l’on entre dans des considérations économiques prenant en compte,
par exemple, les arrêts de travail, le fait que les patients soient en
retraite ou non etc. ce qui ne saurait être ici notre propos.
LES COÛTS DE « PRODUCTION » (DU TRAITEMENT)
SONT DIFFICILES À ÉTABLIR
L’estimation des coûts directs est plus difficile qu’il n’y paraît à pre-
mière vue. Envisageons une à une les différentes étapes de la
démarche diagnostique et thérapeutique. Tout d’abord le bilan
d’extension : il est fait le plus souvent en externe, et il semble a priori
facile d’en faire une estimation puisque la facturation (en l’occur-
rence le remboursement par l’assurance maladie) des différents actes
repose sur le système des lettres “clé” B, C, K, Z. Mais ce système
peut lui-même être sujet à caution, certains actes étant cotés de façon
inadaptée, et l’actualisation de la nomenclature ayant quelquefois du
retard. D’autre part, la nature même du bilan dépend, bien sûr, du
stade initial de la maladie, mais aussi et surtout, l’expérience quoti-
dienne nous le montre, des habitudes de chacun.
La malade est ensuite le plus souvent adressée en chirurgie. La
facturation à l’assurance maladie du coût de l’hospitalisation se
fait de façons différentes selon le statut des établissements. Dans
les établissements privés à but lucratif, le remboursement repose
sur les lettres “clé” et les forfaits journaliers et de salle d’opéra-
tion. Il n’en est pas de même pour les établissements publics ou
participant au service public hospitalier (PSPH) soumis à une dota-
tion budgétaire globale. Dans ces établissements, la facturation
de l’hospitalisation repose sur la notion d’un prix de journée for-
faitaire qui sert de base au calcul de la dotation budgétaire. Ce
prix de journée n’est qu’une fiction et ne s’applique qu’aux rares
malades non assurés sociaux (les étrangers), puisque l’assurance
maladie couvre les dépenses d’un établissement qui n’a pratique-
ment plus de recettes dans le cadre du traitement du cancer, affec-
tion prise en charge à 100 %. En aucun cas il ne s’agit d’un coût
réel, puisque le prix de journée couvre une très grande majorité
(autour de 95 %) des dépenses de l’établissement, que celles-ci
correspondent ou non réellement aux frais liés à l’hospitalisation.
D’autre part, le prix de journée d’un même établissement peut
considérablement varier non seulement d’une année sur l’autre,
mais aussi en cours d’année, en fonction de l’activité hospitalière,
mais surtout de décisions financières. Ainsi, le poids d’une déci-
sion modificative de l’allocation budgétaire, prise fin octobre,
concernant par exemple une augmentation salariale, s’appliquera
sur les deux mois restants et donc augmentera considérablement
le prix de journée, alors qu’il va s’étaler sur les douze mois de
l’année suivante, ce qui abaissera sensiblement ce même prix dès
janvier suivant.
En fait, pour estimer le coût réel d’une hospitalisation, il faut pour
chaque malade retrouver les coûts liés au temps passé par le per-
sonnel, médical (chirurgien, anesthésiste, radiodiagnosticien,
oncologiste médical, biologiste, anatomopathologiste...) ou non,
(infirmières, aides-soignantes, panseuses, manipulateurs, tech-
niciens de laboratoire, secrétaires administratifs, agents hospita-
liers...), aux consommables médicaux, aux dépenses hôtelières
et générales et aux amortissements du matériel et des immeubles.
C’est ainsi qu’au Centre René-Huguenin, 15 % des dépenses sont
consacrées aux salaires et charges sociales des médecins, 51 %
à ceux du personnel non médical, 16 % aux consommables médi-
caux (produits pharmaceutiques, produits sanguins, fluides et gaz
médicaux, fournitures pour laboratoires, pour radiologie, isotopes
radioactifs), 9 % aux charges d’exploitation à caractère hôtelier
et général (administration, alimentation, blanchisserie, chauffage,
électricité, informatique, linge, etc.), 9 % aux amortissements et
aux charges financières.
Ces éléments sont pris en compte dans l’évaluation du PMSI
(Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information) qui
s’impose maintenant à tous les établissements, qu’ils soient publics
ou privés, à but lucratif ou non, participant ou non au service public.
Ce système, qui pour l’instant prend en compte une bonne partie
des soins externes, quoique de façon insuffisante, évalue de façon
précise les dépenses médicales (personnel soignant, consommation
médicale, amortissement et maintenance des équipements médi-
caux, actes médico-techniques), ainsi que les coûts de logistique et
de structure, mais de façon plus grossière. La base nationale des
coûts des établissements pilotes, à laquelle participe le CRH avec
quelque 55 autres hôpitaux français (5), fournit, à partir des élé-
ments des comptabilités analytiques, les dépenses affectées à chaque
séjour du patient et le coût de chacune des unités cliniques ou
médico-techniques impliquées pendant ce séjour. Malheureuse-
ment, le système ne prend pas en compte, pour l’instant, la qualité
médicale des soins prodigués et repose seulement sur les habitudes
des établissements concernés. Chaque séjour amène à un résumé
de sortie qui conduit à l’affectation de celui-ci dans un GHM
(Groupe Homogène de Malades) auquel est attribué, en fonction de
l’échelle établie dans la base nationale des coûts moyens redressés,
un certain de nombre de points. C’est ainsi qu’en 1996, le GHM
371 correspondant à “tumorectomie + curage axillaire chez une
patiente de moins de 70 ans” est affecté de 1 580 points (selon
l’échelle des point ISA 1996), et le Groupe 368 correspondant à
“mastectomie + curage axillaire chez une patiente de plus de 70 ans”
de 2 400 points (valeur moyenne de la base nationale : 30 783 FF).
Quelles que soient les quelques imperfections de ce système, il s’agit
d’une approche très intéressante, qui permet des comparaisons per-
tinentes et de savoir qui fait quoi (6).
La chirurgie est souvent complétée par la radiothérapie réalisée en
externe et l’on retrouve alors les lettres “clé”. La non-actualisation
de la nomenclature pose ici encore peut-être plus de problèmes
qu’ailleurs : selon les appareils utilisés ou les champs concernés
(aires ganglionnaires ou non), la cotation en Z peut varier dans un
rapport de 1 à 6. L’équipe du Centre Claudius-Regaud, à Toulouse,
(7) a montré que la valeur du Z de radiothérapie est d’autant plus
sous-évaluée que la technique utilisée est éloignée des approches
“standardisées” et qu’elle utilise des étapes médicales de prépara-
tion sophistiquées (permettant d’éviter au maximum les effets indé-
sirables). À la radiothérapie s’ajoute le coût des transports, qui peut
être considérable, et qui dépend bien évidemment de la répartition
des appareils sur le territoire et des filières de soins existantes.
Le coût des thérapeutiques médicales adjuvantes (chimiothérapie
et hormonothérapie) pose, lui aussi, de nombreux problèmes. Le
prix de la chimiothérapie est facile à déterminer si l’on tient compte
des seuls produits allant (pour une femme dont la surface corpo-
relle est de 1,7 m2) de 110 FF pour une cure de CMF à 1 955 FF
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La Lettre du Cancérologue - Volume IX - no1 - février 2000