Fiche à détacher
II | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 10 - décembre 2011
Repères biologiques n° 4
Une nouvelle cible :
ALK dans les cancers du poumon...
La protéine ALK est un récepteur à activité tyrosine kinase
initialement identifié dans les lymphomes anaplasiques dans
les années1990. En2007, une équipe japonaise a identifié
pour la première fois une fusion des gènes ALK avec EML4
(Echinoderm Microtubule-associated protein-Like4)
dans
les CBNPC. Cette anomalie est due à une translocation au
niveau du chromosome2p
(2)
. Différents variants sont décrits.
La protéine de fusion “chimétique” EML4-ALK possède des
propriétés oncogéniques dans des modèles in vivo et in vitro
,
avec une activation constitutionnelle de la voie de signalisation
ALK passant par la voie des MAPK
(Mitogen-Activated Protein
Kinase)
et PI3K (phosphoinositide 3-kinase)/AKT, aboutissant à
un bénéfice en termes de survie et de prolifération. L’inhibition
de l’activité kinase ALK par des inhibiteurs pharmacologiques
entraîne l’apoptose des cellules tumorales EML4-ALK positives,
et une diminution des tumeurs dans des modèles murins.
Ces réarrangements génomiques du gène ALK sont détectés
chez3à7 % des patients porteurs d’un CBNPC. Comme pour les
mutations EGFR, les réarrangements ALK sont plus fréquemment
retrouvés chez les patients ayant un adéno carcinome et chez les
sujets non ou peu fumeurs. De plus, il semble, dans les premières
études, que les réarrangements ALK soient un phénomène spéci-
fique des mutations EGFR ou KRAS.
... mais aussi dans d’autres pathologies
Les réarrangements ALK sont aussi présents dans une pathologie
tumorale mésenchymateuse rare, les tumeurs myofibroblastiques
inflammatoires, qui concernent le plus souvent des patients
jeunes. Ces tumeurs sont essentiellement de présentation pulmo-
naire ou ganglionnaire. La biopsie montre des cellules myofibro-
blastiques avec une réaction stromale importante. Le traitement
de choix est chirurgical, sachant que ces tumeurs possèdent un
faible potentiel métastatique. Dans plus de la moitié des cas,
il est montré des altérations d’ALK et des réponses tumorales
sont observées avec le crizotinib.
Un nouveau traitement
(figure1)
Étant donné que l’activité kinase est importante dans le
processus de carcinogenèse, il était logique de tester des ITK
ciblant la voie de signalisation ALK. Cependant, le crizotinib
a été initialement développé comme un inhibiteur de MET.
Ila démontré, dès la phaseI, une activité clinique majeure et
très impressionnante chez des patients porteurs d’un CBNPC
qui présentaient un remaniement ALK. Après avoir étudié plus
de 1 500patients porteurs d’un CBNPC, E.L.Kwak etal. ont
inclus 82patients transloqués ALK dans cette étude d’extension
de phaseI, testant le crizotinib en monothérapie chez des
sujets déjà polytraités (41 % avec au moins 3lignes de traite-
ments). Les résultats sont impressionnants, avec un taux de
réponse partielle de 57 % (47patients sur82 avaient une
réponse partielle et une réponse complète), un taux de survie
sans progression à 6mois de 72 % et une durée moyenne
du traitement de 6,4mois (données encore non matures).
Le crizotinib a peu d’effets secondaires (principalement des
toxicités digestives et des troubles visuels). Cette étude a été
une étape majeure dans le développement de ce médicament,
mais aussi en général en oncologie thoracique
(3)
. Il est donc
apparu très vite que cette activité antitumorale était restreinte
aux patients ayant un CBNPC avec un réarrangement ALK,
et qu’il était donc indispensable de mettre en place un
diagnostic moléculaire enparallèle de cette étude pour
Tableau II. Altérations moléculaires, cancer du poumon
et opportunité thérapeutique.
Molécules Fréquence (%)
Mutation de l’EGFR Erlotinib, géfitinib
Nouveaux pan-HER
10
Translocation d’EML4-ALK Crizotinib 3 à 5
Altération de HER2 Trastuzumab (mutation),
PF-299804 (amplification)
2
2
Mutation de PI3K GDC-0941, XL147
XL765, PX-866
BEZ235, BKM120
2 à 33
Amplification/mutation
deMET
XL184, ARQ 197, MetMAb 5
Mutation de RAS et RAF Sorafénib, GSK1120212
AS703026, AZD6244
3 à 30
Amplification de FGFR1 BJG398, AZD4547, TKI258 10 à 20
Tableau I. Altérations moléculaires et cancer du poumon.
Épidermoïde Adénocarcinome
Mutation de KRAS (%) 5 10 à 30
Mutation de BRAF (%) 3 2
EGFR (%)
Mutation de tyrosine kinase
Amplification
Mutation variant III
2 à 5
30
5
10 à 40
15
Rare
HER2 (%)
Mutation de tyrosine kinase
Amplification
Rare
2
2 à 4
6
Fusion d’ALK (%) Rare 4 à 7
MET (%)
Mutation
Amplification
5
< 10
5
< 10
Amplification de FGFR1 (%) 20 1
Mutation de LKB1 (%) 10 à 20 30 à 40
PIK3CA (%)
Mutation
Amplification
2
33
2
6
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