e sein est un organe fortement investi, image de la
femme et de la mère, objet de désir sexuel et attribut
maternel, organe nourricier et symbole de vie.
La femme dont le sein est atteint par un cancer se vit comme
“défaillante”, elle est renvoyée à l’image de sa propre mère et
au lien qui les unit. La maladie vient alors raviver les conflits
de la relation mère-fille.
En raison de l’ampleur de l’investissement du sein et de sa
valeur symbolique, le cancer du sein représente une des mala-
dies les plus redoues de la femme, inpendamment de la
sévérité de l’affection.
À chaque moment clé, l’information du médecin va permettre
de préparer la patiente à l’épreuve qui va suivre. La communi-
cation avec le trapeute est un soutien qui aide la malade à
mentaliser le traumatisme psychique et à construire son futur.
Le temps de l’annonce du diagnostic
La femme se sent le plus souvent responsable de sa maladie :
Ai-je suffisamment pris soin de moi ?, ou victime :
“Pourquoi moi ?”.
Elle évolue entre déni, révolte et abattement. Ce moment
s’accompagne fréquemment d’une difficul à communiquer
avec le partenaire, et la femme se sent isolée et incomprise.
La peur d’être rejetée par le conjoint est constante chez la
femme malade, surtout lorsque la pathologie porte atteinte à
son image sexuée. Le médecin doit recevoir le couple, quand
la situation le permet, et favoriser l’échange. Le conjoint doit
aussi se sentir autorisé à exprimer son anxiété et ses craintes.
Le temps de l’annonce des traitements
Le début des traitements est source d’une grande angoisse. La
femme a besoin d’être informée sur les modalités du traite-
ment, les effets secondaires, la fatigue, la chute des cheveux
éventuelle, et les moyens de prévenir les effets indésirables des
thérapeutiques. L’information progressive permet d’anticiper
la suite des événements thérapeutiques et diminue l’angoisse.
La chimiothérapie est souvent perçue comme un remède pire
que le mal.
La perte d’un sein est vécue comme le principal traumatisme
de l’histoire de la maladie, plus douloureux encore que la
maladie elle-même.
La femme blessée, meurtrie au plus profond de son identité de
femme, perd sa confiance en elle, se sent diminuée, en faillite
vis-à-vis de sa minité. La blessure narcissique est profonde
et les troubles anxieux et dépressifs fréquents. Il faut du temps
à la femme pour surmonter chaque épreuve, élaborer chacune
des pertes et réaliser chacun des deuils successifs. Il faut du
temps pour accepter la maladie, la chirurgie, la prothèse éven-
tuelle. À chaque étape, un travail psychique est nécessaire, sin-
gulier, spécifique et d’autant plus difficile que l’épreuve précé-
dente n’a pas été suffisamment mentalisée et acceptée.
Le temps de l’annonce du retour à domicile
Ce moment est vécu dans l’ambivalence des sentiments. Le
soulagement et l’angoisse cohabitent et il est souvent difficile
pour la femme de retrouver sa place à la maison, en tant que
femme et en tant que mère.
La culpabilité est forte vis-à-vis des proches, du conjoint et des
enfants, et le malaise familial risque de s’accroître si la com-
munication ne parvient pas à s’instaurer. La femme se vit en
situation d’échec par rapport à son le et ses devoirs fami-
liaux.
Elle ressent parfois le reproche plus ou moins exprimé de son
entourage, des enfants notamment, qui ont pu se sentir “aban-
donnés”, et qui ont eux-mêmes subi l’angoisse de la maladie et
de l’éloignement de leur mère, surtout lorsque des mots n’ont
pu être posés sur les inquiétudes et le vécu de la maladie par
chacun des membres de la famille.
L’annonce d’un cancer touche chaque personne au sein de la
famille, de la place qu’il occupe et en fonction de la relation
qu’il entretient avec le malade.
Il faudra du temps à la femme pour retrouver ses marques et sa
place, et il appartient au médecin d’aborder avec elle ces diffi-
cultés, et de l’accompagner dans ce retour à la “vie normale”.
Le temps de l’annonce de la fin des traitements.
La guérison
Ce temps est celui des interrogations qui mêlent soulagement
et peurs. “Comment s’organiser et repenser sa vie ?”
Les points de repère sont boulevers et il faut remettre de
l’ordre dans le chaos. Quitter le lieu rassurant que peut repré-
senter l’hôpital, c’est aussi devoir faire le deuil de la relation
avec l’équipe soignante.
L’arrêt des traitements crée un vide, un sentiment d’insécurité.
Il est difficile de se “sevrer” de toute prise en charge et de quit-
ter le cocon thérapeutique.
La patiente a besoin des conseils pratiques du médecin et de
son soutien. Celui-ci doit l’accompagner dans son travail de
reconstruction pour que la femme se laisse traverser par
l’épreuve du cancer, intègre cette nouvelle donne, pour repen-
ser (repanser) son être, sa vie et renaître à elle-même.
G
Y N É C O L O G I E E T S O C I É T É
Le cancer du sein : une succession d’annonces
“Une identité de femme abîmée
L
I. Moley-Massol*
10
La Lettre du Gynécologue - n° 293 - juin 2004
* Docteur en médecine. [email protected]
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