1 IRVIN YALOM :THERAPIE EXISTENTIELLE, Galaade editions, 2008 Et APPRENDRE A MOURIR, LA METHODE SCHOPENHAUER, Galaade editions, 2005 Quatre enjeux premiers dans la thérapie existentielle: - la mort - la liberté - l’isolement fondamental - l’absence de sens La mort : - la peur de la mort joue un rôle majeur dans notre expérience interne ; la mort nous hante et gronde sous la surface, présence sombre et troublante sur les rives de la conscience. - l’enfant, à un âge précoce, nourrit de profondes réflexions sur la mort ; l’enjeu du développement consiste à surmonter des angoisses effroyables de destruction. - pour contenir ces angoisses, nous érigeons des défenses contre la conscience de la mort, fondées sur le déni, défenses qui modèlent la structure de notre personnalité et lorsqu’elles sont inadaptées, se traduisent par des syndromes cliniques Par ailleurs, « Ne vous grattez pas là où ça ne vous démange pas », disait Adolphe Meyer à ses étudiants en psychiatrie : est-ce une mise en garde contre toute tentative d’investigation des attitudes de nos patients ( et de nous-mêmes) vis-à-vis de la mort ? Nos patients n’ont-ils pas déjà leur lot d’angoisses et de terreurs sans que le thérapeute leur rappelle le fait le plus dur et inéluctable de la vie ? Pourquoi s’attarder sur une réalité amère et immuable ? Mais la mort « démange » à chaque instant , nos attitudes envers la mort influencent notre façon de vivre et de grandir, vie et mort entretiennent un lien étroit non pas l’une après l’autre mais de manière simultanée. Première source d’angoisse, la mort constitue le fondement de la psychopathologie. En philo, la question de la mort est centrale : Pour les stoïciens, apprendre à bien mourir équivaut à apprendre à bien vivre et inversement apprendre à bien vivre est apprendre à bien mourir Saint Augustin dans ses Confessions exprime l’idée que seule la mort permet à l’homme de naître véritablement à la vie. « Dès notre naissance nous mourrons et notre fin est la conséquence de notre commencement » Manilius Bref tous les grands penseurs arrivent à la conclusion que la mort constitue une composante inextricable de la vie et qu’une réflexion sur la mort enrichit plus qu’elle n’appauvrit la vie Et même « l’idée de la mort sauve l’homme » ( Yalom) : l’homme est alors conscient d’exister, et est conscient de sa propre responsabilité envers son être. Cet espace lui permet de se saisir du pouvoir qu’il a de se changer lui-même. La mort est une « situation-limite, frontière, ultime » elle est sans équivalent et constitue la condition qui nous permet de vivre de façon authentique ( = où nous avons conscience de nous-mêmes) 2 Si on imagine la vie sans l’idée de la mort, elle perd alors quelque chose de son intensité, la vie rétrécit si la mort est niée. Freud : « la limitation dans la possibilité de la jouissance en augmente le prix ». Et aussi il affirmait que la guerre avait pour intérêt de ramener la mort au sein des préoccupations vitales. Lorsque la mort est exclue, nous perdons de vue les enjeux de la vie Giraudoux dans Amphytrion 38 : « c’est une chose que nous ( nous les dieux) ignorons, cette intensité de l’éphémère, ce rappel à la mortalité, cette tristesse amère qui s’empare des humains… » dit Jupiter à Mercure à propos de s mortels que nous sommes tous L’approche de la mort peut nous amener à de réelles croissances personnelles : - réévaluation des priorités de la vie - sentiment de pouvoir enfin choisir de ne pas faire des choses non désirées - sensation aigüe de vivre dans le présent, sans remettre des projets à plus tard - appréciation plus vive des choses simples - échanges plus riche avec les proches - diminution des peurs relatives aux contacts inter-personnels mais généralement, La terreur de la mort de par son omniprésence et son intensité mobilise chez chacun de nous une proportion considérable d’énergie vitale utilisée dans des défenses de déni : au plan collectif : monuments, théologies, idéologies, cimetières, embaumement, exploration de l’espace, mais aussi au plan individuel , qui se traduit en modes de vies : addictions, quête infinie de divertissements, et de richesses matérielles, notre croyance inébranlable dans le mythe du progrès, notre pulsion à « aller de l’avant », notre désir de gloire éternelle, de laisser une trace. Irvin Yalom note trois types de peurs : - celles relatives à ce qui survient après la mort - l’événement lui-même de la mort : peur de souffrir, peur du passage - le fait de cesser d’être,( oubli, extinction, anéantissement) est aussi la plus cruciale : une peur qu’il est impossible de comprendre et de situer, qui ne peut être affrontée et en devient plus terrible encore, qui génère de l’impuissance et en intensifie l’angoisse Comment nous combattons cette angoisse ? En la déplaçant du « rien » vers un « quelque chose » ( Kierkegaard). Si nous parvenons à transformer notre peur du rien en une peur de quelque chose nous pouvons avoir l’impression d’un contrôle. Les êtres humains ont donc l’habitude de transformer leur angoisse de mort en peur de quelque chose, l’angoisse de mort se manifeste rarement sous sa forme originelle dans le travail clinique. On élabore des mécanismes de protection qui se fondent sur le déni, constituant un ensemble complexe d’opérations mentales visant au refoulement. Il y a donc une pluralité de registres, car afin de perdre de sa toxicité l’angoisse originelle se voit toujours transformée par le biais de nos mécanismes de défense. Le désir « d’arrêter le temps » la croyance en notre invulnérabilité, le désir de fusion avec autrui…ou le besoin constant de mouvements, de changements ( travail, partenaires) : refus de fixer quelque chose, de terminer quelque chose, qui correspond à la peur de vieillir, de stagner, et donc de mourir. Cf Leonard de Vinci 3 Paradoxalement, Une expérience de mort peut fragiliser grandement notre sentiment de sécurité, et peut amener à des tentatives de plus en plus importantes de contrôler le monde et d’éviter l’inattendu et l’imprévu. Les patients fuient le désordre et la saleté et mettent en place des rituels allant jusqu’à la névrose obsessionnelle. De même une incapacité à contenir suffisamment l’angoisse de mort provoque des crises d’hyper ventilation, de spasmophilie, de tachycardie . Elle est aussi à l’origine de l’hypocondrie cf Josiane Ces syndromes névrotiques présentent la caractéristique commune suivante : bien qu’ils limitent un patient et constituent une source d’inconfort ils réussissent tous à le protéger d’une angoisse de mort qui se déclarerait et sui serait terrifiante. De nombreux thérapeutes malgré leur propre analyse n’ont ni exploré ni travaillé leur terreur de la mort : il faut faire la différence entre savoir de façon intellectuelle et savoir véritablement, entre une connaissance vague, dans l’absolu, de la mort et la confrontation de chacun à sa propre mort. L’acceptation de sa propre mort implique de se confronter à d’autres vérités pénibles, qui toutes possèdent leur propre champ de force d’angoisses : - nous sommes des êtres finis - la vie de chacun atteint réellement un jour son terme - le monde continuera sans nous - nous ne sommes qu’un parmi d’autres, ni plus ni moins - l’univers ne nous reconnaît pas forcément de particularités - certaines dimensions immuables de l’existence ( la mort) sont au-delà de notre influence. Sexualité et mort : être proche de la mort et être terrifié par la solitude inhérente à cette mort peut amener à être submergé par le besoin de fusionner avec quelqu’un d’autre. Et le travail de fin, commun à toutes les thérapies, suscite en écho des réflexions morbides sous-jacentes : nous sommes renvoyés alors à notre solitude existentielle. Josiane : » je suis libre maintenant mais cela me terrifie »