Du fait même de ces imprécisions, l’estimation de ce que peut
coûter chaque année le traitement du cancer du sein est un
exercice difficile, d’autant qu’il faut considérer non seulement
toutes les dépenses directement liées aux diverses thérapeu-
tiques, et nous verrons que cela est loin d’être simple, mais
aussi évaluer les coûts indirects, ce qui devient vraisemblable-
ment quasi impossible si l’on entre dans des considérations
économiques prenant en compte, par exemple, les arrêts de tra-
vail, le fait que les patients soient en retraite ou non etc. ce qui
ne saurait être ici notre propos.
LES COÛTS DE « PRODUCTION » (DU TRAITEMENT)
SONT DIFFICILES À ÉTABLIR
L’estimation des coûts directs est plus difficile qu’il n’y paraît
à première vue. Envisageons une à une les différentes étapes
de la démarche diagnostique et thérapeutique. Tout d’abord le
bilan d’extension : il est fait le plus souvent en externe, et il
semble a priori facile d’en faire une estimation puisque la fac-
turation (en l’occurrence le remboursement par l’assurance
maladie) des différents actes repose sur le système des lettres
“clé” B, C, K, Z. Mais ce système peut lui-même être sujet à
caution, certains actes étant cotés de façon inadaptée, et
l’actualisation de la nomenclature ayant quelquefois du retard.
D’autre part, la nature même du bilan dépend, bien sûr, du
stade initial de la maladie, mais aussi et surtout, l’expérience
quotidienne nous le montre, des habitudes de chacun.
La malade est ensuite le plus souvent adressée en chirurgie. La
facturation à l’assurance maladie du coût de l’hospitalisation
se fait de façons différentes selon le statut des établissements.
Dans les établissements privés à but lucratif, le remboursement
repose sur les lettres “clé” et les forfaits journaliers et de salle
d’opération. Il n’en est pas de même pour les établissements
publics ou participant au service public hospitalier (PSPH)
soumis à une dotation budgétaire globale. Dans ces établisse-
ments, la facturation de l’hospitalisation repose sur la notion
d’un prix de journée forfaitaire qui sert de base au calcul de la
dotation budgétaire. Ce prix de journée n’est qu’une fiction et
ne s’applique qu’aux rares malades non assurés sociaux (les
étrangers), puisque l’assurance maladie couvre les dépenses
d’un établissement qui n’a pratiquement plus de recettes dans
le cadre du traitement du cancer, affection prise en charge à
100 %. En aucun cas il ne s’agit d’un coût réel, puisque le prix
de journée couvre une très grande majorité (autour de 95 %)
des dépenses de l’établissement, que celles-ci correspondent
ou non réellement aux frais liés à l’hospitalisation. D’autre
part, le prix de journée d’un même établissement peut considé-
rablement varier non seulement d’une année sur l’autre, mais
aussi en cours d’année, en fonction de l’activité hospitalière,
mais surtout de décisions financières. Ainsi, le poids d’une
décision modificative de l’allocation budgétaire, prise fin
octobre, concernant par exemple une augmentation salariale,
s’appliquera sur les deux mois restants et donc augmentera
considérablement le prix de journée, alors qu’il va s’étaler sur
les douze mois de l’année suivante, ce qui abaissera sensible-
ment ce même prix dès janvier suivant.
En fait, pour estimer le coût réel d’une hospitalisation, il faut
pour chaque malade retrouver les coûts liés au temps passé par
le personnel, médical (chirurgien, anesthésiste, radiodiagnosti-
cien, oncologiste médical, biologiste, anatomopathologiste...)
ou non, (infirmières, aides-soignantes, panseuses, manipula-
teurs, techniciens de laboratoire, secrétaires administratifs,
agents hospitaliers...), aux consommables médicaux, aux
dépenses hôtelières et générales et aux amortissements du
matériel et des immeubles.
C’est ainsi qu’au Centre René-Huguenin, 15 % des dépenses
sont consacrées aux salaires et charges sociales des médecins,
51 % à ceux du personnel non médical, 16 % aux consom-
mables médicaux (produits pharmaceutiques, produits san-
guins, fluides et gaz médicaux, fournitures pour laboratoires,
pour radiologie, isotopes radioactifs), 9 % aux charges
d’exploitation à caractère hôtelier et général (administration,
alimentation, blanchisserie, chauffage, électricité, informa-
tique, linge, etc.), 9 % aux amortissements et aux charges
financières.
Ces éléments sont pris en compte dans l’évaluation du PMSI
(Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information)
qui s’impose maintenant à tous les établissements, qu’ils soient
publics ou privés, à but lucratif ou non, participant ou non au
service public. Ce système, qui pour l’instant prend en compte
une bonne partie des soins externes, quoique de façon insuffi-
sante, évalue de façon précise les dépenses médicales (person-
nel soignant, consommation médicale, amortissement et main-
tenance des équipements médicaux, actes médico-techniques),
ainsi que les coûts de logistique et de structure, mais de façon
plus grossière. La base nationale des coûts des établissements
pilotes, à laquelle participe le CRH avec quelque 55 autres
hôpitaux français (5), fournit, à partir des éléments des comp-
tabilités analytiques, les dépenses affectées à chaque séjour du
patient et le coût de chacune des unités cliniques ou médico-
techniques impliquées pendant ce séjour. Malheureusement, le
système ne prend pas en compte, pour l’instant, la qualité
médicale des soins prodigués et repose seulement sur les habi-
tudes des établissements concernés. Chaque séjour amène à un
résumé de sortie qui conduit à l’affectation de celui-ci dans un
GHM (Groupe Homogène de Malades) auquel est attribué, en
fonction de l’échelle établie dans la base nationale des coûts
moyens redressés, un certain de nombre de points. C’est ainsi
qu’en 1996, le GHM 371 correspondant à “tumorectomie +
curage axillaire chez une patiente de moins de 70 ans” est
affecté de 1 580 points (selon l’échelle des point ISA 1996), et
le Groupe 368 correspondant à “mastectomie + curage axil-
laire chez une patiente de plus de 70 ans” de 2 400 points
(valeur moyenne de la base nationale : 30 783 FF). Quelles
que soient les quelques imperfections de ce système, il s’agit
d’une approche très intéressante, qui permet des comparaisons
pertinentes et de savoir qui fait quoi (6).
La chirurgie est souvent complétée par la radiothérapie réali-
sée en externe et l’on retrouve alors les lettres “clé”. La non-
actualisation de la nomenclature pose ici encore peut-être plus
de problèmes qu’ailleurs : selon les appareils utilisés ou les
champs concernés (aires ganglionnaires ou non), la cotation en
Z peut varier dans un rapport de 1 à 6. L’équipe du Centre
TRIBUNE
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La Lettre du Sénologue - n° 9 - juin 2000