mise au point m ise au point Intérêt du suivi thérapeutique des antituberculeux chez l’adulte Therapeutic Drug Monitoring in antituberculosis chemotherapy of adults IP L. Harcouët*, M. Tod* Résumé La prise en charge thérapeutique de la tuberculose est caractérisée par des localisations variables de la maladie, la nécessité d’agir sur différentes sous-populations du germe (intra- et extracellulaires), des traitements associant plusieurs médicaments pendant plusieurs mois, présentant des variabilités pharmacocinétiques intra- et interindividuelles et pouvant interagir entre eux ou avec d’autres médicaments. Les relations entre le profil de concentration plasmatique et l’effet des antituberculeux sont encore mal élucidées. Toutefois, une bonne observance est impérative pour éviter le développement de résistances. Les principales toxicités des médicaments de première ligne sont hépatiques (rifampicine [RIF], isoniazide [INH] et pyrazinamide [PZA]), oculaires (éthambutol [EMB]) et neurologiques (INH) ; elles peuvent être majorées en cas d’insuffisance hépatique, d’insuffisance rénale (IR), de co-infection avec le VIH. L’intérêt du suivi thérapeutique de ces médicaments (STP) est discuté. Il pourrait être utile en cas d’IR, même modérée, ou dans les situations d’hémodialyse ou de dialyse péritonéale, ainsi que chez les patients co-infectés par le VIH s’ils répondent mal ou lentement au traitement antituberculeux ou en cas d’association avec les inhibiteurs de la protéase (IP) ou les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTI). La recherche du type d’acétyleur lent ou rapide par phénotypage ou génotypage au début de l’administration d’INH pourrait être utile pour alerter sur la nécessité d’un suivi rapproché des fonctions hépatiques chez les acétyleurs lents, voire pour modifier les posologies en conséquence. Toutefois, des études cliniques sont encore nécessaires pour démontrer plus formellement l’intérêt du STP dans ces situations. mots-clés : Suivi thérapeutique - STP - Antituberculeux. L a tuberculose reste une préoccupation mondiale, avec 8 millions de personnes atteintes chaque année et 2 millions de décès. L’incidence de cette maladie est de 11 cas pour 100 000. En France, elle est principalement observée chez le patient infecté par le virus de l’immunodé* Service de pharmacie-toxicologie, hôpital Cochin, 75014 Paris. 134 SUMMARY Tuberculosis treatment takes into account the variety of localization of the infection, the existence of several populations of bacteria (intra and extracellular), the association of several drugs during several months, intra- and inter-individual pharmacokinetic variability and drug-drug interactions. Pharmacokinetic-pharmacodynamic relationships of antituberculosis drugs are still poorly understood. However, a good compliance is required to avoid the development of resistance. Regarding tolerability, the main toxicity of first line drugs is hepatic (for rifampicine [RIF], isoniazid [INH] and pyrazinamide [PZA]), ocular (ethambutol [EMB]) and neurological (INH); these adverse effects may be increased in case of hepatic or renal impairment, or by VIH co-infection. The relevance of therapeutic drug monitoring (TDM) of antituberculosis drugs remains controversial. TDM may be valuable in case of renal impaiment, hemodialysis or peritoneal dialysis, patients with VIH co-infection exhibiting a slow response to antituberculosis drugs or treated by IPs or NNRTIs. Determination of the phenotype or genotype of N-acetyl-transferase (NAT2, the main enzyme of INH metabolism) at the beginning of INH treatment may help to adjust the dosing regimen or the frequency of biological monitoring of hepatic function in slow metabolisers. However, clinical studies remain to be done in order to define more precisely the indications of TDM for these drugs. Keywords: Therapeutic drug monitoring - TDM - Antitubercular drugs. ficience humaine (VIH), les populations en situation socioéconomique précaire et les migrants de pays à forte endémie tuberculeuse (1). Mycobacterium tuberculosis, ou bacille de Koch (BK), est un germe intracellulaire facultatif, capable de poursuivre un développement lent (cycle de 20 heures) et d’assurer une longue persistance intracellulaire (source de réveil ultérieur) [2]. C’est un bacille aérobie strict transmis par la toux qui provoque après captation macrophagique au niveau du poumon un granulome avec nécrose caséeuse au centre et focalisation ganglionnaire de voisinage. Cette lésion peut s’arrêter à ce stade, et il s’installe alors un équilibre entre les défenses immunitaires à médiation cellulaire de l’organisme et le BK. La maladie tuberculeuse résulte La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007 de deux mécanismes possibles : soit l’équilibre n’a jamais été obtenu, soit cet équilibre est rompu au terme d’un délai plus ou moins long et pour des raisons variées (immunodépression, infection intercurrente…). Dès lors, les éléments bacillaires résiduels (souvent ganglionnaires) redeviennent virulents et source d’atteintes cliniques variées, souvent contagieuses et potentiellement mortelles. Le traitement repose sur une plurithérapie pendant une durée importante. Les médicaments utilisés montrent des variabilités des caractéristiques pharmacocinétiques et sont à haut risque de toxicité. La présente étude propose d’analyser, en fonction des données de la littérature, les situations dans lesquelles le suivi thérapeutique pourrait être intéressant afin de réduire les risques de toxicité tout en assurant un effet thérapeutique optimal. tRaitement de la tuBeRculose maladie Principes généraux Le traitement antituberculeux doit être adapté à la croissance lente des germes et cibler les différentes formes de bacilles présentes : les bacilles extracellulaires à multiplication active en aérobiose dans les cavernes qui se sont constituées après ramollissement et évacuation du caséum, les bacilles à multiplication lente à pH acide intramacrophagique, et les bacilles à multiplication lente à pH neutre, qui sont quiescents ou en dormance dans les foyers caséeux (ce sont les plus difficiles à atteindre) [3]. En outre, le traitement doit être adapté à la croissance lente des germes et empêcher l’émergence d’une résistance spontanée par mutation observée pour chacun des médicaments antituberculeux. Une polychimiothérapie évite la sélection de souches résistantes et permet une action complémentaire sur les différentes populations de bacilles. Une durée minimale de 6 mois permet généralement la guérison et évite la rechute de l’infection à bacille sensible. Le traitement s’organise toujours en deux phases : une phase initiale de bactéricidie intensive durant deux mois et une phase de consolidation (stérilisation). Les différentes classifications des antituberculeux distinguent classiquement les molécules de première ligne, utilisées pour le traitement standard, et les molécules de seconde ligne, regroupant les médicaments réservés au traitement des tuberculoses résistantes ainsi que les molécules encore mal évaluées. Les principaux médicaments de seconde ligne sont l’amikacine, la cyclosérine, l’ofloxacine, l’éthionamide et l’acide para-amino-salicylique. Le traitement de la tuberculose maladie Le traitement standard de la tuberculose recommandé chez l’adulte associe la rifampicine ([RIF], 10 mg/kg/j), l’isoniazide ([INH], 4-5 mg/kg/j), le pyrazinamide ([PZA], 20-25 mg/kg/j) et l’éthambutol ([EMB], 15-20 mg/kg/j) pendant 2 mois, puis le maintien de RIF et INH pendant les 4 mois suivants (4, 5). L’administration est quotidienne en une prise orale à jeun. Le recours aux traitements intermittents (à dose ajustée) est La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007 possible (5), mais ils ne sont pas recommandés en France (4). Chez les patients séropositifs pour le VIH et la femme enceinte, il est conseillé d’utiliser le traitement standard, avec la même durée de traitement pour les localisations pulmonaires. En dehors de la tuberculose à germe résistant nécessitant un traitement de seconde ligne, certaines situations thérapeutiques à risque sont identifiées, où les risques d’échec du traitement et/ou de toxicité avec un traitement standard sont accrus. Ainsi, l’insuffisance rénale (IR) nécessite souvent une adaptation des posologies en fonction de la clairance de la créatinine ainsi que chez le patient hémodialysé ou sous dialyse péritonéale (4, 6). En cas d’insuffisance hépatocellulaire (IH), l’autorisation de mise sur le marché (AMM) de la RIF recommande de diviser par deux la posologie, celle du PZA d’éviter son utilisation. Les posologies et les durées de traitement des antituberculeux chez les patients infectés par le VIH varient en fonction du traitement antirétroviral associé et de la localisation ; la rifabutine est parfois préconisée en remplacement de la RIF. La plupart des localisations extrapulmonaires de la tuberculose répondent aussi rapidement au traitement standard. Cependant, et bien qu’il n’y ait pas d’élément de preuve, la durée du traitement peut être prolongée à 9 ou 12 mois en cas de tuberculose neuroméningée ou ostéo-articulaire (3). mise au point m ise au point phaRmacocinétique (pK) et phaRmacodynamie (pd) des pRincipauX antituBeRculeuX Rifamycines La famille des rifamycines regroupe la rifampicine, qui est le chef de file, la rifabutine et la rifapentine, qui n’est pas commercialisée en France. La biodisponibilité par voie orale de la RIF est d’environ 68 %, alors que celle de la rifabutine est faible (environ 20 %) [7]. Après une administration de 600 mg de RIF, les concentrations sériques maximales sont atteintes en 2 heures et varient de 8 à 24 mg/l. L’absorption de la rifabutine est plus lente (Tmax : 2,5 à 4 h) et plus faible (Cmax : 0,2 à 0,9 mg/l après 300 mg). Les rifamycines subissent un métabolisme hépatique important, avec principalement une formation de dérivés 25-o-désacétyl actifs sur le BK. La RIF subit un cycle entérohépatique. Les molécules et leurs métabolites sont largement éliminées dans la bile et les fèces. Seuls 13 à 24 % de la dose administrée de RIF sont éliminés inchangés dans les urines. Ce chiffre tombe à moins de 10 % pour la rifabutine. Les rifamycines pénètrent bien dans les tissus et les cellules. Elles sont liées à 80-85 % aux protéines plasmatiques. La RIF diffuse bien dans le liquide céphalorachidien en cas d’inflammation méningée (8). Il n’y a pas d’accumulation de RIF. Sa demi-vie d’élimination est courte : 2,5 à 5 heures les premiers jours de traitement. Elle diminue encore jusqu’à une valeur de 2-3 heures après administration répétée où l’équilibre est atteint en 6 jours environ (7). Cela est dû à un phénomène d’auto-induction attribué à l’augmentation de la glucuronidation qui participe à sa métabolisation et qui réduit également son aire sous 135 mise au point m ise au point la courbe (ASC). La RIF est également un puissant inducteur de la glycoprotéine P et des cytochromes CYP 3A3/4, CYP2C19, CYP2C9/10 et CYP1A2 (9). Elle n’est, en revanche, pas métabolisée par ces enzymes. L’effet inducteur de la rifabutine existe dans des proportions plus faibles. Sa demi-vie d’élimination varie de 32 à 67 heures (7). Les rifamycines agissent en inhibant l’ARN polymérase ADN dépendante du BK. Elles agissent à la fois sur les germes à multiplication active et à multiplication lente (tableau I). La vitesse de bactéricidie de la RIF est concentration-dépendante (10). Les doses usuelles (600 mg/j) permettent d’obtenir une Cmax et, surtout (11), une ASC très largement au-dessus de la CMI du germe (tableau II) [7]. Cependant, l’efficacité clinique de la RIF diminue lorsqu’on passe de 600 à 450 mg/j (ASC/CMI donc proche du seuil d’efficacité). Une variabilité de la fraction libre pourrait entraîner une variabilité de la réponse thérapeutique (12). Enfin, il existe un effet postantibiotique in vitro contre le BK d’environ 68 heures (13). Cela explique qu’une seule administration par jour suffise malgré la faible demi-vie d’élimination. Isoniazide L’absorption de l’INH est rapide et complète après une administration orale à jeun (Tmax = 1 à 2 heures) [14]. Comme pour la RIF, la prise alimentaire diminue l’absorption orale de l’INH ; c’est pourquoi les antituberculeux sont à administrer à jeun. Il diffuse rapidement dans tout l’organisme, notamment les liquides biologiques et les cavités, y compris le LCR (8). Il est peu lié aux protéines plasmatiques (14). Il est métabolisé par le foie, principalement par acétylation, et ses métabolites inactifs sont éliminés au niveau biliaire. L’enzyme hépatique transformant l’INH en acétyl INH est la N-acétyltransférase de type 2 (NAT2), qui présente un polymorphisme génétique. Il existe deux principaux phénotypes dans la population : les acétyleurs “rapides”, qui portent un (“acétyleur intermédiaire”) ou deux allèles de haute activité (NAT2*4 et NAT2*12), et les acétyleurs lents, qui ont deux variants de faible activité (15). Il en résulte une distribution bimodale de la demi-vie de l’INH dans l’organisme (bien que cette distribution soit plus vraisemblablement trimodale, chaque allèle lent et rapide étant codominant [16]), où les acétyleurs Tableau I. Activité in vitro des antibiotiques antituberculeux de première ligne, en cas de tuberculose cavitaire (37). Antibiotiques Proportion de mutants résistants au sein Apport dans le traitement d’une population sensible Activité sur les bacilles À multiplication active (caverne) ~108 bacilles À multiplication lente À pH acide (macrophages) À pH neutre (foyers caséeux) ~105 bacilles ~105 bacilles Isoniazide ++ + 0 10-5 Antibiotique le plus rapidement bactéricide Rifampicine ++ + + 10-7 18 mois -> 9 mois 9 mois -> 6 mois Empêche sélection de RIF-R si résistance primaire à INH Pyrazinamide 0 ++ 0 >10-5 Éthambutol ± ± 0 10-6 +, ++ : activité bactéricide ; ± : activité bactériostatique ; 0 : pas d’activité. Tableau II. Caractéristiques pharmacocinétiques et pharmacodynamiques de INH, RIF et PZA chez l’homme (10, 22, 62, 63). Médicaments Paramètres pharmacocinétiques Dose (mg/kg) Cmax (mg/l) Paramètres pharmacodynamiques ASC24 h (mg.h.l-1) CMI90 (mg/l) Cmax/CMI ASC/CMI Isoniazide Métaboliseur rapide 5 5,4 ± 2,0 19,9 ± 6,1 0,05 108a 398b Métaboliseur lent 5 7,1 ± 1,9 48,2 ± 1,5 0,05 142a 964b Rifampicine 10,9 ± 2,7 5,9 ± 2,1 25,6 ± 10,0 0,25 24a 102 Rifabutine 5 0,4 ± 0,1 d 3 ± 1d 0,06 7 50 52 ± 10c 7 Pyrazinamide 25 38,7 ± 5,9 520 ± 1 01 10 3,8 ± 0,6c Éthambutol 25 4,5 ± 28,9 ± 4,7 4 1 1 a Supérieur à 10 ; b Supérieur à 125 ; c En dessous des valeurs recommandées ; d À l’équilibre. 136 La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007 rapides ont une demi-vie d’élimination de 1 à 2 heures (50 % de la population environ en Europe) et les acétyleurs lents de 2 à 5 heures (8). De fait, pour une même dose, l’exposition à l’INH est deux à trois fois moindre chez les acétyleurs rapides (Cmax et ASC inférieures) [16, 17]. L’acétyl INH est hydrolysé rapidement en monoacétylhydrazine, qui est lui-même oxydé par le CYP4502E1 en formant des intermédiaires toxiques avant acétylation par la NAT2 en diacétylhydrazine non toxique (18). Chez l’acétyleur lent ou en cas d’association à RIF, la formation de métabolites toxiques est probablement augmentée. Trente pour cent de la forme active sont éliminés par voie urinaire chez les acétyleurs lents et 10 % chez les acétyleurs rapides (AMM). L’INH est bactéricide. Il pénètre dans le BK par diffusion et transport actif oxygène-dépendant et inhibe la biosynthèse des acides gras de la paroi cellulaire du germe (8). Le profil PK-PD de l’INH est encore discuté aujourd’hui (10, 17). Il est très efficace dans la première phase de bactéricidie intensive des germes à multiplication rapide et présente un effet postantibiotique d’environ 18 heures in vitro (13) qui permet son administration une fois par jour malgré sa faible demi-vie. Il semble qu’il y ait un effet de saturation de son efficacité au-delà de la dose de 300 mg/j ou d’un rapport Cmax/CMI supérieur à 15 (10, 19), ce qui pourrait être dû à la saturation du transporteur. Pyrazinamide L’absorption du PZA est complète après une prise orale avec un pic de concentration sérique entre 1 à 2 heures suivant l’ingestion (8), où les concentrations sériques maximales atteignent 30 mg/l après une administration de 1 500 mg/j (20). Le PZA diffuse largement dans l’organisme, y compris dans le liquide céphalorachidien. Seuls 5 % sont liés aux protéines plasmatiques. Le métabolisme hépatique du PZA conduit à la formation d’acide pyrazinoïque (PA) très actif et de 5-hydroxypyrazinamide (5-OH-PZA) et d’acide 5-hydroxypyrazinoïque (5-OH-PA), qui sont surtout excrétés par filtration glomérulaire (20). La demi-vie du PZA est de 9,5 heures et seuls 3 % sont excrétés sous forme inchangée dans les urines. Le mode d’action du PZA est encore mal connu. Il pénètre dans les macrophages et n’agit qu’en milieu acide. L’activité antibactérienne du PZA requiert une enzyme, la pyrazinamidase, qui est retrouvée dans les germes sensibles et non dans les germes résistants. Cette enzyme transforme le PZA en acide pyrazinoïque, qui a l’activité antibactérienne (21). Il a une faible action bactéricide précoce (10) et agit uniquement sur les bacilles persistants à croissance lente (activité stérilisatrice). Seul, c’est l’antituberculeux susceptible de sélectionner le plus de BK résistants (21). La longue demi-vie de cet antibiotique permet son administration une fois par jour. Éthambutol Seul le d-isomère qui est la forme active de l’EMB est utilisé. Il existe une grande variabilité interindividuelle des paramètres pharmacocinétiques de l’EMB. Après une administration orale de 15 à 25 mg/kg, 70 à 80 % sont absorbés et les concentrations maximales sont atteintes en 2 à 3 heures (8). La Cmax, pour une La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007 administration de 25 mg/kg, atteint 3 à 6 mg/l et l’ASC environ 30 mg/l/h (22). La diffusion dans l’organisme est bonne, mais l’EMB pénètre peu la barrière hémato-encéphalique (8). La fraction liée aux protéines plasmatiques est de 40 %. Soixantequinze pour cent de l’EMB inchangé sont excrétés dans les urines. La demi-vie d’élimination est biphasique : 2-4 heures pour la première phase et 12-14 heures pour la seconde (23). L’EMB est bactériostatique. Il interfère avec la formation des polysaccharides de la paroi bactérienne. Sa CMI est d’environ 1 mg/l. Aucun effet postantibiotique n’est observé avec l’EMB. Par ailleurs, les combinaisons des antituberculeux de première ligne présentent généralement des effets postantibiotiques supérieurs à 120 heures (13). mise au point m ise au point toXicité des antituBeRculeuX Outre les troubles digestifs, le principal effet indésirable de la RIF est une hépatotoxicité, en particulier chez l’insuffisant hépatique chronique, l’alcoolique, les personnes dénutries, les plus âgées (8) ou les patients atteints du VIH (24). Une hyperbilirubinémie (par inhibition de sa sécrétion) et une augmentation des enzymes hépatiques d’apparition rapide après instauration du traitement sont observées chez 4 % des patients ; une hépatite est retrouvée chez 3 % (24). Pour la rifabutine, les effets hépatiques sont rares mais il semble exister une relation entre la dose et l’incidence des effets indésirables (25). La RIF potentialise la toxicité hépatique de l’INH (26, 27) probablement par son effet inducteur sur des enzymes du métabolisme de l’INH, conduisant à augmenter la production de ses métabolites toxiques. L’INH est l’un des antituberculeux les plus toxiques pour le foie. L’augmentation des transaminases est observée dans 10 à 25 % des cas (26) et l’hépatite clinique est par la suite développée dans 0,5 à 2 % des cas. Cette proportion s’élève à 3 à 6 % quand la RIF est associée à l’INH (8, 26). L’âge (> 50 ans), la malnutrition, l’alcoolisme, les hépatites virales chroniques et les acétyleurs lents seraient des facteurs favorisant l’hépatotoxicité induite par l’INH (3, 18, 26). Les neuropathies périphériques sous INH par interférence avec le métabolisme de la pyridoxine sont rares aux posologies usuelles (3), mais elles sont favorisées par d’autres facteurs neurotoxiques tels que le diabète, l’alcool, la malnutrition et l’association avec d’autres médicaments neurotoxiques. Elles sont traitées par l’administration de vitamine B6. La relation entre la dose et la toxicité des antituberculeux n’est pas pleinement établie, à l’exception du PZA et de l’EMB (23, 28). L’hépatotoxicité était un problème majeur du PZA dans les premières années de son utilisation, les posologies se situant alors entre 40 et 70 mg/kg/j (21). Cet effet est devenu plus rare aux posologies actuelles et depuis que la durée du traitement est réduite à 2 mois. Son incidence est toutefois controversée ; elle pourrait être de l’ordre de 1 % pour les effets majeurs (5) et favorisée par un âge supérieur à 60 ans ou l’infection par le VIH (24). Par ailleurs, un traitement symptomatique permet 137 mise au point m ise au point généralement d’améliorer l’hyperuricémie provoquée par le PZA par compétition avec la sécrétion tubulaire de l’acide urique (3). Le principal effet indésirable de l’EMB est la névrite optique rétrobulbaire, d’apparition assez tardive, rencontrée assez fréquemment au-delà de 15 mg/kg/j mais demeurant rare en deçà (28). Dans le cadre de l’association des trois principaux antituberculeux de première ligne (RIF, INH et PZA), l’élévation précoce des transaminases (15 jours) après l’instauration du traitement serait principalement imputable à la toxicité de l’INH potentialisée par la RIF. Cet effet est de moins bon pronostic lorsqu’il apparaît plus tardivement (après le premier mois de traitement), car il correspondrait plutôt à une hépatotoxicité du PZA (27). intéRÊt de la déteRmination du pRofil d’acétylation des patients La très grande majorité des patients (95 %) répondent sans rechuter au traitement standard de la tuberculose (23), ce qui témoigne de sa bonne efficacité. L’intérêt de savoir si un patient est acétyleur lent ou rapide avant l’instauration d’un traitement comprenant l’INH reste discuté. Il existe plusieurs méthodes pour le déterminer. La première, décrite par Vivien et al. (29), consiste à évaluer l’indice d’inactivation I3 selon la formule : I3 = (C3 + 0,6)/D(mg/kg) après mesure de la concentration sérique (C3 en mg/l) de l’INH à T = 3 heures après administration d’une dose D de médicament. Les acétyleurs rapides sont définis comme ayant un indice I3 < 0,65 ; les acétyleurs lents ont un indice supérieur. Cet indice permet aussi le calcul de la posologie optimale (en mg/kg) pour obtenir un C3 de 1,5 ± 0,5 mg/l, selon la formule 2/I3. Le phénotypage peut également être déterminé par la mesure du ratio métabolique Rm = acétyl INH/INH après dosage de l’INH et de son métabolite acétylé à T = 3 heures après la prise (30). Un Rm < 0,48 définit un acétyleur lent, un Rm > 0,77 un acétyleur rapide (entre 0,48 et 0,77, on parle d’acétyleur intermédiaire). Des méthodes de génotypage de NAT2 ont par ailleurs été développées par amplification par réaction en chaîne par la polymérase (PCR) suivie d’une digestion par une enzyme de restriction (15, 18). Il existe une bonne corrélation entre le phénotype et le génotype d’un individu (16). Les posologies d’INH fondées sur cette approche sont très variables d’un patient à l’autre. Par exemple, dans l’étude Houin-Tillement (31), la posologie d’INH variait de 1,5 à 3 mg/kg/j chez l’acétyleur lent et de 3 à 18 mg/kg/j chez l’acétyleur rapide. L’efficacité thérapeutique de l’INH aux concentrations usuelles semble être analogue quel que soit le statut d’acétyleur du patient (32). Cependant, il existe peu d’études permettant d’affirmer que ces posologies sont optimales pour tous les patients, d’autant qu’il faut tenir compte de l’effet produit par les autres médicaments coadministrés. En revanche, il est reconnu que les acétyleurs lents sont à plus haut risque de développer une hépatotoxicité que les acétyleurs rapides (18, 33, 34). Toutefois, il n’est pas formellement démontré qu’il existe une relation entre des concentrations 138 sériques élevées d’INH et les deux principaux effets indésirables de l’INH : hépatotoxicité et neurotoxicité. L’utilité de l’adaptation d’une posologie systématique de l’INH en fonction du statut de l’acétylation est controversée. Parrot et al. (32) n’ont observé aucune différence significative en termes de troubles toxiques entre une posologie adaptée à I3 et la posologie standard de 5 mg/kg/j chez des patients de moins de 50 ans, sans comorbidité associée ni trouble neurologique majeur. À l’inverse, Cheminat et al. (35) ont observé une élévation moindre des transaminases lorsque l’adaptation de posologie après phénotypage selon la méthode de Vivien (29) était réalisée dès la mise en route du traitement. Toutefois, aucun cas d’hépatite n’était signalé chez les patients de cette étude. Il a été proposé chez l’enfant une adaptation systématique des posologies à partir de l’index d’inactivation (36). D’autres préconisent une adaptation uniquement chez les sujets à index extrême (31). La possibilité d’ajuster la posologie à chaque malade par la mesure de la concentration sérique à la troisième heure est mentionnée dans l’A MM du médicament commercialisé en France (Rimifon®). Le phénotypage ou le génotypage seul pourraient par ailleurs être utiles, soit pour alerter sur la nécessité de suivre au plus près les marqueurs du fonctionnement hépatique (transaminases) chez les acétyleurs lents (18), soit pour préconiser deux ou trois posologies standard en fonction du type d’acétyleur (15, 16). Mais des études cliniques sont encore nécessaires pour valider cette approche. suivi théRapeutique phaRmacologique (stp) et tRaitement antituBeRculeuX Définition Les dosages sériques d’antituberculeux ne sont pas recommandés en routine (5, 37). Cependant, il existe des circonstances où le risque d’échec du traitement est plus important et pour lesquelles un suivi des concentrations plasmatiques des antituberculeux en vue d’un ajustement de posologie (STP [suivi thérapeutique pharmacologique]) peut être un élément utile dans la prise en charge globale du patient tuberculeux. Le STP est intéressant dans le cas de patients résistants, chez lesquels beaucoup de médicaments de deuxième ligne ont une marge thérapeutique étroite et pour lesquels le suivi thérapeutique de certains est déjà appliqué en routine (aminosides) [3, 5]. Son utilité est également discutée en cas d’échec au traitement non expliqué par une mauvaise observance ou une résistance du germe, ainsi que pour les personnes dont la situation médicale peut modifier la cinétique des antituberculeux (5) : insuffisance hépatique ou rénale, malabsorption digestive, interactions médicamenteuses. Des valeurs cibles ont été proposées par Peloquin (tableau III) [23, 38]. Elles correspondent à la Cmax des molécules. Elles sont mesurées à T = 2 heures après l’administration du traitement, temps qui correspond au Tmax de nombreux antituberculeux (T = 3-4 heures est plus adapté pour la rifabutine). Les taux résiduels ne sont pas préconisés car beaucoup sont en dessous La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007 Tableau III. Zone thérapeutique des antituberculeux de première ligne (23). Médicament Dose usuelle journalière Tmax (h) Cmax usuelle (mg/l) Concentration nécessitant un ajustement de posologie** (mg/l) Rifampicine 600 mg 2 8 - 24 <6 Rifabutine 300 mg 3-4 0,3 - 0,9 < 0,2 ou > 1* Isoniazide*** 300 mg 1-2 3-6 <2 Pyrazinamide 25 mg/kg 1-2 20 - 40 < 15 Éthambutol 15-25 mg/kg 2-3 2-6 <2 mise au point m ise au point * Tenir compte du statut clinique du patient et de l’intérêt du médicament au regard des effets indésirables. ** Pour un prélèvement à T = 2 h (sauf rifabutine pour laquelle T = 3-4 h est plus adapté). Un prélèvement supplémentaire à T = 6 h est conseillé pour détecter un retard d’absorption ou une malabsorption. *** Proposer un phénotypage de l’acétylation en début de traitement à T = 3 h après la prise. du seuil de détection des méthodes de dosage classiquement utilisées (HPLC). De plus, ils sont moins adaptés aux antituberculeux présentant une relation PK-PD concentrationdépendante. Peloquin propose de réaliser un autre prélèvement à T = 6 heures, afin de compléter les informations relatives à l’absorption, qui présente une grande variabilité (23). Cela permet de distinguer le retard à l’absorption de la malabsorption, où les concentrations aux deux temps sont insuffisantes. Ces valeurs cibles sont celles habituellement retrouvées chez le volontaire sain. Il n’est pas formellement démontré qu’elles correspondent aux marges thérapeutiques chez les tuberculeux, qui doivent correspondre à la situation d’efficacité maximale et de toxicité minimale (38). Place du STP dans le traitement de la tuberculose ✓ Situation de mauvaise réponse au traitement. La mauvaise observance peut être à l’origine de l’échec ou de la rechute d’un traitement antituberculeux à germe sensible. L’aide à la prise du traitement par un tiers (DOT [Directly Observed Treatment]) est la meilleure méthode pour améliorer l’adhésion (23). La mesure des concentrations plasmatiques d’antituberculeux est peu adaptée en raison de la faible demi-vie de la plupart des médicaments, à l’exception de PZA, qui peut en outre être utilisé dans cet objectif en mesurant ses effets biologiques (augmentation de l’uricémie). La couleur orangée des urines peut également témoigner de la prise de RIF. Environ 2 à 5 % de patients sans facteur de comorbidité, facteur pronostique défavorable ou mauvaise adhérence répondent mal ou lentement, ou rechutent sous traitement antituberculeux standard (39). Un grand nombre d’entre eux présentent des taux sériques d’antituberculeux subthérapeutiques, et certaines équipes suggèrent que le STP pourrait être utile pour détecter ces concentrations sanguines insuffisantes et adapter la posologie (40-43). Les principales hypothèses avancées pour expliquer les mauvaises réponses au traitement seraient une absorption insuffisante due à des troubles gastro-intestinaux parfois non décelés ou, dans le cas de RIF, une malnutrition entraînant une élévation de sa clairance par diminution de sa liaison aux protéines (baisse de l’albuminémie). D’ailleurs, il a été observé de faibles taux sanguins d’antituberculeux associés à un échec thérapeutique chez des patients atteints de mucoviscidose qui La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007 présentent généralement des troubles de la motilité intestinale, du statut nutritionnel et du métabolisme des médicaments (44). Le STP est également proposé chez les patients diabétiques qui, eux aussi, présentent souvent des troubles gastro-intestinaux et des gastroparésies (23). Cependant, toutes les études promouvant le STP en cas de mauvaise réponse au traitement sont non contrôlées, sans groupe témoin, et relèvent souvent d’études de cas clinique. De plus, les patients recevaient parfois un traitement selon un schéma discontinu qui n’est pas recommandé en France, et au moment où l’inefficacité était constatée, la posologie maximale de RIF et d’INH, conformément aux recommandations américaines (5), ne dépassait pas 600 et 300 mg respectivement quel que soit le poids du patient, qui pouvait être très élevé. Par ailleurs, Garg et al. (45) ont montré que le statut nutritionnel des patients tuberculeux ne modifie pas la cinétique de RIF ou d’INH. Enfin, Weiner et al. (46) ont montré, dans une étude comprenant un groupe témoin, qu’il n’existe pas de relation entre les paramètres pharmacocinétiques de RIF ou INH et le risque de rechute ou d’échec pour des administrations bihebdommadaires de ces médicaments. De faibles concentrations en l’un ou l’autre médicament ne sont donc pas forcément associées à une mauvaise réponse au traitement, et l’intérêt clinique du STP dans ce cas n’est pas encore formellement démontré. ✓ Présence de comorbidités. Les antituberculeux sont peu ou pas néphrotoxiques. En revanche, l’élimination de certains antituberculeux se fait principalement par voie rénale sous forme active ou sous forme de métabolite ; il en résulte un risque d’accumulation et de toxicité en cas d’insuffisance rénale. Des recommandations existent pour l’adaptation des posologies (tableau IV). En particulier, l’EMB est principalement éliminé par le rein. L’IR risque d’augmenter sa toxicité, qui est dosedépendante. Le PZA est, quant à lui, métabolisé par le foie, mais ses métabolites risquent de s’accumuler en cas d’IR et de provoquer une hépatotoxicité ou une neurotoxicité. La RIF et l’INH sont métabolisés par le foie et leur posologie n’est généralement pas ou très peu modifiée en cas d’IR. Celle-ci diminue toutefois l’excrétion rénale de l’INH par inhibition de son acétylation hépatique (47). Pour diminuer les neuropathies périphériques, il est recommandé d’abaisser la posologie ou la fréquence d’administration (4, 8, 23). 139 mise au point m ise au point Tableau IV. Posologies recommandées des antituberculeux de première ligne en cas d’insuffisance rénale (6). Clairance de la créatinine (ml/mn) Rifampicine (mg/kg x 1/j) Rifabutine (mg/j) Isoniazide (mg/kg x 1/j) > 50 10 (max. 600 mg/j) 600 3-5 10 - 50 10 (max. 600 mg/j) 300 3-5 < 10 10 (max. 600 mg/j) 150-300 Hémodialyse* 10 (max. 600 mg/j) Dialyse péritonéale 10 (max. 600 mg/j) Clairance de la créatinine (ml/mn) Pyrazinamide Éthambutol ≥ 30 25-35 mg/kg x 1/j 15-25 mg/kg x 1/j 3-5 < 30 25-35 mg/kg x 3/sem 15-25 mg/kg x 3/sem 150-300 3-5 Hémodialyse* 30 mg/kg x 3/sem 15-25 mg/kg x 3/sem 150-300 3-5 Dialyse péritonéale 30 mg/kg x 3/sem 15-25 mg/kg x 3/sem * Les médicaments sont administrés après la séance de dialyse. L’ajustement de posologie de la plupart des antituberculeux repose sur une augmentation de l’intervalle de prises plutôt que sur une baisse des doses, qui risquerait de trop écrêter les pics de concentration. Les modifications de posologies sont réalisées en fonction du degré de l’IR, évalué par la clairance à la créatinine, qui répartit les insuffisants rénaux en trois groupes : modérés (≥ 30 ml/mn), sévères (< 30 ml/mn) et hémodialyse/dialyse péritonéale. Les recommandations de posologie lorsque l’IR est modérée sont peu documentées. Dans ce cas, les posologies standard sont préconisées, en recommandant la mesure des concentrations sériques pour éviter les effets toxiques (4-6). La RIF n’est pas dialysable en raison de son poids moléculaire élevé, de sa lipophilie, de sa forte liaison aux protéines plasmatiques et de sa métabolisation hépatique rapide (5, 48). L’INH et l’EMB sont faiblement dialysables, tandis que le PZA et ses métabolites le sont davantage (48). En général, il est préférable d’administrer le médicament à l’issue de la séance de dialyse pour éviter une perte de médicament pendant la dialyse et faciliter ainsi l’observance (5). Les posologies recommandées aux patients sous dialyse péritonéale sont souvent empiriques, calquées sur celles de l’hémodialyse. Il n’existe dans la littérature aucun travail montrant l’intérêt du STP en cas d’IR ou de dialyse. Toutefois, au vu du potentiel toxique de certains antituberculeux et de la diversité des posologies préconisées encore aujourd’hui dans la littérature (4-6), il semble raisonnable de s’assurer que les concentrations mesurées ne s’éloignent pas des concentrations cibles. En France, l’AMM recommande, en cas d’IR, d’adapter les posologies en s’aidant des mesures des taux sériques d’EMB, d’INH et de RIF. L’approche du STP est celle décrite plus haut, avec l’ajout d’un prélèvement post-dialyse pour vérifier la concentration résiduelle et l’accumulation potentielle du médicament (23). Dans ce cas, il est souhaitable d’attendre la fin de la redistribution du médicament dans l’organisme après la dialyse (environ une heure) avant de prélever. Hormis l’EMB, les autres antituberculeux de première ligne sont métabolisés par le foie et ont un potentiel hépatotoxique important qui nécessite une surveillance clinique et biologique. Leur profil ou celui de leurs métabolites sont modifiés en cas d’IH (49, 50). Le degré de modification du métabolisme de ces médicaments ne peut être strictement corrélé à des paramètres biologiques hépatiques (transaminases, bilirubine, etc.) comme 140 l’est la fonction rénale avec la clairance à la créatinine (23). Des schémas thérapeutiques sont décrits, ôtant l’un ou l’autre des médicaments hépatotoxiques qui pourraient aggraver l’IH (5), mais il n’y a pas de recommandation validée d’adaptation de posologie dans cette situation. De plus, la relation entre les concentrations sériques de RIF ou PZA et la toxicité hépatique est mal évaluée, et il n’existe aucune étude évaluant le STP en cas d’IH. Aussi, dans le cadre de la surveillance de l’hépatotoxicité ou en cas d’IH, une surveillance biologique et clinique étroite s’impose à ce jour, devant le STP parfois préconisé (23) sur la base d’arguments qui restent à évaluer. ✓ Co-infection BK-VIH. En France, environ 7 % des tuberculeux ont une sérologie positive pour le VIH (14,7 % en Île-de-France) [51]. L’immunodépression induite par le VIH modifie la clinique de la tuberculose et augmente la fréquence des réactions paradoxales (52). À l’inverse, la tuberculose influence le pronostic de l’infection par VIH. Le risque relatif de développer une cytolyse lors du traitement antituberculeux est augmenté d’un facteur 4 lors d’une co-infection par le VIH et d’un facteur 5 lors d’une co-infection par le VHC (53). L’influence de l’infection par le VIH sur la PK des antituberculeux reste à ce jour controversée. Certains auteurs n’observent ni modification de la PK de RIF, INH et PZA, ni hausse de la prévalence des rechutes (54-56). À l’inverse, d’autres auteurs montrent que l’infection par le VIH, surtout à un stade avancé, diminue l’exposition systémique des antituberculeux (57-61). En particulier, les Cmax de RIF, EMB (59), INH chez l’acétyleur rapide (60) et PZA (57) sont tous abaissés de plus de 25 % par rapport aux concentrations cibles ou aux groupes témoins (patients VIH-), ce qui semble être lié à une mauvaise absorption des antituberculeux. Sahai et al. (57) ont montré ainsi que la diminution de la biodisponibilité totale de RIF et de PZA chez le patient VIH+ est corrélée à une malabsorption de D-xylose. Il semble que le développement de résistance et la rechute soient associés à une sous-exposition sanguine aux antituberculeux (60, 61). Cependant, des études sont nécessaires pour le confirmer et il n’en existe à ce jour aucune montrant l’intérêt du STP sur les résultats cliniques, que ce soit en termes d’efficacité, de résistance ou de rechute. Si les échecs sont attribués – sans que cela soit encore totalement démontré – pour une part importante à une malabsorption, il n’en reste pas moins que la multithérapie antituberculeuse La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007 conduit globalement à une bonne efficacité chez la plupart des patients VIH+. Un STP pourrait éventuellement être utile dans le cas où le patient répond lentement ou mal aux antituberculeux ou lorsque la localisation du BK amène à prolonger le traitement. L’intérêt du STP chez le patient VIH+ peut être abordé sur un autre plan : celui des interactions médicamenteuses. Cela concerne plus particulièrement les rifamycines, inductrices enzymatiques, avec les antirétroviraux, principalement les IP et les INNTI, qui inhibent ou induisent les enzymes du métabolisme hépatique. La RIF a une activité inductrice très supérieure à la rifabutine et peut diminuer par exemple les concentrations sanguines des IP de 35 à 95 % contre 15 à 45 % pour la rifabutine (9). Il est donc recommandé de privilégier l’utilisation de la rifabutine, d’adapter la posologie des IP (52) et de contrôler leurs taux sanguins (9). Inversement, les IP, inhibiteurs enzymatiques, peuvent augmenter les concentrations sanguines des rifamycines et favoriser leur toxicité. Des posologies adaptées sont également proposées pour les rifamycines (9, 52). De la même manière, les posologies des rifamycines et des INNTI doivent être modifiées en fonction de leurs associations mutuelles. Ainsi, au vu de la complexité des phénomènes liés aux interactions pouvant engager plusieurs médicaments en même temps, du fait que toutes les interactions ne sont pas étudiées dans la littérature en raison de la diversité des combinaisons thérapeutiques possibles, du fait que les principales études sur les interactions sont réalisées chez le volontaire sain, à une posologie donnée, et non chez les patients VIH+, et compte tenu des modifications potentielles de biodisponibilité des antituberculeux chez les patients VIH+, certains auteurs conseillent un STP (23, 52) lorsque les antituberculeux sont associés aux IP ou aux INNTI (pour ces derniers, la mesure des concentrations sanguines est recommandée en routine). Le prélèvement devrait être réalisé plusieurs jours après le début du traitement pour que le phénomène d’auto-induction de la RIF et la synthèse des enzymes hépatiques induites aient atteint un équilibre (9). Les conséquences cliniques de ce STP n’ont pas été évaluées et les recommandations des sociétés savantes sur la tuberculose ne le préconisent pas (4-5). ✓ Interactions médicamenteuses. La plupart des interactions qui ont une signification clinique entre les antituberculeux et d’autres médicaments sont d’ordre PK, impliquant l’inhibition enzymatique pour l’INH et l’induction enzymatique pour la RIF. Il en résulte la nécessité d’ajuster les doses et/ou une surveillance clinique et biologique des médicaments coprescrits avec RIF, ainsi qu’une potentialisation d’une toxicité hépatique si l’INH est coprescrit avec des médicaments toxiques pour le foie (carbamazépine, acide valproïque) [9]. La diminution de l’absorption orale de RIF est mise en cause avec l’interaction RIF-kétoconazole où, lorsque ces derniers ne sont pas administrés à distance l’un de l’autre, les concentrations sanguines de RIF chutent d’au moins 50 %. La prednisolone semble diminuer les concentrations sanguines de l’INH, quel que soit le statut d’acétyleur, selon un mécanisme mal élucidé. Inversement, le cotrimoxazole augmente les concentrations sanguines de RIF. La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007 conclusion Dans la plupart des cas, le traitement antituberculeux par les médicaments de première ligne ne requiert pas de suivi thérapeutique. La recherche du type d’acétyleur lent ou rapide par phénotypage ou génotypage au début de l’administration d’INH pourrait être utile pour alerter sur la nécessité d’un suivi rapproché des fonctions hépatiques chez les acétyleurs lents, voire pour modifier les posologies en conséquence. De plus, il est raisonnable de proposer un STP des antituberculeux (tableau V) en cas d’IR même modérée ou dans les situations d’hémodialyse ou de dialyse péritonéale en raison du risque toxique potentiel, ainsi que chez les patients co-infectés par le VIH s’ils répondent mal ou lentement au traitement antituberculeux, ou en cas d’association avec les IP ou les INNTI. Des études cliniques sont toutefois encore nécessaires pour établir formellement l’intérêt du STP dans ces situations. ■ mise au point m ise au point Tableau V. Situations pour lesquelles un STP peut être recommandé. ✓ Phénotype de l’acétylation (à T = 3 h) systématique en début de traitement ✓ Chez les mauvais répondeurs ✓ En cas d’insuffisance rénale modérée à sévère et dialyse ✓ Lors de coprescription : – d’inducteurs enzymatiques : INNTI* – d’inhibiteurs enzymatiques : IP**, kétoconazole * Inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse du VIH ; ** inhibiteurs de la protéase du VIH. 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