71. ACUP_F.Goldwasser

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Les carcinomes de primitif inconnu
Pr François GOLDWASSER
Service de Cancérologie
Groupe Hospitalier Cochin-Port-Royal, Paris 14e
Hôpitaux Universitaires Paris Centre,
Faculté de Médecine Paris Descartes
Villejuif, 18 Janvier 2017
Les Carcinomes de Primitif Inconnu
I- Définition
II- Historique des traitements
III- Deux démarches cliniques
IV- Recommandations cliniques de l’ESMO
V- Voies de recherche actuelles et Perspectives
VI-la Richesse de la démarche anatomo-clinique
I- Définition
Définition
• Groupe HETEROGENE de tumeurs qui ont en
commun :
• La présence de métastases lors de la
PREMIERE PRESENTATION clinique.
• L’IMPOSSIBILITE D’IDENTIFIER la tumeur
d’origine au moment du diagnostic de cancer.
• EN DEPIT de la pratique d’une liste d’examens
complémentaires définis.
Données générales
• 3-5% des cancers, en diminution régulière sur 30 ans
(Pavlidis N; Lancet 2012).
• Les deux tiers des CPI sont des ADENOCARCINOMES.
• Les sites métastatiques les plus fréquents sont le
foie, les poumons, le squelette.
• Les données autopsiques révèlent le plus souvent un
CANCER PULMONAIRE ou du PANCREAS.
Caractéristiques communes
• Dissémination métastatique précoce.
• La recherche de la tumeur primitive est mise
en défaut en raison de la taille de celle-ci voire
de sa destruction.
Pronostic
• Facteurs favorables
– Atteinte initiale GANGLIONNAIRE EXCLUSIVE ou
rétropéritonéale.
– PS.
– UN SEUL SITE, voire 2 sites métastatiques.
– Absence de notion de tabagisme.
– ACE et LDH normaux.
Les carcinomes de primitif INCONNU
• Une entité nécessairement hétérogène.
• Qui diminue au fur et mesure des progrès des
examens paracliniques (TDM, TEP-TDM….).
• Le traitement logique dans l’urgence est défini
par défaut et a un spectre d’action large.
• Très mauvais pronostic.
Données Générales
• Objectif thérapeutique: le plus souvent
palliatif, rarement curatif.
• Modalités thérapeutiques: chimiothérapie le
plus souvent, radiothérapie rarement, très
rarement chirurgie.
II- Historique des traitements
Historique des traitements…
• « Improved therapy for these patients will probably
await therapy breakthroughs in the treatment of nonsmall cell lung cancer, pancreatic cancer, and the
various other GI malignancies, since these tumors
represent the majority of occult primary sites.«
Hainsworth JD and Greco FA. Treatment of patients with cancer
of unknown primary site. Important Adv Oncol. 1991;:173-90.
Historique des traitements
• AVANT LE CISPLATINE (1970-1980s)
• Fluorouracile
• R: 0-16%, médiane de survie : 4 mois
• Adriamycine, mitomycine C (AM)
• R: 7-36%, médiane de survie :4,2-5,5 mois
• FAM
• R: 21-30%, médiane de survie : 8-11 mois
Historique des traitements
AVEC CISPLATINE (1980-1990s)
• R: 19-32%, médiane de survie : 5-11 mois
• R: 65%; médiane de survie : 11 mois (formes peu
différenciées).
• …
Historique des traitements
AVEC TAXANES (1995-2005s)
• 1997 paclitaxel, carboplatine,étoposide.
R: 47% MS : 13,4 mois
• 2000 paclitaxel, carboplatine,étoposide
R: 48% ; MS: 11 mois, survie à 1-an: 48%.
R: 36%; MS : 10 mois ; survie à 1 an 42%
• 2000: docetaxel plus cisplatine ou carboplatine.
R: 26% MS : 8 mois; survie à 1 an 42%
• 2002 Gemcitabine, carboplatine, et paclitaxel
R: 25% MS : 9 mois, survie à 1 an 42%.
Historique des traitements
Références
-Moertel CG, et coll. Cancer 1972;30:1469-1472
-Woods RL, et coll. N Engl J Med 1980;303:87-89
-Hainsworth JD, et coll J Clin Oncol 1992;10:912-922
-Hainsworth JD Semin Oncol. 1992;19(2 Suppl 5):54-7
-Greco FA Ann Oncol. 2000;11(2):211-5.
-Hainsworth JD J Clin Oncol. 1997;15(6):2385-93.
-Greco FA et coll. Cancer. 2000;89(12):2655-60.
-Greco FA et coll. J Clin Oncol. 2002;20(6):1651-6.
-Greco FA et coll. Cancer J. 2001;7(3):203-12.
-Pavlidis N et coll..Eur J Cancer. 2003;39(14):1990-2005.
-Hainsworth JD et coll, Cancer. 2005;104(9):1992-7.
Revues
Massard C, Loriot Y, and Fizazi K.
Carcinomas of an unknown primary origin-diagnosis and treatment.
Nat Rev Clin Oncol 2011 Nov 1;8(12):701-10.
Pavlidis N, Pentheroudakis G.
Cancer of unknown primary site.
Lancet 2012 Apr 14; 379 (9824): 1428-1435.
III- Deux démarches cliniques…
1ère Philosophie
• Une recherche exhaustive de la tumeur
primitive n’est pas recommandée,
• les examens complémentaires onéreux et/ou
invasifs ne sont pas préconisés en l’absence
de point d’appel.
• ELIMINER LES CANCERS TRES SENSIBLES A
UN TRAITEMENT CONNU.
• puis, à défaut, traitement empirique à large
spectre.
1ère Philosophie
• ELIMINER LES CANCERS TRES SENSIBLES A UN
TRAITEMENT CONNU.
• Tumeurs germinales, lymphomes: chimiothérapie.
• Cancers de l’ovaire et du sein: chimiothérapie.
• Cancers de la prostate : castration.
2e Philosophie
La PRESENTATION CLINIQUE,
est un bon guide,
car elle révèle l’HISTOIRE NATURELLE et les
VOIES DE DISSEMINATION empruntées.
Les recommandations actuelles
sont une synthèse (pauvre) des deux…
• Il faut reconnaître des PRESENTATIONS
CLINIQUES STEREOTYPEES,
• Évocatrices de certains cancers,
• Et qui partagent une histoire naturelle et la
réponse à un traitement donné.
Bénéfice de la chimiothérapie
• Tableaux cliniques « unfit »
• et bon état général (PS 0-1)
Bénéfice du cisplatine
• Carcinomes peu différenciés.
• Carcinomes neuro-endocrines peu différenciés.
• Adénopathies médiastinales ou
rétropéritonéales de l’homme jeune.
• Carcinose péritonéale d’un adénocarcinome
papillaire séreux de la femme.
Présentations bénéficiant
d’un traitement loco-régional
• Métastases ganglionnaires axillaires isolées
d’un adénocarcinome.
• Métastases ganglionnaires cervicales d’un
carcinome épidermoide.
• Tout site métastatique unique.
III Recommandations de l’ESMO
Fizazi K, Greco FA, Pavlidis N,et al.
ESMO Guidelines Working Group.
Cancers of unknown primary site: ESMO Clinical Practice
Guidelines for diagnosis, treatment and follow-up.
Ann Oncol 2011 Sep;22 Suppl 6:vi64-8.
Subdivisions des CPI
selon l’histologie
1-Adénocarcinomes bien et moyennement
différenciés
2-Carcinomes peu différenciés
3-Carcinomes épidermoides
4-Carcinomes indifférenciés
5-Carcinomes avec différenciation neuroendocrine
Recherches
immunohistochimiques
• pour les formes peu différenciées.
• IHC systématique pour éliminer des formes
tumorales chimiosensibles et potentiellement
curables (lymphomes, tumeurs germinales).
• Adénocarcinomes: IHC pour le PSA chez
l’homme, pour les récepteurs aux estrogènes
chez la femme.
Quel bilan minimum ?
(recommandations ESMO)
• Examen clinique comportant :
– Examen ORL
– Toucher rectal (rectum; prostate)
– Toucher vaginal (annexe, utérus)
– Palpation des seins
Quel bilan minimum ?
• Hématologie et biochimie standard.
• Analyse d’urines, recherche de sang dans
les selles.
• Scanner thoraco-abdomino-pelvien.
• Mammographie chez la femme
(adénocarcinome).
• PET-scanner au 18FDG (adénopathies
cervicales, métastase unique).
Autres investigations ?
• Les endoscopies et les autres investigations
sont GUIDEES PAR DES POINTS D’APPEL
(signe physique ou symptôme).
• Le dosage des marqueurs tumoraux aFP,
bHCG, et PSA est conseillé chez l’homme en
raison des retombées thérapeutiques.
Traitement proposé
selon la présentation clinique
1-Carcinome peu différencié, atteinte
principalement ganglionnaire: chimiothérapie
comportant du platine.
2-Carcinose péritonéale de la femme: traitement
comme un cancer de l’ovaire stade III,
chimiothérapie comportant du platine.
3-Ganglions axillaires isolés chez la femme:
traitement comme un cancer du sein.
Traitement proposé
selon la présentation clinique
4-métastases ganglionnaires cervicales d’un
carcinome épidermoide: irradiation des N1-N2.
Chimiothérapie comportant du cisplatine si
forme plus avancée.
5-métastases hépatiques ou osseuses ou
multisites d’un adénocarcinome:
chimiothérapie peu toxique à orientation
palliative ou soins de soutien.
Evaluation du traitement
• Évaluation de la réponse thérapeutique après
au moins deux ou trois cycles de
chimiothérapie.
Surveillance
• Aucune surveillance n’est nécessaire chez les
patients asymptomatiques.
• Examens paracliniques selon signe d’appel.
IV Voies de recherche actuelles
et Perspectives
Que penser des résultats thérapeutiques ?
• Les essais dans les CPI montrent des résultats
peu probants.
• La recherche clinique a principalement été
thérapeutique et a consisté à tester un
protocole de traitement UNIQUE appliqué
aveuglément à des situations HETEROGENES.
« Faut-il persévérer à vouloir ouvrir
20 serrures avec la même clé ? »
Trois Stratégies pour Progresser
1-L’analyse du tissu/cellules métastatiques.
2-L’amélioration des techniques de recherche de la
tumeur primitive.
3-L’amélioration de la démarche anatomo-clinique.
1-L’analyse du tissu /cellules métastatiques
-Optimiser l’analyse histochimique
CK 5/6, CK 7, CK 20, CA 125, TTF-1, et cdx 2: 85%
de diagnostics corrects.
Pomjanski N et coll. Immunocytochemical identification of carcinomas of
unknown primary in serous effusions. Diagn Cytopathol. 2005;33(5):30915.
-Analyse génétique
Exemple des pertes d’hétérozygoties.
Feltmate CM, et coll. Whole-genome allelotyping identified distinct loss-ofheterozygosity patterns in mucinous ovarian and appendiceal
carcinomas.
Clin Cancer Res. 2005;11(21):7651-7.
•
Chiang WM, et coll. Cancer of unknown primary: from immunohistochemistry to
gene expression profiling. J Clin Oncol 0ct 2012 10;30(29):e300-2.
Profils biologiques
CUP versus primitif connu
-Analyse de différences de profils de microARN entre
CUP et cancer primitif connu correspondant :
Absence de différence significative.
Pentheroudakis G. et al.2012 Nov 4. Clin Exp Metastasis.
2-L’amélioration des techniques de
recherche de la tumeur primitive
Améliorer la sensibilité des examens d’imagerie.
• TDM > radiographie du thorax (T pulmonaire <2 cm )+++
• TEP-scanner désormais intégré dans la stratégie
diagnostique.
Nanni C et coll. Eur J Nucl Med Mol Imaging. 2005;32(5):589-92.
3-Démarche CLINIQUE diagnostique
• Toutes les recommandations mentionnent la place
essentielle de l’examen clinique.
• Et détaillent plus ou moins l’EXAMEN PHYSIQUE.
• Mais le plus important, dans l’examen clinique, est
l’INTERROGATOIRE.
• Il n’est pas guidé par des recommandations. Sa
rentabilité est « médecin-dépendant »
L’Interrogatoire
– SUR L’ANAMNESE: chronologie et cinétique des
évènements.
– SUR LE SYNDROME TUMORAL: premiers signes
fonctionnels locaux.
– SUR LES SYNDROMES ASSOCIES: inflammation,
cachexie, maladie veineuse thrombo-embolique.
L’Anamnèse
chronologie et cinétique des évènements
• Carcinose péritonéale de la femme; cancer de
l’ovaire (péritonéal primitif) ou gastro-intestinal ?
Évolution rapide, ascite, état général conservé, Hb
normale.
/ Asthénie pendant 3 mois, anémie, amaigrissement,
précédant l’ascite. Hb très basse.
Le Syndrome Tumoral:
premiers signes fonctionnels locaux
• « Une douleur épigastrique associée à une
phlébite du membre supérieur est un cancer
de l’estomac » (TROUSSEAU)
Les syndromes associés
• Cachexie: cancers du poumon et excrétopancréatiques.
• Hippocratisme digital, SI ADH,…
L’imagerie offre deux éléments clés
– La DISTRIBUTION ANATOMIQUE des
métastases.
– L’identification du premier ORGANE FILTRE.
la Démarche Anatomo-Clinique
• La dissémination métastatique n’est pas aléatoire,
elle obéit à des règles:
– Anatomiques.
– Biologiques (moins connues !).
L’Analyse des Sites Métastatiques
• Une métastase unique du segment dorsal du
rachis, une métastase de la surrénale:
orientent vers le poumon.
• Foie >> autres sites: oriente vers les tumeurs
gastro-intestinales, SCLC, sein.
• Cerveau: oriente vers poumon>sein.
• Poumon >> autres sites:
– voie cave, membres, OGE, pelvis, ORL
L’Histoire Naturelle
• Il est essentiel de connaître l’HISTOIRE
NATURELLE des maladies malignes: phases
métastatiques primaire, secondaire, tertiaire.
• Ex:atteinte révélatrice du squelette, isolée
– Oui: poumon, prostate, sein, vessie...
– Non: ovaire (carcinose péritonéale OU ganglions
rétropéritonéaux).
– Non: côlon (événement très tardif APRES l’atteinte
hépatique et/ou pulmonaire, plus fréquent chez les kras mutés mais exceptionnellement seules) => Pas de
coloscopie devant des métastases osseuses isolées !
L’analyse clinique du syndrome tumoral a
plus de valeur que l’immunohistochimie !
• Vous ne pouvez pas être trahis pas l’anatomie !
• Vous pouvez être trahis par l’immunohistochimie !
• Rester critique et en cas de discordance…privilégier la
clinique.
• Ex: métastases osseuses et surrénaliennes d’un
adénocarcinome peu différencié et TTF1 négatif.
Distinguer…
• Les carcinomes de primitif INCONNU: « je ne sais
pas quelle est l’origine ».
• Les carcinomes primitifs NON RETROUVES: « je
me doute du primitif mais il n’est pas
visible » (mais pourra émerger secondairement si
le patient survit).
• C’est laisser un immense champ entre une
démarche minimaliste et une démarche clinique.
Illustration clinique
cas réel
• Femme non fumeuse, douleur dorsale. TDM:
métastase osseuse lytique de D10, volumineuse
surrénale droite.
• Biopsie osseuse: métastase osseuse d’un
adénocarcinome, IHC négative.
• Discussion: CPI ou cancer du poumon non détecté ?
Illustration clinique
cas réel
• Traitement: chimiothérapie platine-gemcitabine. Réponse
tumorale pendant 6 mois, puis progression tumorale.
• 2e ligne: ?
– si CPI: pas de guide.
– Si poumon: immunothérapie; si mutation EGF-R anti-EGFR...
• Ranger une présentation clinique en CPI ou faire une
hypothèse diagnostique est plus qu’une querelle
sémantique.
• Elle a des conséquences THERAPEUTIQUES.
Adénocarcinome ?
• Rénal: anti-R-VEGF, immunothérapie
• Colorectal: chimiothérapie, cetuximab,
bevacizumab
• Sein: taxanes, anthracylines
• ….
• De plus en plus de traitements actifs, par
cancer, rendent de plus en plus nuisible, le
même traitement pour tous.
L’apport de l’épidémiologie
• A total of 9,306 CUP patients with extranodal metastases of
adenocarcinoma and undifferentiated histology were identified from
the Swedish Cancer Registry
• …facilitate the management of CUP in proposing that the diagnostic
arsenal should target the lungs when metastases are diagnosed in the
respiratory or nervous system, bone or skin; ovarian tumors should be
suspected after diagnosis of pelvical metastases.
Hemminki K, et al. Site-specific survival rates for cancer of unknown
primary according to location of metastases.
Int J Cancer. 2012 Dec 12; Int J Cancer 2013 Feb 15;132(4):944-50.
Pas de primitif retrouvé
mais suspecté ou primitif retrouvé : même survie
Conclusion
Primitif inconnu ?
• La meilleure façon de ne pas connaître
• est…
• de ne pas chercher à savoir !
Primitif inconnu ?
• Devant une suspicion de CPI,Il faut :
• Refaire l’examen clinique, Relire l’imagerie, analyse de
la métastase (IHC-moléculaire).
• Et surtout, Re-interroger, RE-INTERROGER, reinterroger…..Demander l’avis d’un sénior, d’un collègue,
reprendre l’interrogatoire….
• Et finalement, faire une HYPOTHESE DIAGNOSTIQUE
pour guider la réflexion thérapeutique.
Le CPI est une école de la modestie
mais ne doit pas être une excuse à la paresse !
Le CPI illustre qu’en médecine…
Lorsque le diagnostic fait défaut,
Le traitement fait défaut aussi.
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