Propos recueillis par F. Fontenay Devoir annoncer le diagnostic d’une maladie tumorale hématologique est toujours délicat, quel que soit l’âge du patient. Mais certaines problématiques sont plus spécifiques des sujets jeunes. Témoignages des Prs Noël Milpied et Pierre Feugier. ▼ Verbatim de praticiens o t i d i e n Pr Noël Milpied, service des maladies du sang, hôpital Haut-Lévêque, Pessac ▼ Qu Pr Pierre Feugier, service d’hématologie adulte, CHU de Nancy L’état dans lequel on se trouve lorsque l’on doit annoncer à un patient jeune un diagnostic de lymphome ou de leucémie est bien évidemment conditionné par ce que l’on sait du pronostic, de la prise en charge thérapeutique et de ses conséquences sur la vie du patient. On ne peut en aucune manière prendre cette situation à la légère. Cela reste une annonce extrêmement pénible, en premier lieu pour le patient. En ce qui me concerne, j’essaie de mettre l’accent sur le caractère exigeant de la maladie et de son traitement, sur le fait que le patient va devoir nous consacrer un temps important, au détriment de beaucoup de choses dans sa vie, mais avec le bénéfice d’un contrôle de la maladie, voire d’une guérison. Les réactions des patients ne diffèrent guère selon l’âge. La question du risque de décès est ainsi omniprésente au départ. Certes, les sujets jeunes ont moins tendance à imaginer que ça va mal se passer ; ils se sentent davantage “immortels”, se situent plus dans l’espoir. Mais les grandes questions restent les mêmes quel que soit l’âge : elles tournent essentiellement autour de l’impact de la maladie sur l’existence. Toutefois, comme la vie n’est pas exactement la même selon que l’on est jeune ou plus âgé, en termes de vie familiale, d’activité professionnelle, de projets, les interrogations ne sont pas tout à fait les mêmes. Tout ce qui concerne la fertilité, les enfants, les études ou le travail est bien entendu plus présent avec les sujets jeunes. Dans tous les cas, l’angoisse du patient est très forte lors de l’annonce. Il faut dès lors se préparer à comprendre cette angoisse, en faisant en sorte de s’assouplir afin d’être réceptif à la personne que l’on a en face de soi, sans idée préconçue, et essayer de trouver les mots qui vont pouvoir calmer l’angoisse. Certes, nous avons une exigence de vérité vis-à-vis du pronostic, mais celle-ci doit être nuancée, notamment lorsque l’on sait dès le départ que le pronostic n’est pas très favorable. Après l’annonce, il est impossible de retirer tout espoir à un patient, surtout lorsqu’il est jeune. ■ Avec les patients jeunes, nous sommes confrontés à un risque d’identification des soignants et des médecins lorsqu’eux aussi sont jeunes. Quand vous devez prendre en charge une personne qui a le même âge que vous, le même mode de vie, et qui est atteinte d’une maladie grave, il est plus difficile de prendre du recul par rapport à la situation du patient. On se sent davantage concerné personnellement. Cela peut retentir sur la pratique, avec une angoisse ou une sensation de malaise ressentie par le soignant ou, à l’inverse, l’envie de surprotéger le patient. Lorsque de nouveaux internes ou de nouveaux infirmiers arrivent dans le service, nous les mettons en garde vis-à-vis de ce risque. La particularité des patients jeunes, c’est qu’ils ont a priori toute la vie devant eux et que, brutalement, une maladie grave et potentiellement mortelle vient tout bouleverser. À 20 ou 25 ans, personne n’est préparé à une telle situation. Outre le choc de l’annonce, il se pose aussi toute une série de problématiques, sur les plans social, familial, professionnel et économique, auxquelles nous ne sommes pas en mesure de faire face de façon suffisamment organisée, faute notamment de disposer dans nos services des assistants sociaux et des psychologues nécessaires. En revanche, sur le plan de l’annonce, la situation a évolué plus favorablement avec le Plan cancer. Ainsi, à Nancy, nous avons participé à l’expérimentation du dispositif d’annonce et nous avons, depuis, mis en place une consultation d’infirmiers relais qui est désormais systématiquement proposée aux patients après l’annonce du diagnostic. Cela n’a pas forcément été simple de convaincre tous les intervenants au sein de l’hôpital, surtout dans le contexte actuel de pénurie de postes infirmiers. Cette consultation permet aux patients de disposer d’un temps d’échange avec un infirmier afin d’aborder toutes les questions qui le préoccupent et qu’il n’a pas pu aborder avec le médecin au moment de l’annonce du diagnostic. Nous effectuons actuellement une évaluation de cette consultation, mais tous les retours, tant du côté des patients que de celui des infirmiers, sont positifs. ■ Correspondances en Onco-hématologie - Suppl. au Vol. III - n° 1 - janvier-février-mars 2008