’exception du PZA et de l’EMB (23,
28). L’hĂ©patotoxicitĂ© Ă©tait un problĂšme majeur du PZA dans les
premiÚres années de son utilisation, les posologies se situant
alors entre 40 et 70 mg/kg/j (21). Cet eïŹ€ et est devenu plus rare
aux posologies actuelles et depuis que la durée du traitement
est réduite à 2 mois. Son incidence est toutefois controversée ;
elle pourrait ĂȘtre de l’ordre de 1 % pour les eïŹ€ ets majeurs (5)
et favorisĂ©e par un Ăąge supĂ©rieur Ă  60 ans ou l’infection par le
VIH (24). Par ailleurs, un traitement symptomatique permet
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gĂ©nĂ©ralement d’amĂ©liorer l’hyperuricĂ©mie provoquĂ©e par le
PZA par compĂ©tition avec la sĂ©crĂ©tion tubulaire de l’acide
urique (3).
Le principal eïŹ€ et indĂ©sirable de l’EMB est la nĂ©vrite optique rĂ©tro-
bulbaire, d’apparition assez tardive, rencontrĂ©e assez frĂ©quem-
ment au-delà de 15 mg/kg/j mais demeurant rare en deçà (28).
Dans le cadre de l’association des trois principaux antituber-
culeux de premiĂšre ligne (RIF, INH et PZA), l’élĂ©vation prĂ©coce
des transaminases (15 jours) aprùs l’instauration du traitement
serait principalement imputable Ă  la toxicitĂ© de l’INH potenti-
alisĂ©e par la RIF. Cet eïŹ€ et est de moins bon pronostic lorsqu’il
apparaĂźt plus tardivement (aprĂšs le premier mois de traitement),
car il correspondrait plutÎt à une hépatotoxicité du PZA (27).
INTÉRÊT DE LA DÉTERMINATION DU PROFIL
D’ACÉTYLATION DES PATIENTS
La trÚs grande majorité des patients (95 %) répondent sans
rechuter au traitement standard de la tuberculose (23), ce qui
tĂ©moigne de sa bonne eïŹƒ cacitĂ©.
L’intĂ©rĂȘt de savoir si un patient est acĂ©tyleur lent ou rapide avant
l’instauration d’un traitement comprenant l’INH reste discutĂ©.
Il existe plusieurs méthodes pour le déterminer. La premiÚre,
dĂ©crite par Vivien et al. (29), consiste Ă  Ă©valuer l’indice d’inactiva-
tion I3 selon la formule : I3 = (C3 + 0,6)/D(mg/kg) aprĂšs mesure
de la concentration sĂ©rique (C3 en mg/l) de l’INH Ă  T = 3 heures
aprĂšs administration d’une dose D de mĂ©dicament. Les acĂ©ty-
leurs rapides sont dĂ©ïŹ nis comme ayant un indice I3 < 0,65 ; les
acétyleurs lents ont un indice supérieur. Cet indice permet aussi
le calcul de la posologie optimale (en mg/kg) pour obtenir un
C3 de 1,5 ± 0,5 mg/l, selon la formule 2/I3.
Le phĂ©notypage peut Ă©galement ĂȘtre dĂ©terminĂ© par la mesure du
ratio mĂ©tabolique Rm = acĂ©tyl INH/INH aprĂšs dosage de l’INH
et de son métabolite acétylé à T = 3 heures aprÚs la prise (30). Un
Rm < 0,48 définit un acétyleur lent, un Rm > 0,77 un acétyleur
rapide (entre 0,48 et 0,77, on parle d’acĂ©tyleur intermĂ©diaire). Des
méthodes de génotypage de NAT2 ont par ailleurs été dévelop-
pĂ©es par ampliïŹ cation par rĂ©action en chaĂźne par la polymĂ©rase
(PCR) suivie d’une digestion par une enzyme de restriction
(15, 18). Il existe une bonne corrélation entre le phénotype et
le gĂ©notype d’un individu (16). Les posologies d’INH fondĂ©es
sur cette approche sont trùs variables d’un patient à l’autre.
Par exemple, dans l’étude Houin-Tillement (31), la posologie
d’INH variait de 1,5 Ă  3 mg/kg/j chez l’acĂ©tyleur lent et de 3 Ă 
18 mg/kg/j chez l’acĂ©tyleur rapide. L’eïŹƒ cacitĂ© thĂ©rapeutique de
l’INH aux concentrations usuelles semble ĂȘtre analogue quel que
soit le statut d’acĂ©tyleur du patient (32). Cependant, il existe peu
d’études permettant d’aïŹƒ rmer que ces posologies sont optimales
pour tous les patients, d’autant qu’il faut tenir compte de l’eïŹ€ et
produit par les autres médicaments coadministrés.
En revanche, il est reconnu que les acétyleurs lents sont à plus
haut risque de développer une hépatotoxicité que les acéty-
leurs rapides (18, 33, 34). Toutefois, il n’est pas formellement
dĂ©montrĂ© qu’il existe une relation entre des concentrations
sĂ©riques Ă©levĂ©es d’INH et les deux principaux eïŹ€ ets indĂ©sirables
de l’INH : hĂ©patotoxicitĂ© et neurotoxicitĂ©. L’utilitĂ© de l’adaptation
d’une posologie systĂ©matique de l’INH en fonction du statut de
l’acĂ©tylation est controversĂ©e. Parrot et al. (32) n’ont observĂ©
aucune diïŹ€ Ă©rence signiïŹ cative en termes de troubles toxiques
entre une posologie adaptée à I3 et la posologie standard de
5 mg/kg/j chez des patients de moins de 50 ans, sans comorbidité
associĂ©e ni trouble neurologique majeur. À l’inverse, Cheminat
et al. (35) ont observé une élévation moindre des transaminases
lorsque l’adaptation de posologie aprĂšs phĂ©notypage selon la
méthode de Vivien (29) était réalisée dÚs la mise en route du
traitement. Toutefois, aucun cas d’hĂ©patite n’était signalĂ© chez
les patients de cette Ă©tude. Il a Ă©tĂ© proposĂ© chez l’enfant une
adaptation systĂ©matique des posologies Ă  partir de l’index d’inac-
tivation (36). D’autres prĂ©conisent une adaptation uniquement
chez les sujets Ă  index extrĂȘme (31). La possibilitĂ© d’ajuster la
posologie Ă  chaque malade par la mesure de la concentration
sĂ©rique Ă  la troisiĂšme heure est mentionnĂ©e dans l’AMM du
médicament commercialisé en France (Rimifon
Âź
).
Le phénotypage ou le génotypage seul pourraient par ailleurs
ĂȘtre utiles, soit pour alerter sur la nĂ©cessitĂ© de suivre au plus
prÚs les marqueurs du fonctionnement hépatique (transami-
nases) chez les acétyleurs lents (18), soit pour préconiser deux
ou trois posologies standard en fonction du type d’acĂ©tyleur
(15, 16). Mais des études cliniques sont encore nécessaires pour
valider cette approche.
SUIVI THÉRAPEUTIQUE PHARMACOLOGIQUE STP
ET TRAITEMENT ANTITUBERCULEUX
Définition
Les dosages sĂ©riques d’antituberculeux ne sont pas recommandĂ©s
en routine (5, 37). Cependant, il existe des circonstances oĂč le
risque d’échec du traitement est plus important et pour lesquelles
un suivi des concentrations plasmatiques des antituberculeux
en vue d’un ajustement de posologie (STP [suivi thĂ©rapeutique
pharmacologique]) peut ĂȘtre un Ă©lĂ©ment utile dans la prise en
charge globale du patient tuberculeux.
Le STP est intéressant dans le cas de patients résistants, chez
lesquels beaucoup de médicaments de deuxiÚme ligne ont une
marge thérapeutique étroite et pour lesquels le suivi thérapeutique
de certains est déjà appliqué en routine (aminosides) [3, 5]. Son
utilitĂ© est Ă©galement discutĂ©e en cas d’échec au traitement non
expliqué par une mauvaise observance ou une résistance du germe,
ainsi que pour les personnes dont la situation médicale peut modi-
ïŹ er la cinĂ©tique des antituberculeux (5) : insuïŹƒ sance hĂ©patique ou
rénale, malabsorption digestive, interactions médicamenteuses.
Des valeurs cibles ont été proposées par Peloquin (tableau III)
[23, 38]. Elles correspondent à la Cmax des molécules. Elles sont
mesurĂ©es Ă  T = 2 heures aprĂšs l’administration du traitement,
temps qui correspond au T
max
de nombreux antituberculeux
(T = 3-4 heures est plus adapté pour la rifabutine). Les taux
résiduels ne sont pas préconisés car beaucoup sont en dessous
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